30 mai 2014

Umusuna

Il est toujours difficile de mettre des mots sur quelque chose qui s'exprime sans passer par les mots. 
Alors comment dire le plaisir et l'émotion éprouvés devant un spectacle de Sankai Juku, la compagnie de danse japonaise dirigée par Ushio Amagatsu .


Un décor presque nu, une colonne de sable qui s'écoule, la lumière qui magnifie les corps, des gestes lents, sans virtuosité, mais chargés de sens. Sept tableaux pour huit danseurs qui se présentent par trois, par quatre ... parfois il n'y a qu 'un seul danseur en scène. Ils ont le corps couvert de poudre blanche, le crâne rasé comme des moines, le visage impassible ...

 

Le spectacle est intitulé Umusuna Mémoires d'avant l'histoire. Le temps a pourtant commencé  de s'écouler comme le suggèrent les sabliers, mais à l'origine il n'y avait que le le vent, la terre, l'eau, le feu peut-être, les quatre éléments...rien n'est dit mais tout est suggéré.  On regarde évoluer les danseurs entre fascination et sidération jusqu'à oublier la question du sens. Parce qu'avec Sankai Juku on est définitivement au delà des mots.


24 mai 2014

Ron Carlson

Cinq Ciels est un roman publié par les éditions Gallmeister, sous l'étiquette "Nature writing". On a donc, en ouvrant le livre, une petite idée de ce que l'on va trouver. Et effectivement on lit dans ce roman, de superbes descriptions de paysages encore sauvages, de ciels immenses, de canyon somptueux, de prairies sans fin,  qui vous donnent immédiatement envie de partir du côté de l'Idaho.

Mais il y dans ce roman quelque chose de plus parce qu’il y est question d’un grand projet mystérieux qui requiert des compétences particulières :  celles d’un architecte ? d’un ingénieur des travaux publics ? d’un charpentier ? Peu importe en réalité le produit fini, ce que l’écrivain raconte, de façon très précise et apparemment bien documentée (bien que je sois mauvais juge en la matière) c’est le travail au jour le jour sur un chantier de construction et surtout l’amour du travail bien fait. 
L’abondance des termes techniques peut rebuter au début mais très vite on se passionne pour la précision des gestes, pour l’ampleur du projet. Ce n’est pas très souvent qu’un roman permet de s’immiscer dans le monde du travail et sans avoir aucunement l’âme d’un bricoleur, je me suis carrément prise au jeu. 

Un travail de construction dans une nature sauvage … c’est un début, mais le cœur du roman, bien entendu, ce sont les hommes. Trois « bras cassés », malmenés par la vie, dont un jeune homme, Ronnie, qui à défaut de la prison a déjà tâté du centre de détention.  Il ne sait rien faire et ce sont ses deux compagnons, Arthur, une espèce de colosse et le vieux Darwin Gallegos qui doivent tout lui apprendre. Ces deux-là sont des loups solitaires, le premier a quitté Los Angeles où il travaillait à la construction de décors de cinéma, le second a abandonné le ranch où il était employé lorsque sa femme est morte. Ils ont en commun une faille dans leur vie, une faille que l’on ne découvre que peu à peu.  Cinq ciels est l’histoire du compagnonnage  de ces trois homme – au sens professionnel, c’est-à-dire la transmission d’un savoir-faire - un compagnonnage qui au fil des semaines se change en amitié profonde et leur permet de panser (un peu) leurs plaies.
Ron Carlson mène son roman de main de maître jusqu’aux derniers chapitres, à la fois tragiques et spectaculaires.  Son écriture est je crois très visuelle en tout cas je n’ai cessé d’imaginer le film qui  pourrait en être tiré.

Il n’y a pour le moment que deux romans de Carlson traduits en français : Cinq Ciels qui se passe dans l'Idaho) et Le Signal  qui se passe dans les montagnes du Wyoming) Il a publié plusieurs recueils de nouvelles, qui ne sont pas pas encore traduites. Un jour sans doute ... 


23 mai 2014

Stanley Greene

Partout la guerre en Somalie,  en Syrie, en Tchétchénie, surtout en Tchétchénie.

Les photos  de Stanley Greene sont pour la plupart en noir et blanc, comme celle-ci devant laquelle je me suis longuement interrogée. Jeu d'enfant dans la neige ?  Je ne crois pas...  plutôt une "cicatrice" de la guerre. La photo a été prise à Grozny en 1996 et l'exposition présentée par la galerie Polka s'intitule Hidden scars...


 Mais ce sont deux photos en couleurs que j'ai retenues parce que cette voiture rose devant une façade criblée de balles me semble, mieux qu'une autre montrer le caractère à la fois violent et dérisoire de ces combats.


De même que la lunette arrière d'une voiture, comme une barque renversée et ces mains qui semblent implorer mais qui, dans un autre contexte pourraient ne signifier ... qu'un départ en vacances ? une voiture pleine d'enfants et des cris de joie ? 


Stanely Greene est américain, originaire de Brooklyn. Il exposait jusqu'au 24 Mai à la galerie Polka à Paris. 
Il est aussi un des membres fondateurs de l'agence photographique Noor, basée à Amsterdam.

22 mai 2014

Gégo, poétique de la ligne

Le hasard fait parfois bien les choses. Je passais boulevard Saint Germain devant la maison de l'Amérique Latine - un beau bâtiment, récemment restauré - la porte était ouverte. Une affiche annonçait une exposition.  Un nom inconnu. Je suis entrée et j'ai découvert Gego, une artiste vénézuélienne.

Gego est son nom d'artiste. En fait, Gertrude Goldschmidt est née à Hambourg en 1912, mais l'Allemagne lui ayant retiré sa nationalité sous prétexte qu'elle était juive, elle n'a pas tardé à se choisir un pays plus accueillant, le Vénézuela, où elle a vécu jusqu'à sa mort. 

Les oeuvres de Gego exposées à la Maison d'Amérique Latine sont à première vue désarçonnantes puisqu'elle n'utilise pratiquement que des lignes  dans ses tableaux et pour ses sculptures, que des fils ou des tiges. 
Le résultat est totalement abstrait, voire cinétique. Mais d'une certaine façon aussi, poétique. L'impression d'entrer dans un milieu arachnéen où l'on préférerait être araignée plutôt que mouche.




C'est simple, c'est léger et comme le dit Gego elle-même : 
"je ne risque pas de me trouver désoeuvrée car après chaque ligne que je dessine, des centaines d'autres attendent d'être dessinées"  Sabidura 7

Une façon de combler l'angoisse du vide  et qui sait, d'atteindre l'in-fini.

21 mai 2014

Van Noten au Musée des Arts décoratifs

Encore une exposition toute dans le noir, à ne pas retrouver la porte de sortie ! Mais bon, j'ai déjà râlé contre cette mode, je ne vais pas recommencer. 
D'autant qu'il s'agit d'une exposition sur un créateur de mode justement. Assez éblouissante je dois avouer. Et plus extravagante que je n'imaginais. Mais sans doute Dries Van Noten a-t-il choisi de mettre en valeur ces modèles les plus spectaculaires !


Tout en donnant quelques indices sur la façon dont l'inspiration vient à lui, à travers cette effervescence florale par exemple.



20 mai 2014

Jean-Michel Fauquet à la MEP


Pas de séjour à Paris sans une visite à la Maison Européenne de la Photographie. Pour y retrouver des photographes connus comme Martin Parr, ou pour y découvrir de nouveaux photographes.

Cette fois-ci ce fut le tour de Jean-Michel Fauquet, un artiste vraiment étrange qui, entre photo, cartonnage et mise en scène parvient à créer un univers onirique, à la fois envoûtant et ...inquiétant ! L'alliance du lugubre et du ludique. Etrange vraiment, mais il faut parfois accepter de se laisser déconcerter.

Martin Parr à Paris


Il m'a fallu un certain temps pour apprécier les photos de Martin Parr. Je trouvais son regard  sur les stations balnéaires anglaises trop ironique et passablement cruel. Et puis je me suis habituée, et je reconnais que ce qu'il donne à voir du tourisme de masse est au fond assez juste. Il a incontestablement l'oeil pour repérer les travers et les ridicules de ses congénères !

Il me semble toutefois que son regard s'est adouci lorsqu'il s'agit de photographier Paris. Peut-être parce que les touristes qui font d'interminables queues sous la pluie pour entrer à Notre-Dame,  les visiteurs du Louvre qui dégainent par milliers leurs smartphones devant la Joconde,  exposent leurs manies, mais pas leur corps et gardent ainsi un peu plus de dignité que les estivants en maillot.

Toujours est-il que je m'interroge souvent sur "le droit à l'image " des gens que Martin Parr photographie.  Leur a-t-il demandé leur autorisation, avant de les photographier ? Après ? Ou pas du tout ?  En tout cas j'espère bien ne jamais me trouver involontairement devant son objectif.

19 mai 2014

Le Salon de Montrouge

Profiter des expos parisiennes pour aller voir les grandes gloires du moment, c'est (presque) toujours agréable. Mais pour mettre un peu de piquant, rien de tel qu'un salon qui expose de jeunes artistes, tout juste sortis de leur école. Pas encore de côte chez les marchands, pas d'appareil critiques, rien que le regard, le feeling pour décider si l'oeuvre nous intéresse, si l'artiste a du talent, une voix qui lui est propre, un univers, quelque chose qui le distingue de tous les autres.

Voilà ce que pour ma part, j'ai retenu du Salon de Montrouge


D'abord un superbe bâtiment Art Déco : le Beffroi. Certains artistes ont apparemment travaillé in situ, sur des oeuvres destinées à demeurer. Mais je n'ai pas réussi à trouver le nom de l'artiste qui a transformé de façon spectaculaire la cage d'escalier.




La fresque très colorée conçue par Moebius pour le grand mur d'entrée du foyer-bar n'était pas accessible ce jour-là. Je n'ai pu que l'entre-apercevoir mais elle m'a paru époustouflante. 

Parmi les oeuvres  et les artistes qui ont retenu mon regard :


La fresque (beaucoup plus longue que sur ma photo) de personnages dessinés et découpés sur papier calque,  une oeuvre tout en finesse pour suggérer l'exil d'un peuple


Les obsessions très féminines  de Clémentine Despocq qui se présente comme bijoutière-plasticienne


Les sculptures mi végétales, mi livresques mais de toute façon couvertes de cire d' Ines P Kubler


Cette photo et celle-là seulement d' Emmanuelle Blanc. Les autres étaient de photo de montagnes...



Mari Minato s'est emparée du hall du premier étage et de sa cage d'ascenseur, juste quelques touches de couleur, un souffle de gaîté.

Et pour ne pas donner l'impression de n'avoir choisi que des femmes, voici une étrange composition de Matthieu Raffard


Et un exemple du travail de Julien Salaud invité d'honneur du salon



Si les liens que j'ai mis sur les noms des artistes fonctionnent et si je ne me suis pas trompée de nom... vous pourrez peut-être vous faire une idée du travail de quelques artistes très contemporains. Sur le site du Salon, ils sont tous répertoriés.

18 mai 2014

La Causerie


« La causerie : nom féminin.  Discours familier, entretien sans prétention ; petite conférence informelle. » 
Voilà ce que dit le dictionnaire. Mais ce qu’il ne dit pas c’est que La Causerie, située place Saintte Claire à Grenoble(à côté de BD Fugue et de la boutique irlandaise !) est  un café d’un genre nouveau.

Depuis qu’il a ouvert il y a un peu plus d’un an, il est devenu le repaire préféré des lecteurs et … des bavards.
On peut prendre un livre sur une étagère, l’emmener chez soi, le lire, le rapporter ou en laisser un autre à la place.
On peut s’inscrire à une séance de conversation en italien, en russe, en espagnol, en polonais … et si vous parlez couramment le  … volapük, vous pouvez sans doute lancer votre propre groupe de conversation.
On peut s’installer avec son ordinateur  et consulter ses mails puisque le wifi y est offert.
On peut y retrouver un ami  pour échanger confidences et potins, causer à cœur ouvert.
Ah, j’allais oublier, on peut aussi y  boire un café, ou un thé et même y déjeuner d’une part de tarte et d’une salade.
La Causerie est un salon de thé sans chichi, mais chaleureux. Un lieu accueillant tenue par une personne aimable et souriante. Un lieu rare.

Schuiten à la BNF

François Schuiten vient de faire don d'une partie de ses archives à la BNF, qui en propose l'exposition jusqu'au 15 Juin, sous le titre Les Coulisses des cités obscures.

Au pied des 4 tours, le vent du Nord soufflait fort et il vaut mieux entrer directement par la bonne porte (Ouest) pour n'avoir pas à parcourir des kilomètres de couloirs une fois à l'intérieur ! Mais les dessins de Schuiten valent la peine que l'on y mette un peu du sien.

Les planches originales ne sont en fait pas très différentes des pages imprimées, (juste un peu plus grandes quand même) sans doute parce que Schuiten apporte à l'impression de ses oeuvres la plus grande attention. Se méfiant comme de la peste des capacités d'archivage numérique (!) il apporte d'ailleurs la même attention à leur conservation puisqu'il a décidé d'en faire don à 4 ou 5 organismes dont la Bibliothèque François Mitterand,

J'ai retrouvé avec plaisir certaines planches que je connaissais déjà et me suis étonnée de n'avoir pas suivi jusqu'au bout la série des Cités obscures. J'ai dû m'arrêter du côté de La Route d'Armilla ce qui me laisse encore quelques albums à découvrir. Tant mieux.

D'autant qu'après avoir regardé en boucle la petite vidéo qui montre Schuiten et son ami Peeters à l'oeuvre sur la conception d'une page, je suis restée impressionnée par l'agilité des doigts du dessinateur et la sûreté de son tracé. Pas de doute, à ce niveau, la bande dessinée est véritablement un art. Le 9e je ne sais pas, mais un art c'est certain !




17 mai 2014

Dorothea Lange

A Grenoble, pas à Paris ni nulle part ailleurs, une exposition de photos de Dorothea Lange, la photographe emblématique des années 30 et du travail de la Farm Security Administration sous la présidence de Roosevelt.

Migrant Mother, la photo qui sert d'affiche à l'exposition est certainement la plus connue des photos de Dorothea Lange, mais dans l'ancien musée de peinture, place de Verdun, vous pourrez voir quelques-unes des photos qui ont été prises dans la même séquence,  et vous demander pourquoi celle-ci a été choisie plutôt que les autres, pourquoi celle-ci marque aussi profondément la mémoire, au point de résumer à elle seule cette sombre période.


Les photos sont légendées ce qui permet de mieux situer les lieux, d'imaginer les conditions de vie de ces migrants, leurs logements de fortune, leurs déplacements, à pied le plus souvent dans une Amérique dont la prospérité, vantée par des panneaux publicitaires (Nex time I'll take the train !) était alors purement illusoire.

En complément,  dans la salle du fond, les propositions, sur le même thème, de quelques photographes contemporains. 


Ni le lundi ni le mardi et jusqu'à la fin de la semaine prochaine. 

Bill Viola

Encore une exposition dans le noir, mais comment faire autrement pour présenter des vidéos ? Au moins, ici, l'obscurité est justifiée.

J'aime bien Bill Viola; je trouve que son travail est à la fois très esthétique et fascinant par la distorsion des images et bien sûr du temps. Un peu comme s'il ouvrait une autre dimension dans l'espace-temps. J'aime aussi sa façon de jouer avec les éléments, l'eau, l'air, le feu ... les éléments les plus mobiles. La fluidité des images, dont le changement est parfois à peine perceptible à l'oeil,  rend parfaitement cette mobilité
Oui mais voilà, l'exposition du Grand Palais est rétrospective et comporte une bonne douzaine d'oeuvres, peut-être plus; impossible de glisser de salle en salle, il faut s'arrêter, entrer dans l'image, se laisser prendre, recommencer au début peut-être, revoir encore et encore le même passage ....
Le temps se dilate, s'arrête ...
Le spectateur se lasse.
Trop c'est trop.
Il me semble que les vidéos de Bill Viola sont faites pour être regardée une par une, qu'on les apprécie mieux une à la fois seulement.


16 mai 2014

Les Indiens des Plaines

Encore une exposition que je ne pouvais manquer ! Et dont les pièces exposées m'ont largement satisfaite. J'ai été en effet séduite par les peintures réalisées avec des pigments naturels sur les peaux tannées destinées à servir de robe et par le délicat travail des perles ou des plumes sur les coiffes ou les vêtements ...  Long travail de patience.

Les dessins ont l'air parfois naïfs, mais peuvent aussi bien frôler l'abstraction, peut-être simplement parce que la simplification des traits ne nous permet pas toujours d'identifier l'objet représenté.  Mais c'est notre ignorance de ces cultures indiennes et de leur iconographie qui est en cause.


Le parti pris qui consiste à ouvrir l'exposition sur la période contemporaine, et à mettre en valeur quelques artistes d'aujourd'hui, avant d'entamer un parcours chronologique est intéressant. Il permet de rappeler qu'en dépit de tout ce qu'ils ont subi, ces peuples indigènes n'ont pas totalement disparu et que depuis la fin des années 60  - plus précisément après la création de l 'IAM (Indian American Mouvement) en 1968 et les "événements" de Wounded Knee en 1973  - on parle d'une Renaissance indienne,  qui se manifeste  sur le plan politique, mais aussi bien sur le plan artistique et littéraire. Le tableau de T.C. Cannon représentant un chef indien "aux aguets" pistolet au poing m'a paru à cet égard assez significatif.


T.C. Cannon, Chef aux aguets, 1975

 Parmi les oeuvres proposées dans cette section, j'ai retenu le tableau de Dick West qui représente la danse du soleil, considérée comme un des rituels indiens les plus importants. Non pas que le tableau m'ait paru d'une beauté stupéfiante, mais, pure coïncidence, je venais juste de lire une impressionnante description de cette danse dans le livre de Gretel Ehrlich intitulé La Consolation des grands espaces. "Il ne s'agit pas d'adorer le soleil, mais de se pénétrer de sa puissance régénératrice qui rend santé, vitalité et harmonie à la terre comme à toutes les tribus."


Dick West, Danse du Soleil Cheyenne, Le Troisième Jour , 1949

L'exposition du Musée Branly présente quelques pièces exceptionnelles, mais reste accessible à tous ceux qui s'intéressent aux Indiens quelles que soient leurs motivations.  Ce faisant, elle évite soigneusement les sujets trop polémiques et propose, sur la condition indienne, un discours qui m'a paru un peu léger, volontairement édulcoré (pour éviter les sujets qui pourraient fâcher ? )

En revanche, ce qui m'a vraiment fâchée c'est la scénographie. Que la plupart des objets soient présentés sous vitrine pour éviter leur détérioration ?  Soit ! Dans la pénombre pour les mêmes raisons ? Je veux bien l'admettre. Mais alors pourquoi munir les visiteurs d'audioguides dont les écrans lumineux - qu'ils trimbalent le plus souvent sur leur ventre - ajoutés au projecteurs et aux reflets des projecteurs dans les vitrines finissent par constituer une vraie nuisance pour l'oeil qui n'a jamais le temps de s'adapter à la demi-obscurité. Difficile dans ce cas de s'attarder longuement devant les vitrines. 

15 mai 2014

Thomas Hirschhorn



Inlassablement elle lisait. 
"Ainsi parlait Zarathoustra". 
Clairement. Posément.  
A haute voix.
Indifférente aux passants qui eux-mêmes faisaient semblant de ne pas s'étonner d'évoluer dans un espace labyrinthique encombré de pneus, de vieux meubles, de télévisions, d'ordinateurs et autres rebuts de notre société de consommation. Lesquels passants étaient libres de s'asseoir à leur tour, de regarder un DVD, de lancer une discussion ou éventuellement d'intervenir à leur convenance dans ce lieu ouvert à tous les possibles...


L'installation, intitulée FLAMME ETERNELLE est l'oeuvre de Thomas Hirschhorn.  Artiste reconnu depuis les années 90. 

J'avoue être restée pour le moins perplexe devant cet amoncellement de détritus, ce gigantesque "junk yard" qui occupe pas moins de 2000 m2 dans le Palais de Tokyo. Et comme un ami vient de me faire l'éloge du livre de Nathalie Heinich intitulé Le Paradigme de l'art contemporain, je me dis que, en le lisant, peut-être trouverai-je les clefs qui me permettront de voir dans cette "décharge" non pas une provocation facile, même assortie d'une critique explicite de la société de consommation (déjà fait, déjà vu ! ) mais une oeuvre d'art. Contemporaine bien sûr. 

14 mai 2014

Le Voyage de l'Obélisque

A force de tourner autour d'elle on finit par oublier qu'elle n'a pas toujours été là, place de la Concorde, mais qu'elle a un jour orné le temple de Louxor.
En complément de mon récent voyage en Egypte il me paraissait indispensable d'aller voir l'exposition présentée au Musée de la marine, qui retrace le voyage de l'Obélisque, un voyage qui a duré  près de 7 ans !
L'exposition est passionnante de bout en bout, parce que les moyens d'extraction, de levage ou de transport n'avaient rien à voir avec ceux dont nous disposons actuellement et parce que, en dépit des difficultés, un homme, l'ingénieur de la marine chargé des calculs, de l'invention et de la réalisation des machines est venu à bout de cette périlleuse mission. Son nom ? Apollinaire Lebas. Aussi têtu qu'astucieux !

Mais l'on comprend aussi qu'après cette incroyable odyssée, la France ait renoncé à faire venir la seconde obélisque qui pourtant lui avait été offerte par le vice-roi d'Egypte en 1830.


Embarquement de l’obélisque à bord du Luxor (détail),
Atelier des modélistes du Musée naval au Louvre, 1847 © MnM A. Fux
 

Érection de l’Obélisque de Louxor,25 octobre 1836, détails, aquarelle. Cayrac, 1837
Dépôt du musée du Louvre© Musée national de la Marine/P. Dantec

13 mai 2014

Great Black Music


S'il y a une exposition à voir à Paris en ce moment, c'est bien celle-là ! Mais attention, prévoyez d'y passer beaucoup de temps, car il ne s'agit pas seulement de voir, mais d'écouter. Sinon cela n'aurait pas de sens. Et quoi que vous fassiez, vous ne pourrez sans doute pas tout écouter.

Dès la première salle, des bornes interactives vous permettent d'accéder aux légendes des musiques noires, parmi lesquelles Elvis Presley, ce qui étonne un peu puisque la couleur de sa peau ne correspond pas tout à fait à l'idée qu'on se fait de la musique noire, mais l'histoire de cette musique est ainsi faite que la couleur de la peau est moins importante que le rythme ou la mélodie. C'est en tout cas ce que j'ai cru comprendre.



On avance ensuite de salle en salle, audioguide à la main et sourire aux lèvres. Car, si dans les musées ont voit souvent des visages sérieux, voire compassés, à la Cité de la musique, les corps étaient plutôt mobiles et les visages rieurs. Parcourir l'ensemble de l'exposition écouteurs sur les oreilles demande du temps, mais au plaisir de la découverte s'ajoute celui de la nostalgie, à reconnaître de vieux tubes autrefois adulés, à retrouver des ambiances issue de cette musique.
A chacun son parcours en fonction de ses propres références, mais quoi qu'il en soit, Great Black Music est une vraie partie de plaisir qui se conclut pour les plus téméraires, par quelques pas de danse !



 Je suppose qu'il y a plein d'autres choses à voir et à entendre à la cité de la musique, mais au bout de 3 heures l'épuisement gagne.


Et comme, dehors il pleuvait beaucoup, j'ai trouvé refuge au resto le plus proche : le Café des Concerts, joliment aménagé par Nelson Wilmotte.
La tête encore pleine de musique !








12 mai 2014

Agua Fria del Mar

Le film ne passe pas actuellement sur les écrans, mais une séance du cine-club espagnol m'a permis de découvrir ce premier long-métrage de Paz Fabrega, une jeune réalisatrice du Costa-Rica.

Agua Fria del Mar est un film troublant, ambigu qui met en scène d'une part, une petite fille dont on ne sait si elle est simplement perdue ou perverse, en tout cas manipulatrice; d'autre part une jeune fille qui semble elle aussi perdue mais pour d'autres raisons, sans doute perturbée à l'approche de sa future vie conjugale. On peut en déduire que le film porte sur la difficulté qu'éprouvent certains individus à trouver leur place dans la société, les filles en particulier.


Mais le cadre dans lequel la cinéaste fait évoluer ses personnages propose une vision plus élargie, plus sociale du Costa Rica. Au bord d'une longue plage déserte, des familles viennent s'installer dans des campements sommaires et provisoires, pour profiter de la mer. Un camping sauvage toléré mais sans doute plus pour très longtemps parce que la plage fait désormais partie d'un parc national et que les terrains proches ont été repérés par de riches investisseurs désireux d'installer, dans ces paysages somptueux, hôtels de luxe et "villages de vacances".
L'enfance, l'adolescence comme la nature sauvage sont des contrées aux contours flous vouées à disparaître. On les quitte à regret, on en garde la nostalgie mais il n'est pas de retour en arrière possible. Paz Fabrega toutefois se garde bien d'être aussi explicite; le rythme nonchalant du film, sa structure elliptique, les images nocturnes, laissent suffisamment de zones d'ombres pour permettre d'autres interprétations. Ce qui ne constitue pas le moindre atout du film.

11 mai 2014

Noor

Un "truck center" à Lahore. Un de ces lieux où l'on s'occupe moins de mécanique que de décoration, puisqu'il s'agit de "customiser" les camions, principal moyen de transport de marchandises au Pakistan. Qui n'a pas croisé sur sa route un de ces camions ne peut imaginer les trésors d'invention de ces artistes de la carrosserie. Ni l'argent investi par les propriétaires, ni surtout leur fierté.


 Noor, pourtant,  n'est pas un documentaire sur les "truck centers" pakistanais. Le personnage au coeur du film est un jeune eunuque, un "transgenre" qui après avoir vécu un certain temps en dansant et en se prostituant, aimerait désormais se marier et vivre comme un homme.  Etude de moeurs passablement exotiques, portrait d'un jeune homme mal dans sa peau, Noor est tout cela, mais j'avoue que ce qui m'a surtout ravie, c'est de retrouver dans ce film les impressions d'un ancien voyage sur la route de la soie : les camions bien sûr et les invraisemblables paysages du Karakorum Highway !
Nostalgie quand tu nous tiens ! 

Hijras ? Kushras  ? C'est ainsi je crois que l'on appelle les transgenres, dont l'identité en tant que personne du troisième sexe, ni homme ni femme a été reconnue par la Cour Suprême du Pakistan depuis 2011.

06 mai 2014

Raconter des histoires


"Et comme les hommes s'ennuieront toujours, il faudra toujours leur raconter des histoires."
Elsa Triolet

Des histoires j'en lis beaucoup. Mais pour une fois j'ai été écouter une amie raconter des histoires. Et elle raconte si bien ses histoires de chèvres, de princesses, de barrettes,  ou de cochons que tous, petits et grands, restent bouche bée !  Quand ils n'essayent pas de la devancer et de trouver ce qu'elle va dire ensuite car Elisabeth Calandry joue avec son public autant qu'elle joue avec les mots. Et son répertoire semble inépuisable !
Allez voir son site et ne manquez pas la vidéo à malices. Mieux encore, essayez de vous trouver sur son chemin quand elle raconte ses histoires. 



05 mai 2014

Night Moves

Le sujet n'est pas neuf. Il a déjà été traité dans au moins deux romans à ma connaissance : Un bon jour pour mourir de Jim Harrison paru en 1973 et Le Gang de la clef à molette d'Edward Abbey paru deux ans plus tard. Dans les deux cas il s'agit de militants écologistes tendance branquignole, embarqués dans une épopée pour le moins hasardeuse : faire sauter un barrage !

Kelly Reichardt situe son film dans l'Orégon, une région effectivement superbe, qui mérite que l'on se batte pour préserver son environnement. Ce à quoi s'activent un certain nombre de militants de la cause écologique, qu'ils appartiennent ou non au HLF (Hearth Liberation Front). Ces éco-activistes sont pris très au sérieux par le FBI et le système judiciaire qui considèrent qu'ils représentent la principale menace d'attentat sur les biens publics et n'hésitent pas à parler d'éco-terrorisme.

La cinéaste montre la préparation de l'attentat par les trois écologistes - préparation un peu longue ! - suggère l'explosion sans la montrer et suit ses trois personnages après l'attentat. Elle n'approuve ni ne désapprouve leur action, laissant ainsi au spectateur le soin de lever les ambiguïtés de ses écologistes qui travaillent dans une ferme bio et logent dans une yourte (le cliché absolu !) mais circulent dans d'énormes 4X4 et mangent du pain industriel emballé dans un sac en plastique !


Mais qu'importent ces détails si le sujet du film est ailleurs, dans ce sentiment de culpabilité qui taraude les trois individus quand ils prennent conscience du caractère irréversible de leur acte. Difficile de continuer à cultiver ses brocolis ou à masser des dames ventripotentes quand on se sait responsable de la mort  d'un homme. Il y a dans ce film quelque chose du poème de Victor Hugo  "L'oeil était dans sa tombe et regardait Caïn ! 
Voilà pourquoi, en fin de compte ce film a plus retenu mon attention que les deux romans cités au début de ce billet. Mais je devrais peut-être les relire.

04 mai 2014

Dans la cour

Catherine Deneuve, j'ai appris à l'aimer à partir de Potiche. Sans doute à partir du moment où elle a accepté de n'être plus une simple icône mais à jouer véritablement, et quand les réalisateurs ont entrepris de jouer avec son image justement.
En lui confiant le rôle d'une bourgeoise parisienne, compatissante et légèrement farfelue qui sombre doucement vers la folie, Pierre Salvadori s'est peut-être souvenu de l'un de ses premiers rôles, celui de Carole (?) dans le film de Polanski, Répulsion, où l'actrice jouait alors le rôle d'une jeune fille qui, obsédée par les bruits et les fissures, basculait peu à peu dans la schizophrénie.


 Le parallèle entre les deux films n'est pas inintéressant et ne joue pas nécessairement en faveur du "grand maître" Polanski. Pierre Salvadori, en effet, décentre son sujet en adjoignant au personnage féminin joué par Deneuve, un second personnage, Antoine, dépressif profond. Dès lors le spectateur n'assiste pas à un dérapage mais à deux dérapages, pas franchement contrôlés. L'un s'accrochant à l'autre pour ne pas sombrer et s'imaginant peut-être trouver du réconfort auprès de l'autre alors qu'ils ne font que s'enfoncer, l'un ET l'autre. Si bien que l'histoire au lieu d'être tout bonnement tragique devient tragi-comique : il y a dans le film des passages particulièrement drôles comme la scène où Antoine transforme une séance d'arrosage en scène de cape et d'épée qui déclenche l'ire de Mathilde qui saisit le premier objet qui lui tombe sous la main - une pomme - et la lui jette depuis son troisième étage, avant de regretter immédiatement son geste et de culpabiliser pendant ses nuits d'insomnie.
Gustave Kerven, qui tient le rôle d'Antoine est tout à fait épatant en gros nounours hirsute incapable  de refuser quoi que ce soit à quiconque. Ajoutez un dialogue souvent savoureux et voilà pourquoi, pour une fois, je ne me suis pas ennuyée en allant voir un film français.



03 mai 2014

Luisa Lambri

Photographier le presque rien, tellement presque rien que parfois, on a l'impression qu'il n'y a rien du tout sur les photos de Luisa Lambri. Un peu d'ombre et de lumière dans l'angle d'une pièce, un branche derrière une vitre ...

 

Ce n'est pas tout à fait abstrait

 

 A peine figuratif ...



 L'impression d'être dans un entre-deux, étrange et envoûtant, d'où la couleur toutefois n'a pas toujours été effacée. 
http://www.luhringaugustine.com/artists/luisa-lambri#