07 février 2017

Moonlight

De la pièce de théâtre adaptée au cinéma par Barry Jenkins, je ne sais ce qu'il reste, mais je peux parier sans trop de risques sur la structure en trois actes et la justesse des dialogues. Cependant  Moonlight  n'a rien à voir avec du théâtre filmé : Moonlight est avant tout un film, et un bon film.

Grandir dans un ghetto noir,  grandir sans père mais avec une mère accro au crack, grandir entouré de delaers et de malfrats, se faire pourchasser et tabasser par les garçons de sa classe, se sentir différent mais sans savoir pourquoi ... le premier acte déroule les fils que le film va continuer de tirer au fur et à mesure que l'enfant devient adolescent puis adulte.

La trame de Moonlight est connue, c'est celle du roman de formation. Il suffit de suivre la progression d'un personnage de l'enfance à l'adolescence et de montrer son évolution en fonction des rencontres qu'il est amené à faire. En s'intéressant à Chiron, un enfant noir dans une banlieue pauvre de Miami, en faisant de lui un individu qui s'interroge sur son identité autant que sur sa sexualité, le réalisateur se lance dans un exercice difficile, celui  qui consiste à utiliser tous les clichés sur le milieu  (détails vestimentaires, langage, attitudes) sans pour autant les caricaturer mais en montrant que la réalité est plus complexe que les apparences ne le laissent entendre.


D'une façon plus générale, le film propose une réflexion sur le conditionnement d'un être par le milieu. Ces gamins de Miami ne sont ni plus ni moins conditionnés que les adolescents qui vivent dans les quartiers chics de Paris, préparent leur bac à Henri IV ou Louis Le Grand avant d'intégrer Sciences po ou HEC .  Quelle est la part du choix, quelle est la part du déterminisme social ? Comment un individu lambda peut-il résister au laminage de son milieu ?  Porter une chemisette à carreaux, alors que le sweat à capuche, la casquette de travers, le collier en or et les dreadlocks imposent leur loi.
Moonlight est un excellent film parce que rien n'est dit mais tout est suggéré, parce que Barry Jenkins utilise les images autant que les mots pour laisser le spectateur libre de son interprétation.

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