03 juin 2009

Blaise Pascal (suite)

- Bon ça va, j'ai compris. J'arrête de poser des questions impertinentes et je me tiens à carreau. Sinon je serai ... privé de dessert ?
Pour résumer ce que tu disais hier, Pascal, c'est un scientifique qui du jour au lendemain s'est retrouvé mystique. Pas mystico-gélatineux, juste mystique.
- Oui, en gros c'est ça, mais pas du jour au lendemain parce que, même avant son "illumination", il était déjà profondément croyant.
- Comme à peu près tout le monde à l'époque, non ?
- Un peu plus que tout le monde sans doute. Sa soeur était entrée depuis quelques années déjà, à l'Abbaye de Port-Royal, une influence à ne pas négliger et de toute façon, Pascal avait été initié au Jansénisme depuis un certain temps déjà.
- Jansénisme ?
- Un courant religieux beaucoup plus exigeant que celui des Jésuites. Pour simplifier on peut dire que les Jésuites se souciaient de rendre la religion accueillante de façon à attirer vers elle un maximum de gens, ce qui n'allait pas sans certains compromis ! Ils affirmaient entre autres que Dieu accordait sa grâce à tous les croyants alors que les Jansénistes, étaient persuadés, eux, que Dieu n'accordait sa grâce qu'à quelques-uns. Ils étaient d'une rigueur extrême dans leurs pratiques religieuses, sans même la certitude d'être sauvés du péché originel.
- Ouh là, c'est un peu compliqué tout ça.
- Très ! Surtout pour les mécréants comme toi. Mettons qu'avec les Jésuites, le Paradis est garanti à celui qui respecte en gros les préceptes de l'Eglise. Avec les Jansénistes, rien n'est garanti. Tu auras beau prier, et mener une vie exemplaire, l'accès au Paradis ne dépend pas de toi mais de la volonté divine. Et tu n'as aucun moyen de la connaître !
- Dur ! Heureusement que je ne crois pas plus au Paradis qu'à l'Enfer. Sinon je me ferais du souci.
- Et bien, c'est justement les gens comme toi que Pascal a essayé de convaincre. Il avait l'intention de publier une Apologie de la religion chrétienne...
- ... mais il ne l'a pas fait, c'est bien ça ? Laisse moi deviner ... il est mort avant ?
- Oui, mais on a apparemment retrouvé les notes qu'il avait prises; dans un premier temps on les a empilées au hasard; aux érudits ensuite d'essayer de reconstituer l'ordre des pensées de Pascal et le plan du livre.
- Les Pensées ! Ben voilà ! C'est le titre du livre qui est sur ton bureau. Et alors, qu'est-ce qu'il pense Pascal ?
- Il pense... que "le coeur a ses raison que la raison ne connaît pas."
- C'est de lui, ça ?
- Oui, et cela signifie simplement que la croyance en Dieu est plus une affaire de foi, de coeur si tu préfères, que de raison puisqu'on ne peut prouver ni que Dieu existe ni qu'il n'existe pas.
- Soit.
- Il pense aussi que sans Dieu, l'homme est terriblement misérable. Qu'il est constamment angoissé parce que, coincé entre l'infiniment grand et l'infiniment petit, il est aussi incapable d'appréhender l'un que l'autre. Ecoute :
"Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti. "
Nous sommes, dit il encore, "incapables de savoir certainement et d'ignorer absolument."
- Hum ! Bien une angoisse d'intello ça !
- Pas du tout ! L'angoisse existentielle, c'est celle de la condition humaine et sans doute ce qui nous différencie de l'animal : D'ou venons-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi vivons nous ? Pascal n'est pas le premier - ni le dernier - à se poser ces questions. Mais l'angoisse qu'elles provoque chez lui est palpable.
"Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour. C'est l'image de la condition des hommes. "

- De quoi déprimer grave.
- Sans doute, mais Pascal est croyant, n'oublie pas. Ce qu'il décrit là, c'est la misère de l'homme sans Dieu à laquelle s'oppose la félicité de l'homme qui a trouvé Dieu ! "Le bonheur n'est ni hors de nous, ni dans nous; il est en Dieu. " "Notre vraie félicité est d'être en lui, et notre unique mal d'être séparé de lui. "
- Dis donc, ça va peut-être bien pour lui, puisqu'il a été "illuminé". Mais moi ? Qu'est ce que je fais en attendant l'illumination ?
- Et bien tu cherches ! "Il n'y a que trois sortes de personnes. Les unes qui servent Dieu, l'ayant trouvé; les autres qui s'emploient à le chercher, ne l'ayant pas trouvé; les autres qui vivent sans le chercher ni l'avoir trouvé? Les premiers sont raisonnables et heureux, les derniers sont fous et malheureux, ceux du milieu sont malheureux et raisonnables." Donc...
- Attend, je vérifie. Un, deux, trois.... les premiers, les derniers... je suis donc fou et malheureux et si je me mets à chercher je serai toujours malheureux, mais raisonnable. C'est pas un marché de dupes cette histoire ?
- Oui et non. Oui parce que si tu ne le trouves pas, tu seras toujours malheureux. Mais si tu ne le cherches pas, tu n'as aucune chance de le trouver.
- Je vois : cent millions de gagants on tenté leur chance....
- Pascal en joueur de loto ... c'est un peu dur quand-même. Mais ça n'est pas totalement faux. Après tout c'est lui le premier qui a parlé de parier. Et le calcul des probabilités, c'était son point fort. Il considère donc qu'il y a plus à gagner qu'à perdre en pariant sur Dieu.
- Hmmm, pas totalement convaincant, ce Blaise. D'abord c'est un peu prise de tête. Et puis franchement, entre sa nuit de fêlé de Dieu et ses probas.... je ne suis pas sûr de m'y retrouver.
- Et bien, tu sais ce qui te reste à faire.
- D'accoooord ! Passe moi le bouquin ! Mais j'ai encore l'impression de m'être fait avoir. Je croyais que cette fois-ci, on se contenterait de citations et c'est reparti pour une oeuvre complète.
-Mais non : juste des fragments. On en reparle quand tu l'auras lu ?

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