31 mai 2009

Extravagances madrilènes

Chaque ville a ses extravagances architecturales.
Madrid comme les autres.

Mais il est vrai que pour en profiter, il vaut mieux marcher le nez en l'air.

Cela permet de noter au coin d'une rue l'étrange tourelle, façon "captain's widow" qui domine un immeuble pourtant assez classique.

Ou d'apercevoir, dominant fièrement je ne sais quel bâtiment public, le char victorieux d'un valeureux guerrier. Les chevaux ont déjà les jambes dans le vide... poursuivront-ils leur course ?




La place Sant'Anna est un haut lieu de la nuit madrilène.
De jour, l'hôtel Reina Victoria fait figure de grosse pâtisserie



Mais de nuit ....
C'est une tout autre histoire !



S'agit-il bien de la même planète ?

C'est à se demander ...



30 mai 2009

Caïxa Forum

Parmi les endroits que je tenais absolument à voir à Madrid, il y avait la Caïxa Forum, une ancienne centrale électrique transformée en centre culturel par les architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron, ceux-là mêmes qui ont conçu le stade olympique de Pékin !

Le résultat est étonnant.
A l'extérieur, le métal rouillé finement dentelé reprend la couleur des briques de l'ancien bâtiment. L'ensemble pourrait paraître un peu mastoc s'il n'était complété par le mur végétal de Patrick Blanc, placé perpendiculairement par rapport au bâtiment.

A l'intérieur, la façade dentelée prend des allures de moucharabieh : ombre et lumière, voir sans être vu ... et pourquoi pas, une vague allusion au passé arabo-musulman de l'Espagne ?

















Mais ce qui m'a le plus séduite dans cet édifice, ce sont, finalement, les escaliers !


Qu'il s'agisse de la grande spirale blanche et de ses jeux de lumière...


Ou qu'il s'agisse de l'escalier du grand hall d'entrée tout en métal !




Bien qu'en bonne ménagère, je me soucie un peu de son entretien !

Accessoirement, il y avait à la Caïxa Forum, une exposition sur Vlamink.

29 mai 2009

Jean Nouvel et la Reine Sofia

Depuis peu, le musée Reine Sofia a pratiquement doublé sa surface grâce à l'extension réalisée par Jean Nouvel : trois bâtiments de métal et de verre autour d'une grande cour.
Du rouge, du gris et des jeux de lumière particulièrement travaillés : la gigantesque voûte qui relie les trois bâtiments est percée de huit grands rectangles; selon le jour, l'heure, la météo, la lumière qui tombe en pluie est plus ou moins vive, plus ou moins intense.

Lorsque nous y sommes passés, c'était la fin de l'après-midi, le ciel était couvert... La lumière était tamisée et permettait tout juste d'éclairer la sculpture monumentale de Roy Lichtenstien, placée juste en dessous. (Non, on ne la voit pas sur la photo, mais ce n'est pas bien difficile de la trouver ailleurs.)
En tout cas, si vous voulez voir ce que cela donne, un jour de grand ciel bleu, voici !

La photo est de Tomas Fano et vous la trouverez ici !

Parmi les bâtiments qui donnent sur la cour il y a le lieu que je préfère entre tous : une bibliothèque !


- Comment ça ? ça ne ressemble pas à une bibliothèque ? Mais si, bien sûr ! Des rangées et des rangées de livres sur des étagères en contrebas d'une rue passante, source de lumière et au premier plan les longues tables de lecture.
- Plutôt un tableau abstrait ?
- Non, je ne vois pas... A moins que ....

Comme ça peut-être....

Ou comme cela ...

Non, plutôt comme ça !

28 mai 2009

Juan Munoz

Juan Muñoz est madrilène mais c'est à Washington que je l'ai rencontré pour la première fois. Enfin... pas lui personnellement, mais quelques uns de ses "culbutos" en grande conversation sur la pelouse du Musée Hirshhorn. Ils étaient trois. Un quatrième, un peu plus loin, semblait vouloir les rejoindre d'un bond.



Quelques années plus tard j'ai vu d'autres oeuvres de Muñoz au Musée de Grenoble.
Il y avait des dessins, des oeuvres sur papier et puis d'autres personnages, étranges, surprenants : Trois masques assis au mur, eux aussi en grande conversation, Une Figure avec miroir, mais si penché que lui seul parvient à voir son visage, Un Ventriloque (?) regardant un intérieur double.
Et puis la dernières salle où m'attendaient une foule innombrable de chinois hilares ! Tous semblables et pourtant tous différents, un peu comme les guerriers de Xian ! Longuement je me suis promenée parmi eux, ravie et... hilare moi aussi.

Ces chinois qui m'avaient tant plus, je les ai retrouvés à Madrid au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia.

Juan Muñoz, Many Times, 1999. Polyester and resin, Dimensions variable Private Collection.
Photo by Jean Luc Lacroix © The Estate of Juan Muñoz, Bilbao 2008

Pourquoi me plaisent-ils tant ? Je ne sais trop.
Ils rient. Ils rient franchement comme s'ils se moquaient de nous, ou d'eux mêmes.
Ils semblent s'amuser, trouver la vie très drôle. Le rire, dit-on, est contagieux alors forcément, je me mets à sourire, moi aussi, l'air un peu crétin. Mais ça m'est bien égal parce que ces bonshommes de résine et polyester ont des postures si réalistes, si naturelles qu'ils me donnent l'impression de pouvoir, d'un instant à l'autre, se mettre à bouger : ils vont se déplacer et j'entendrai leur rire.

Mais ils n'ont pas de pied.
Immobiles à jamais, ils rient d'un rire figé. Comme si soudain tout s'était arrêté.
Silhouettes foudroyées, solidifiées par une éruption volcanique (comme à Pompéï ?), par une catastrophe nucléaire ?
Malaise.

Ne plus bouger. S'adosser au mur et regarder... les visiteurs qui entrent dans la salle :
- la bouche s'ouvre, le regard s'illumine ? un optimiste qui ne voit que les visages rieurs.
- le front se plisse, les lèvres se pincent, le regard s'affole, cherche à fuir ? un angoissé. Vivre est une maladie mortelle . Et incurable !

Devant Many times, puisque tel est le titre de l'oeuvre, chacun réagit à sa façon. J'ai même vu une femme qui très sérieusement, les comptait, le doigt pointé vers chacun d'eux. J'aurais dû lui demander combien il y en avait.
Mais le pire, devant les figures de Juan Muñoz serait de rester indifférent.

Vous voulez qu'on essaye ? Allons voir les "culbutos" sur la terrasse du musée.
En voici un qui s'avance vers vous...


et vous tend le bras : "Tu veux jouer avec nous ? "


Allez ! Viens avec nous.... On t'attend !


Nan ! J'ai pas envie...


Et bien tant pis ! On jouera sans lui !

27 mai 2009

Flamenco

Madrid décidément permet toutes les découvertes !
Et comme l'occasion m'était donnée de voir un spectacle de flamenco, j'ai suivi mes amis à la Casa Patas, de bonne réputation.

Du flamenco je ne savais rien ou bien peu de choses, quelques clichés tout au plus : guitares, robes à volants, taille cambrée, castagnettes....
Pas de castagnettes ! Une guitare et ... un violon ! Des voix rauques, guturales, violentes : une femme, deux hommes. Le chant, les mains qui claquent, et lorsqu' apparaît Concha Jareno ....

Je ne sais toujours rien du flamenco, mais me voici déjà conquise. Car la danse de Concha Jareno est toute en sensibilité : son corps, son visage expriment successivement et parfois simultanément la séduction, la provocation, la colère, la tristesse, la jalousie, la souffrance....
Rien d'improvisé dans cette danse, on devine derrière les mouvements de Concha Jareno un long apprentissage, une gestuelle sans doute codée, mais je reste fascinée pas sa capacité à exprimer d'un geste du poignet, d'une torsion du buste, d'un fouetté de jambe, toutes les émotions, les plus douces comme les plus violentes. La danse de Concha Jarenon n'a rien à envier aux chorégraphes contemporains, mais du flamenco elle a gardé le côté passionnel et cela fait toute la différence.

Foto: M.Avilés
Je n'ai pour illustrer ce billet qu'une photo empruntée et qui ne rend compte ni de sa beauté pulpeuse, ni de ses capacités chorégraphiques puisqu'elle est statique, mais vous trouverez ici la video de la pièce qu'elle a présenté au concours de flamenco de Cordoue, et , une longue interview accordée à flamenco-world.

26 mai 2009

"Cachez ce sein que je ne saurais voir ...."

Une exposition réussie est celle qui change votre regard, qui vous fait voir autrement. C'est le cas de l'exposition La sombra dont j'ai parlé hier.

Car à force de regarder des ombres peintes ou photographiées, j'ai fini par en voir partout. Même sur un arrêt d'autobus où le vent qui faisaient bouger les ombres sur une banale publicité pour je ne sais quel parfum, a dessiné sur la peau du mannequin cet étonnant camouflage.

25 mai 2009

La Sombra

L'exposition sur L'Ombre, présentée par le Musée Thyssen-Bornemisza et la Fondation Caja Madrid vient de s'achever et c'est bien dommage. Car c'est une exposition absolument passionnante.

Apparue à la Renaissance, lorsque les peintres, par souci de réalisme, l'ont introduite dans leurs tableaux, l'ombre s'est peu à peu émancipée jusqu'à devenir une figure à part entière, parfois inquiétante, comme dans le Portrait du Dr Haustein de Christian Schad, un peintre allemand proche de la Nouvelle Objectivité. A chacun de voir dans l'ombre sur le mur, le profil du patient que soigne le médecin - version lénifiante - ou ... un présage de la mort à venir. Après tout, dans un cabinet de médecin, c'est bien de cela qu'il s'agit !


Dans La Grande ombre, une aquarelle de Johann Heinrich Wilhelm Tischbein, l'ombre se glisse hors du personnage, monte sur le mur, se glisse au plafond...
Tischbein est l'auteur du célèbre portrait de Goethe dans la campagne romaine, un tableau lumineux, coloré, loin de cette pièce vide et de cette ombre qui s'allonge démesurément. S'agit-il bien du même peintre ? C'est à se demander.


Inscrit dans un parcours chronologique, le choix d'un thème comme l'ombre modifie forcément notre façon de voir et permet de redécouvrir d'un oeil neuf, des oeuvres que l'on croyait connaître par coeur . J'ai retrouvé avec plaisir Vuillard, Spilliaert, Hopper, De Chirico, Dali... Ce sont les peintres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle qui, à mon goût ont su le mieux jouer avec les ombres.
Mais j'ai découvert, avec beaucoup de plaisir aussi des oeuvres que je n'avais jamais eu l'occasion de voir, d'autant que l'expostion ne se limite pas à la peinture mais inclut la photographie et le cinéma !

Parmi les images les plus intriguantes, il y a celles de Sam Taylor-Wood, une jeune photographe et vidéaste anglaise dont trois photos on été retenues pour l'exposition.

Bram Stoker's Chair II, 2005

Il y a bien sûr le jeu des ombres, celle que l'on voit et celle que l'on ne voit pas. Le titre, La chaise de Bram Stoker (auteur de Dracula) confirme la tonalité fantastique. Encore faut-il trouver une explication rationnelle à la position désarticulée du corps ! Un article de Justine Picardie trouvé sur le Net confirme mon hypothèse : le corps est suspendu par des cables dont la trace est ensuite effacée numériquement comme est effacée ... l'ombre de la chaise.

" These appear in her new book, along with a series of images in which Sam appears to be suspended in the air, yet her seemingly effortless acrobatics were achieved by being trussed up by a bondage expert and hung from wires in the ceiling; the constrictive harnesses and cables were later digitally removed from the finished images, though an ambiguity remains. (Is she floating or sleeping, liberated or controlled? Where, in fact, is she bound?)"
www.telegraph.co.uk/.../The-escape-artist.html

L'exposition a fermé ses portes le 17 Mai. Les rouvrira-t-elle ailleurs ? J'aimerais bien car à coups sûr, j'y retournerai !

En attendant, et puisque voyages et expositions finissent toujours par me ramener aux livres, en voici un qui vous permettra de ne pas quitter l'ombre : L'histoire merveilleuse de Peter Schlemihl ou l'homme qui a vendu son ombre d'Adelbert von Chamisso. Un récit fantastique dont la lecture a fait peiner plus d'un germaniste ! Mauvais souvenir mais très belle et très édifiante histoire. A moins que vous ne préfériez le roman d'un écrivain espagnol contemporain : L'ombre du vent, de Carlos Ruiz Zafon . Et si vous avez d'autres titres à me proposer, je suis preneuse !

24 mai 2009

L'ombre de Don Quichotte ?


La sombra de Don Quichotte ...


Pero, donde està Sancho ?

23 mai 2009

Espagnolades

Et bien oui ! J'ai assisté à une corrida !
Ma première et certainement ma dernière !
Mais au moins, maintenant, je sais.... Enfin je crois savoir.


Et je ne mets que de très petites images pour ne pas me faire haïr de tous les défenseurs des animaux. Car, malgré mes réticences, j'ai passé une soirée très intéressante. Et je peux maintenant critiquer les corridas en sachant de quoi je parle.





Ce qui m'a intéressée ? Le rituel immuable de la corrida. Son déroulement selon un protocole chronométré : premier quadrille, premières passes; les capes sont roses fuchsia doublées de jaune. Viennent ensuite les picadors, sur leurs chevaux carapaçonnés et ... le sang.






Car c'est avec l'entrée des picadors que cela se gâte. Ils sont chargés d'affaiblir le taureau en le blessant au niveau de l'échine.
La bête fougueuse n'est plus qu'un animal blessé, déséquilibré, souffrant, que les "banderillas" plantées sur son dos affaibliront encore.





Les taureaux, ce jour-là, n'étaient pas de "bonne race". Sujet de déception pour les afficionados. Mais les toréadors n'étaient pas très brillants non plus. C'est en tout cas se qui se disait dans l'arène.
Pas de mouchoirs blancs brandis en signe de satisfaction. Quelques huées. Il m'a semblé que les toréadors et leurs quadrilles sortaient tête basse.




Pour ma part j'ai trouvé, au jeu des couleurs dans l'arène et à la gestuelle des toréadors, une certaine beauté. Une belle chorégraphie.
Je me suis amusée aussi du comportement des spectateurs et des commentaires que l'on m'a gentiment traduits.
Mais je n'ai pas aimé, alors pas du tout, l'agonie de ces pauvres bêtes condamnées dès leur naissance à finir dans l'arène ! Trop de sang, trop de souffrance. Estoqué, le taureau est supposé tomber d'un coup, mais ce n'est pas vrai. Pas vrai du tout. En tout cas ce ne l'était pas ce jour là !
Bien que traîné hors de l'arène au pas de course, le taureau laisse sur le sable une trace sanglante.

22 mai 2009

Sur les murs de Madrid ...

... les Ménines de Velasquez !
Oui, mais revues pas les publicistes de El Cortes Inglés !


Certains crieront peut-être au scandale. Pas moi !
Que le marketing - après Picasso et quelques autres - ose s'emparer d'une des plus belles icônes de la culture espagnole témoigne simplement de la vitalité de cette culture et prouve que tradition et modernité ne sont pas antithétiques.

15 mai 2009

Poissons



Egarés au milieu des iris, que peuvent-ils bien se raconter, hormis des histoires de poissons ?

Je n'en sais rien...

Peut-être se croient-ils toujours en train de nager entre les posidonies ...

14 mai 2009

Sedums après la pluie



En agrandissant l'image, j'espérais découvrir, au fond de la goutte d'eau, le reflet du photographe ?
Je ne l'ai pas trouvé.
Peut-être n'était-il pas là ?

13 mai 2009

Le jour se lève Léopold !

Encore un essai raté !

J'ai pourtant pris mon billet de bonne foi, en partie sur la réputation de la pièce et de son auteur - "un des textes les plus aboutis de Serge Valetti", "ce classique français contemporain" - et un peu aussi sur la séduction du titre : Le jour se lève Léopold ! semblait ouvrir la porte à tous les imaginaires.

J'ai tenu une heure, pas beaucoup plus car très vite l'ennui puis l'agacement l'ont emporté. Les acteurs étaient plutôt bons et la mise en scène honorable mais le texte.... mortel !
Je suis apparemment, totalement imperméable, voire allergique à cet humour qui prend pour cible des gens simples, ordinaires que l'on fait passer, aux yeux des spectateurs, pour des crétins finis. C'est la même forme d'humour je crois qui faisait le succès des Deschiens. J'ai tenté plusieurs fois de m'y intéresser, mais rien à faire. Je les trouve plus consternants que drôles.

Toujours est-il qu'il y avait bien peu de rires dans la salle; certains spectateurs ont d'ailleurs tenu moins longtemps que moi ! Alors ne me dites pas que la pièce a commencé d'être intéressante ou drôle juste après mon départ : je ne vous croirai pas. C'est toujours ce que l'on dit, c'est rarement vrai.

Et donc le théâtre ?
Non merci ! Je laisse tomber. Trop de dialogues, pas assez d'action ! Marre de m'ennuyer dans mon fauteuil.

12 mai 2009

Les Libertins (suite)

- Tiens ! Je te rends ton Cyrano.
- Déjà lu ? Tu m'étonnes...
- 90 pages, c'est pas bien long !
- Et alors ?
- Un peu difficile à lire quand même... Y cause pas vraiment moderne, ton bonhomme !
- Normal; c'est du français du XVIIe. La même langue que Molière, Racine ou ... Pascal !
- Oui mais c'est plus compliqué que ça; en fait il mélange tout et on a parfois un peu de peine à s'y retrouver. D'abord il délire grave, et tu te dis que côté imagination il fait assez fort. Et d'un coup il passe à des explications physiques genre pourquoi la terre tourne autour du soleil et pas le contraire, des considérations...euh...
- ... métaphysiques ? Genre l'âme de l'homme est-elle immortelle et quel est le rôle de Dieu dans tout ça ?
- Oui. D'ailleurs il est franchement gonflé Cyrano : dire que Dieu n'existe pas, après tout ce que tu m'as raconté... "il faut prouver auparavant qu'il y ait un Dieu, car pour moi je vous le nie tout à plat. " page 115 ! J'avais noté la page pour retrouver la phrase exacte.
- Tu as bien fait. Mais regarde bien : ce n'est pas le narrateur qui prononce cette phrase, c'est l'autre, la créature imaginaire. D'accord, cela ne trompe personne. C'est de toute façon Cyrano qui fait parler les deux personnages, le narrateur et son interlocuteur, mais comme tu l'as signalé tout à l'heure, ce sont des personnages de fiction qui profèreent toutes sortes d'idées dans un univers totalement imaginaire. L'accumulation d'absurdités est supposée faire passer le message.
- Comme on fait passer une pilule amère avec un peu de confiture...
- Exactement !
- Quand même je le trouve gonflé !
- Plus que tu ne le crois ! Puisqu'il ose penser librement.
- Et vivre librement ?
- ???
- Oui, tu sais bien, son ami le quitte en lui disant : "Songez à librement vivre".
- En effet ! "Vivre librement" est la suite logique de "penser librement". C'est aussi la pierre d'achoppement du libertinage. Car certains ont considéré que la liberté de pensée permettait de se débarraser de tous les interdits sociaux et surtout moraux. En gros de faire n'importe quoi.
- Et ce n'est pas le cas ?
- Et bien non ! Certainement pas. La liberté de pensée ne mène pas nécessairement à la débauche, contrairement à ce qu'ont voulu faire croire les moralisateurs. Mais elle mène à réfléchir sur les conventions qui fondent notre morale et, éventuellement à les remettre en question. Cyrano ne fait qu'effleurer la question d'une morale sans Dieu.
- C'est grave ? La morale n'a de toute façon rien à voir avec Dieu !
- Pour un athée. Mais pour un croyant - et au XVIIe siècle, tout le monde était croyant - c'est Dieu qui définit la morale.
- Ah oui, les Tables de la loi, les dix commandements, tout ça.
- Et si tu ne crois pas à Dieu, tu ne crois pas non plus aux Tables de la loi que Dieu aurait remises à Moïse. Voilà pourquoi on se méfiait des libertins : en revendiquant le droit de penser librement, ils risquaient de mettre à mal les fondements même de la société.
- Tu m'impressionnes : ce Voyage dans la lune ne m'a pas paru si redoutable.
En tout cas je me suis bien amusé en le lisant. Quelle imagination ce mec ! L'histoire du chou par exemple, le chou intello : " [...] encore qu'un chou que vous coupez ne dise mot, il n'en pense pas moins." Et, je ne sais pas si tu es au courant, mais Cyrano a même inventé l'iPod ! En tout cas quelque chose qui lui ressemble.
- ...
- Mais si. Page 104 ! Tu n'as qu'à aller voir si tu ne me crois pas !

11 mai 2009

Toujours debout

Bien que menacée de toutes parts par les bulldozers et les pelles mécaniques qui ont pris d'assaut le terrain, elle a tenu bon, la vieille maison du bord de la route.



Les travaux pharaoniques entrepris à proximité ont mis à mal son environnement, mais elle est toujours là . Pour combien de temps ? Je n' en sais rien, mais chaque jour qui passe est un jour de gagné pour sa survie.

Mais que faire d'une vielle maison qui branle par tous les bouts, dont le lierre a rongé les murs et un frêne défoncé le toit ? Elle a pourtant - ou elle a eu ? - quelques atouts...
Je me suis glissée à l'intérieur et voici ce que j'ai vu.























Malgré les gravats qui encombrent le rez-de-chaussée, on aperçoit les traces d'une belle cheminée, surmontée d''un panneau de marbre.
Le plafond crevé m'a dissuadée de pénétrer plus loin.
Dommage, car j'aurais bien voulu en savoir plus.
Demain peut-être j'irai à la mairie, me renseigner sur le sort de la vieille maison.

05 mai 2009

Retour dans les calanques



Le plus étonnant dans cet univers entièrement minéral et marin c'est qu'entre deux pierres, tant de végétaux parviennent quand même à pousser. Le vent sans doute, qu'il vienne de la mer ou de la terre, a permis à quelques graines de se glisser dans les plus petits interstices. La plupart, brûlées par le soleil, n'ont pas tenu; d'autres, mieux équipées pour résister à la sècheresse, se sont accrochées. Sélection naturelle dont le jardinier d'aujourd'hui ferait peut-être bien de s'inspirer....



Des cistes dans mon jardin ? Je ne demande pas mieux mais... résisteront ils aussi au froid, au gel et à la neige ? Je n'en suis pas certaine; et puis, la mer leur manquerait trop !

04 mai 2009

Les Libertins

- Dis-donc ! Voilà un sacré bail que tu n'as pas tenu ton "lundi classique" ! C'est pas sérieux et tu as intérêt à avoir une bonne excuse ...
- Bonne ou mauvaise, non je n'ai pas d'excuse.
- Ben, qu'est-ce que tu as fait pendant 6 mois ? Tu as déménagé ? Tu as été te balader à l'autre bout du monde ou juste à côté ?
- Nooon, pas plus que d'habitude.... J'ai vécu. Et toi ? Qu'as tu fait ? as-tu lu tous les livres ?
- La chair est triste hélas et j'ai lu tous les livres.... fuir, là-bas fuir....
- Oh, ça va, fais pas ton hermétique !
- Bon, j'en étais resté, moi, à Rabelais et j'attendais les libertins que tu m'avais promis.
- Les libertins.... soit ! Mais ce n'est pas si facile d'en parler.
- Pourquoi ?
- Pour plusieurs raisons ....
- Mais encore ? Arrête de me faire languir !
- Et biens, vois-tu, je cherche un livre ou un auteur-phare, représentatif de ce courant de pensée et je n'en trouve pas vraiment. Ou plutôt, je n'en trouve pas vraiment qui soit facile à lire, divertissant et cependant instructif ... A moins de te proposer.... Cyrano de Bergerac peut-être....
- Quoi ? la pièce de Rostand ?
- Pas du tout : Cyrano, le vrai, celui qui a inspiré la pièce de Rostand.
- Ah bon ? parce qu'il a écrit des livres celui-là ?
- Bien sûr, mais il vaudrait mieux commencer par définir ce qu'on entend par "libertin"...
- ou libertine ? l'ingénue libertine !
- Et bien non, justement. Et c'est pourquoi il est toujours un peu difficile de parler des libertins.
On glisse tout de suite vers le libertinage moral, la légèreté des moeurs, les conduites licencieuses, la débauche ... c'est bien sûr une dérive possible, mais les libertins dont j'aimerais te parler, sont des hommes qui se sont affranchis des modes de pensée imposés par l'époque, la tradition, et qui revendiquent simplement de pouvoir penser librement.
- Des libres-penseurs donc.

- Oui c'est bien cela. Mais si penser librement paraît désormais aller de soi, au moins dans certains pays, il n'en a pas toujours été ainsi car, dès lors que les intellectuels ont revendiqué l'usage de la seule raison pour expliquer le monde, il leur devenait difficile d'accepter des vérités fondées seulement sur la foi.
- Pourtant Epicure , Lucrèce ? C'est bien ce qu'ils faisaient : ils expliquaient la nature des choses sans passer par la case "dieux". C'est toi-même qui me l'a dit.
- Effectivement, Epicure et Lucrèce sont d'une certaine façon les précurseurs des libertins à une différence près. Epicure et Lucrèce ont vécu bien avant que le christianisme ne s'impose comme religion dominante et ne s'allie avec le pouvoir politique, ce qui a radicalement changé la donne puisqu'il existait désormais des "vérités" imposées. Remettre en cause ces vérités est très vite devenu impossible et même dangereux. La liste de ceux qui ont été condamnés à être pendus ou brûlés, voire pendus d'abord et brûlés ensuite, est infinie. Elle comporte gens de toutes sortes y compris des imprimeurs !
Je ne me souviens plus si c'est Voltaire ou Condorcet, mais c'est l'un des deux qui a, je crois, établi une liste de tous ceux qui ont été suppliciés pour cause de pensée non conforme. Tu veux quelques exemples ? En vrac ...
Giulio Cesare Vanini
, un italien réfugié à Toulouse, accusé de blasphème, d'impiété, d'athéïsme, de sorcellerie et de corruption des moeurs, condamné à avoir la langue coupée, à être étranglé et enfin brûlé.
Giordano Bruno
, brûlé vif après huit ans passés dans les geoles romaines.
Etienne Dolet
, trois fois condamné à mort, il parvient à s'échapper deux fois mais finit par être rattrapé, torturé, étranglé et en fin de compte brûlé sur la place publique avec ses livres. Théophile de Viau, emprisonné et condamné à mort; bien que la sentence ait été commuée en exil perpétuel, il meurt peu de temps après sa sortie de prison.
- C'est bon, ça suffit ! Et puis on en a fini avec ce genre de pratiques, non ?

- Fini ? Vraiment ? Tu sais bien que non et qu'il n'est pas si facile, même aujourd'hui, de refuser les dogmes, quels qu'ils soient. Mais revenons aux libertins du XVIIe siècle. Tu conviendras que dans de telles conditions, il fallait un certain courage pour penser librement et le cas échéant, oser remettre en questions des vérités considérées comme établies. Beaucoup sans doute l'ont fait, ou en tout cas l'ont pensé; peu l'on dit et encore moins écrit ou alors, s'ils l'ont écrit, ils se sont débrouillés pour que cela ne se comprenne qu'à demi-mots.
- Ils ont brouillé le message en quelque sorte.
- Oui. En mettant les propos litigieux dans la bouche d'un hurluberlu quelconque par exemple; comme cela, si on les accusait ils pouvaient toujours prétendre que ces propos n'engageaient que leur personnage.
- Et ça marchait ?
- Jusqu'à un certain point. Cela dépendait un peu de l'intelligence ou de l'indulgence de ceux qui étaient chargés de veiller au respect de l'orthodoxie.
- de l'orthoquoi ?
- ortho - doxie : ce qui est conforme aux dogmes, ce qui correspond aux enseignements officiels de l'Eglise.
- Dis donc, toi-même ... tu ne m'as pas l'air très orthodoxe !
- Bon, je continue ou ...
- Continue, continue.... sinon je ne saurai jamais ce qui est arrivé à ton Cyrano.

- Cyrano ? Il a reçu une poutre sur la tête.
- Comment ça ? ni étranglé, ni brûlé ? Juste une poutre sur la tête ?
- Oui, mais il en est mort !
- Une poutre, comment ça, une poutre ? Une poutre qui tombe du ciel ? Un châtiment divin alors !
- Pfffff ! Un accident ! Officiellement....
- Et tu n'en sais pas plus ?
- Non. Mais j'ai lu L'Autre monde ou les Etats et Empire de la lune. Le premier roman de science-fiction de la littérature française.
- Ah bon ? Je croyais que tu n'aimais pas la science-fiction ?
- Pas trop. Mais il m'arrive d'en lire et celui là est un peu particulier car il s'agit bien d'imaginer un voyage dans la lune, mais il s'agit surtout de faire passer, par le biais de l'invention comique, quelques vérités ... différentes.
- Et bien raconte !
- Ah non ! Tu connais le principe : c'est à toi de lire ! Si je te raconte l'histoire, tu t'en contenteras et tu ne liras pas le livre. Tu ne pourras pas vérifier si ce que je dis est vrai ou faux.
- Donne moi au moins quelques indices ...

- Et bien il s'agit d'aller vérifier si "la lune est un monde comme celui-ci, à qui le nôtre sert de lune". Un prétexte bien évidemment à décrire un monde lunaire tout à fait fictif et en profiter pour expliquer le fonctionnement de l'univers. C'est le résultat d'un pari entre gens de bonne compagnie et la première difficulté à résoudre, est de trouver le moyen de "monter" jusqu'à la lune. En utilisant une charrette aimantée ou les effets de la rosée par exemple "Je m'étais attaché autour de moi quantité de fioles pleines de rosée, et la chaleur du soleil qui les attirait m'éleva si haut, qu'à la fin je me trouvais au-dessus des plus hautes nuées."
- Dis donc, ça ressemble un peu au cinéma de Méliès ton bouquin...
- Un peu. Mais l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est dans les découvertes que le narrateur fait au cours de ses tentatives. Celle de l'héliocentrisme par exemple...
- La thèse de Galilée ?
- Oui,et de Bruno, Kepler, Copernic ... Tu te souviens, le procès de Galilée date de 1632 et Cyrano, 25 ans plus tard affirme lui aussi que la terre tourne sur elle même, qu'elle n'est pas au centre de l'univers et que le soleile ne tourne pas autour de la terre "car il serait ridicule de croire que ce grand corps lumineux tournât autour d'un point dont il n'a que faire [...]." Quelques pages plus loin Cyrano enfonce enfonce le clou : " Ajoutez à cela l'orgueil insupportable des humains, qui leur persuade que la nature a été faite pour eux; comme s'il était vraisemblable que le soleil, un grand corps, quatre cent trente-quatre fois plus vaste que la terre n'eût été allumé que pour mûrir ses nèfles et pommer ses choux. "
- Dur ! J'aurais bien aimé moi que l'univers n'ai été créé que pour ma pomme !
- Attends ! Ce n'est pas tout. Affirmer que la terre n'est pas le centre de l'univers, c'est admettre implicitement que l'homme n'est pas au centre de l'univers ...
- Fin du géocentrisme ET de l'anthropocentrisme !
- Exactement ! L'homme n'est plus une "créature divine" mais le fruit du hasard, un avatar parmi tous les avatars possibles dans la longue chaîne de l'évolution.
- Non, pas possible. Tu dis n'importe quoi. J'en sais peut-être moins que toi mais je sais que la théorie de l'évolution, c'est Darwin et Darwin, c'est un mec du XIXe : 1859, publication de L'origine des espèces ! Alors ton Cyrano ...
- 1657 ! 200 ans plus tôt ! Ecoute plutôt au lieu de t'énerver : "Vous vous étonnez comme cette matière, brouillée pêle-mêle, au gré du hasard, peut avoir constitué un homme, vu qu'il y avait tant de choses nécessaires à la construction de son être, mais vous ne savez pas que cent millions de fois cette matière, s'acheminant au dessein d'un homme, s'est arrêté à former tantôt une pierre, tantôt du plomb, tantôt du corail, tantôt une fleur, tantôt une comète, pour le trop ou trop peu de certaines figures qu'il fallait ou ne fallait pas à désigner un homme ? Si bien que ce n'est pas merveille qu'entre une infinie quantité de matière qui change et se remue incessament, elle ait rencontré à faire le peu d'animaux, de végétaux, de minéraux que nous voyons; non plus que ce n'est pas merveille qu'en cent coups de dé arrive un raffle. "
- Pas sûr d'avoir tout compris. Il écrit un peu bizarre ton Cyrano. Passe moi plutôt le livre que je le lise !
- Pas de problème ! On en reparle à l'occasion... Quant tu l'auras lu.