06 juin 2018

Ernest Gaines, L'Autobiographie de Miss Jane Pittman


Et bien voilà, je les ai désormais tous lus, les livres d'Ernest Gaines du moins ceux qui sont traduits en français et publiés chez Liana Levi. Et chaque livre confirme mon intérêt pour cet auteur, toujours étonnée, toujours charmée, toujours émue par ses nouvelles autant que par ses romans.

L'Autobiographie de Miss Jane Pittman est un des premiers romans de Gaines puisqu'il a été publié aux Etats-Unis en 1971, soit quelques années seulement après la loi sur les droits civiques.
L'histoire se passe bien entendu en Louisiane, dans cette contrée rurale dont l'auteur est originaire. Et Miss Jane Pittman est une très vieille dame de 108 ou 109 ans, un peu plus peut-être, en tout cas assez vieille pour avoir connu l'esclavage et la guerre de Sécession, assez vieille aussi pour savoir qu'en 1955, dans un bus de Montgomery  une femme nommé Rosa Parks a refusé de  céder son siège à un homme blanc, affirmant ainsi son refus de la ségrégation.

L'autobiographie de Jane Pittman est bien sûr un prétexte pour raconter 100 ans de l'histoire afro-américaine, 100 ans entre la fin de l'esclavage et la loi sur les droits civiques ! 100 ans de l'histoire américaine racontée du point de vue des Noirs : c'est le projet d'Ernest Gaines, qui le fait à sa façon, c'est à dire en romancier.

Il met en place une petite communauté noire, dans un lieu fictif et pourtant totalement réaliste. Il fait parler ses personnages comme parlent ou plutôt parlaient les noirs de la campagne. Pour un peu on entendrait leur accent, un peu traînant, syllabes avalées et grammaire parfois simplifiée. (Merci à la traductrice Michelle Herpe-Voslinsky). Mais c'est surtout la voix de Jane que l'on entend, cette gamine qui, lorsqu'elle a appris que les siens étaient libres, a décidé de fuir vers l'Ohio.  En fait elle ne quittera pas la Louisiane. le pays est trop grand. Et elle est bien trop petite.

Jane Pittman est un personnage étonnant : aussi naïve qu'intelligente, curieuse, généreuse, mais surtout déterminée avec un sens inné de ce qui est bien et de ce qui est mal. C'est à travers son regard que l'on voit vivre cette petite communauté rurale de Louisiane, que l'on comprend leurs difficultés, leurs peurs, leurs espoirs, le pari sur l'éducation et l'importance de la religion. C'est à travers son regard que l'on voit la haine, l'injustice, la violence que subissent les gens de son espèce, bref tout ce qui fait  (faisait?) de la condition noire un enfer. Jane Pittman est une femme entrée en résistance dès l'enfance, une femme forte, qui semble indestructible en dépit de la misère, en dépit de l'âge. Un très beau personnage, qui met remarquablement en valeur cette longue prise de conscience des Noirs et la trop lente conquête de leurs droits civiques.

Oui,  Ernest Gaines est un très grand écrivain et L'Autobiographie de Miss Jane Pittman, un très beau roman.  Comme tous les romans de Gaines parus chez le même éditeur. D'ailleurs, maintenant que j'ai lu tous ses romans en traduction, il est peut-être temps que j'aille chercher ceux qui n'ont pas encore été traduits, s'il y en a, ou que je relise ceux qui ont déjà été traduits. En version originale cette fois, pour mieux les savourer.





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