25 octobre 2013

Chiennes de vie

Je n'avais pas encore "digéré" le film de Jia Zhang Ke que je suis tombée sur un livre aussi noir que le film. Etrange, mais fructueuse coïncidence.

Chiennes de vie, sous titré Chroniques du Sud de l'Indiana est le premier ouvrage traduit en France d'un jeune romancier américain, Frank Bill. Les dix-sept nouvelles qui composent le recueil ont en commun non seulement un lieu, le Sud de l'Indiana, mais une population de petits Blancs pauvres passablement cabossés par la vie : des vétérans qui n'ont jamais oublié ce qu'ils ont vu ou fait en Corée ou au Vietnam, des filles abandonnées avec un enfant sur les bras, des fermiers fatigués de se battre contre les éléments. Ce sont les laissés pour compte de l'Amérique, ravagés par l'alcool et la drogue autant que par la misère. Dans cette région de chasse, ils sont tous habitués au maniement des armes depuis l'enfance. La violence, pourrait-on dire est leur élément naturel. Avec de pareils ingrédients, difficile d'imaginer la vie comme un long fleuve tranquille. Lire les nouvelles de Frank Bill, c'est comme boire un alccol qui frôle les 90° ! Et pourtant je les ai lues !  J'ai lu l'histoire de ce grand-père qui vend sa petite fille de 13 ans à un souteneur pour acheter des médicaments pour le cancer de sa femme, ou ... de la gnole pour sa propre consommation  Et l'histoire de cet ancien du Vietnam dont rien ne vient calmer les pulsions meurtrières.

Le recueil une fois refermé, la question se pose de la nécessité d'une telle littérature. Qu'est-ce qui pousse un jeune écrivain à écrire des histoires aussi sordides ? Et qu'est-ce que leur lecture apporte à un lecteur ?

Il y a peut-être dans la production éditoriale américaine des effets de surenchère; pour être publié, pour se faire remarquer, il faut aller toujours plus loin, taper toujours plus fort. C'est possible. Et le soupçon de complaisance, n'est jamais bien loin.  Mais ce qui malgré tout m'intéresse dans ces nouvelles comme dans le film de Jia Zhang Ke chroniqué hier, c'est la part de réalité que ces fictions révèlent. Oui il existe une Amérique pauvre, violente, comme il existe une Chine miséreuse, et brutale. Et il est bon de savoir que certains écrivains, certains cinéastes ont choisi de s'intéresser, comme avant eux Gorki ou Zola,  à la part la plus fangeuse de la société. Au lecteur de se demander comment des systèmes politiques, économique et culturels très opposés aboutissent en fait au même résultat. Peut-on continuer à fermer les yeux et ne pas voir ces rebuts de l'humanité ?  Peut-on ne pas chercher à comprendre le pourquoi et le comment ? Le constat, la prise de conscience ne font pas la solution. Mais il me plaît que ce soit la littérature et le cinéma qui se chargent de réveiller notre vigilance.

Néanmoins, après tant de noirceur littéraire et cinématographique, je ne serai pas fâchée de trouver un roman ou un film un peu plus ... un peu moins ... bref, aussi intelligent mais pas tout à fait aussi sombre. 
Parce que les alcools forts, ça finit quand même par soûler !




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