03 janvier 2012

Le Havre

Inscrite au patrimoine de l'humanité depuis 2005, toute reconstruite au carré après la guerre, Le Havre est certainement une ville singulière. Mais dans le film de Kaurismaki, elle est franchement bizarre : elle a l'air d'une ville des années 50, tristounette, mais avec plein de couleurs, presque comme dans les films de Jacques Demy ! Des murs turquoises. Des portes rouges. Des chaises ... jaunes peut-être. Pourtant dehors tout est gris, le ciel, les rues.... parce que la vie des pauvres gens, ce n'est vraiment pas grand chose.


Les films de Kaurismaki parlent tous de ces petites gens, au bord de la misère peut-être, mais certainement pas au ban de l'humanité. Car dans cette ville du Havre où l'on fait la chasse aux immigrés clandestins et même aux enfants, il y a des âmes charitables pour leur venir en aide. Ils vivent à crédit, ne savent pas de quoi seront faits leurs lendemains, mais n'hésitent pas à tendre la main. Sans faire d'histoire. Comme une évidence.


L'histoire est bien une histoire d'aujourd'hui : on y parle de Londres, de l'évacuation de Sangate. Mais l'horloge de Kaurismaki s'est arrêtée sur les années 50 : les personnages semblent évoluer dans une ville à la fois réelle et imaginaire. L'effet est un peu déstabilisant au début mais en fin de compte, le charme du film tient justement à ce précaire équilibre entre deux registres celui de l'actualité économique et politique et celui de la nostalgie; celui du réalisme social et celui de la fantaisie; celui de la tragédie qui toujours menace et celui de la comédie avec "happy end", comme dans les films de Lubitsh ou de Capra. Les dialogues sont très écrits, sonnent subtilement faux; les personnages s'appellent Arletty ou Marcel Marx. Les acteurs ont l'air empruntés, s'expriment avec componction. "As-tu mangé ? demande Marx à l'enfant noir. Et non pas "T'as mangé ? "


Je suppose que l'écriture, le style, le regard de Kaurismaki peuvent irriter. Personnellement j'adore. C'est à la fois subtil et facile, plein de clichés et de finesses. Cela ne ressemble à rien, sauf à un autre film de Kaurismaki !

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