23 avril 2013

L'esprit de la ruche

L'esprit de la ruche est un vieux film : il date de 1973. Mais il a l'air encore plus vieux, parce que ce qu'il filme, c'est l'Espagne rurale de 1940 : tout y est gris, tout y est sombre et les personnages ont presque l'air de s'interdire de vivre. Sauf Ana.

Ana n'est encore qu'une enfant et son regard grave s'efforce de saisir le monde autour d'elle. Un monde inquiétant mais qui reste pour un temps encore un terrain de jeu parce qu'elle ne fait pas tout à fait la différence entre le rêve et la réalité : elle porte le même regard fasciné sur le monstre projeté sur l'écran du cinéma de campagne  - ce bon vieux Frankenstein - et sur le fugitif caché dans la grange.

En choisissant de faire porter tout le poids du film à ce regard d'enfant, Victor Erice, le réalisateur, n'a pas choisi la facilité. Mais ce faisant il suggère plus qu'il ne dit et le poids de la dictature - qu'il se garde bien de dénoncer pour éviter la censure qui ne manquerait pas de s'appliquer - est parfaitement lisible dans les silences du père, le froid de la maison,  le ciel souvent plombé, l'horizon vide jusqu'à l'infini. Ce sont les vers de Baudelaire qui viennent alors en mémoire : "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle ...

L'esprit de la ruche est un beau film, un film un peu lent et l'on met un certain temps à en saisir tout le charme. Mais alors c'est pour longtemps.





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