26 mars 2013

Cinelatino

Le festival des cinémas d'Amérique latine en était à sa vingt-cinquième édition. Pour moi c'était une première. Et le fait que la dominante choisie cette année soit la politique n'était pas pour me déplaire. J'ai donc vu une bonne demi-douzaine de films, certains récents, d'autres un peu moins, en provenance du Chili, de l'Argentine, du Mexique, de Cuba  et même du Guatemala.

Polvo de Julio Hernàndez Cordon est un film financé à la fois par le Guatemala, l'Espagne et le Chili. C' est lui qui a obtenu "le grand prix coup de coeur",  destiné à faciliter  la diffusion de ce film en France. Polvo met en scène un jeune homme à la recherche d'un père disparu, sujet principal d'un documentaire en train de se faire, sur les cicatrices d'une guerre civile qui n'en finit pas. Une mise en abîme donc qui permet de tenir à distance l'émotion mais n'enlève rien au caractère tragique des événements évoqués.



Les deux films qui m'ont le plus marquée néanmoins n'étaient pas des films en compétition.

Buenos aires 1977  (Cronaca de una fuga) présenté dans la section Dictatures et Violences d'Etat évoque des faits bien réels, vécus par 4 jeunes gens enlevés, séquestrés et torturés pendant 6 mois par la dictature argentine et qui sont parvenus à s'enfuir. C'est un témoignage imparable, présenté comme un film à suspens. Le film, réalisé par Israel Adrian Caetano  date de 2006; il est d'une noirceur absolue, malgré son "final apparemment heureux" car s'ils ne sont que 4 à s'être échappés, ils sont des milliers à être restés au fond des geôles argentines.


Le sujet de Sin Nombre, le film de Cary Fukunaga n'est pas la dictature, mais l'immigration ce qui n'en fait pas pour autant un film rose. Il suit le parcours d'immigrants clandestins partis du Honduras, qui cherchent à gagner les Etats-Unis en voyageant sur le toit des trains, avec tous les risques que cela comporte. Parmi les migrants, une jeune fille pauvre, son père et son frère mais aussi un fugitif, membre d'un gang, qui vient de tuer son chef et dont l'espérance de vie est par conséquent plus que compromise puisque le gang entier est maintenant à sa poursuite.  Par son sujet, la course poursuite,  Sin Nombre se rapproche des films de genre auxquels il emprunte entre autres, la caractérisation des personnages et l'efficacité du récit, ce qui lui permet d'aborder sans manichéisme et sans moralisme les thèmes de la pauvreté et de la violence - subie autant que manifestée - qui sont indubitablement liés.



Le cinéma d'Amérique latine, j'en suis désormais persuadée, est d'une grande richesse et passionnant à explorer. Bien que je ne sache pas si les films présentés à Toulouse aussi bien qu'à Grenoble et plus généralement en France soient représentatifs de tout le cinéma latino ou seulement de ce que les cinéphiles attendent de l'Amérique latine et vont sélectionner dans une production beaucoup plus large.

25 mars 2013

Toulouse, la ville rose ...






Un cliché, certes,  mais un cliché qui se vérifie dès les premiers pas dans la ville.



Puis, petit à petit, on distingue d'autres couleurs comme le bleu des volets, ce bleu pastel obtenu à partir d'une plante cultivée dans le pays Laurageais qui a, pendant près de trois siècles, fait la fortune des marchands toulousains.




Je n'ai visité aucune de ces belles demeures de pastelliers, ni celle de Jean Bernuy, ni celle de Pierre d'Assézat. Pas le temps ! Ce sera pour une autre fois. 

En revanche j'ai été voir ce que les Toulousains avaient fait de leurs anciens Abattoirs, transformés depuis Juin 2000 en Centre d'Art Moderne et Contemporain. C'est une démarche plutôt intéressante qui consiste à récupérer d'anciennes structures architecturales et leur donner une nouvelle vie. 

Le passage aux Abattoirs m'a permis de découvrir la collection de Daniel Cordier - secrétaire et biographe de Jean Moulin, marchand d'art et collectionneur -  qui allie oeuvres contemporaines et objets hétéroclites présentés comme des oeuvres d'art. Tout l'intérêt de la présentation tient aux effets de résonnance qui se créent entre les objets. 
(Un téléfilm sur la vie de Daniel Cordier, réalisé par Alain Tasma et intitulé Alias Caracalla,  devrait être programmé très prochainement sur France 3 ) 


Et puisque j'étais dans le quartier Saint Cyprien, je me suis arrêtée à l'ancien Château d'eau, lui aussi réhabilité et transformé en galerie spécialisée dans la photographie. Y étaient exposées les photos d'Edith Roux qui témoignent de la destruction de l'ancienne ville de Kashgar par les Chinois. 


Et me voici soudain bien loin, sur l'ancienne route de la soie ... 
Mais quelques plants de violettes, émergeant tout juste d'un tapis de feuilles mortes m'ont rapidement ramenée à la réalité : ces fleurs sont bien sûr emblématiques de la ville de Toulouse, mais elles marquent aussi l'arrivée du printemps. 



23 mars 2013

Violeta

Le film ne donne que son prénom. Son nom complet est Violeta Parra ou plutôt Violeta del Carmen Parra Sandoval. C'était une chanteuse, une artiste  chilienne qui s'est passionné pou le folkore de son pays et a effectué un véritable travail d'ethnologue en allant recueillir sur place, auprès des anciens, les chansons traditionnelles en passe d'être oubliées.



Voilà pour la version officielle dont le film rend assez bien compte. Mais son réalisateur, Andrés Wood met surtout en valeur le caractère bien trempé de Violeta :  une femme de passion, une femme de courage et d'audace, une grande amoureuse, peu apte au compromis. Une femme qui ne manque pas de tempérament. Pour qui le féminisme n'est pas une théorie, juste une façon d'être.

Parmi ses chansons les plus connues, Gracias a la vida qu'avec un peu de chance vous pourrez écouter en cliquant sur l'image. Sinon il vous faudra aller sur Youtube !

 

22 mars 2013

Sale temps pour les pêcheurs

Encore un film en provenance de l'Uruguay, un premier film un rien déjanté d'Alvaro Brechner. Le film est inspiré d'une nouvelle de Juan Carlos Onetti : Jacob y el otro.
Le Jacob en question est une gros malabar, un champion du monde de lutte auquel on a pour d'obscures raisons retiré son titre. C'est en tout cas ce que raconte son manager, le Prince Orsini. Prince peut-être pas mais roi des magouilles certainement.
Le couple formé par le gros balourd qui tient plus de l'animal que de l'être humain et l'homme tiré à quatre épingles et beau parleur est assez détonnant mais tient bien la route. Et du coup on ne s'étonne de les voir croiser en chemin un jeune épicière qui tient à ce que son mari relève le défi du champion, quitte à le faire massacrer ou un journaliste aussi rigolard que cynique.


Je n'ai de passion ni pour le catch ni pour les films de boxe, pourtant un genre en soi, mais j'avoue que les mésaventures de ces deux zigotos ont quelque chose d'à la fois grotesque et touchant. On y croit sans y croire et on finit par se prendre au jeu,  car les fanfaronnades masquent à peine la détresse et le manque affectif.

21 mars 2013

La Demora

Après le Chili (No), Cuba (Havana Blues), l'Espagne (N'aie pas peur) voici un film venu de l'Uruguay.


La Demora est le troisième film de Rodrigo Pla (Mexicain, bien que né en Uruguay et son sujet est encore plus sombre que ceux des films dont j'ai parlé dans mes précédents billets. Au centre du film, une femme, la cinquantaine, non plutôt la quarantaine abîmée. Elle élève seule ses trois enfants, dans un misérable appartement où la lumière est rare. Elle travaille à domicile pour une entreprise textile; ses revenus ne dépassent pas 500 euros par mois auxquels il faut ajouter la retraite de son père dont elle a aussi la charge, un vieillard atteint de la maladie d'Alzheimer. Ses revenus cumulés ne lui permettent pas de placer le vieillard dans une maison de retraite, réservée à ceux qui n'ont aucun revenu. La fatigue, la lassitude de cette femme au bout du rouleau est magnifiquement montrée par le réalisateur et l'empathie que le spectateur éprouve alors pour le personnage permet non pas de justifier mais de comprendre son geste : elle abandonne son père sur le banc d'un parc public. 


Rodrigo Pla ne nous épargne rien de la décrépitude de la vieillesse, sans pourtant jamais dépasser les bornes de la décence, et sans jamais frôler la caricature. Le vieillard est digne, bien que perdu; les flics qui tentent de le prendre en charge sont respectueux; les voisins sont attentionnés. Le réalisateur ne dénonce pas, il montre et cela suffit à toucher profondément le spectateur.  L'image - lumière grise, couleurs ternes, éclairages parcimonieux -  s'accorde parfaitement avec l'ambiance du film, les acteurs sont évidemment remarquables, Roxana Blanco en particulier. Le film est excellent. 

Il n'est pas dit que les spectateurs accourent en masse pour voir un film aussi sombre, qui vaut pourtant bien des élucubrations formelles et vaines. A ceux qui ne cherchent dans le cinéma qu'un divertissement, je ne recommanderai pas ce film, mais à ceux qui sont attentifs à ce que les autres ont à nous dire, je le conseillerai vivement. 






20 mars 2013

N'aie pas peur

Une petite fille entre ses deux parents; une petit blondinette, jolie comme un coeur. Si jolie qu'on n'hésite pas à effleurer sa joue.
Voilà l'image qu'on aimerait garder de ce film. Mais cette première image est vite remplacée par celles d'une vie "bousillée" dès le départ.  "J'aimerais comprendre comment celui qui m'a le plus aimée est aussi celui qui a bousillé ma vie." Famille bourgeoise, parents aimants : l'inceste n'est pas le propre des milieux défavorisés.

C'est avec une grande délicatesse et une grande pudeur que le réalisateur espagnol, Montxo Armendáris aborde un sujet aussi difficile. La réussite du film tient à ce qu'il suggère plus qu'il ne montre, mais n'esquive en rien la complexité de la situation. Un père qui aime sa fille, une mère qui ne peut pas, ne veut pas savoir, qui esquive, une jeune fille solitaire, fragile ....


N'aie pas peur est un film douloureux qui pourrait être désespérant s'il ne montrait aussi la possibilité de la  résilience.

19 mars 2013

Habana Blues

Changement de décor. Nous ne sommes plus au Chili, mais à la Havane pour un film tout aussi riche en couleurs, en musiques, et finalement presqu'aussi politique que le film de Pablo Lorrain. 


Habana Blues a été réalisé par Benito Zambrano et date de 2005.
Dans la Havane ravagée - mais si photogénique - des années Castro  un jeune musicien qui ne vit que de débrouille a soudain l'occasion de faire écouter sa musique par les représentants d'une maison de disques espagnole, avec à la clef, une tournée en Europe et l'exil loin de cette île où il étouffe. Mais partir n'est peut-être pas si facile et demande beaucoup, beaucoup de compromis.
Partir ? Fuir vers les mirages des "là-bas", qu'ils soient américains ou européens ?  Rester ? Suivre son chemin et demeurer fidèle à soi-même. La question est shakespearienne mais le décor et les personnages sont cubains c'est à dire  chaleureux, drôles, flambeurs, tricheurs, gouailleurs. Frénésie des rythmes, sensualité des corps...
Habana Blues, une histoire d'exil,  une histoire d'amour, une histoire d'amitié dont tous les personnages, même les plus secondaires sont parfaitement campés.

Habana Blues, comme une envie de retourner à Cuba. A défaut j'irai me consoler avec le CD de la BO.

http://ecx.images-amazon.com/images/I/61s3CID05gL._SL500_AA280_.jpg


Hasard des calendriers, la saison est aux films espagnols et latinos.  Ici et ailleurs.
Tant mieux car cela fait beaucoup de films intéressants à voir.

No, le film de Pablo Lorrain pourrait n'être qu'un documentaire sur une campagne électorale, en l'occurrence celle qui a permis aux démocrates chiliens de faire tomber Pinochet en 1988.
Un référendum avait été organisé qui devait logiquement confirmer et justifier aux yeux de l'opinion internationale les pouvoirs du Général. Oui mais voilà : l'opposition a été chercher un jeune publicitaire talentueux pour lui confier sa campagne électorale. Le caillou qui a fait déraper la machine.

Je ne sais si la version de Pablo Lorrain est conforme à la vérité historique; en effet, c'est donner beaucoup de pouvoir à la pub et à la communication, soupçonnée de faire et défaire les gouvernements. Mais c'est justement l'intérêt du film que de poser la question. Car si la joliesse des images, la vivacité des couleurs et l'allégresse de la bande son a pu faire tomber Pinochet, les mêmes images ne pourraient-elles pas aussi bien porter au pouvoir quelque infâme tyran ? Platon n'accusait-il pas les grands rhétoriqueurs d'avoir fait condamner Socrate ? Les films de Leni Riefenstahl n'ont-ils pas contribué à l'aura du régime nazi ? La différence entre propagande et communication n'est-elle pas de plus en plus ténue ?



En attendant d'avoir la réponse aux questions que l'on se pose sur les relations entre publicité et politique, le film est suffisamment prenant pour qu'on ait plaisir à le voir et à se projeter, non sans une certaine nostalgie,  dans ces images des années 80.

18 mars 2013

Nouilles froides à Pyongyang

Non je n'irai pas à Pyongyang. Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque, trop certaine d'y trouver ... ce que je ne trouverai nulle part ailleurs, ce dont j'ai beaucoup de mal à me faire une idée.
Alors le livre de Coatelem, un auteur que par ailleurs j'apprécie par sa façon faussement nonchalante de parler de ses voyages, tombe à pic. Il a fait le voyage que j'aurais aimé faire. Et il en parle agréablement.

Non pas que son voyage ait été agréable; l'évocation de ces hôtels sans autre touriste que soi-même, des chambres sans eau chaude, parfois sans eau tout court, voire sans drap (!) ressemble trop à ce que j'ai connu, il y a longtemps en Libye, pour n'être pas la vérité. Dictature ici, dictature là-bas. Le voyageur qui s'engage dans de telles équipées ne peut avoir son confort comme premier souci. Et doit apparemment s'attendre à avoir faim aussi. Quant au contrôle permanent des faits et gestes qui mène tout droit à la paranoïa (ou à la rebellion) Coatelem savait, comme son lecteur,  à quoi s'attendre en ce domaine, mais c'est une chose de le savoir, et une autre d'en faire l'expérience.
Nouilles froides est un récit de voyage édifiant, parfois chaleureux, parfois caustique, un reportage à la Albert Londres  (?) "Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie."

J 'en sais un peu plus sur la Corée du Nord après l'avoir lu. Mais sa lecture ne m'a pas fait passer l'envie d'aller voir par moi-même. Un voyagiste organise ses premier voyages dans cette direction cet été, le prix, hélas, reste totalement prohibitif, surtout pour des nouilles froides !

17 mars 2013

Christophe Jacrot

Au hasard des galeries parisiennes, une double découverte.

Le photographe Christophe Jacot qui a choisi de photographier les villes sous la pluie, le vent et la neige : New York, Paris, Hong-Kong, Tokyo autant de paysages urbains qui sous les intempéries et de préférence de nuit, prennent des allures fantasmagoriques. 

Il est exposé à la Galerie de l'Europe qui a choisi pour son carton d'invitation la photo de l'Estel Ferit, une scultpure de Rebecca Horn érigée en 1992 sur la plage de Barceloneta.

La sculpture, une superposition de cubes rouillés, comme autant d'appartements empilés de guingois est intéressante en elle-même, mais sur fond de tempête, elle est encore plus surprenante.



El Sicario

La Maison rouge, boulevard de la Bastille. Sous influences, le titre de la nouvelle expo annonce des oeuvres réalisées par des artistes dont les facultés créatives sont modifiées par les effets del'alcool, de la drogue etc. Je n'en attendais pas grand chose, beaucoup de gribouillis quoi qu'on en dise.

Et puis, entre deux murs cette vidéo devant laquelle je reste scotchée jusqu'au bout : El Sicario.
Gianfranco Rosi, l'auteur de ce documentaire a enregistré le témoignage d'un sicaire repenti, ancien membre d'un cartel mexicain. Le dispositif est simple, voire rudimentaire. Une chambre d'hôtel, celle-même où le "sicaire" avoue avoir torturé un homme trois jours durant. Il est assis, visage voilé, et raconte par le détail son propre parcours et le fonctionnement du cartel, son organigramme, les codes, les règles à respecter.

Cela pourrait être terriblement ennuyeux mais ça ne l'est pas pour deux raison :  
- Le discours est clair, net, précis, détaillé, sans atermoiements, sans complaisance non plus. On écoute sidéré. 
- Le tueur a dans les mains un carnet et l'utilise régulièrement pour dessiner un plan, noter des chiffres, souligner un détail. 
Le dispositif, à la fois sonore et visuel,  est d'autant plus efficace qu'il refuse tout effet de camera facile, toute mélo-dramatisation. 

Après ce long arrêt devant la vidéo, le reste de l'exposition paraît soudain  bien fade. 

16 mars 2013

Joel Meyerowitz

Photographe de rue, ça fait un peu bohème. "Street photographer" ça fait nettement plus professionnel. Qu'importent les étiquettes, Joel Meyerowitz  est un photographe américain dont les oeuvres sont actuellement exposées à la Maison Européenne de la Photographie et qui effectivement photographie ce qui se passe dans la rue.

Parmi les photos présentées, il y a celles qui ont été prises pendant un voyage en Europe et il est intéressant de regarder ce qu'il a retenu de la France, de l'Espagne ou de l'Italie : l'Europe des années 60 vue à travers l'oeil d'un américain plutôt que celui d'un Doisneau ou d'un Riboud.

De façon inattendue, les photos de rues prises aux Etats-Unis semblent avoir moins "vieilli" que celles des rues européennes.  Cela s'explique peut-être par l'abandon du noir et blanc au profit de la couleur. Mais on a l'impression également que l'Amérique profonde,  celle des petites villes, celle que Meyerowitz a  photographiée dans les années 70,  a bien peu changé.  Les voitures sont un peu plus petites, mais il y a toujours au bord des routes des Dairy Land pour satisfaire une fringale inopinée.

Site internet pour cette image : artnet.com

Plus récemment, Joel Meyerowitz a entrepris de documenter, de façon exhaustive le site du World Trade Center après l'attentat du 11/09/2001. Les photos sont belles mais appartiennent à un autre registre, celui de l'Histoire dans ses moments tragiques.

15 mars 2013

Yue Minjun

C'est un Chinois qui rit. En tout cas son sourire plein de dents, parfois multiplié par dizaines s'affiche sur tous ses tableaux. Oui mais c'est un rire qui vous met assez vite mal à l'aise.


Doublement mal à l'aise. Parce que ce rire est utilisé par l'artiste pour, entre autres, dénoncer la violence d'un régime qui fait très peu de cas des droits de l'homme en général et de l'individu en particulier.
Cela est vrai. Mais ce faisant, Yue Minjun, comme la plupart des artistes chinois contemporains dont les oeuvres sont bien reçues par l'Occident, joue avec des personnages, des objets, des scènes iconiques dont il sait qu'elles séduisent a priori ses admirateurs occidentaux. On se prend du coup à douter de sa sincérité. Mais de quel droit irai-je contester le droit d'un artiste à se soucier de ses débouchés commerciaux ? Perplexité.

Bizarrement le tableau que j'ai préféré est celui auquel je ne m'attendais pas : une pièce vide, quelques colonnes rouges, une estrade, un tabouret... Yue Minjun a repris un tableau de He Kongde représentant La Conférence de Guian, événement clef de la révolution chinoise qui ce jour là, fait de Mao Zedong son chef. Le tableau de Yue Minjun reprend le même décor, à l'identique, mais vidé de ses personnages. Alors que dans un autre tableau, inspiré de La Liberté guidant le peuple de Delacroix, il replace les personnages originaux par ses Chinois au grand rire.

Finalement c'est ce double jeu avec l'histoire et l'art qui m'a le plus intéressée.

Prévue jusqu'au 17 Mars à la Fondation Cartier, l'exposition est prolongée jusqu'au 24 Mars.


Adrian Paci

aAdrian Paci est un artiste vidéaste albanais qui par ses installations permet au spectateur de comprendre ce qu'exil veut dire.

Dès la première salle, tourne une ronde sans fin qui vient serrer la main d'un homme vêtu d'un costume noir. Scène d'adieu comme un ballet de Pina Baush.

Sur un autre écran, un homme entre dans une maison, revêt un costume noir et s'allonge, tel un gisant; à ses côtés une femme, la tête couverte d'un voile, se lamente. Cérémonie de deuil ? Non, puisqu'à la fin de la cérémonie, l'homme se relève. Mais rituel de passage avant le grand départ.

Dans la salle suivante des hommes, des hommes ordinaires plutôt que des hommes d'affaire, montent les marches d'une passerelle d'avion, mais au bout de la passerelle ne les attend que le vide. 


C'est l'image la plus souvent reprise dans la presse, et bien qu'elle fixe un mouvement, elle est non seulement parlante mais poignante. Il y en a bien d'autres encore, tel ce personnage qui porte un toit sur son dos comme d'autres portent une croix. 

L'exposition, intitulée Vies en transit se tient jusqu'au 12 Mai au Musée du jeu de Paume.

14 mars 2013

Métissages

Métissage est une exposition passionnante parce qu'inhabituelle. Il s'agit de la collection réunie par Denise et Michel Meynet. Le terme de "collection" a de quoi faire peur avec ce qu'il suppose de maniaquerie et d'obsession. Mais celle du couple Meynet témoigne d'une curiosité insatiable et d'une ouverture d'esprit rare.

La collection a commencé par des objets africains - des objets utilitaires plus que des objets rituels -  auxquels se sont peu à peu ajoutés d'autres objets choisis pour la beauté de leur forme et de la matière, choisis aussi pour leur authenticité. Cela donne des associations parfois étonnantes, mais dont l'évidence s'impose passé le moment de surprise. Le parcours, à l'intérieur des deux salles consacrées à l'exposition est ludique et pour tout dire jouissif : plaisir de l'oeil, plaisir de l'intelligence puisqu'il s'agit d'apprendre à regarder différemment.


L'exposition est présentée au musée de Beaux-Arts de Lyon, jusqu'au 19 Mai. Le catalogue publié aux éditions FAGE  permet de garder en mémoire les objets vus, mais ils sont photographiés séparément alors que dans l'exposition ils sont regroupés "par affinités électives" et ce sont ces rapprochements qui font de l'exposition un régal. J'avais hélas, oublié mon appareil photo.

13 mars 2013

Paysage


J'aime bien quand le paysage devant ma fenêtre ressemble à une île. 


04 mars 2013

Wadjda

C'est le film qu'on décide d'aller voir par militantisme :  premier film tourné en Arabie Saoudite par une femme : Haïfa - al - Mansour. Et c'est finalement une si jolie découverte que l'on n'hésite pas à retourner le voir quelques jours plus tard.

Au centre du film une petite fille, jolie, malicieuse, futée, tenace !  Qui étouffe dans le carcan que la société lui impose, une société dont les règles sont dictées par la religion. Car Wadjda vit en Arabie Saoudite. A ses côtés, le spectateur découvre ce que vivre dans ce pays signifie quand on est une femme. Mais Wadjda est trop jeune, trop vivante encore pour se soumettre. Elle veut un vélo pour faire la course avec son copain Abdallah. Et elle est prête à tout pour gagner ce vélo, y compris s'inscrire à un concours de récitation du Coran, un Coran qu'elle parvient à peine à déchiffrer.

Ce film est un régal. Car sans agressivité, avec finesse et beaucoup de mesure Haïfa - al - Mansour met en place une foule de petits détails tous aussi révélateurs les uns que les autres. A la manière des peintres impressionnistes, mais sans aucune mièvrerie, elles procède par petites touches de façon à suggérer plus qu'à imposer son point de vue, évitant ainsi le piège de la caricature.

Lorsque les lumières se rallument dans la salle, chacun est libre d'imaginer ce que deviendra cette petite fille rebelle. 

01 mars 2013

Upton Sinclair, The Jungle

C'est un vieux livre puisqu'il a été publié en 1906, mais c'est un livre "d'une actualité brûlante", à lire maintenant, immédiatement !
Après une enquête de plusieurs mois, Upton Sinclair, publie The Jungle, d'abord en feuilleton  dans Appeal to reason, l'hebdomadaire socialiste du Middle-West, puis en livre.

The Jungle est un livre à thèse qui ne craint pas l'outrance et dont les derniers chapitres virent à la propagande pure et simple. Mais avant d'en arriver là, Upton Sinclair a suivi le destin d'un personnage, Jurgis, tout juste immigré de Lithuanie avec plusieurs membres de sa famille dont sa fiancée. Jurgis est un gaillard costaud et qui ne pense qu'à travailler plus pour faire vivre les siens; vu son gabarit, il se fait rapidement embaucher aux abattoirs de Chicago.

La description que fait Upton Sinclair des abattoirs tient des meilleurs pages de Zola autant que de l'Enfer de Dante. Difficile d'imaginer pire conditions de travail et surtout pire conditions d'hygiène. L'abattage des bêtes, le découpage des carcasse,  la  préparation et le conditionnement de la viande de boucherie, le saumurage, la récupération de la moindre "particule de manière organique" pour toutes sortes d'usages,  la fabrication des engrais... Certaines pages sont glaçantes, d'autres tout simplement horrifiantes. D'autres encore semblent empruntées à la presse d'aujourd'hui.

" On était dans un pays où certains se réjouissaient de découvrir des bêtes tuberculeuses dans les troupeaux, parce que cette maladie les faisait engraisser plus vite? Où d'autres rachetaient tout le beurre rance conservé dans les épiceries du continent américain, le débarrassaient de sa mauvaise odeur en "l' oxygénant" par un  système d'air comprimé, avant de le vendre en mottes dans les grandes villes ! Un ou deux ans auparavant, on abattait encore des chevaux à Packingtown, officiellement pour faire des engrais; mais, après une longue campagne de presse, le public avait fini par comprendre, qu'en réalité, ces quadrupèdes finissaient en conserve. "

Et vous n'échapperez pas à la recette du pâté de jambon ! "préparé à base de rognures de viande de boeuf fumé trop petites pour être tranchées mécaniquement, de tripes colorées chimiquement pour leur ôter leur blancheur, de rognures de jambon et de corned beef, de pommes de terre non épluchées et enfin, de bouts d'oesophages durs et cartilagineux que l'on récupérait une fois qu'on avait coupé les langues de boeuf. On broyait tous ces ingrédients et on assaisonnait cet étonnant mélange de diverses épices pour lui donner du goût."

Bon appétit !


Il y a en fait deux façons de lire ce livre.
Façon cynique (et érudite) : Nihil novi sub sole !
Façon optimiste : L'industrie alimentaire est certes épouvantable, mais c'était pire autrefois !
Pour ma part, je pense sérieusement à devenir végétarienne !