01 avril 2011

Wasteland

En règle générale, je préfère les films de fiction aux documentaires. Mais celui-ci fait exception.
Parce qu'il séduit, intrigue, horrifie, décontenance, bref : donne à penser et propose trois niveaux de lecture au moins.

Il y a d'abord le discours écologique convenu sur le gaspillage de nos sociétés de consommation et la difficile question du recyclage des déchets, plus problématique encore dans les pays en voie de développement comme le Brésil.

Il y a ensuite le discours social sur les populations, totalement démunies, dont la décharge assure d'une certaine façon, la survie. Ce sont les "catadores", hommes, femmes, enfants ramasseurs non pas d'ordures mais de "déchets recyclabes" dont le film fait le portrait en même temps qu'il dénonce leurs conditions de vie.

Il y a enfin le reportage sur le travail de Vik Muniz, l'artiste brésilien "le mieux vendu" et qui a depuis une dizaine d'année une place reconnue dans les plus grands musées du monde.
Cet artiste, qui travaille habituellement avec des matériaux pour le moins inhabituels (sucre, ketchup, poussière, fil de fer) s'est lancé dans un nouveau projet. Il a, dans un premier temps, sélectionné et photographié un certain nombre de "catadores". Les portraits une fois agrandis sont bordés, soulignés, recouverts par des séries d'objets recueillis sur la décharge, autant d'autoportraits réalisés par les "catadores" eux-même sous la conduite de Vik Muniz. Les tableaux seront par la suite vendus et le montant de la vente redistribué à l'association de défense des "catadores."

Certaines problématiques soulevées par la démarche de l'artiste sont évoquées sans détour par le film comme la définition de l'oeuvre d'art et le statut de l'artiste, la démarche de Vik Muniz se situant quelque part entre Warhol et Basquiat. Artiste authentique ? Frimeur mercantile ? Escroc intelligent ? Depuis Duchamp, le spectateur est rodé à la question, bien qu'il n'en connaisse toujours pas la réponse !

Plus perturbante est la question de l'intervention de l'artiste dans la vie des "catadores". Que deviendront ceux-ci lorsque leur 1/4 d'heure de gloire sera écoulé ? Sauront-ils profiter de la perche qui leur est tendue ? Comment réagiront-ils à la confrontation avec le monde des galeristes, des collectionneurs ? Est-il légitime, est-il moral de faire de l'être humain un objet, un media fût-il artistique ?


Le film, c'est entendu, est riche d'interrogations. Mais ce que j'en ai surtout retenu, c'est l'extraordinaire énergie, l'extraordinaire vitalité des personnages que je garderai longtemps gravés dans ma mémoire.




Je garderai aussi en mémoire le nom de la réalisatrice : Lucy Walker et ferai mon possible pour voir son précédent film sur la prolifération des armes nucléaires : Countdown to Zero.

Aucun commentaire: