24 janvier 2008

Films noirs

On dit de certains films qu'ils sont noirs parce qu'ils sont construits autour d'une énigme policière et qu'ils sont violents. Mais les films ne sont pas noirs, c'est le monde qui l'est.
Je viens en effet de voir trois films d'une noirceur absolue, chacun étant pire que l'autre.

It's a free world de Ken Loach met en scène une jeune femme volontaire, énergique, pleine de ressources qui, après quelques expériences désastreuses, essaye par tous les moyens de gagner sa vie pour ne plus être victime, pour ne plus dépendre ni d'employeurs malhonnêtes, ni de services sociaux de toute façon défaillants, ni même de ses parents. Oui mais voilà, dans le monde de Ken Loach, pour qui refuse d'être exploité, il n'y a pas d'autre choix que d'exploiter les autres, les sans travail, les clandestins, les miséreux. Sans vergogne et sans pitié.
Noir le monde de Ken Loach dans It's a free world.

Noir aussi le monde de Lenny Abrahamson dans Garage.
Il faut imaginer d'abord une station service délabrée et le plus souvent déserte à la périphérie d'une petite ville perdue au fin fond de l'Irlande. Celui qui tient ce garage, c'est Josie, un brave type pas très malin, mais pas méchant pour un sou, content de son sort pourtant bien peu enviable. Pauvreté matérielle, pauvreté intellectuelle, pauvreté affective... le film ne porte pas à l'optimisme et tourne à la tragédie lorsque l'existence de Josie dérape, pour une bière offerte à un gamin, pour quelques images porno sur un écran de télévision. Comme dans les tragédies grecques, la fin est inéluctable.
Le monde de Lenny Abrahamson dans Garage est un monde désespéré.

Désespéré aussi le monde de Jeff Nichols dans Shotgun stories.
Soit une petite ville du fin fond de l'Arkansas, une de ces villes comme il n'en existe qu'en Amérique, où Main street croise First street et puis c'est tout. Pauvreté matérielle, pauvreté intellectuelle, pauvreté affective. Dans cette ville, trois frères, abandonnés il y a longtemps par leur père qui depuis s'est amendé et a fondé une autre famille. Les trois frères élevés par la mère dans la haine du père et de leurs demi-frères sont désormais adultes, mais gardent au coeur une rancune qui sous un prétexte ou un autre ne demande qu'à éclater. Le piège est tendu et ils s'y précipitent. Nul jamais n'a arrêté une tragédie en marche.
Le monde de Jeff Nichols dans Shotgun stories est un monde tragique.

Noir, désespéré, tragique.
Trois cinéastes, trois histoires d'aujourd'hui, dans des lieux différents, avec des personnages différents.
Le même univers, noir, désespéré, tragique.
Pourtant il faut aller vois ces films, qui mettent le doigt là où ça fait mal, très mal. Qui disent les dysfonctionnements de nos sociétés, le trouble de nos âmes.
Ces films sont excellents : scénarios bien conçus, acteurs irréprochables, mises en scène remarquables, en parfait accord avec l'univers décrit; le ton est d'une justesse, d'une véracité terrifiante. Ce qu'ils disent ne nous plaît guère , c'est vrai mais c'est pour cela qu'il faut aller les voir.
Il faut aller voir It's a free worl, Garage et Shotgun stories.
Il faut aller voir ces films quitte à s'en décrocher le coeur.

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