22 juin 2006

07 juin 2006

Les Mauvaises gens



En commémorant la victoire du front populaire en 1936, et les avantages sociaux obtenus dans la foulée (la semaine de 40 heures, la représentation syndicale, les premiers congés payés ...) on ne peut s'empêcher de penser aux efforts et aux sacrifices consentis par ceux qui se sont engagés dans cette bataille et celles qui ont suivi. C'est pourquoi le livre d'Etienne Davodeau, intitulé Les Mauvaises gens et sous-titré Une histoire de militants me paraît si intéressant.
Il raconte l'histoire d'un couple de militants dans les Mauges, une région rurale, catholique et ouvrière aux confins de l'Anjou et de la Vendée. Au travail dès l'âge de 14 ans, engagés d'abord à la J.O.C. (jeunesse ouvrière chrétienne), puis à la CFDT, les parents du narrateur n'ont jamais cessé de militer. A traves cette bande dessinée, Etienne Davodeau retrace l'itinéraire de ses parents depuis l'immédiate après-guerre jusqu'à l'arrivée au pouvoir des socialistes en 1981. L'histoire de ses parents donc mais aussi l'histoire de la France pendant les années que l'on qualifie maintenant de 30 glorieuses et qui ne l'ont peut-être été que parce que des gens comme Maurice et Marie-jo n'ont jamais cessé de croire qu'ils pouvaient agir non seulement poiur améliorer leur propre vie mais aussi celle des autres. La façon de procéder, rappelle un peu celle d'Art Spiegelman dans Maus. Un peu seulement : pas de grande tragédie, pas de transformation animalière mais la recherche d'un ton pour dire la vie de ces "petites" gens, entre témoignage objectif, regard critique, questionnement affecteux. Une neutralité bienveillante ? En tout cas le récit est à la fois instructif et attachant.
Et si le sujet vous intéresse, vous pouvez enchaîner avec Les derniers jours de la classe ouvrière d'Aurélie Filippetti!

ETIENNE DAVODEAU, Les Mauvaises gens, Delcourt, 2005
AURÉLIE FILIPPETTI, Les Derniers jours de la classe ouvrière, Livre de poche, 2003

01 juin 2006

Les sourires du Sage

Depuis que je l'ai découvert, je reviens souvent aux Sourires du Sage de Wang Meng. Un peu comme je reviens toujours au livre de Jean-Paul Dubois, Parfois je ris tout seul. Ces deux livres ont en commun de pouvoir se lire par petites bribes, au hasard des pages. Sous titré "Brèves d'écritoire" le livre de l'écrivain chinois met en scène Lao Wang, un personnage mi-naïf, mi-roublard qui pose sur la vie un regard souriant certes, mais très incisif. Chaque récit se constitue autour d'un micro événement, souvent drôle : au lecteur de tirer lui-même la leçon. Un La Fontaine chinois ? mais en beaucoup plus subtil!

Un exemple ?

"C'est bien la pire peine..." se répétait Lao Wang

Il arrivait que Lao Wang se sente mal dans sa peau... Prenait-il un livre ? Au bout d'une page, il lui tombait des mains. A table, il avalait plus qu'il ne mangeait, ne trouvant aux mets nulle saveur. S'il allumait la télévision, c'était pour zapper quinze fois par minute, trouvant à chaque programme aussi peu d'intérêt : il maudissait studios, plateaux, canaux, à quoi bon un tel bouquet si
toutes les émissions sont nulles? Une seule chaîne ferait aussi bien l'affaire! Il se risquait à chanter un air d'opéra, mais détonnait dès la première mesure. En désespoir de cause et de moral, il allait jusqu'à regarder des vidéos pronographiques! Mais, quels qu'ils fussent, les films X le laissaient froid.
"C'est bien la pire peine, se disait alors Lao Wang, de ne savoir pourquoi j'ai tant de vague à l'âme. "


WANG MENG, Les Sourires du Sage, Bleu de Chine, 2003 (p.43)

En outre, chaque récit est accompagné d'un dessin de Xie Chunyan ou Kang Xiaoyu : double régal!