- Qu'il est donc difficile de tenir régulièrement un blog ! A défaut d'un billet quotidien, un billet hebdomadaire ce serait bien.
- Ce qui serait bien surtout, c'est de se tenir à ce que l'on fait et quand on commence un récit de voyage on ne s'interrompt pas pour aller faire autre chose. Ainsi le Laos...
- Oui, le Laos ! Et bien reprenons ...
Nous voici à Luang Prabang, ex-capitale et résidence royale jusqu'en 1975.
Une aubaine, un régal pour le touriste ! Et en particulier pour le photographe !
Parce que rien de plus photogénique que les moines, avec leur robes oranges, jaunes, safran ...
Les boutiques sont pleines de cartes postales comme celle-ci !
Et quelle que soit l'heure du jour, vous croiserez nécessairement moines et moinillons. Alors, tout aussi nécessairement, vous appuierez vous aussi sur l'obturateur, histoire de saisir au vol...
l'ombre du parapluie en plein midi...
ou la volée de moines en train de s'entasser dans un tuc-tuc rutilant...
ou ... le moine qui s'isole en compagnie de son portable, preuve que bouddhisme et modernité ne sont pas incompatibles. D'ailleurs entre 18h et 20h, les cybercafés sont pleins de jeunes gens en robe orange et crâne rasé ! Cours d'anglais ou jeux video, textes sacrés ou musiques électro-accoustiques ? Le casque sur les oreilles, les doigts agiles sur le clavier, ils sont branchés sur aujourd'hui; mais demain à l'aube, ils accompliront le rituel millénaire. Et, apparemment, pas schizophrènes pour autant.
Il y a aussi des photos, un peu floues, pas très bien cadrées, qui ont pourtant toute une histoire à raconter. Ainsi celle-là :
Deux jeunes moines qui ont l'air d'écouter ou d'observer attentivement ...
un autre, bizarrement penché, en train de regarder quelque chose par terre, derrière un buisson...
Un étrange parapluie qui semble flotter dans l'air...
et un gos moine hilare, une vraie tête de bouddha ! Mais en regardant bien on s'aperçoit qu'il tient dans sa main la cigarette qu'il est en train de fumer.
Une cigarette ? Peut-être même un cigare...Tiens, je n'imaginais pas Bouddha comme cela !
Et si je mets tous les éléments ensemble, ça donne quoi ?
Pas grand'chose, une photo très quelconque. Qui n'amuse sans doute que moi.
Etre moine à Luang Prabang aujourd'hui. Qu'est ce que cela signifie ? A quoi est-ce que cela oblige ? Qu'est-ce que cela permet ? A quoi est-ce que cela correspond ?
Pour les plus jeunes, c'est une période de formation, intellectuelle et morale, c'est la possibilité d'accéder à une certaine éducation.
Un début, peut-être pas une fin.
Mais si vous préférez des images de moines plus conformes à ce que nous imaginons en voici au moins une ...
ou deux...
21 mars 2007
18 mars 2007
Lundi classique : le théâtre grec
- Je m'ennuie souvent au théâtre. Trop de dialogues ? Pas assez d'images ? Je ne sais trop mais c'est un fait.
- Dans ce cas, pourquoi t'intéresser au théâtre grec ? Par obligation ? Parce que cela fait partie de notre grand patrimoine culturel ?
- Certainement pas !
- Alors pourquoi aller chercher des auteurs morts il y a plus de 2000 ans qui ressassent sans fin les mêmes histoires de famille. Les Atrides, les Labdacides.... Pas vraiment recommendables ces gens là....
- Non, pas vraiment, mais avant de parler d'eux, parlons un peu des représentations. Car ce sont les conditions dans lesquelles les tragédies étaient représentées qui rendent le théâtre grec tout à fait passionnant.
Allons directement à l'essentiel et parlons d'abord du cadre des représentations, ces fabuleux théâtres de pierre en plein air, les immenses gradins, souvent avec vue sur la mer comme à Taormina ou à Leptis Magna !
Mais je ne suis ni architecte, ni historienne alors je passe sur les détails pour ne retenir que deux éléments : les théâtres grecs étaient conçus pour recevoir plusieurs milliers de spectateurs, oui, plusieurs milliers, ce qui les apparente plus à des stades de foot qu'à des théâtres classiques. Tu peux te faire une idée de la capacité de ces théâtres en jetant un oeil à la photo : http://www.jmrw.com/Abroad/Sicile/Syracuse/pages/20051108-104556_jpg.htm
Bon d'accord, il ne reste pas grand chose, à part les gradins, mais si par l'imagination tu arrives à les remplir, tu comprendras mieux ce que foule veut dire. Et il y avait foule dans ces théâtres !
L'autre élément important est le "thumele", une colonne de pierre placée à peu près au centre du théâtre, un autel sacrificiel sans doute, consacré à Diyonysos. Or Dionysos est un de mes dieux préférés. Un bon vivant associé à la vigne et au vin : voilà de quoi rendre le personnage sympathique. Mais surtout, Dionysos est l'antithèse d'Apollon, son antithèse et même son antidote. Apollon est un dieu de lumière; il incarne le savoir, l'ordre et la raison. Jusqu'à l'excès. Dinoysos est un dieu de l'ombre; il incarne le désordre et le chaos, c'est vrai, mais aussi le doute et l'incertitude. Le doute est inconfortable sans doute, mais il est, à mes yeux, salutaire : il sauve des certitudes et des absolus; il préserve du fanatisme.
Placer le théâtre sous le signe de Dionysos est donc de bon augure.
D'ailleurs les représentations tragiques avaient toujours lieu pendant les "Grandes Dionysies", consacrées justement à ... Dionysos. Si vous voulez en savoir un peu plus sur ces fêtes, allez par exemple à http://www.educnet.education.fr/musagora/dionysos/dionysosfr/fetes.htm
Mais surtout essayez d'imaginer l'ambiance : les représentations ont commencé à l'aube et s'enchaînent les unes après les autres, trois par jour au moins. Aujourd'hui c'est le tour d'Eschyle, hier c'était ..., demain ce sera le tour d'un autre puisqu'il s'agit d'un concours. Les spectacles sont gratuits et tous sont conviés, les citoyens qui ont droit de vote mais aussi, exceptionnellement, les femmes, les esclaves et les métèques. On vient au spectacle en famille; on mange, on boit. On rit, on crie, on pleure, on hurle, on s'épouvante. Oh bien sûr, on connaît déjà l'histoire, on sait même comment ça finit puisque depuis tout petit, on vous a raconté comment Oedipe... comment Médée... Mais cela n'empêche pas de s'identifier aux personnages, de vivre de l'intérieur leurs passions, leurs rages, leurs terreurs.
- Pas grand chose à voir avec le théâtre d'aujourd'hui.
- Non pas grand chose ! Et si j'ajoute que les représentations étaient gratuites, pour que chacun puisse y assister, il y a de quoi se poser quelques questions non ? On peut en particulier se demander quelle était la fonction du théâtre dans la Grèce antique ?
Bon je résume : des théâtres suffisamment grands pour accueillir un maximum de gens, des spectacles gratuits, placés sous l'égide de Dionysos, dieu du doute et de la remise en question ... est-ce que cela aurait quelque chose à voir avec le développement de la démocratie, après tout le siècle dont je parle est celui de Périclès ?
- Peut-être, mais des histoires que l'on connaît déjà ...
- On connaît l'histoire, c'est vrai; mais on ne connaît pas le sens que l'auteur donne à cette histoire ! Et c'est justement sur cette interprétation que les spectateurs vont être appelés à se prononcer ! Tu vois, l'exercice me paraît au fond très pédagogique puisqu'on met le spectateur à contribuition, on lui demande de réfléchir et de choisir entre une version et une autre de la même histoire.
- Mmmhhh ! Possible mais pas certain. Cette histoire de citoyens que l'on convoque en masse dans un environnement festif pour leur transmettre un message... ça ressemble bien aussi à de la propagande... en 34, c'était où déjà, à Nuremberg ?
- Non ! Pas possible ! Le spectacle n'est pas financé par l'Etat mais par un mécène...
- ... à la solde du gouvernement ?
- Mais non ! Et puis souviens toi, ce ne sont pas les fêtes d'Apollon mais celles de Dionysos ! Celui qui pose les questions, pas celui qui donne les réponses !
- Mouais... peut-être, mais j'ai mes doutes...
- Et bien tant mieux ! Si tu veux, on en reparle une autre fois, quand tu auras lu quelques textes ? Le Prométhée enchaîné d'Eschyle par exemple. Comme cela tu pourras comparer avec la version d'Hésiode, que tu as déjà lue.
- D'accord ! Mais tu ne me fera pas attendre un mois !
- On verra....
En attendant, voici toujours une image. Je ne sais plus très bien où je l'ai trouvée, peut-être dans le livre de Béatrice Mazard sur la Libye, sous-titré Sur les traces des Garamantes, paru en 2000 aux éditions Xavier Lejeune. Un beau livre pour rêver du désert et des ruines.
- Dans ce cas, pourquoi t'intéresser au théâtre grec ? Par obligation ? Parce que cela fait partie de notre grand patrimoine culturel ?
- Certainement pas !
- Alors pourquoi aller chercher des auteurs morts il y a plus de 2000 ans qui ressassent sans fin les mêmes histoires de famille. Les Atrides, les Labdacides.... Pas vraiment recommendables ces gens là....
- Non, pas vraiment, mais avant de parler d'eux, parlons un peu des représentations. Car ce sont les conditions dans lesquelles les tragédies étaient représentées qui rendent le théâtre grec tout à fait passionnant.
Allons directement à l'essentiel et parlons d'abord du cadre des représentations, ces fabuleux théâtres de pierre en plein air, les immenses gradins, souvent avec vue sur la mer comme à Taormina ou à Leptis Magna !
Mais je ne suis ni architecte, ni historienne alors je passe sur les détails pour ne retenir que deux éléments : les théâtres grecs étaient conçus pour recevoir plusieurs milliers de spectateurs, oui, plusieurs milliers, ce qui les apparente plus à des stades de foot qu'à des théâtres classiques. Tu peux te faire une idée de la capacité de ces théâtres en jetant un oeil à la photo : http://www.jmrw.com/Abroad/Sicile/Syracuse/pages/20051108-104556_jpg.htm
Bon d'accord, il ne reste pas grand chose, à part les gradins, mais si par l'imagination tu arrives à les remplir, tu comprendras mieux ce que foule veut dire. Et il y avait foule dans ces théâtres !
L'autre élément important est le "thumele", une colonne de pierre placée à peu près au centre du théâtre, un autel sacrificiel sans doute, consacré à Diyonysos. Or Dionysos est un de mes dieux préférés. Un bon vivant associé à la vigne et au vin : voilà de quoi rendre le personnage sympathique. Mais surtout, Dionysos est l'antithèse d'Apollon, son antithèse et même son antidote. Apollon est un dieu de lumière; il incarne le savoir, l'ordre et la raison. Jusqu'à l'excès. Dinoysos est un dieu de l'ombre; il incarne le désordre et le chaos, c'est vrai, mais aussi le doute et l'incertitude. Le doute est inconfortable sans doute, mais il est, à mes yeux, salutaire : il sauve des certitudes et des absolus; il préserve du fanatisme.
Placer le théâtre sous le signe de Dionysos est donc de bon augure.
D'ailleurs les représentations tragiques avaient toujours lieu pendant les "Grandes Dionysies", consacrées justement à ... Dionysos. Si vous voulez en savoir un peu plus sur ces fêtes, allez par exemple à http://www.educnet.education.fr/musagora/dionysos/dionysosfr/fetes.htm
Mais surtout essayez d'imaginer l'ambiance : les représentations ont commencé à l'aube et s'enchaînent les unes après les autres, trois par jour au moins. Aujourd'hui c'est le tour d'Eschyle, hier c'était ..., demain ce sera le tour d'un autre puisqu'il s'agit d'un concours. Les spectacles sont gratuits et tous sont conviés, les citoyens qui ont droit de vote mais aussi, exceptionnellement, les femmes, les esclaves et les métèques. On vient au spectacle en famille; on mange, on boit. On rit, on crie, on pleure, on hurle, on s'épouvante. Oh bien sûr, on connaît déjà l'histoire, on sait même comment ça finit puisque depuis tout petit, on vous a raconté comment Oedipe... comment Médée... Mais cela n'empêche pas de s'identifier aux personnages, de vivre de l'intérieur leurs passions, leurs rages, leurs terreurs.
- Pas grand chose à voir avec le théâtre d'aujourd'hui.
- Non pas grand chose ! Et si j'ajoute que les représentations étaient gratuites, pour que chacun puisse y assister, il y a de quoi se poser quelques questions non ? On peut en particulier se demander quelle était la fonction du théâtre dans la Grèce antique ?
Bon je résume : des théâtres suffisamment grands pour accueillir un maximum de gens, des spectacles gratuits, placés sous l'égide de Dionysos, dieu du doute et de la remise en question ... est-ce que cela aurait quelque chose à voir avec le développement de la démocratie, après tout le siècle dont je parle est celui de Périclès ?
- Peut-être, mais des histoires que l'on connaît déjà ...
- On connaît l'histoire, c'est vrai; mais on ne connaît pas le sens que l'auteur donne à cette histoire ! Et c'est justement sur cette interprétation que les spectateurs vont être appelés à se prononcer ! Tu vois, l'exercice me paraît au fond très pédagogique puisqu'on met le spectateur à contribuition, on lui demande de réfléchir et de choisir entre une version et une autre de la même histoire.
- Mmmhhh ! Possible mais pas certain. Cette histoire de citoyens que l'on convoque en masse dans un environnement festif pour leur transmettre un message... ça ressemble bien aussi à de la propagande... en 34, c'était où déjà, à Nuremberg ?
- Non ! Pas possible ! Le spectacle n'est pas financé par l'Etat mais par un mécène...
- ... à la solde du gouvernement ?
- Mais non ! Et puis souviens toi, ce ne sont pas les fêtes d'Apollon mais celles de Dionysos ! Celui qui pose les questions, pas celui qui donne les réponses !
- Mouais... peut-être, mais j'ai mes doutes...
- Et bien tant mieux ! Si tu veux, on en reparle une autre fois, quand tu auras lu quelques textes ? Le Prométhée enchaîné d'Eschyle par exemple. Comme cela tu pourras comparer avec la version d'Hésiode, que tu as déjà lue.
- D'accord ! Mais tu ne me fera pas attendre un mois !
- On verra....
En attendant, voici toujours une image. Je ne sais plus très bien où je l'ai trouvée, peut-être dans le livre de Béatrice Mazard sur la Libye, sous-titré Sur les traces des Garamantes, paru en 2000 aux éditions Xavier Lejeune. Un beau livre pour rêver du désert et des ruines.
13 mars 2007
Tourisme raisonnable ?
Il n'y a pas longtemps dans ce blog, je pestais contre une forme de tourisme, confondu avec un voyeurisme aussi avilissant, en fin de compte, pour celui qui regarde que pour celui qui est l'objet du regard.
On peut sans doute faire autrement.
Et apparemment, au Laos, certains s'efforcent de faire autrement.
- Soit ! mais qu'est-ce que tu entends exactement par "autrement" ?
- Et bien, c'est un peu difficile à définir et je cherche encore mes mots : écotourisme ? tourisme équitable ? tourisme raisonné ? ou simplement raisonnable ?
- Mais encore ?
- Je pense par exemple à des structures hotelières inspirées de l'habitat traditionnel laotien, qui, de préférence au béton, utilisent les matériaux locaux, le bambou entre autres. Ainsi à Nong Khiaw nous avons dormi dans un bungalow dont tous, absolument tous les éléments étaient en bambous ! Une démonstration éclatante des innombrables usages de ce matériau renouvelable et non polluant. Dans le même ordre d'idée, certains hôtels ou lodges se soucient plus que d'autres d'avoir recours aux énergies renouvelables ou de recycler ce qui peut l'être.
Mais plus important encore me paraît l'effort vers l'amélioration des conditions de vie de ceux qui travaillent dans ces structures.
- Tu veux dire de meilleurs salaires ?
- Oui, entre autres. Mais cela veut aussi dire utiliser les savoir-faire de certains, les mettre en valeur et leur donner la possibilité d'en vivre décemment en leur proposant de nouveaux débouchés. Je pense aux ateliers de tissage, de broderie mais aussi bien à la fabrication de papier à partir d'écorce de mûrier...
- Mais...
- Je sais ce que tu vas dire et je partage tes doutes. Est-ce qu'il ne s'agit pas seulement d'un "effet marketing" , un truc à faire gober par les gogos... Possible, d'autant plus que derrière ces structures, ces organismes, ces associations, tu trouves presque toujours un Occidental, qui n'oublie certainement pas de soigner ses intêrets. Principe de la main invisible d'Adam Smith ? Peut-être... Mais le véritable écueil est ailleurs. Il est dans le coût de ces tentatives qui, pour le moment du moins, ne concernent que les "happy few". Et même s'il était possible de réduire les prix, ce ne serait sans doute pas souhaitable : ce qui est prévu pour un petit groupe de touristes - une grande balade à pied et à pirogue dans le parc de Phu Khao Khuay par exemple - est inconcevable avec un groupe de 30 ou 40 personnes ! A moins de vouloir bousiller ce que l'on cherche justement à préserver.
Et me voici une fois de plus perplexe.... et très contente de n'être pas chargée du développement touristique du Laos. Car il me faudrait choisir entre tourisme de masse - profitable et facteur de développement mais dont les effets pervers sont indéniables - et tourisme raisonnable - soucieux des hommes et de leur environnment mais terriblement élitiste ! Charybde et Scylla ?
Qu'il était doux le temps où l'on voyageait sans se poser de questions !
Pour vous récompenser d'avoir suivi jusqu'ici ma réflexion, voici trois photos prises lors de la balade dans le Phu Khao Khuay et quelques "bonnes" adresses...
lianes noueuses
nid de fourmis rouges
Greendiscovery : http://www.greendiscoverylaos.com
Tigertrail : http://www.tigertrail-laos.com/
et en particulier : http://www.lao-spirit.com/
pour les seuls organismes dont nous avons fait l'essai, mais il y en a d'autres....
On peut sans doute faire autrement.
Et apparemment, au Laos, certains s'efforcent de faire autrement.
- Soit ! mais qu'est-ce que tu entends exactement par "autrement" ?
- Et bien, c'est un peu difficile à définir et je cherche encore mes mots : écotourisme ? tourisme équitable ? tourisme raisonné ? ou simplement raisonnable ?
- Mais encore ?
- Je pense par exemple à des structures hotelières inspirées de l'habitat traditionnel laotien, qui, de préférence au béton, utilisent les matériaux locaux, le bambou entre autres. Ainsi à Nong Khiaw nous avons dormi dans un bungalow dont tous, absolument tous les éléments étaient en bambous ! Une démonstration éclatante des innombrables usages de ce matériau renouvelable et non polluant. Dans le même ordre d'idée, certains hôtels ou lodges se soucient plus que d'autres d'avoir recours aux énergies renouvelables ou de recycler ce qui peut l'être.
Mais plus important encore me paraît l'effort vers l'amélioration des conditions de vie de ceux qui travaillent dans ces structures.
- Tu veux dire de meilleurs salaires ?
- Oui, entre autres. Mais cela veut aussi dire utiliser les savoir-faire de certains, les mettre en valeur et leur donner la possibilité d'en vivre décemment en leur proposant de nouveaux débouchés. Je pense aux ateliers de tissage, de broderie mais aussi bien à la fabrication de papier à partir d'écorce de mûrier...
- Mais...
- Je sais ce que tu vas dire et je partage tes doutes. Est-ce qu'il ne s'agit pas seulement d'un "effet marketing" , un truc à faire gober par les gogos... Possible, d'autant plus que derrière ces structures, ces organismes, ces associations, tu trouves presque toujours un Occidental, qui n'oublie certainement pas de soigner ses intêrets. Principe de la main invisible d'Adam Smith ? Peut-être... Mais le véritable écueil est ailleurs. Il est dans le coût de ces tentatives qui, pour le moment du moins, ne concernent que les "happy few". Et même s'il était possible de réduire les prix, ce ne serait sans doute pas souhaitable : ce qui est prévu pour un petit groupe de touristes - une grande balade à pied et à pirogue dans le parc de Phu Khao Khuay par exemple - est inconcevable avec un groupe de 30 ou 40 personnes ! A moins de vouloir bousiller ce que l'on cherche justement à préserver.
Et me voici une fois de plus perplexe.... et très contente de n'être pas chargée du développement touristique du Laos. Car il me faudrait choisir entre tourisme de masse - profitable et facteur de développement mais dont les effets pervers sont indéniables - et tourisme raisonnable - soucieux des hommes et de leur environnment mais terriblement élitiste ! Charybde et Scylla ?
Qu'il était doux le temps où l'on voyageait sans se poser de questions !
Pour vous récompenser d'avoir suivi jusqu'ici ma réflexion, voici trois photos prises lors de la balade dans le Phu Khao Khuay et quelques "bonnes" adresses...
lianes noueuses
nid de fourmis rouges
Greendiscovery : http://www.greendiscoverylaos.com
Tigertrail : http://www.tigertrail-laos.com/
et en particulier : http://www.lao-spirit.com/
pour les seuls organismes dont nous avons fait l'essai, mais il y en a d'autres....
11 mars 2007
Lundi classique : Platon
Je n'aime pas Platon.
Je n'ai jamais aimé Platon !
Seulement voilà, le bonhomme est depuis si longtemps placé sur un si haut piédestal, il est en telle odeur de sainteté, qu'il est vraiment difficile de le déboulonner et d'avouer que non, décidément, Platon ça ne passe pas !
Ce qui ne passe pas, c'est d'abord sa façon de dialoguer, sa fameuse maïeutique. Trop facile, si tu fais toi-même les questions et les réponses d'avoir toujours raison. D'ailleurs, ses adversaires ne posent jamais la question que le lecteur a en tête et il n'y a personne pour répondre aux vraies questions des vrais lecteurs. C'est tout à fait exaspérant. Prenez Gorgias par exemple. Il est évident que Platon a une dent contre les sophistes, qu'il tient pour responsables de la mort de Socrate. Alors bien sûr il s’emploie à les ridiculiser, les uns après les autres et il les mène si bien en bateau qu'ils finissent par acquiescer comme des benêts : "Oui", "En effet ", "C'est cela! Tu as raison, Platon!" Mais le lecteur n'est pas convaincu pour autant et reste perplexe. Il finit même par se demander qui, dans ce dialogue, est le grand manipulateur des mots et des idées. Celui qui use de tous les procédés rhétoriques pour parvenir à ses fins ? Protagoras ? Pas vraiment ! Mais Platon, oui, certainement. Dénoncer la rhétorique et s’en servir sans scrupule pour discréditer ceux qui l'utilisent ... le procédé est pour le moins suspect. Mais certains, dont je ne suis pas, admireront le procédé puisqu'il est efficace. Machiavélique, oui !
Passons, ce ne sont là que jeux de mots, procédés oratoires. Ce qui me déplait chez Platon c'est son idéalisme. L'âme, l'âme, l'âme : il n'a que ce mot à la bouche ! Le monde des idées. Soit ! Mais le monde physique, il a son importance aussi, non ? Ou il compte pour des prunes ?
Je veux bien admettre que l'histoire de la caverne est assez bien ficelée. Et je reconnais que les efforts de ceux qui cherchent à se détacher de leurs fers pour pouvoir se retourner et regarder la lumière en face, c'est pas mal trouvé : on ne sort pas si facilement de l'ignorance et le savoir coûte de la peine. D'ailleurs Platon, si je me souviens bien, recommande à ceux qui sont sortis de la caverne d'y retourner pour aider les autres à se détacher et leur permettre à leur tour d'accéder à l'essence des choses. Mais fallait-il pour autant mépriser à ce point le monde matériel ? Au fond, ce qui m'irrite singulièrement c'est l'usage que les générations suivantes ont fait de l'idéalisme platonicien, et en particulier les Saint Augustin et autres "Pères de l'Eglise". C'est ici et maintenant que les hommes souffrent et c'est ici et maintenant qu'il faut les aider. Ni demain, ni ailleurs. Ni dans les siècles à venir, ni dans l'au-delà.
Oui, ce qui m'énerve dans le succès de Platon, c'est sa collusion avec le christianisme, au préjudice de l'humanité. Pourquoi l'Eglise s'est-elle entichée de Platon plutôt que d'Aristote, jusqu'à faire disparaître, ou du moins jusqu'à censurer certains de ces textes, qui nous sont revenus - il est important de le rappeler - par l'intermédiaire des érudits arabo-musulmans. Umberto Ecco, dans Le Nom de la rose propose une explication à laquelle je souscris volontiers. L'Eglise aurait interdit l'accès au texte d'Aristote sur la comédie parce qu’il n'est pas bon de faire l'éloge du rire : lorsque l'homme rit, il n'a plus peur de Dieu et s'il n'a plus peur, il n'aura pas besoin des consolations de la religion ou de la philosophie.
Mais revenons à Platon et convenez avec moi qu'il n'y a pas de différence majeure entre l'idéalisme platonicien et l'idéalisme chrétien, que l'un et l'autre affichent leur préférence pour les majuscules (et le singulier) : l’Idée, l'Âme, le Beau, le Vrai, le Bien, Dieu... Très dangereuses les majuscules. Parce qu'on finit toujours par tuer au nom des majuscules !
Et voilà bien la vraie raison de mon exécration. A force de rêver à un monde idéal, une cité idéale, à une humanité idéale, Platon, avec les meilleures intentions du monde, en vient à prôner pour les hommes ce qui se pratique pour les chevaux : l'amélioration de la race "[...] pour qu'il naisse des hommes d'élite des enfants meilleurs encore, et des hommes utiles au pays des enfants plus utiles encore [...]" C'est, à n'en pas douter, la meilleure façon de n'avoir dans sa République que des êtres conformes à son idéal, mais ce n'est plus de l'élitisme républicain, c'est de l'eugénisme platonicien! D'ailleurs, Platon va jusqu'au bout de son idée quand il écrit : "Je veux ensuite que ces fonctionnaires portent au bercail les enfants des citoyens d'élite et les remettent à des gouvernantes, qui habiteront à part dans un quartier particulier de la ville ; pour les enfants des hommes inférieurs et pour ceux des autres qui seraient venus au monde avec quelque difformité, ils les cacheront comme il convient, dans un endroit secret et dérobé au regard. Oui, dit-il, si l'on veut conserver pure la race des gardiens."
Oui, oui, c'est bien le texte de Platon, transcrit tel quel. Enfin ... la traduction que j'ai sous le nez, éditée par les Belles Lettres, dans la collection des Universités de France, sous le contrôle de l'Association Guillaume Budé. Et même si une note savante m’explique qu'en Grèce, au temps de Platon, ces pratiques étaient "autorisés par la coutume, tolérées par la loi, hautement approuvées par les philosophes" , ce Lebensborn grec me reste en travers de la gorge. N'était-ce pas aux philosophes justement de repenser le monde ?
Qu'il y ait un peu de parti pris, voire un peu de mauvaise foi dans cette diatribe, j'en conviens. Mais on ne peut demander à une matérialiste convaincue de faire l'éloge d'un idéaliste, tendance absolutiste.
Néanmoins, je me sens un peu moins seule dans ma détestation de Platon depuis que j'ai lu le livre de Claude Pujade-Renaud : Platon était malade. Non que Claude Pujade-Renaud soit elle aussi, antiplatonicienne, mais elle a une façon de mettre en scène Platon qui est absolument délicieuse parce que totalement irrévérencieuse. Non, je ne vous en dis pas plus. Courrez emprunter ce livre à la bibliothèque de votre quartier, ouvrez-le et vous serez transporté auprès des disciples de Socrate et sur la plage où Platon, grâce à l'entremise d'un jeune esclave, monte à cheval, apprend à nager et découvre qu'il a aussi un corps, et des désirs ... Ce Platon-là, décidément, me plaît beaucoup !
Je n'ai jamais aimé Platon !
Seulement voilà, le bonhomme est depuis si longtemps placé sur un si haut piédestal, il est en telle odeur de sainteté, qu'il est vraiment difficile de le déboulonner et d'avouer que non, décidément, Platon ça ne passe pas !
Ce qui ne passe pas, c'est d'abord sa façon de dialoguer, sa fameuse maïeutique. Trop facile, si tu fais toi-même les questions et les réponses d'avoir toujours raison. D'ailleurs, ses adversaires ne posent jamais la question que le lecteur a en tête et il n'y a personne pour répondre aux vraies questions des vrais lecteurs. C'est tout à fait exaspérant. Prenez Gorgias par exemple. Il est évident que Platon a une dent contre les sophistes, qu'il tient pour responsables de la mort de Socrate. Alors bien sûr il s’emploie à les ridiculiser, les uns après les autres et il les mène si bien en bateau qu'ils finissent par acquiescer comme des benêts : "Oui", "En effet ", "C'est cela! Tu as raison, Platon!" Mais le lecteur n'est pas convaincu pour autant et reste perplexe. Il finit même par se demander qui, dans ce dialogue, est le grand manipulateur des mots et des idées. Celui qui use de tous les procédés rhétoriques pour parvenir à ses fins ? Protagoras ? Pas vraiment ! Mais Platon, oui, certainement. Dénoncer la rhétorique et s’en servir sans scrupule pour discréditer ceux qui l'utilisent ... le procédé est pour le moins suspect. Mais certains, dont je ne suis pas, admireront le procédé puisqu'il est efficace. Machiavélique, oui !
Passons, ce ne sont là que jeux de mots, procédés oratoires. Ce qui me déplait chez Platon c'est son idéalisme. L'âme, l'âme, l'âme : il n'a que ce mot à la bouche ! Le monde des idées. Soit ! Mais le monde physique, il a son importance aussi, non ? Ou il compte pour des prunes ?
Je veux bien admettre que l'histoire de la caverne est assez bien ficelée. Et je reconnais que les efforts de ceux qui cherchent à se détacher de leurs fers pour pouvoir se retourner et regarder la lumière en face, c'est pas mal trouvé : on ne sort pas si facilement de l'ignorance et le savoir coûte de la peine. D'ailleurs Platon, si je me souviens bien, recommande à ceux qui sont sortis de la caverne d'y retourner pour aider les autres à se détacher et leur permettre à leur tour d'accéder à l'essence des choses. Mais fallait-il pour autant mépriser à ce point le monde matériel ? Au fond, ce qui m'irrite singulièrement c'est l'usage que les générations suivantes ont fait de l'idéalisme platonicien, et en particulier les Saint Augustin et autres "Pères de l'Eglise". C'est ici et maintenant que les hommes souffrent et c'est ici et maintenant qu'il faut les aider. Ni demain, ni ailleurs. Ni dans les siècles à venir, ni dans l'au-delà.
Oui, ce qui m'énerve dans le succès de Platon, c'est sa collusion avec le christianisme, au préjudice de l'humanité. Pourquoi l'Eglise s'est-elle entichée de Platon plutôt que d'Aristote, jusqu'à faire disparaître, ou du moins jusqu'à censurer certains de ces textes, qui nous sont revenus - il est important de le rappeler - par l'intermédiaire des érudits arabo-musulmans. Umberto Ecco, dans Le Nom de la rose propose une explication à laquelle je souscris volontiers. L'Eglise aurait interdit l'accès au texte d'Aristote sur la comédie parce qu’il n'est pas bon de faire l'éloge du rire : lorsque l'homme rit, il n'a plus peur de Dieu et s'il n'a plus peur, il n'aura pas besoin des consolations de la religion ou de la philosophie.
Mais revenons à Platon et convenez avec moi qu'il n'y a pas de différence majeure entre l'idéalisme platonicien et l'idéalisme chrétien, que l'un et l'autre affichent leur préférence pour les majuscules (et le singulier) : l’Idée, l'Âme, le Beau, le Vrai, le Bien, Dieu... Très dangereuses les majuscules. Parce qu'on finit toujours par tuer au nom des majuscules !
Et voilà bien la vraie raison de mon exécration. A force de rêver à un monde idéal, une cité idéale, à une humanité idéale, Platon, avec les meilleures intentions du monde, en vient à prôner pour les hommes ce qui se pratique pour les chevaux : l'amélioration de la race "[...] pour qu'il naisse des hommes d'élite des enfants meilleurs encore, et des hommes utiles au pays des enfants plus utiles encore [...]" C'est, à n'en pas douter, la meilleure façon de n'avoir dans sa République que des êtres conformes à son idéal, mais ce n'est plus de l'élitisme républicain, c'est de l'eugénisme platonicien! D'ailleurs, Platon va jusqu'au bout de son idée quand il écrit : "Je veux ensuite que ces fonctionnaires portent au bercail les enfants des citoyens d'élite et les remettent à des gouvernantes, qui habiteront à part dans un quartier particulier de la ville ; pour les enfants des hommes inférieurs et pour ceux des autres qui seraient venus au monde avec quelque difformité, ils les cacheront comme il convient, dans un endroit secret et dérobé au regard. Oui, dit-il, si l'on veut conserver pure la race des gardiens."
Oui, oui, c'est bien le texte de Platon, transcrit tel quel. Enfin ... la traduction que j'ai sous le nez, éditée par les Belles Lettres, dans la collection des Universités de France, sous le contrôle de l'Association Guillaume Budé. Et même si une note savante m’explique qu'en Grèce, au temps de Platon, ces pratiques étaient "autorisés par la coutume, tolérées par la loi, hautement approuvées par les philosophes" , ce Lebensborn grec me reste en travers de la gorge. N'était-ce pas aux philosophes justement de repenser le monde ?
Qu'il y ait un peu de parti pris, voire un peu de mauvaise foi dans cette diatribe, j'en conviens. Mais on ne peut demander à une matérialiste convaincue de faire l'éloge d'un idéaliste, tendance absolutiste.
Néanmoins, je me sens un peu moins seule dans ma détestation de Platon depuis que j'ai lu le livre de Claude Pujade-Renaud : Platon était malade. Non que Claude Pujade-Renaud soit elle aussi, antiplatonicienne, mais elle a une façon de mettre en scène Platon qui est absolument délicieuse parce que totalement irrévérencieuse. Non, je ne vous en dis pas plus. Courrez emprunter ce livre à la bibliothèque de votre quartier, ouvrez-le et vous serez transporté auprès des disciples de Socrate et sur la plage où Platon, grâce à l'entremise d'un jeune esclave, monte à cheval, apprend à nager et découvre qu'il a aussi un corps, et des désirs ... Ce Platon-là, décidément, me plaît beaucoup !
08 mars 2007
Rendez-vous manqué
Oooooops ! j'ai oublié mon rendez-vous du premier lundi du mois : lundi classique !
Mais promis : je rattrape mon oubli lundi prochain, sans faute.
Mais promis : je rattrape mon oubli lundi prochain, sans faute.
06 mars 2007
Bientôt le printemps
Dimanche 4 Mars
Journée printanière, de courte durée mais quand même, on en a bien profité !
Après tant de jours de pluie, de brume, de boue, de brouillasse, on était content de voir le soleil et d'ouvrir les fenêtres.
Lundi 5 Mars
- Alors, t'as été au stage de taïchi dimanche ?
- Ben non, il faisait trop beau !
- Alors t'as fini ton album-photo ?
- Ben non, il faisait trop beau ?
- Alors, t'as été voir le dernier Scorsese ?
- Ben non, il faisait trop beau !
- Ben alors, qu'est ce que t'as fait ?
- Rien ! Juste rien ...
Mais si chez vous il continue de pleuvoir et de faire mauvais, voici un livre à lire sans plus tarder. Il est abominable, assurément, mais quel livre ! Un de ceux que l'on n'oublie pas ! un vrai livre culte. D'ailleurs tous ceux qui l'ont aimé et recommandé à des amis se débrouillent toujours pour en avoir deux exemplaires : un à prêter et l'autre à garder au cas où le premier ne reviendrait pas, ce qui est généralement le cas. Et comme le livre disparaît régulièrement de chez son éditeur pour n'être réédité que tous les 10 ans en moyenne....
Est-ce que j'ai assez fait monter la pression ?
- Alors ce livre ? Tu nous en donne le titre et l'auteur ?
- Maurice Pons, Les Saisons.
- Et ça parle de quoi ?
- Ben ... des saisons justement. D'un pays où il n'y a que trois saisons : la pluvieuse (des trombes d'eau ! ), la neigeuse (des mètres de neige ! ) et celle où il fait si froid que la survie devient problématique.
- Pas vraiment printanier ton bouquin !
- Non ! Il est même noir de chez noir. Total désespoir ! Il est d'ailleurs à consommer avec prudence et on peut ne pas aimer. Mais il fait partie de ces livres qui secouent, un livre à la mesure de Kafka qui considérait qu'un livre devait être "un pic pour casser la glace qui est en nous".
Journée printanière, de courte durée mais quand même, on en a bien profité !
Après tant de jours de pluie, de brume, de boue, de brouillasse, on était content de voir le soleil et d'ouvrir les fenêtres.
Lundi 5 Mars
- Alors, t'as été au stage de taïchi dimanche ?
- Ben non, il faisait trop beau !
- Alors t'as fini ton album-photo ?
- Ben non, il faisait trop beau ?
- Alors, t'as été voir le dernier Scorsese ?
- Ben non, il faisait trop beau !
- Ben alors, qu'est ce que t'as fait ?
- Rien ! Juste rien ...
Mais si chez vous il continue de pleuvoir et de faire mauvais, voici un livre à lire sans plus tarder. Il est abominable, assurément, mais quel livre ! Un de ceux que l'on n'oublie pas ! un vrai livre culte. D'ailleurs tous ceux qui l'ont aimé et recommandé à des amis se débrouillent toujours pour en avoir deux exemplaires : un à prêter et l'autre à garder au cas où le premier ne reviendrait pas, ce qui est généralement le cas. Et comme le livre disparaît régulièrement de chez son éditeur pour n'être réédité que tous les 10 ans en moyenne....
Est-ce que j'ai assez fait monter la pression ?
- Alors ce livre ? Tu nous en donne le titre et l'auteur ?
- Maurice Pons, Les Saisons.
- Et ça parle de quoi ?
- Ben ... des saisons justement. D'un pays où il n'y a que trois saisons : la pluvieuse (des trombes d'eau ! ), la neigeuse (des mètres de neige ! ) et celle où il fait si froid que la survie devient problématique.
- Pas vraiment printanier ton bouquin !
- Non ! Il est même noir de chez noir. Total désespoir ! Il est d'ailleurs à consommer avec prudence et on peut ne pas aimer. Mais il fait partie de ces livres qui secouent, un livre à la mesure de Kafka qui considérait qu'un livre devait être "un pic pour casser la glace qui est en nous".
02 mars 2007
Minorités ethniques
Difficile de faire l'impasse sur les minorités ethniques ! Vraiment difficile, d'autant que les "rencontres avec les minorités ethniques" sont devenues un "must", du moins dans les catalogues des voyagistes : pas de voyage en Chine, au Vietnam au Cambodge ou au Laos sans ses minorités ethniques. Nous n'y avons donc pas échappé. Mais on ne m'y reprendra plus !
Mettons les choses au clair. S'il existe des minorités ethniques, il existe forcément une majorité, ethnique elle aussi . Dans ce cas, pourquoi se précipiter vers les minorités alors que l'on ignore tout ou presque de la majorité. Ainsi en Chine, selon le dernier recensement (1995), la populations des minorités ethniques atteindrait 108,4 millions, ce qui laisse, grosso modo, 1 milliard 191,6 millions de Hans, l'ethnie majoritaire à découvrir. Mais les Hans ont mauvaise presse alors que les Yaos, Miaos etc...
Laissons les chiffres et l'argument quantitatif qui ne vaut pas tripette. De toute façon au Laos où 130 ethnies et sous ethnies sont répertoriées, il devient difficile de parler de majorité même si les Taï représentent "la famille la plus importante avec 60% de la population et 25 ethnies." Les Lao, l'ethnie majoritaire de cette famille totalisant 35% , voyons voir : 35% de 60% ... ça fait quoi ça déjà ? En tout cas cela ne me paraît plus très majoritaire...
Plus sérieusement je cherche à comprendre cette fascination pour les ethnies minoritaires .... Je conçois tout à fait qu'un anthropologue, un ethnologue, un sociologue étudie avec passion l'habitat, l'économie, la langue, la culture, les rites et les coutumes d'une population donnée. Je n'ai pas lu mon Lévi - Strauss pour rien !
Je conçois également qu'un philosophe, un historien ou un politologue s'intéresse de près à la façon dont les minorités ont été et sont encore traitées par la majorité.
Le voyage et les rencontres avec les minorités ethniques arrivent alors en complément d'une étude préliminaire faite en bibliothèque et pour tirer profit de ces rencontres, le voyageur passera des semaines voire des mois en compagnie de l'ethnie, sujet de son étude. Soit !
Mais le voyageur lambda, vous et moi ?
Le voici véhiculé jusqu'au coeur d'un village (et qu'il y parvienne au terme d'une longue marche ne change pas grand chose à la scène). Bardé d'appareils en tous genres, photographiques de préférence, il déambule à petits pas, l'air pénétré, un sourire condescendant sur les lèvres : enfants, cochons, cailloux, balais, tout est prétexte à photo. Trois petits tours, le temps de s'extasier sur l'ingéniosité des techniques ancestrales, mais rudimentaires, dont l'efficacité ne tient qu'à l'habilité manuelle de ceux qui les utilisent... le voilà déjà reparti.
Je caricature ? A peine !
Que reste-t-il de ces rencontres ? Un sentiment de malaise, qui ne fait que s'accroître au fil des visites jusqu'à la nausée. Pauvreté, misère, indigence. Saleté, crasse. Qu'on ne vienne pas me dire qu'un sourire efface tout, qu'un bonbon tendu est un bonheur partagé etc...
La distance est trop grande : nous possèdons tout, surtout l'inutile; ils ne possèdent rien, même pas l'indispensable. D'ailleurs ils n'attendent rien de nous. Je n'ai lu dans les regards tournés vers moi qu'indifférence. Pas même un peu de curiosité. Sauf chez les enfants bien entendu.
"Une seule plongée dans un petit village isolé de la région de Luang Namtha ou encore de la province de Phongsaly convaincra le plus frileux des globe-trotters de la richesse de pareil patrimoine. Au Laos, au coeur de la forêt, c'est un peu de notre humanité perdue qui survit, tant bien que mal, à l'avancée du modernisme. Fascinant. Le visage vrai d'un autre temps. " Avec postposition de l'adjectif pour insister sur la véracité de le la scène ?
Ah, non, je ne gobe plus ce genre de discours. Nostalgie des temps archaïques où l'on était heureux bien que ne possédant rien ? Non : je suis, sur ce point, Voltairienne et pas Rousseauiste et je sais trop ce que je dois à la médecine pour ne pas m'inquiéter des conditions sanitaires de ces populations.
Dois-je pour autant m'enorgueillir d'être née du côté de la "civilisation " et n'éprouver à l'égard des minorités ethniques que pitié et commisération ? Pas de bien jolis sentiments !
M'indigner ? me révolter ? M'exaspérer de mon impuissance à changer quoi que ce soit à la face du monde ?
Non, décidément non. Trop l'impression d'être venue au zoo. Car même accompagnée d'un guide - il parle laotien et parfois français ou anglais, japonais ou russe mais jamais la langue des Akha, des Hmongs, des Khamus, des Phu Noi, des ... jamais donc je n'ai pu échanger le moindre mot avec quiconque. Alors à quoi bon ? J'ai pris des photos comme tout le monde... et j'essaye de digérer ma honte.
Mettons les choses au clair. S'il existe des minorités ethniques, il existe forcément une majorité, ethnique elle aussi . Dans ce cas, pourquoi se précipiter vers les minorités alors que l'on ignore tout ou presque de la majorité. Ainsi en Chine, selon le dernier recensement (1995), la populations des minorités ethniques atteindrait 108,4 millions, ce qui laisse, grosso modo, 1 milliard 191,6 millions de Hans, l'ethnie majoritaire à découvrir. Mais les Hans ont mauvaise presse alors que les Yaos, Miaos etc...
Laissons les chiffres et l'argument quantitatif qui ne vaut pas tripette. De toute façon au Laos où 130 ethnies et sous ethnies sont répertoriées, il devient difficile de parler de majorité même si les Taï représentent "la famille la plus importante avec 60% de la population et 25 ethnies." Les Lao, l'ethnie majoritaire de cette famille totalisant 35% , voyons voir : 35% de 60% ... ça fait quoi ça déjà ? En tout cas cela ne me paraît plus très majoritaire...
Plus sérieusement je cherche à comprendre cette fascination pour les ethnies minoritaires .... Je conçois tout à fait qu'un anthropologue, un ethnologue, un sociologue étudie avec passion l'habitat, l'économie, la langue, la culture, les rites et les coutumes d'une population donnée. Je n'ai pas lu mon Lévi - Strauss pour rien !
Je conçois également qu'un philosophe, un historien ou un politologue s'intéresse de près à la façon dont les minorités ont été et sont encore traitées par la majorité.
Le voyage et les rencontres avec les minorités ethniques arrivent alors en complément d'une étude préliminaire faite en bibliothèque et pour tirer profit de ces rencontres, le voyageur passera des semaines voire des mois en compagnie de l'ethnie, sujet de son étude. Soit !
Mais le voyageur lambda, vous et moi ?
Le voici véhiculé jusqu'au coeur d'un village (et qu'il y parvienne au terme d'une longue marche ne change pas grand chose à la scène). Bardé d'appareils en tous genres, photographiques de préférence, il déambule à petits pas, l'air pénétré, un sourire condescendant sur les lèvres : enfants, cochons, cailloux, balais, tout est prétexte à photo. Trois petits tours, le temps de s'extasier sur l'ingéniosité des techniques ancestrales, mais rudimentaires, dont l'efficacité ne tient qu'à l'habilité manuelle de ceux qui les utilisent... le voilà déjà reparti.
Je caricature ? A peine !
Que reste-t-il de ces rencontres ? Un sentiment de malaise, qui ne fait que s'accroître au fil des visites jusqu'à la nausée. Pauvreté, misère, indigence. Saleté, crasse. Qu'on ne vienne pas me dire qu'un sourire efface tout, qu'un bonbon tendu est un bonheur partagé etc...
La distance est trop grande : nous possèdons tout, surtout l'inutile; ils ne possèdent rien, même pas l'indispensable. D'ailleurs ils n'attendent rien de nous. Je n'ai lu dans les regards tournés vers moi qu'indifférence. Pas même un peu de curiosité. Sauf chez les enfants bien entendu.
"Une seule plongée dans un petit village isolé de la région de Luang Namtha ou encore de la province de Phongsaly convaincra le plus frileux des globe-trotters de la richesse de pareil patrimoine. Au Laos, au coeur de la forêt, c'est un peu de notre humanité perdue qui survit, tant bien que mal, à l'avancée du modernisme. Fascinant. Le visage vrai d'un autre temps. " Avec postposition de l'adjectif pour insister sur la véracité de le la scène ?
Ah, non, je ne gobe plus ce genre de discours. Nostalgie des temps archaïques où l'on était heureux bien que ne possédant rien ? Non : je suis, sur ce point, Voltairienne et pas Rousseauiste et je sais trop ce que je dois à la médecine pour ne pas m'inquiéter des conditions sanitaires de ces populations.
Dois-je pour autant m'enorgueillir d'être née du côté de la "civilisation " et n'éprouver à l'égard des minorités ethniques que pitié et commisération ? Pas de bien jolis sentiments !
M'indigner ? me révolter ? M'exaspérer de mon impuissance à changer quoi que ce soit à la face du monde ?
Non, décidément non. Trop l'impression d'être venue au zoo. Car même accompagnée d'un guide - il parle laotien et parfois français ou anglais, japonais ou russe mais jamais la langue des Akha, des Hmongs, des Khamus, des Phu Noi, des ... jamais donc je n'ai pu échanger le moindre mot avec quiconque. Alors à quoi bon ? J'ai pris des photos comme tout le monde... et j'essaye de digérer ma honte.
Inscription à :
Articles (Atom)