30 novembre 2018

Heureux comme Lazzarro

L'affiche du film d'Alice Rohrwacher, Heureux comme Lazzaro, peut apparaître comme une antidote intéressante à la grisaille des jours et à la litanie de mauvaise nouvelles que nous proposent les médias.


L'affiche peut-être. Mais le film ? J'en doute, car il ne s'agit de rien moins que d'une petite communauté d'un territoire perdu tenue en esclavage par une "marquise" qui abuse de leur ignorance et de leur naïveté. L'oppression du peuple par une élite égoïste n'est pas un sujet qui prête à rire, mais l'histoire est ici conduite comme une fable, ce qui permet de la déréaliser. Et la candeur de Lazzaro, le personnage central allège ce que le propos pouvait avoir de lourd. Bien que Lazarro soit lui-même réduit en esclavage par les siens qui abusent de sa gentillesse.
Moralité : rien n'est plus facile à reproduire que l'oppression et l'opprimé trouver toujours quelqu'un de plus faible à opprimer.
Mais le film ne s'arrête pas là, car Lazzaro, comme son prédécesseur, meurt, renaît et retrouve sa famille d'origine, 20 ans plus tard. Licence cinématographique qui permet à la réalisatrice de montrer que le temps passe, mais rien ne change et que l'exploitation des uns par les autres n'a pas de fin.

La dénonciation politique n'a rien de neuf. Mais ce qui est nouveau c'est le recours au conte, à la fable, c'est la dimension onirique qu'Alice Rohrwacher essaye de donner à une réalité peu amène.

28 novembre 2018

Sophia-Antipolis

Il y a des films qu'on ne sait par quel bout prendre. Sophia-Antipolis est de ceux-là. Un documentaire? Un film de fiction ? Jusqu'au bout on se pose la question. Mais il est peut-être bon qu'un film pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses, obligeant ainsi le spectateur à s'interroger, à essayer de donner du sens à cette successions de séquences qui n'ont pas de lien évident si ce n'est un lieu unique, lui-même mal défini : Sophia-Antipolis, quartier résidentiel chic, quartier de bureaux vides la nuit; quartier où l'on s'enferme derrière des portails bien clos, quartiers où l'on rôde sans but, où des migrants ses sont installés, où des milices patrouillent.... Où les traces des tragédies que personne n'a vues, que personne n'a entendues sont rapidement effacées.


Chaque personnage du film est introduit de façon abrupte, sans relation aucune avec ceux qui occupaient l'écran précédemment. Ils se croisent, se côtoient brièvement, suivent leur propre trajectoire,  déambulent, disparaissent sans explication. Ils n'ont occupé l'espace qu'un bref moment et l'on n'en saura pas plus.  Pourtant le propos du réalisateur prend forme et s'impose peu à peu au spectateur d'abord déconcerté : Comment vit-on dans une ville où rien ne rassemble, où il n'existe pas de lieu pour se retrouver, où il n'existe pas de liens entre les individus. Il ne s'agit même plus ici de communautarisme, mais d'une société totalement fragmentée.  Où la violence d'abord latente, d'abord contenue, mène nécessairement à la mort. Celle vite oubliée d'un individu. Celle vraissemblablement, de la société elle-même.

Notre avenir ? Non ! Notre présent !
 Et c'est pour cela que le film de Virgil Vernier, est en fin de compte, très angoissant. Exigeant et terrifiant.

15 novembre 2018

The Spy gone North

Un film d'espionnage c'est forcément un casse-tête, mais quand ça se passe entre les deux Corée avec, en prime, la Chine comme territoire commun, la situation est encore plus compliquée.

Toujours est-il que le réalisateur Yoon Jong-Bin parvient à transporter le spectateur dans le pays le moins connu du monde : artifices cinématographiques certes, mais conformes à ce qu'on peut imaginer de cette dictature burlesque, ahurissante et tout bonnement effrayante. Et ce n'est pas le moindre mérite du film.


Pour le reste le scenario est conforme à ce que l'on attend d'un bon film d'espionnage : un espion sud-coréen, après une longue formation destinée à brouiller son passé, parvient à s'introduire dans les milieux d'affaires et donc les dirigeants proches du pouvoir avec pour mission de rapporter à ses mandataires des informations sur l'avancement du programme nucléaire nord-coréen  : tout ce qui fait trembler le monde, et bien entendu le spectateur ! Les langues, les accents se mélangent mais c'est hélas une cause perdue pour le spectateur qui s'accroche comme il peut aux sous-titres. Les silhouettes -  costumes beiges, imperméables gris ou marron - se ressemblent et ajoutent à la confusion, mais chaque micro, sorti de nulle part, chaque téléphone, chaque pistolet bref tout ce qui fait la panoplie des films d'espionnage, les restaurants chinois, les chambres d'hôtel luxueuses mais anonymes, les ruelles obscures, bref tout ce qui rappelle que l'on est bien dans un film de genre, comble le spectateur, qui ne s'inquiète pas vraiment pour le salut de l'espion dont on sait bien qu'il va s'en sortir.

The Spy gone North est un bon film de genre parce qu'il en respecte toutes les clés, avec, quand même un petit plus, un lien inattendu  qui laisse la place à un soupçon d'humanité dans ce monde glacé qui est celui de l'espionnage.

14 novembre 2018

Elisabeth Brundage, Dans les angles morts



Voici un roman dont on ne sait par quel bout le prendre, parce que l'auteur s'efforce de faire la lumière jusque et surtout dans les angles morts et de "rendre visible ce qui est invisible", mais finalement peut-être trop prévisible.
Cela commence avec une scène de meurtre particulièrement sordide, et l'on s'imagine que le roman est écrit pour raconter la découverte du coupable. C'est effectivement une lecture possible, mais pas la plus intéressante car l'auteur, Elizabeth Brundage entraîne rapidement son lecteur vers une tout autre lecture, à la fois psychologique et sociologique qui a pour centre une vieille ferme isolée, quelque part dans l'Etat de New York.  Une première tragédie s'était déjà déroulée dans la maison avec le double suicide du couple qui l'habitait : déroute économique, déroute psychologique. Les 3 garçons du couple ont été recueilli par un oncle mais reviennent tourner autour de la maison, devenu le tombeau de leurs souvenirs. Quant au jeune couple qui a acheté la ferme pour une bouchée de pain, ce sont des gens de la ville; lui enseigne à l'université, elle s'occupe de la maison et leur petite-fille de 3 ans. Les deux fils narratifs se croisent forcément lorsque les garçons proposent à la nouvelle propriétaire de repeindre  la maison et de retaper ce qui peut l'être.
L'intrigue, un peu complexe permet de mettre successivement en lumière les différents enjeux du roman :  la récupération de l'habitat rural par une population aisée, mais peu soucieuse de préserver le mode de vie qui va avec, le délitement du couple, chacun s'éloignant progressivement de l'autre,  la difficulté des 3 garçons à trouver leur place dans le monde alors que les seuls repères dont ils disposaient ont si subitement et si tragiquement disparu.
Mais, aussi intéressant que soit le roman d'Elizabeth Brundage, je n'ai pas réussi à le trouver captivant. Ou par moment seulement. Trop ambitieux peut-être.

13 novembre 2018

Fall foliage

J'aime bien, en plus de l'allitération, les sonorités mouillées et froufroutantes de ces deux mots, comme le frôlement des feuilles dans leur chute.
Accessoirement, j'aime bien aussi la couleur de l'érable en automne. 



11 novembre 2018

Agnès Desarthe, La Chance de leur vie

Ce n'est pas parce qu'un roman se passe aux Etats-Unis qu'il s'agit d'un roman américain. Quoi que prétendent certains critiques, le roman d'Agnès Desarthe n'a rien d'américain. Si ce n'est peut-être la fin...
De quoi s'agit-il ? D'un couple qui s'installe pour un an en Caroline du Nord parce que Hector, le mari a obtenu un poste à l'université. Pour chacun des membres de la famille, fils adolescent compris, il y a bien sûr une phase de découverte et d'adaptation avant que chacun, bousculé dans ses habitudes ne se mette à dériver. Sans grande conséquence cependant, si ce n'est un retour penaud au bercail.



Certes, il existe aux Etats-Unis une tradition du "roman universitaire", mais en l'occurrence le roman de Virginie Desarthe se concentre avant tout sur la trajectoire de chaque individu, sur le couple, sur la famille, un univers somme toute restreint. Au lieu de mettre leur expatriation à profit pour s'ouvrir aux autres, Hector, Sylvie et Lester restent concentrés sur leur ego.
Je n'ai au fond pas tiré grand chose de ce roman, ni une expérience profondément humaine, ni un regard percutant sur le mode de vie américain dans une petite ville universitaire. Et le roman d'Agnès Desarthe m'a hélas paru être un roman français très ordinaire. Mais peut-être n'en ai-je pas saisi l'ironie, l'esprit de dérision...

10 novembre 2018

Un Dimanche après-midi au château de la Veyrie


Le château de la Veyrie, un lieu étrange et délabré, investi, le temps d'un été, par un collectionneur aussi inventif que passionné pour y installer, avec un sens aigü de l'accrochage les oeuvres de sa collection susceptibles de s'accommoder du lieu. Une belle réussite pour qui aime se laisser surprendre.

















Commissaire d'exposition et collectionneur : Gilles Fourneris

09 novembre 2018

En liberté


Excessif, ce film l'est certainement, et le réalisateur, Pierre Salvadori n'a jamais peur d'en faire trop.
Excessives donc les histoires à dormir debout qu'Yvonne raconte le soir à son fils ... pour l'endormir (sic);  excessive l'héroïsation, par sa veuve (et la municipalité ! ) de Santi, le flic décédé ; excessifs encore les pétages de plomb d'Antoine, incarcéré à tort par le même Santi, dont on découvre rapidement qu'il était non pas un héros mais un flic pourri jusqu'à l'os. Soit !

Mais, en jonglant avec les clichés des films d'action et, pour faire bonne mesure avec tous les clichés du film romantique, Pierre Salvadori, réussit en fin de compte un film drôle - pour une fois les gens riaient dans la salle - et par moment touchant. Les acteurs y sont pour beaucoup,  engagés à fond dans leur rôle, en particulier Adèle Haenel, alors qu'ils ne sont, au fond, que des marionnettes manipulées par le scénariste, comme le suggère le bref passage d'Yvonne,  pistolet au poing, à côté de Guignol. Guignol qui fait hurler de rire et de peur les enfants, et  distingue si facilement les bons des méchants, alors que dans le film, c'est le règne de l'ambivalence : innocent, coupable, héros, victime, les individus ne sont jamais tout d'une pièce. Comme dans la vraie vie.




07 novembre 2018

Theo Hakola, Idaho Babylone

"Un roman cinématographique", c'est ainsi que son éditeur qualifie le roman de Theo Hakola, Idaho Babylone. Reste à imaginer le réalisateur qui pourrait se charger de l'adaptation; les frères Cohen peut-être ?
Le décor est planté : l'Idaho, pas le plus connu des Etats Américains ni le plus peuplé. Un Etat bien loin de Washington et de ses élites politiques. Car ce ne sont pas les grands espaces qui intéressent l'écrivain,  mais bien ceux qui vivent dans ces contrées reculées où l'on a tendance à oublier qu'il existe des lois et qu'elle s'appliquent à tous.

Au centre du roman, Peter Fallenberg, un metteur en scène américain qui réside en France depuis plus de 30 ans - tiens, tiens, comme l'auteur ! Sur un appel de sa soeur dont la fille a momentanément disparu il rejoint les Etats-Unis et se fait happer dans une histoire rocambolesque, mais hélas tout à fait vraisemblable entre d'un part des évangélistes plus ou moins fanatiques et des néo-nazis, suprématistes plutôt bas de plafond. Le roman a bien sûr des allures de polar, bien que l'auteur prenne le temps de caractériser chacun de ses personnages - la grand-mère qui n'est lucide que par intermittence étant particulièrement savoureuse, la "star" française qui a rejoint Peter est plutôt bien campée également - et surtout de mettre en scène, de façon extrêmement réaliste une partie de cette population américaine pauvre et désargentée, désarçonnée par l'élection d'un président noir qui n'a trouvé d'autre refuge que dans la haine de tout ceux qui ne leur ressemblent pas.
Ce n'est donc pas l'intrigue elle-même et donc la fiction qui créent le suspens et la peur, mais bien la réalité sur laquelle elle se fonde. Une réalité confirmée hélas par les élections de Midterms, alors que le Président noir auquel le roman fait référence a depuis 2 ans été remplacé par un ... inqualifiable.


Nocturne



Lumières dans la nuit

06 novembre 2018

Cold War

Beau. Ce film est incontestablement beau. Et plaira à tous les esthètes du noir et blanc. Sans compter que le format carré permet des cadrages plus serrés et des plans plus précis, a priori plus intimes... Visuellement Cold War est un vrai bonheur.
En outre, le noir et blanc, très dense s'accorde bien avec l'atmosphère de ces années sombres où, dans les pays de l'aura soviétique, chacun se méfiait de tout le monde. Le repérage ethnologique et la transformation du folklore en outil de propagande est un autre point positif du film.

 
Voilà pour le cadre général. mais l'histoire d'amour au centre de ce décor, une histoire qui se voulait totalement passionnelle et charnelle, m'a laissée de glace et ne semble pas avoir touché beaucoup les autres spectateurs. Bizarre. Que le réalisateur, Pawel Pawlikowski ait été fasciné par son actrice, soit ! mais la photogénie ne suffit pas à faire passer les émotions. Sauf à imaginer que la guerre froide n'ait aussi figé la capacité des personnages à exprimer leurs sentiments.



05 novembre 2018

Lionel Salaün, Bel-Air


Lionel Salaün s'était fait connaître par un premier roman, qui avait tout ou presque d'un roman américain : Le Retour de Jim Lamar. 

Bel-Air, son deuxième roman réussit le pari de reprendre ce qui fait la caractéristique des romans américains, un ancrage social fort dans un contexte banalement français. On n'est plus dans le Mississippi,  ni dans l'Oklahoma (La Terre des Wilson, son 3e roman) mais dans une zone autrefois ouvrière avec sa cité HLM, son bar, seul endroit où se retrouver. L'époque, c'est celle des années 50, entre guerre d'Indochine et guerre d'Algérie. Et c'est certainement ce double ancrage dans une réalité sociale et historique qui fait l'intérêt de ce roman, lui donne sa force et ... le rapproche d'une certaine façon des romans américains.


Les personnages, Franck le narrateur et Gérard, le fils du patron du bistrot, ne sont pas des entités abstraites :  comme dans la vraie vie, ils ont été façonnés par leur milieu, leur éducation (ou leur absence d'éducation), les choix qu'ils ont faits; on les découvre adolescents, on les retrouve adultes. Ils ont changé, ont fait des erreurs, emportés par le racisme ambiant, les contraintes économiques.
Il y a sans doute dans le roman de Lionel Salaün une part d'autobiographie, mais certainement pas de nombrilisme.


04 novembre 2018

La Tendre indifférence du monde

J'ai toujours eu un faible pour les films hors du commun : un jeune cinéaste, Adilkhan Yerzhanov, d'un pays, le Kazakhstan, qui jusqu'à présent ne s'est pas (encore) signalé par sa production cinématographique, un titre inspiré de Camus... La Tendre indifférence du monde était a priori susceptible de me plaire. Il m'a enchantée  !


 Et j'ai tout aimé dans ce film : la robe et les escarpins rouges de Saltanat, totalement improbables dans la campagne kazakh, les cartels empruntés au Douanier Rousseau pour ponctuer les chapitres du film, l'histoire d'amour, si pudique, entre Saltanat et Kuandy, son ami d'enfance qui devient son chevalier servant comme aux beaux temps de la littérature courtoise .... Mais j'ai aimé aussi la brutalité avec laquelle est présentée la société kazakh contemporaine, violences physiques et morales incluses puisque pour payer les dettes de sa famille,  et répondre aux attentes de sa mère, Sultanat est contrainte de se "vendre" à un ventripotent libidineux.
Ce mélange de sordide et de romantisme, de violence et de douceur est sublimé par une photo, des trouvailles de cadrage et de lumière - je pense en particulier au beau contre-jour de la petite chambre éclairée de façon intermittente par un feu rouge, ou aux scènes délimitées par des containers - qui font de ce film un plaisir pour l'oeil autant que pour l'intelligence.
Ce que j'aime par-dessus tout dans ce film  c'est cette façon qu'il a de vous désarçonner, ou simplement de vous dépayser, de vous sortir de votre cercle de confort avant de vous attacher irrésistiblement, parce que oui le monde est absurde, oui la vie est tragique, mais elle a parfois aussi de grandes beautés dont il faut apprendre à se contenter. C'est comme cela que Sisyphe a appris à aimer son rocher et Mersault sa cellule. Dans la tendre indifférence du monde.




03 novembre 2018

Marseillan




De la couleur avant toute chose...

 
Parfois ce sont les murs qui sont colorés. Parfois ce sont les portes et les volets.


 Pas très grande la ville, 8000 habitants peut-être. Mais une médiathèque, deux librairies et toute la douceur d'une ville méridionale. Marseillan-ville. A ne pas confondre avec Marseillan-plage !

02 novembre 2018

01 novembre 2018

L'étang de Thau

                                    Du côté des parcs à huitres



Un moment parfait ?



Assise sur un banc, à l'extrémité du port, par un matin d'octobre...
Juste le bleu et ce bateau qui fait des ronds dans l'eau.
Je ne confonds pas l'étang de Thau et la mer, mais quand même, il lui ressemble.