13 mars 2014

Grand Budapest Hotel


L'univers de Wes Anderson est décidément particulier.  L'imagination débordante est sa marque de fabrique, l'humour en prime : plus farfelus ses personnages, plus incongrues les situations, plus insolites ses décors et le voilà comblé. Et les spectateurs avec lui.

Mais si le réalisateur se soucie comme d'une guigne du réalisme, son propos n'est pas pour autant dénué de sens. Certains critiques du dimanche soir trouvent abusive la référence à Stefan Zweig. Je trouve au contraire qu'elle donne au film tout son sens.

Je ne crois pas que Wes Anderson ait été chercher son inspiration dans telle ou telle nouvelle du romancier allemand. Mais ce qui a causé l'exil puis le suicide de Zweig, c'est la montée d'une idéologie qui prétendait que tous les hommes n'avaient pas la même valeur. Autrement dit le renoncement à l'humanisme.  Or Monsieur Gustave, le concierge du Grand Budapest Hôtel porte la même affectueuse attention à son "lobby boy" ou aux très vieilles dames qui fréquentent l'hôtel. Il incarne à lui tout seul cette bonne vieille valeur humaniste, et il me paraît important qu'il jure comme un charretier, qu'il mente, qu'il triche bref qu'il soit imparfait. L'humanisme n'est pas une notion abstraite, c'est une valeur que certains hommes, aussi imparfaits soient-ils, sont prêts à défendre jusqu'au bout, quoiqu'il leur en coûte.  Monsieur Gustave, le dernier humaniste ? Peut-être pas. Reste son "héritier," le "lobby boy".

Sous des dehors frivoles, le film de Wes Anderson met en scène la disparition d'un monde au profit d'un autre monde particulièrement détestable. Deux scènes sont parfaitement emblématiques, deux scènes quasi identiques. Monsieur Gustave et son "lobby boy" sont dans un train; le train s'arrête, on ne sait pourquoi devant les mêmes champs d'orge. Montent des militaires qui demandent aux deux hommes leurs papiers. Ceux de Monsieur Gustave sont en règles; pas ceux de son jeune compagnon. Mais dans un monde civilisé, la tolérance est de mise : l'officier accorde un laisser-passer au jeune étranger. Lorsque la même scène se reproduit plus loin dans le film, les militaires sont des êtres grossiers à l'allure patibulaire :  les deux hommes sont embarqués "manu miitari".
Voilà exactement ce à quoi Zweig n'a pas voulu survivre.Qu'on ne respecte plus l'humain en l'Homme, quelle que soit sa couleur, son origine, son sexe, sa religion.

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