31 décembre 2022

She said

 2017 : l'enquête de Jodi Kantor et Megan Twohey sur les accusations d'agressions sexuelles commises par Harvey Weinsteint est publiée dans le New York Times.

2019 : She Said, le livre qui relate dans quelles conditions les deux journalistes ont mené leur enquête est publié aux Etats-Unis

2022 : le film de Maria Schrader, qui porte le même titre sort en salle, aux Etats-Unis, en France et partout dans le monde. Un film passionnant qui commence lentement parce qu'au début rien n'est certain, tout est encore à découvrir et surtout à vérifier car on ne publie pas sans avoir des éléments définitifs, sans avoir des témoignages. Or en l'occurrence, les victimes ne sont pas toutes prêtes à témoigner, à faire entendre leur voix publiquement. Car beaucoup ont signé un accord avec les avocats du procureur. Leur silence a été acheté. Et tout le travail des deux journaliste consiste à retrouver les victimes de Weinstein, mais aussi à les convaincre de témoigner. Si bien que la tension ne cesse de monter lorsque elles approchent du but et qu'elles obtiennent enfin l'accord des dirigeants du journal et de leurs avocats.

Le film n'apporte pas de révélation sur une affaire qui a de toute façon déjà été traitée par la justice et par les médias, mais il met l'accent - et ce n'est pas inutile - sur les protections dont a bénéficié Weinstein et c'est ainsi tout un système crapuleux qui est dénoncé, pas seulement un individu. Et l'on sait maintenant quel a été l'impact de ce premier article du New York Times. 

Ce faisant on découvre surtout la façon dont les journalistes mènent leur enquête; elles sont à la fois passionnée, impatientes, mais aussi tenaces et prudentes, car rien ne peut être écrit qui ne soit parfaitement contrôlé, vérifié, approuvé. Du beau journalisme d'investigation ! On pense bien sûr au film de Pakuls, Les hommes du Président, sur le scandale du Watergate, sorti en 1976. Les journalistes, du Washington Post,  Bob Woodward et Carl Bernstein étaient des hommes. Les journalistes du New York Times, Jodi Kantor et Megan Twohey sont des femmes. Rien à ajouter !

30 décembre 2022

Amor Towles, Lincoln Hihway

 5454 km !  La Lincoln Highway est la première route qui a traversé les Etats-Unis d'Est en Ouest, de Times Square à San Francisco. 

640 pages ! Lincoln Highway, le livre d'Amor Towles impressionne par son nombre de pages (autant que par son poids), mais pas d'inquiétude : on circule allègrement d'un chapitre à l'autre, impatient de savoir où l'aventure va mener Emmet et Billy son petit frère. Arriveront-ils au bout de la route et parviendront ils à retrouver leur mère qui a quitté le domicile conjugal des années auparavant ? C'est plutôt mal parti parce qu'Emmet à la sortie du centre de redressement où il vient de passer 15 ans se retrouve non seulement orphelin (son père vient de mourir) mais ruiné (la banque a saisi la ferme où il a grandi), il ne lui reste que sa voiture, une vieille Studebaker) avec en plus la charge de Billy, 8 ans seulement mais plutôt dégourdi. Et non ce n'est pas gagné parce que les deux olibrius qui les rejoignent s'empressent de voler la voiture d'Emmet pour partir à l'Est, vers NY et non pas à l'Ouest vers San Francisco comme il était initialement prévu. Et ce n'est que le début de l'histoire et les personnages ont à peine été présentés !

Visiblement l'auteur s'amuse à multiplier les péripéties et les contretemps ainsi que les personnages farfelus, les rencontres improbables et les situations rocambolesques. Il y a longtemps que je ne m'étais pas autant amusée et j'ai retrouvé le plaisir de mes lectures d'enfant. Car oui, cette Lincoln Highway ressemble un peu à la Yellow brick Road du Magicien d'Oz. C'est, pourrait-on dire, la route qui permet aux personnages de grandir, de mûrir et d'apprendre à vivre. Et à l'auteur, d'apporter la preuve que les leçons de morale et les conseils avisés s'accommodent très bien des romans d'aventures dont ils ne font pas disparaître le "fun". Le suspense est haletant, l'écriture allègre; le récit file à toute allure et le lecteur tourne les pages, ravi pour un temps d'échapper à l'esprit de sérieux. Quoi que...



29 décembre 2022

Les Bonnes étoiles

Du Kore-Eda tout craché : encore l'histoire d'une de ces "familles" improbables dont les membres n'ont biologiquement rien en commun - liens de sang connaît pas ! - mais que d'autres liens, d'autres affinités rapprochent.

Tout commence par un bébé abandonné, récupéré par deux hommes qui ont l'intention de le vendre au plus offrant ? Peut-être ou peut-être pas. Cela dépend du couple sur lequel ils tomberont, qui choisissent un bébé comme on choisit un produit au supermarché ? Ouf ! Pas ceux-là quand même. Entretemps l'affaire s'est compliquée parce que la mère biologique s'en mêle et qu'un gamin orphelin décide de se glisser dans le groupe et que deux policières les ont pris en filature et que .... Oui, il faut s'accrocher pour suivre les méandres de l'intrigue, mais rien n'est plus réjouissant que de voir ces personnages trouver peu à peu leur place dans la famille qu'ils se sont choisie. 

Les films de Kore-Eda ressemblent de plus en plus à une longue partition avec thème et variations. Mais qui s'en plaindrait, puisqu'à chaque fois il privilégie l'affectif sur le biologique. 

28 décembre 2022

William Gardner Smith, Le Visage de pierre

Le visage de pierre a été écrit en 1963. Soit un an avant la publication du Civil Rights Act qui mettait fin officiellement à la ségrégation. Mais à cette date, il y avait déjà longtemps que William Gardner Smith avait quitté les E-U pour rejoindre à Paris les écrivains américains noirs, fatigués du racisme : Wright, Baldwin, Himes etc... Quelle que soit leur nationalité ou leur couleur de peau les intellectuels expatriés des années 50 formaient une "colonie" plutôt dynamique, trop contents qu'ils étaient d'échapper aux préjugés de leur propre pays. C'est en tout cas sur ce ton que commence le récit de William Gardner Smith : sa vie est faite de rencontres; on retrouve les même personnes, dans les mêmes cafés pour discuter éternellement d'art ou de politique.... la vie de bohême au Quartier latin ! Les difficultés financières sont largement compensées par le sentiment de sécurité, l'impression d'être enfin à sa place parce que les Français, contrairement aux Américains,  ne sont pas racistes..  

Oui mais...la perception que William Gardner Smith avait de la France change quand il rencontre des immigrés Algériens avec qui il sympathise  et constate alors que la plupart des Français les regardent d'un mauvais oeil. On est en pleine guerre d'Algérie :  là-bas, les "événements" sont de plus en plus violents et à Paris la suspicion vis à vis des Algériens de plus en plus grande. Jusqu'à la grande manifestation du 17 octobre 1961 qui tourne au massacre. 

Le visage de pierre, celui qui obsède l'écrivain, c'est celui de la haine, telle qu'il l'a perçue aux Etats-Unis,  quand les premiers lycéens noirs ont intégré un lycée de Little Rock, telle qu'il l'a vécue lui-même dans sa chair (il a été agressé et a perdu la vision d'un oeil), telle qu'il la constate encore et encore dans le pays où il a cru trouver refuge. 

Le livre de William Gardner Smith, qui tient plus du récit que du roman, est sans doute un des premiers à mentionner la façon dont les Algériens ont été traités et le massacre de 1961. Bien avant Elise ou la vraie vie de Claire Etcherelli (1967), bien avant Meurtres pour mémoire de Didier Daenincks (1983). Il n'a été traduit par Brice Mathieussent et publié en France qu'en 2021. Faut-il se demander pourquoi ?.... 

 





27 décembre 2022

Godland

Que sait-on de l'Islande ? A part ses volcans, ses sources chaudes, ses paysages hors du commun  ? Le film de Hlynur Pálmason nous offre l'occasion d'en savoir un peu plus en partant sur les traces de Lucas, un prêtre danois chargé de construire une église dans une région particulièrement isolée.  Lucas est prêtre mais aussi photographe et son matériel  - on est à la fin du XIXe siècle - est à peine moins encombrant que la grande croix de bois symbole de sa mission première. Les aléas du voyage et de la météo ont raison de la croix et dès lors c'est l'homme qui semble l'emporter sur le religieux : son impatience, son exigence causent la mort d'un de ses compagnons de voyage et une fois arrivé à destination il a beau s'accrocher, sa soutane ne le protège pas de la désintégration morale et spirituelle. 

Le temps, les éléments, les paysages, tout dans ce film parle de désintégration, celle des animaux comme celle des hommes, celle des corps comme celle des âmes. Oui c'est bien de la dissolution des êtres vivants, dans une nature sublimée par le regard du cinéaste qu'il est question dans ce film qui atteint parfois une dimension métaphysique.  Les paysages islandais sont à la fois rudes et austères, avec par moment des fulgurances comme ces coulées de lave que rien n'arrête, ou des douceurs inattendues comme ces mousses spongieuses dans lesquelles le pied s'enfonce. Pris par la beauté des images, et ce format carré qui lui donne l'illusion d'être dans le paysage, le spectateur finit par s'immerger totalement dans cet univers très physique, très sensuel où les problèmes humains paraissent soudain bien dérisoires. 

Godland, la terre de Dieu  ? Cela n'est pas certain. 



26 décembre 2022

Le Bal



Encore un vieux film (1983) revu avec plaisir. C'était au départ un spectacle monté par le Théâtre du Campagnol dont Ettore Scola s'est emparé pour faire un film. 

Un seul lieu: une immense salle de bal comme on n'en fait plus, mais une traversée du XXe siècle depuis la fin des années 20 jusqu'aux années 70. Pas un mot n'est échangé, mais tout est dit du front populaire, de l'occupation, de la libération, des blousons noirs et de Mai 68. Les musiques changent, les danses également. Les coiffures, les maquillages, les robes et les costumes suffisent à suggérer l'évolution des modes et surtout des moeurs. Quant aux comportement des individus, ils sont remarquablement bien étudiés et parfaitement incarnés par les acteurs, dont le jeu souvent proche du mime rappelle qu'au départ il s'agissait de théâtre. mais un théâtre sans parole !

22 décembre 2022

Gabrielle Filteau-Chiba, Sauvagines


 Séduite par une première lecture (Encabannée), je m'étais promis de lire un autre livre de cette écrivaine. J'ai donc lu Sauvagines et la séduction fonctionne d'autant mieux que le roman est un peu plus conséquent. Mais on retrouve la même atmosphère que dans Encabannée. Le personnage principale est une  garde-forestière qui vit dans une caravane un peu déglinguée au milieu des bois : elle n'a en tête que la protection de la nature et en particulier de la faune sauvage. Mais se heurte à un braconnier qui piège les coyotes, un homme violent qui s'immisce dans son intimité et menace la jeune femme. 

Gabrielle Fiteau-Chiba réussi à créer dans Sauvagines une atmosphère qui donne presque envie d'aller arpenter les bois avec elle, et prouve que vivre avec peu, voire moins encore, peut être un choix viable... un roman parfaitement écologique donc. Mais c'est aussi un roman construit sur une intrigue policière qui entraîne le lecteur dans une véritable traque. C'est surtout un roman qui met en scène des personnages originaux, qui ont fait le choix de vivre en marge de la société, mais ont noué entre eux des liens très forts : Raphaëlle en effet n'est pas tout à fait seule puisqu'à ses cotés il y a son chien Coyote, mais aussi son vieil ami Gabriel, l'homme des bois et la belle Anouk à la chevelure flamboyante. 

Situé dans le Kamouraska,  Sauvagines est le parfait roman à lire en plein hiver, devant sa cheminée, avec un bon vin chaud à portée de main ! 


20 décembre 2022

Mahi Binebine, Mon frère fantôme

Dès les premières pages nous voilà pris, intrigués et séduits par Kamal, ce narrateur qui parle de lui en disant "nous". Car Kamal, gamin de Marrakech, vit à  deux dans un même corps, avec son frère fantôme, et ce n'est pas facile parce qu'ils sont très différents. Le sage et le fou, le calme et l'agité, l'obéissant et celui qui ne supporte pas les règles. Comme un soupçon de schizophrénie ? Mais ce n'est pas vraiment le propos de l'auteur qui met en scène autour de Kamal, sa famille, mère, frère, soeur et les petites gens de Marrakech. Car c'est dans les souks et sur la place Djemaa El Fna que tout se passe et comme Kamal est pendant un temps, le guide touristique le plus demandé de son agence, le regard qu'il porte sur les touristes est aussi drôle et parfois caustique que celui qu'il porte sur les Marrakchis ! 

Pourtant, derrière la rigolade, il y a aussi les larmes, les conditions de vie de sa famille, pauvre parmi les pauvres, les trafics d'Omar qui le mènent inéluctablement en prison, la propre descente de Kamal vers l'alcoolisme et la tragédie. 

On en veut un peu à l'écrivain de ne pas sauver son personnage, mais il lui a donné sa chance et il n'a cessé de montrer qu'il avait le choix, qu'il aurait pu ... mais Mektoub, c'était écrit. Pensive en refermant le livre je m'interroge sur cette idée de prédétermination qui pèse sur les vies des personnages comme peut-être sur les nôtres. Mais si prédétermination il y a, elle est avant tout sociale. C'est en tout cas ce que nous invite à penser Mahi Binebine ce qui fait de Mon frère fantôme un roman plus profond que ne pourrait laisser croire la légèreté de son ton.

 


18 décembre 2022

Sous les figues

 

Comme une envie de soleil pour compenser le froid, la pluie, la grisaille ? Le film d'Erige Sehiri est parfait pour cela puisqu'il nous permet de suivre la journée de travail de trois jeunes tunisiennes, Sana, Fide, Melek  et quelques autres, dans une plantation de figuiers. C'est le moment de la cueillette et il y a du travail pour beaucoup de bras. Le film se déroule sur une journée seulement, mais tant de choses sont dites et parfois simplement suggérées sur les rapports entre les filles et les garçons, sur l'amour, sur les rapports de domination entre le patron et ses employés, que même sans intrigue déroulée en trois temps, on ne s'ennuie jamais à suivre les conversations, à deviner les relations entre les uns et les autres, les espoirs, les déceptions, les colères et les révoltes. 

Une jolie chronique, qui n'édulcore rien des conditions de travail de ces ouvriers agricoles tunisiens, mais sans les lourdeurs d'un appareil documentaire formaté. Non plutôt la vie saisie au vol avec une légèreté qui ne voile pas la réalité.


16 décembre 2022

Le Tigre du Bengale

Même en tenant compte du fait qu'il s'agit d'un film de Fritz Lang,  le grand Fritz Lang, que le film est sorti en 1958, et que je l'ai vu sur mon écran télé ... j'ai beaucoup de mal à crier au chef-d'oeuvre après avoir vu Le Tigre du Bengale (mangeur de petits enfants, mais pas seulement ! )

Je n'y ai vu, hélas, qu'un monument  - oserai-je dire un tombeau  - franchement kitsch et souvent assez laid. Tout dans ce film sonne faux à commencer par la description d'une Inde totalement fantasmée, avec une danseuse sacrée dont le numéro n'a rien d'indien mais tout d'une séance de cabaret érotique ; son prétendant est lui raide comme un bâton, et le Maharadja aussi cruel que... Néron.   Des costumes clinquants, (très dénudés pour l'héroïne), des acteurs outrageusement maquillés et bien mal dirigés ou simplement mauvais. Difficile même de donner le moindre sens politique ou philosophique à cet affrontement entre l' Orient (sacré, mystérieux, respectueux des rites et traditions ) et l'Occident (rationnel et progressiste) tant les clichés vont bon train. Quant aux figures de dictateurs... celui-ci ressemble à tous les autres.

Je suis allée jusqu'au bout du film, mais n'est pas eu le courage de regarder Le Tombeau hindou, deuxième volet de ce diptyque.

 

13 décembre 2022

Douglas Kennedy, Les Hommmes ont peur de la lumière

J'aimerais pouvoir dire du bien du dernier livre de Douglas Kennedy,  parce qu'il traite d'un sujet essentiel,  les lois sur l'avortement, remises en cause aujourd'hui par une minorité de fanatiques religieux. Une minorité certes, mais suffisamment active pour obtenir une décision de la Cour Suprême  américaine qui vient de remettre en question il y a peu, les acquis des années 70. L'écrivain en profite pour remettre en cause bien d'autres aspects détestables de la société américaine, l'ubérisation de l'économie, et la paupérisation qui va avec, le fanatisme religieux, les dérives de la sexualité, les abus de pouvoir et l'absence de moralité des super-riches, le recours aux armes etc. Heureusement, en face, il y a les gentils, les coeurs tendres, qui luttent pied à pied, s'entraident, se réconfortent ... 

Tout est juste dans le roman de Douglas Kennedy, tout est bien documenté et nul doute qu'il se situe depuis toujours du côté des bons et pas du côté de la religion qu'il avait déjà pas mal égratignée dans un récit publié en 1989 :  In God's country : Travels in the Bible Belt, USA. Il a beau situer son dernier roman en Californie, c'est la même atmosphère poisseuse. Et il s'agit bien d'un roman puisque au fil des pages la trame policière prend de l'ampleur avec au point culminant une scène de tuerie digne d'un western ou d'un Tarentino ! Oui mais voilà, tout est un peu simplifié et donc un peu simpliste dans Les hommes ont peur de la lumière, un peu trop manichéen aussi. Il m'est donc difficile de porter ce roman aux nues, mais je soupçonne l'écrivain de s'être plus soucié d'efficacité que de prestige littéraire. Il s'agit pour lui avant tout de montrer, de démontrer et de convaincre. Un combat sans doute perdu  : les activistes pro-life, les fanatiques qui n'hésitent pas à poser des bombes devant les cliniques où sont pratiqués des avortements ne liront pas son livre. Mais certains lecteurs hésitants, ceux qui s'interrogent de bonne foi ... ceux-là peut-être ....





12 décembre 2022

Pourquoi pas

Pourquoi pas est le premier film de fiction de Coline Serreau, bien avant Trois hommes et un couffin. Les deux films ont en commun d'être franchement drôles et de remettre en question quelques principes fondamentaux de la société française : la famille et le couple. 

Pourquoi pas fait vivre un joyeux ménage à trois, dans lequel chacun occupe le rôle qui lui convient : Louis compose et joue de la musique, Alexa gagne l'argent qui permet de payer le loyer du vieux pavillon de banlieue et Fernand, ah Fernand ! il s'occupe de la cuisine, du ménage, des lessives ... et c'est Samy Frey, le beau ténébreux, qui tient le rôle de Fernand ! Voilà pour la situation de départ, qui bien entendu se complique lorsqu' Alexa perd son travail, et que Fernand tombe amoureux d'une jolie blonde... 

Pourquoi j'ai tant aimé ce film ? Parce que, mine de rien, il sape les valeurs dites bourgeoises fondées sur le couple et la conjugalité et parie sur des relations entre individus fondées sur la bienveillance et - surtout - la tolérance.  Un pari déraisonnable ? Une utopie invraisemblable ? Sans doute. Mais il y a dans ce film tout l'esprit libertaire, libertin et surtout ludique des années 70. Pourquoi pas est un film terriblement gentil, terriblement jouissif, et mine de rien, terriblement corrosif, que j'ai eu grand plaisir à revoir. 

 


 

 

https://www.troiscouleurs.fr/article/pourquoi-pas-coline-serreau



11 décembre 2022

Bertrand Schmid, L'Aiguilleur

Quand je traîne plus de trois jours sur un roman, voire une semaine ou plus, ce n'est pas bon signe. Le roman n'était pourtant pas bien gros, un peu plus d'une centaine de pages. Mais allez savoir.... j'ai trouvé qu'il y avait trop de mots, trop de phrases, pas assez de personnages et surtout qu'il y faisait bien trop froid puisqu'on était au fin fond d'une forêt russe - en plein hiver sinon ce ne serait pas drôle - en compagnie d'un aiguilleur chargé d'entretenir une voie de chemin de fer dont on ne sait ni d'où elle vient ni où elle va. Il est vrai qu'on est en Russie, du temps de Staline, jamais nommé bien que son portrait figure par obligation sur les murs de toutes les maisons, aussi misérables soient-elles. 

Bon mettons que je suis complètement passée à côté de ce roman, pourtant prometteur si j'en crois les mots de l'éditeur. "Récit d’un exil au fond de soi, L’Aiguilleur dépeint la lente métamorphose d’un monde sombrant dans le silence et la nuit. Sensible aux moindres détails, aux plus subtiles nuances, l’écriture de Schmid nous plonge dans les derniers jours d’un solitaire et parvient à faire de Vassili un personnage de légende, digne des grands romans russes."

Si vous le lisez, vous me direz ?


 

06 décembre 2022

Annie colère

S'il y a un film à voir en ce moment, c'est bien celui-là. A voir par toutes et par tous. Car il dit tout ce que l'on à besoin de savoir sur l'engagement des militantes du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception, crée en 1973 et dissout en 1975 après l'obtention de la loi Weil. )

Oui, bien sûr, il y a un côté documentaire mais ce n'est pas une tare que de restituer en même temps que l'esprit d'une époque, la prise de conscience féministe du personnage principal, la solidarité et l'entraide qui permettait aux femmes de trouver une solution, que ce soit un voyage dans un pays (la Hollande le plus souvent) où l'avortement était déjà légalisé, ou le recours à la méthode Karman, pratiquée en toute illégalité par les militantes du Mlac. Tout est dit dans ce film y compris la lutte des jeunes médecins contre les "mandarins' et l'ordre des médecins. Mais aussi la suffisance de certains de ces mêmes médecins quand il s'agit de lâcher du pouvoir et d'accepter que des femmes, même moins diplômés, puissent prendre le relai et pratiquer les même gestes avec la même compétence. Tout est dit aussi sur la nécessité d'éduquer ses propres enfants, filles ou garçons pour ne pas se voir reproduire les mêmes comportements. Et sur les tensions que cet engagement a pu créer dans les couples.

Les années 70, quoi qu'on en disent, ont contribué à modifier les rapports de force dans la société. Et c'est bien ce que ce film s'efforce de mettre en scène et y parvient plutôt bien en jouant à la fois sur la corde de l'intelligence et de la sensibilité. Car oui ce film est émouvant. L'est-il pour tous ? Je ne sais pas. Mais je le souhaite car cette mise en valeur des combats féministes des années 70 me paraît essentiel. Et non, tout n'est pas définitivement acquis. Et oui, il y a encore des progrès à faire.


05 décembre 2022

Alessandro Barbaglia, Le Coup du fou

 


Mardi 11 Juillet 1972. La date est gravée à jamais dans la mémoire d'Alessandro Barbaglia. Ce jour et ceux qui ont suivi. Minute par minute. Bobby Fischer contre Boris Spassky. Championnat du monde d'échecs. Boris Spassky contre Bobby Fischer. On est encore en pleine guerre froide et le duel n'est pas seulement entre deux joueurs d'échecs, mais entre deux pays qui prétendent dominer le monde. Les Soviétiques sont champions du monde depuis 1948 et là, pour la première fois, un Américain a une chance de gagner.

De cette extraordinaire rivalité entre deux hommes que tout oppose,  Alessandro Barbaglia a fait un roman tout à fait épatant, et pas besoin de savoir jouer aux échecs pour l'apprécier. On traîne un peu sur les premières pages histoire de bien repérer les trois fils de la tresse que l'écrivain entremêle avec adresse : le déroulé du championnat d'échecs, centré autour de la personnalité de Bobby Fischer qui visiblement fascine l'auteur; le parallèle avec les guerriers de l'Antiquité que sont Ulysse le rusé et Achille le brute. Le troisième fil est celui de la relation de l'écrivain avec son propre père et le deuil d'un enfant de 12 ans. 

L'écriture est précise, dynamique, les coups se succèdent jusqu'au rebondissement final. Non, inutile d'aller voir sur Internet comment s'est déroulé le championnat, Le Coup du fou n'est pas un document, c'est un roman dont la lecture est ... drôle, piquante et finalement très savoureuse.

03 décembre 2022

Les Miens

Une famille apparemment aimante et chaleureuse, dont les dysfonctionnements sont mis en évidence par un accident. Sur ce sujet passablement rebattu - on s'aime, on s'entraide / on se jalouse, on se dispute -  Roschdy Zem réalise un film assez juste où les comportements de chacun sont analysés avec une certaine finesse. En mettant en scène une famille d'origine arabe, parfaitement intégrée dans la société et qui coche toutes les cases de la réussite sociale, il échappe à un certain nombre de clichés qui encombrent notre société. Le film avait donc pas mal d'atouts, gâchés me semble-t-il par une mise en scène un peu plate et un abus de gros plans qui finissent par lasser. Dommage. 




02 décembre 2022

Mois de la photo : Julien Coquentin

Julien Coquentin est le troisième photographe que je retiens de l'exposition présentée à l'ancien musé de peinture à l'occasion de Mois de la photo. 

 Son registre n'est pas très différents de celui des deux précédents puisqu'il s'agit toujours de partir de la réalité la plus banale pour créer un univers très personnel construit sur les souvenirs d'enfance autant que sur des lieux ou des objets particulièrement évocateurs. 

 
Plus que jamais l'accrochage joue un rôle essentiel en associant des couleurs parfois, des formes ou simplement des atmosphères pour créer comme un espace mental.

 

Mais le plus étonnant reste cette capacité de Julien Coquentin à transformer la réalité la plus triviale en objet esthétique.

Pour exprimer la brièveté de la vie et le caractère éphémère de l'amour, Ronsard avait choisi une rose, Baudelaire une charogne. Julien Coquentin choisit une main ridée, des coquilles d'escargot vides, une brouette à côté d'un tas de purin. Osé non ?


 
Et si vous n'allez pas au musée, allez au moins voir son site. https://juliencoquentin.com/

01 décembre 2022

Mois de la photo : Isabelle Scotta



Après Gérard Strabon, c'est Isabelle Scotta qui a retenu mon attention, avec des photos nocturnes aux couleurs froides le plus souvent.  

Des photos qui au premier regard pourraient passer pour des compositions abstraites... mais ce n'est pas le cas ...

... et il suffit de s'approcher un peu pour s'apercevoir que l'obscurité et l'oeil de la photographe transforment la réalité la plus banale.  Et l'on bascule peu à peu vers un monde franchement onirique.

Etrange, mystérieux et parfois même un peu inquiétant. Un monde de chimères. Le monde de la nuit. Où il devient difficile de distinguer le rêve de la réalité.

http://www.isabellescotta.com/


30 novembre 2022

Mois de la photo : Gérard Staron

Ce sont les premières photos que l'on trouve en entrant dans la grande salle de l'ancienne bibliothèque. Des photos associées deux par deux et complétées par un texte. La première photo est celle d'une maison, vue de l'extérieur. La deuxième est une photo prise à l'intérieur, un coin de décor, un groupe d'objets... Et le texte ? Et bien,  le texte parle de celui ou celle qui habite là. Le procédé est simple et tout à fait fascinant. Car très vite on se demande quelle est la part de vérité, quelle est la part de l'invention. 

 

Entre réalité et fiction, Gérard Staron met en évidence le pouvoir de la photographie qui s'efforce de capter le réel de la façon la plus objective possible, alors même qu'elle offre à l'imagination un tremplin extraordinaire.  Un jeu auquel chacun peut se livrer : parmi les nombreuses et souvent surprenantes maisons proposées par le photographe, en voici une ...  A vous d'imaginer l'intérieur, d'inventer le personnage qui va avec  ... et de courir au musée place de Verdun, voir ce que Gérard Staron en a fait. Mais attention, à ce jeu là, il est imbattable !

Et sur son site, bien d'autres photos à découvrir. Et pas seulement des maison !
http://www.gerard-staron.com/

Parmi toutes les propositions, j'avoue que le portofolio Off season colors m'a particulièrement séduite.

http://www.gerard-staron.com/portfolio-couleur/off-season-colors/off-season-colors-consequences.html

29 novembre 2022

Aucun ours

Non, le film n'est pas facile, car oui, les fils sont un peu difficiles à démêler, mais ce que Jafar Panahi a à dire sur l'Iran, sur la difficulté de faire un film en Iran, même - surtout? - quand on est un cinéaste reconnu et estimé à l'étranger, mérite bien que l'on s'arrache à nos habitudes. 

D'abord et avant tout, il y a la frontière entre l'Iran et la Turquie, ce territoire interdit où l'on ne peut s'aventurer que de nuit et où il n'existe que deux pistes, celle des passeurs ou celles des contrebandiers et elles sont aussi dangereuses l'une que l'autre. 

Ensuite il y a la petite chambre rustique où Jafar Panahi s'est réfugié en comptant sur les réseaux informatiques pour diriger, à distance et avec l'aide d'un assistant, l'équipe de tournage qui se trouve de l'autre côté de la frontière. Mais dans ce village perdu de l'Est de l'Iran, les réseaux fonctionnent mal et sont souvent coupés. Le film n'avance pas. 

D'autant que les deux acteurs principaux, ne pensent qu'à une chose, obtenir leurs passeports pour pouvoir s'installer en France. Cela fait plus de 10 ans qu'ils attendent. 

Enfin il y a le village et ses habitants, dont la vie est depuis toujours dominée par les traditions comme celle qui consiste à attribuer dès sa naissance une fille en mariage à un homme. Peu importe qu'arrivée à l'âge de se marier, elle l'aime ou pas. Le mariage n'a  de toute façon rien à voir avec l'amour. Et si l'amour s'en mêle, le village entier va s'emmêler. Jusqu'au pire évidemment. 

Bien qu'il soit parfois drôle, Aucun ours n'est pas un film optimiste. Loin de là. Et le message du cinéaste est parfaitement claire. L'oppression est religieuse, politique, mais elle est aussi le fait des traditions immuables, de l'incapacité des êtres humains à changer, à évoluer.

Jafar Panahi, qui en 2010 avait été condamné à 6 ans d'emprisonnement, mais laissé en liberté conditionnelle avec interdiction de filmer ou de prendre la parole en public, a été arrêté en Juillet de cette année et se trouve actuellement en prison.

27 novembre 2022

Sophie Poirier, Le Signal


Le Signal.  Depuis 1970, cet immeuble bien banal de quatre étages se dresse face à la mer. Mais la mer a eu raison de l'immeuble,  et avec lui, des rêves de ceux qui avaient placé leurs économies dans un appartement avec "vue sur mer".

Sophie Poirier ne découvre l'immeuble qu'en 2014, quand il a déjà été vidé de ses habitants, squatté et vandalisé. Mais le charme opère toujours, parce que le bâtiment a beau être dégradé, les vitres éclatées, les murs tagés, la mer est toujours là, de plus en plus proche. Et Sophie est "tombée en amour" pour ce bâtiment.. Même lorsqu'après désamiantage, il ne reste que le béton brut, depuis la dune de l'autre côté de la route, elle observe une carcasse dont "chaque ouverture, à chaque étage, semble remplie d'océan. On voit la mer partout à travers." 

L'histoire du Signal a souvent fait la une des journaux parce qu'elle marque trop bien l'insouciance des hommes, leur refus de prendre en compte l'accélération du dérèglement climatique, le réchauffement de la planète et la montée des eaux. Le livre de Sophie Poirier dit tout cela, mais il dit surtout la fascination pour un lieu abandonné, pour le passage du temps qui efface les traces, mais pas les souvenirs. Il y a dans ce récit un peu de mélancolie, mais beaucoup de tendresse aussi. Et l'on souvient, en le lisant, de l'amour que Diderot et quelques autres, écrivains ou peintres portaient aux ruines. Le béton brut est peut-être plus difficile à aimer que les vieilles pierres moussues, mais l'attachement à des lieux, ou plutôt à ce qu'ils ont représenté dans l'histoire des hommes n'est pas très différent. On ne qualifie plus de "ruinistes", mais d'explorateurs urbains (urbex si on préfère le terme anglais) ceux qui aiment s'aventurer dans des lieux abandonnés, arpenter des friches industrielles, des entrepôts désaffectés, des hôpitaux délaissés. Et les sites consacrés à cette passion sont innombrables. Les livres de photo aussi. Les récits, comme celui de Sophie Poirier plus rares. Mais pas moins appréciés. Et pas besoin pour cela d'avoir été propriétaire d'un appartement au Signal.

 

https://urbexsession.com/le-signal/

26 novembre 2022

Mains basse sur la ville

 

 50 ans plus tard, rien n'a changé et les immeubles s'effondrent encore dans les rues de la ville.... 

En dehors de cette coïncidence et de la réputation du film de Francesco Rosi qui en fait un classique incontournable du cinéma italien, j'ai trouvé le film un peu ennuyeux. Très, trop démonstratif. Tous ces messieurs en manteau et chapeau, qui s'agitent dans les hémicycles du pouvoir. Qui se ressemblent tant, bedaines et cravates, que l'on peine à identifier leurs couleurs politiques (le militant communiste et le bon docteur mis à part). Il n'est de toute façon question que de garder le pouvoir... et l'argent qui va avec.  Servir le peuple ? Quelle idée ! C'est au point que je me demande si ce film, qui était supposé susciter l'indignation, ne produit pas l'effet contraire : l'écoeurement et le renoncement à tout engagement politique. 


PS. Malgré l'affiche très "pulp fiction",  que j'ai choisie de mettre en avant, le film est en noir et blanc !


22 novembre 2022

Attica Locke, Au paradis je demeure

Deuxième essai : après Blue bird, blue bird, j'ai lu le dernier roman d'Attica Locke avec la même attente impatiente et au final les mêmes réserves. 

J'ai trouvé ce que je cherchais, c'est à dire une atmosphère, des personnages typés, un suspens maintenu jusqu'au bout après une myriade de fausses pistes. J'ai aussi apprécié la description d'un coin perdu de l'Est du Texas, à la lisière de la Louisiane, le lac Caddo et la petite ville de Jefferson, le genre d'endroit que je me plais à découvrir quand j'ai la chance de voyager aux E-U. Et pour finir, les relations complexes entre les différents groupes ethniques, sur lesquels le poids de l'histoire pèse plus qu'on ne pourrait l'imaginer, permettent de comprendre à quel point la couleur de la peau détermine le comportement des uns et des autres. 

Pourtant comme dans le précédent roman, j'ai eu du mal à démêler les fils de l'intrigue et les relations entre les personnages dont certains ne m'ont pas paru vraiment nécessaires à l'intrigue. Les romans d'Attica Locke me laissent au fond l'impression d'une écrivaine qui veut tellement bien faire, tellement bien documenter son récit qu'elle en fait un peu trop. Mais qui sait,  un troisième essai me permettra peut-être de changer d'avis et de confirmer ce que dit le bandeau de couverture.

21 novembre 2022

De vernissage en vernissage

 Certains week-ends sont plus réjouissants que d'autres. Comme le précédent, où le petit monde de l'art s'était donné le mot pour ouvrir ses portes. 


A Voiron, les superbes natures mortes de Nicole Richard sont là pour combler tous ceux que le genre  fascine. Natures mortes d'aujourd'hui qui tiendraient leur place à côté d'oeuvres plus classiques comme celles que l'on trouve au musée de Grenoble, sous la signature d'Osias Beert. J'avoue même une petite préférence pour les photos de Nicole Richard, dont la disposition des objets et légumes paraît plus naturelle, plus spontanée, bien qu'elle soit en réalité très travaillée. 

https://www.museedegrenoble.fr/oeuvre/176/1922-artichaut-fruits-et-coupes.htm

 

 
Lorsque je suis passée à l'ancien musée de peinture de Grenoble, celui de la place de Verdun, l'accrochage n'était pas tout à fait terminé. Mais les quatre photographes exposés m'ont paru suffisamment intéressants pour programmer une seconde visite; jusqu'au 11 décembre, j'ai le temps ! 
Le temps aussi d'aller voir les 18 lieux partenaires ? Pas sûr, mais on en reparlera.
 
 Et puis il y avait la réouverture très attendue du Magasin, le centre national d'art contemporain tout au bout du cours Berriat, à côté de la Belle Electrique.

 

Pour aimer l'art contemporain, il faut accepter d'être surpris, de perdre ses repères, d'être tout bonnement perdu devant des oeuvres dont on ne voit pas immédiatement l'intérêt parce qu'elles ne sont pas encore inscrites dans une chronologie établie. Elle peuvent séduire, interroger, déranger ou simplement amuser, comme les vidéos projetées dans "la rue" du Magasin; elles m'ont non seulement mise de bonne humeur, mais m'ont donné envie de danser moi aussi !




20 novembre 2022

Polina Panassenko, Tenir sa langue

Parfois le hasard fait bien les choses, un bon livre succède à un autre bon livre et l'envie de lire est soudain décuplée. Et quand, de surcroit, la littérature me fait voyager, je suis comblée.

 Avec Tenir sa langue, on passe incessamment de la Russie à la France en compagnie de Pauline/Polina, fille d'émigrés russes, petite-fille d'émigrés ukrainiens et lituaniens. En racontant son histoire d'enfant coincée entre deux langues, de jeune femme coincée entre deux prénoms, Polina Panassenko permet au lecteur d'imaginer et de mieux comprendre ce qu'émigrer veut dire. Bien que partagée entre deux identités, deux pays, l'écrivaine appartient avant tout à une famille qu'elle évoque avec tendresse et drôlerie, une famille qui reste unie malgré les séparations alors même que l' URSS se désagrège. Tout en finesse et en légèreté, le récit de Polina Panassenko n'a pourtant rien de frivole. Une jolie réussite.

 


 

19 novembre 2022

Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée

 Kamouraska ... à la lecture des premières page, on se croirait au fin fond du grand Nord. Mais non ! Juste au Québec, sur la rive Sud du Saint-Laurent. Mais je veux bien croire qu'il y fait un froid de loup en hiver. 

Anouk a décidé de se la jouer façon Henry Thoreau et de s'encabaner pour fuir les dérives du monde, ses propres dérives et retrouver un monde plus rudimentaire où les tâches quotidiennes - maintenir du feu dans le poêle, fendre du bois, faire fondre la neige - sont tout bonnement vitales.  Entre poésie et drôlerie la lecture est agréable et vire au romanesque lorsque surgit un homme qui se dirige vers sa cabane, un fugitif peut-être .... 

Encabanée est un petit livre qui se dévore plus qu'il ne se lit, léger en apparence, plus profond peut-être à y repenser et bien dans l'air du temps. En tout cas, maintenant que j'ai repéré cette jeune auteur québecoise, je ne vais pas la lâcher. Et puis j'irai peut-être rechercher à la bibliothèque, Kamarouska, le livre d'Anne Hebert à qui Gabrielle Filteau-Chiba rend hommage.

 





18 novembre 2022

Argeddon time

Dans la catégorie film pas trop dur, pas trop méchant, le dernier film de James Gray s'impose, qui retrace la vie d'une famille juive à New York. Le tout vu par le regard d'un enfant puisqu'il s'agit d'un parcours autobiographique. Mais au-delà des souvenirs d'enfance du réalisateur le film propose deux fils thématiques, celui du racisme évidemment puisqu'il s'agit de l'amitié entre un enfant blanc et un enfant noir, mais également celui des différences sociales. Les grands-parents de Paul ont les moyens de lui offrir une école privée. Johnny, qui vit seul avec sa grand-mère handicapée, n'a d'autre choix que l'école publique. 

Le film serait un peu trop caricatural si ce n'était le grand-père, un rôle magnifiquement tenu par Anthony Hopkins et l'affection qu'il porte à son petit-fils à qui il demande de se comporter "en homme". Oui, mais voilà, Paul n'est qu'un enfant et il n'est pas si facile de lutter contre tout le monde, sa famille, la société, sa propre peur et son désir de sécurité. Et je sais gré à James Gray d'avoir choisi pour clore son film, le réalisme plutôt qu'une banale "fin heureuse".




17 novembre 2022

Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin

Il a failli avoir le prix Goncourt, mais c'est l'autre le roman "intimiste" qui l'a emporté. Du coup je me suis dit que celui-ci m'en apprendrait plus sur le monde et m'aiderait peut-être à comprendre les conflits d'aujourd'hui autrement qu'en passant par les médias. 

Déception parce que le livre n'est ni un roman  - trop près de la réalité, pas de distance historique, pas d'intrigue véritable, juste un long monologue mal introduit, genre mémoire d'un conseiller politique mis de côté, mais n'est-ce pas le sort de tous ceux qui un jour se croient maîtres du monde parce qu'ils ont l'oreille d'un gouvernant ... - ni un essai qui aborderait la politique du Kremlin et de son "maître" sous un éclairage un peu différent. Non, juste un ramassis de faits plus ou moins avérés, d'anecdotes et de rumeurs. 

Bref, une lecture décevante.  Le Mage du Kremlin montre simplement que même pour un auteur confirmé comme Giuliano da Empoli, il n'est pas si facile de passer de l'essai à la fiction.  

 

15 novembre 2022

Butterfly vision

 Son boulot c'est d'utiliser des drones pour faire du repérage. Une façon de ne voir la guerre qu'à travers des écrans. De mettre la réalité à distance.... oui mais la réalité l'a rattrapée, elle a été faite prisonnière; lorsque le film commence, elle vient d'être libérée et retrouve sa famille. 

Le film de Maksym Nakonechnyi parle de la guerre du Donbass, celle de 2014. Mais toutes les guerres se ressemblent et elles ont sur les individus qui en réchappent les mêmes effets dévastateurs. Lilia souffre de toute évidence d'un syndrome post traumatique; son mari également. Mais sous une autre forme. Pour Lilia cela se traduit par une forme de mutisme et des visions envahissantes. Pour son mari par de la culpabilité et le refuge dans des groupes extrémistes.

Résumé comme cela le film risque de passer pour un documentaire, ce qu'il n'est aucunement parce que la mise en scène est particulièrement inventive et joue avec toutes les formes d'écrans, toutes les formes de visions et donc tous les points de vue. A chacun sa façon d'affronter la guerre.




14 novembre 2022

Le Couple

 Grande fan de Frederick Wiseman, dont les documentaires, passionnants, sont parfois très longs, je ne pouvais manquer son nouveau film qui lui ne dure que 63 minutes !  Entre deux films un peu durs, un peu sombres comme les derniers chroniqués, Un couple est tout simplement reposant.  Et très séduisant. 

De quoi s'agit-il ? D'une femme, une actrice qui incarne Sophia, la femme de Tolstoi et lit des  extraits de sa correspondance, des lettres qu'elle lui a adressées. Ou pas. Peu importe. Ce que dit cette femme, c'est tout simplement la vie d'un couple, ses joies, ses bonheurs, ses désaccords, ses disputes, ses incompréhensions.... cette alternance de hauts et de bas qui fait la vie conjugale. Mais rien de lourd ou de pesant comme parfois dans les films de Bergman. Une certaine légèreté plutôt que la caméra de Wiseman souligne en faisant se déplacer son personnage dans un paysage insulaire où les gros plans de fleur alternent avec les portraits de l'actrice en train de lire. Je m'attendais à m'ennuyer un peu, élégamment ... En fait pas du tout. J'ai trouvé ce film plutôt ... apaisant, emportée sans doute par la beauté des images, une île, la mer, des rochers, des fleurs, la nature dans toute sa splendeur et sa force. Et la simplicité du procédé pour mettre en scène un texte pourtant très introspectif.



13 novembre 2022

Philippe Cognée

De la Nature. Le thème est vaste et les possibilités quasi infinies, mais le musée de Grenoble a limité son choix à quatre artistes qui avaient déjà exposé au musée : Philippe Cognée, Cristina Iglesias,  Wolfgang Laib et Giuseppe Penone. Des nationalités différentes et des manières de faire très différentes également. Pas de rivalité donc entre les uns et les autres, mais ma préférence va à Philippe Cognée dont les tableaux, vus à distance, donnent l'impression de pénétrer dans un sous-bois enneigés alors que de près on ne voit qu'une accumulation de taches plus ou moins colorées. https://www.museedegrenoble.fr/2684-de-la-nature.htm

Vues de près ou de loin, les fleurs de Philippe Cognée paraissent, elles, franchement monstrueuses. 


Son Amaryllis rouge en particulier n'est pas loin de faire penser à une pièce de boucherie, au Boeuf écorché de Soutine par exemple, qui fait partie des collections du musée. Le monde végétal finalement est peut-être plus inquiétant que l'on ne croit...

 

Alors, à nous de rassurer avec ses châteaux de sable, constructions éphémères dont il retient un instant la présence comme il l'avait fait avec ses tableaux  beaucoup plus urbains présentés lors d'une précédente exposition. Comment traduire avec un pinceau le caractère éphémère des choses, qu'elles soient produites par la nature ou construites par l'homme, c'est ce Philippe Cognée semble vouloir exprimer, ou du moins ce que je retiens de ces tableaux. 

12 novembre 2022

Le Serment de Pamfir

Le film de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk est un film à entrées multiples, ce qui permet à chaque spectateur d'y trouver son compte. 

D'abord la photographie, superbe et souvent surprenante, alors même que l'univers dans lequel se meuvent les personnages est souvent boueux, pluvieus, brumeux, sale et il faut bien le dire, misérable. On est dans une région particulière de l'Ukraine, le Tchernivitsi, proche de la Roumanie.  Une région suffisamment pauvre pour que la question de l'émigration se pose.

Le film a donc une dimension sociale puisque dans cette contrée, le travail est rare et qui veut gagner sa vie n'a guère d'autre choix que l'émigration ou la contrebande. Ce qui permet au réalisateur d'orienter son film vers le genre policier : le trafic frontalier étant monopolisé par un chef de bande tout puissant.  Un chef mafieux, cruel et sans pitié, que chacun craint et auquel chacun se soumet par peur plus que par intérêt, un potentat qui garde un ours en cage ... Oui, bien sûr, le film a aussi une dimension politique. Car il est facile d'imposer son pouvoir à un peuple illettré et miséreux. 

Mais Le Serment de Pamfir c'est aussi et surtout la promesse que Pamfir a faite à son fils : de ne pas repartir travailler en Pologne, et d'être là pour la fête de la Malanka, un carnaval pour lequel les masques sont préparés de longue date et qui revêt une importance particulière pour Nazar. Oui, le film est aussi une histoire de famille, une relation entre un père et son fils. Jusqu'où Pamfir est-il prêt à aller pour que son fils ait un avenir meilleur que le sien. Mais on peut aussi se demander jusqu'à quel point un homme peut choisir son destin, échapper aux déterminations sociales ou existentielles. 

Que Le Serment de Pamfir soit un très grand film, un excellent film, c'est une évidence. Reste à espérer que son réalisateur, qui documente actuellement la guerre menée par la Russie dans son pays, ait la possibilité de faire d'autres films... 


11 novembre 2022

La Conspiration du Caire

Le film commence lentement, le temps de mettre en place le personnage principal, ce jeune Candide égyptien élevé avec rigueur par un père exigeant, admis sur recommandation de l'imam de son village, dans la plus grande université islamique du Caire. La mort subite du Grand Imam voit les autorités religieuses et politiques s'affronter pour le choix de son remplaçant. Et voilà le jeune Adam, puisque tel est son nom, jeté dans le panier à crabes et confronté aux intrigues les plus tordues que l'on puisse imaginer. 

Aussi complexe que soit cette bataille pour le pouvoir, il est impossible de lâcher le fil dès que l'on a perçu les croisements d'intérêts en jeu, et les risques encourus par Adam, un pion à la fois capital et insignifiant. Le scénario est parfaitement maîtrisé, et l'intrigue progresse de coups bas en coups bas jusqu'au dénouements final qui oblige le spectateur à s'interroger : pouvoir religieux/pourvoir politique, quel est finalement le pire ? Quel est en fin de compte, le plus grand manipulateur ? Et que l'on n'aille pas s'imaginer que la question soit purement rhétorique, n'est-ce pas ?

D'origine égyptienne par son père mais né en Suède et citoyen suédois , Tarik Saleh semble fasciné par le pays de son père puisqu'avant La Conspiration du Caire il avait déjà réalisé Le Caire confidentiel. Mais ce serait dommage je crois de restreindre son propos à l'Egypte ou à l'Islam.  La dénonciation de telle ou telle religion, de telle ou telle système politiques semble moins l'intéresser que la simple mise à jour des arcanes du pouvoir, quel qu'il soit.