12 juillet 2025

Aharon Appelfeld, La Ligne

Depuis que le film La Chambre de Mariana est sorti, on parle beaucoup de cet écrivain né en Roumanie, en 1932, rescapé des camps, réfugié en Israël depuis 1946 et considéré comme un écrivain majeur de la Shoah. Histoire d'une vie, paru en français en 2004 était plus classiquement autobiographique que La Ligne, écrit en 1991 et publié en français en mars de cette année. Mais si La Ligne emprunte un peu plus au genre romanesque, puisque le narrateur est un homme qui refait inlassablement depuis des années le même circuit en train à la poursuite de l'homme responsable de la mort de ses parents, les éléments biographiques sont toujours là, en arrière-plan. . Les paysages défilent; les gares, les pensions où le narrateur revient toujours, les gens qu'il retrouve régulièrement au rythme des ses voyages soulignent le côté obsessionnel d'une mémoire qui ne parvient à oublier ni la permanence de l'antisémitisme, ni le renoncement au communisme. La Ligne ressemble à un récit de voyage, mais un voyage en boucle; ressemble aussi à un polar, puisqu'il s'agit de retrouver un assassin; mais c'est plus encore un texte qui, sous des dehors romanesque, pousse à réfléchir sur ce que signifie être juif, dans un siècle qui après tant de pogroms a connu la Shoah. 


 

11 juillet 2025

Le Jardin d'été

Le film de  Shinji Somai et Yozo Tanaka date de 1994. Je l'aurais su avant de voir le film, j'aurais peut-être été plus indulgente.  Mais dès les premières images j'ai été désagréablement surprise par la qualité de la pellicule, genre Kodachrome un peu trop saturé. De plus, si le point de départ - la curiosité des enfants vis à vis de la mort - était intéressant, et a conduit l'improbable trio à espionner un vieillard, puis se lier d'amitié avec lui jusqu'à en faire le meilleur compagnon de leur été, je me suis assez vite lassée d'un thème un peu trop rebattu (le vieillard et l'enfant), qui n'avait de neuf que d'être japonais. Mais ce qui m'a surtout gêné dans ce Jardin d'été, c'est le jeu des gamins, à commencer par un casting caricatural : petit avec des lunettes, obèse et juste normal souligné de surcroît par les surnoms dont ils écopent.  J'avoue avoir toujours un peu de mal avec les enfants-acteurs, mais ceux-là vraiment, m'ont rappelé ... La guerre des boutons (!) sans doute à cause du plu petit, véritable moulin à parole. Entre allergie épidermique et attendrissement, j'ai hélas penché du côté de l'agacement. 


10 juillet 2025

La soif du mal

Parmi les plaisirs de l'été, il y a les "reprises" de film un peu oubliés, ou de grands classiques qui n'étaient pas ressortis depuis longtemps. 

Fan inconditionnelle d'Orson Welles (à égalité avec Kübrick !), j'avais néanmoins achoppé sur La Soif du mal, vu plusieurs fois, mais qui m'avait paru trop confus pour être convaincant. La version proposée aujourd'hui est non seulement restaurée, mais modifiée pour correspondre non plus au projet mercantile des producteur, mais aux intentions de Welles.  Furieux des modifications apportées au montage par le studio, celui-ci avait rédigé une note de 58 pages pour préciser les changements à apporter. La version présentée actuellement tient compte de ce document et le résultat est époustouflant. J'ai enfin trouvé le film clair - bien que la complexité de l'intrigue demande toute l'attention du spectateur - et franchement éblouissant : la pertinence des mouvements de caméra, la perfection des cadrages, des gros plans qui enferment les personnages et font monter l'angoisse, l'alternance des scènes d'intérieures, et plus rares de scènes urbaines, avec un travail sur la lumière qui donne au noir et blanc toute sa force. Un film d'Orson Welles, c'est souvent un dilemme moral, mais c'est avant tout une aventure visuelle totalement maîtrisée, par le réalisateur et son équipe.  

S'il y a un film à ne pas manquer cet été, c'est bien celui-là. Mais attention, il n'y a pas tant de séances que cela.  Et c'est sur grand écran qu'il faut le voir, c'est dans les salles obscures qu'il éblouit.