02 mars 2007

Minorités ethniques

Difficile de faire l'impasse sur les minorités ethniques ! Vraiment difficile, d'autant que les "rencontres avec les minorités ethniques" sont devenues un "must", du moins dans les catalogues des voyagistes : pas de voyage en Chine, au Vietnam au Cambodge ou au Laos sans ses minorités ethniques. Nous n'y avons donc pas échappé. Mais on ne m'y reprendra plus !

Mettons les choses au clair. S'il existe des minorités ethniques, il existe forcément une majorité, ethnique elle aussi . Dans ce cas, pourquoi se précipiter vers les minorités alors que l'on ignore tout ou presque de la majorité. Ainsi en Chine, selon le dernier recensement (1995), la populations des minorités ethniques atteindrait 108,4 millions, ce qui laisse, grosso modo, 1 milliard 191,6 millions de Hans, l'ethnie majoritaire à découvrir. Mais les Hans ont mauvaise presse alors que les Yaos, Miaos etc...

Laissons les chiffres et l'argument quantitatif qui ne vaut pas tripette. De toute façon au Laos où 130 ethnies et sous ethnies sont répertoriées, il devient difficile de parler de majorité même si les Taï représentent "la famille la plus importante avec 60% de la population et 25 ethnies." Les Lao, l'ethnie majoritaire de cette famille totalisant 35% , voyons voir : 35% de 60% ... ça fait quoi ça déjà ? En tout cas cela ne me paraît plus très majoritaire...

Plus sérieusement je cherche à comprendre cette fascination pour les ethnies minoritaires .... Je conçois tout à fait qu'un anthropologue, un ethnologue, un sociologue étudie avec passion l'habitat, l'économie, la langue, la culture, les rites et les coutumes d'une population donnée. Je n'ai pas lu mon Lévi - Strauss pour rien !
Je conçois également qu'un philosophe, un historien ou un politologue s'intéresse de près à la façon dont les minorités ont été et sont encore traitées par la majorité.
Le voyage et les rencontres avec les minorités ethniques arrivent alors en complément d'une étude préliminaire faite en bibliothèque et pour tirer profit de ces rencontres, le voyageur passera des semaines voire des mois en compagnie de l'ethnie, sujet de son étude. Soit !

Mais le voyageur lambda, vous et moi ?
Le voici véhiculé jusqu'au coeur d'un village (et qu'il y parvienne au terme d'une longue marche ne change pas grand chose à la scène). Bardé d'appareils en tous genres, photographiques de préférence, il déambule à petits pas, l'air pénétré, un sourire condescendant sur les lèvres : enfants, cochons, cailloux, balais, tout est prétexte à photo. Trois petits tours, le temps de s'extasier sur l'ingéniosité des techniques ancestrales, mais rudimentaires, dont l'efficacité ne tient qu'à l'habilité manuelle de ceux qui les utilisent... le voilà déjà reparti.
Je caricature ? A peine !

Que reste-t-il de ces rencontres ? Un sentiment de malaise, qui ne fait que s'accroître au fil des visites jusqu'à la nausée. Pauvreté, misère, indigence. Saleté, crasse. Qu'on ne vienne pas me dire qu'un sourire efface tout, qu'un bonbon tendu est un bonheur partagé etc...
La distance est trop grande : nous possèdons tout, surtout l'inutile; ils ne possèdent rien, même pas l'indispensable. D'ailleurs ils n'attendent rien de nous. Je n'ai lu dans les regards tournés vers moi qu'indifférence. Pas même un peu de curiosité. Sauf chez les enfants bien entendu.

"Une seule plongée dans un petit village isolé de la région de Luang Namtha ou encore de la province de Phongsaly convaincra le plus frileux des globe-trotters de la richesse de pareil patrimoine. Au Laos, au coeur de la forêt, c'est un peu de notre humanité perdue qui survit, tant bien que mal, à l'avancée du modernisme. Fascinant. Le visage vrai d'un autre temps. " Avec postposition de l'adjectif pour insister sur la véracité de le la scène ?

Ah, non, je ne gobe plus ce genre de discours. Nostalgie des temps archaïques où l'on était heureux bien que ne possédant rien ? Non : je suis, sur ce point, Voltairienne et pas Rousseauiste et je sais trop ce que je dois à la médecine pour ne pas m'inquiéter des conditions sanitaires de ces populations.
Dois-je pour autant m'enorgueillir d'être née du côté de la "civilisation " et n'éprouver à l'égard des minorités ethniques que pitié et commisération ? Pas de bien jolis sentiments !
M'indigner ? me révolter ? M'exaspérer de mon impuissance à changer quoi que ce soit à la face du monde ?
Non, décidément non. Trop l'impression d'être venue au zoo. Car même accompagnée d'un guide - il parle laotien et parfois français ou anglais, japonais ou russe mais jamais la langue des Akha, des Hmongs, des Khamus, des Phu Noi, des ... jamais donc je n'ai pu échanger le moindre mot avec quiconque. Alors à quoi bon ? J'ai pris des photos comme tout le monde... et j'essaye de digérer ma honte.

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