31 août 2022

Larry Watson, L'un des nôtres

 

 Dakota du Sud il y a quelques jours, Dakota du Nord et Montana aujourd'hui. Côté grands espaces il n'y a pas beaucoup de différences. Mais le roman de Larry Watson est très différent de celui de Craig Johnson, car très centré sur les relations entre les personnages, sur l'affrontement de deux grands-mères qui se disputent leur petit-fils. 

D'un côté Margaret Blackledge et son mari George. Leur fils est mort, leur belle-fille s'est remariée, est partie dans le Montana avec l'enfant du premier lit. Il fait désormais partie de la famille Weboy peu appréciée dans la région, mais toute puissante et dirigée par la redoutable Blanche à laquelle ses fils obéissent au doigt et à l'oeil. Le roman prend ainsi par moment des airs de western (on pense forcément à Ma Dalton!) mais en réalité le roman porte beaucoup plus sur le caractère intransigeant des deux femmes, sur les risques qu'elles font prendre à leur proche. On finit d'ailleurs par se demander si c'est le bien de l'enfant qui les motive.  

L'un des nôtres pourrait n'être rien d'autre que l'histoire d'un conflit familial, mais du simple fait qu'il se déroule dans un pays où le  recours aux armes est coutumier, la violence des sentiments semble encore plus effrayante.

30 août 2022

Rashomon

Rashomon n'est pas le premier film de Kurosawa, mais c'est par ce film qu'il a acquis sa notoriété internationale puisque le film a été primé au festival de Venise en 1952. 70 ans plus tard, c'est une version restaurée qui est proposée au public et ce qui frappe avant tout c'est la beauté de l'image en noir et blanc qui joue beaucoup sur les contrastes de lumière. 

L'histoire est simple mais surprenante dans sa construction : trois personnages discutent d'un événément dont ils ont été témoins, mais les points de vue divergent sur ce qui s'est réellement passé. Au final, ce sont quatre versions du même événement qui sont proposées à la sagacité du spectateur. A mes yeux, quelle que soit la version c'est hélas toujours la femme qui est à l'origine du différent entre les deux hommes et donc responsable, si ce n'est coupable de la mort du samouraï. Le film peut donc se lire comme une Nième version de la femme fatale ! 

Mais il s'agit du Japon médiéval et la distance culturelle entre l'époque Heian et la nôtre, comme entre la mentalité japonaise et la nôtre, fait tout le charme de ce film. Que l'on peut trouver sur-joué, mais qui s'inscrit plutôt dans une norme théâtrale typiquement japonaise, plus proche du mime que de l'Actor's studio.  Je ne sais trop pourquoi je m'attendais à un film de sabre assez banal, mais Rashomon correspond plutôt à une fable - un peu trop facilement moralisatrice  sur la fin -  qui pousse à s'interroger sur les comportements humains et leurs vraies motivations.




29 août 2022

Thomas Vinau, Marcello & Co


Étrange petit roman qui nous fait pénétrer dans la tête d'un jeune homme d'aujourd'hui et dans un jardin extraordinaire. Deux territoires finalement assez semblables : en friche mais luxuriants. 

Le narrateur est un glandeur de première, un insouciant qui préfère arpenter les rues plutôt que s'astreindre à des études ennuyeuses, ou à un petit boulot alimentaire, un dilettante, un glaneur culturel capable de se taper la totalité des films de Mastroianni. Le jardin mystérieux où il atterrit par hasard est un jardin abandonné, oublié  au milieu de la ville; un vieil original  (le double du narrateur) y a établi sa demeure et sa tâche principale consiste à nourrir une faune disparate.

L'écriture est alerte, insouciante, au diapason de cette histoire un peu fantasque, un peu foutraque. Une bulle de légèreté quand le monde autour de nous est si pesant. Et comme Thomas Vinau n'en est pas à son premier roman, j'irai sans doute chercher les précédents parce c'est, à coup sûr, une plume originale. 

PS. Le bandeau rouge me paraît tout à fait inutile et même trompeur.

Craig Johnson, Une évidence trompeuse

Il était temps de renouer avec cet auteur bien-aimé. Avec les paysages du Sud Dakota, les grandes plaines pas très loin des Rocheuses, les grands espaces où le vent souffle sans limite ... 

Retrouvailles un peu manquées. En effet, dans Une évidence trompeuses, on parle surtout moto puisque l'action se passe pendant le grand rallye de Sturgis qui se tient chaque année dans le Sud Dakota et rassemble des milliers de motard buveurs de bière.  

Bien sûr, on retrouve dans le roman nos héros favoris, Walt Longmire et Standing bear, on y retrouve aussi tout le savoir faire de l'auteur. pour ménager son suspense et contraindre le lecteur à tourner les pages.  Mais je m'y suis quand même un peu ennuyée, la faute sans doute au bruit des motos, à quelques facilités dans la construction de l'intrigue, et dans la présentation parfois caricaturale des personnages féminins  Mais si Une évidence trompeuse n'est pas un grand Craig Johnson, il se lit quand même avec plaisir. On finit par être très exigeant avec ceux qu'on aime.

28 août 2022

Lee Ufan Arles

L'artiste coréen avait exposé une première fois à Arles en 2013.  La ville lui a suffisamment plu pour qu'il entreprenne de restaurer un superbe hôtel particulier afin d' y présenter certaines de ses oeuvres, en parfaite adéquation, contrairement à ce que l'on pourrait croire, avec l'architecture XVIIIe siècle du bâtiment. Et c'est la première surprise.


A vrai dire, on pénètre dans le bâtiment sans trop savoir à quoi s'attendre et l'on progresse de salle en salle, étonné, surpris et très vite séduit, charmé. Comment dire le calme et la fraîcheur qui émanent de ce lieux; la blancheur des murs, les grandes dalles de pierre, le vide surtout, tellement apaisant après l'encombrement des rues de la ville et la prolifération des photos.


Une oeuvre par salle, rarement plus et souvent ce ne sont que des pierres, grosses pierres sur un lit de gravier blanc, pierre tombée/projetée sur une plaque de verre. Une courbe de métal poli. Une coupe remplie d'eau où tombe à intervalle régulière une goutte d'eau. Comment ne pas penser aux jardins de pierre japonais ? Le travail de Lee Ufan n'est rien d'autre qu'un regard posé sur la nature, une recherche sur la relation du plein et du vide, de l'ombre et de la lumière. Je suppose que son oeuvre pourrait être qualifiée de minimaliste.  Comme celle de James Turrell. Ou de Tadeo Ando avec qui il s'est associé pour créer une spirale de béton au fond de laquelle le visiteur découvre des images du ciel projetée au sol. 

Pierre, métal, verre ... des oeuvres de papier aussi. 

 


 




27 août 2022

Jacqueline Salmon, Le Point aveugle. Perizonium. Etude et variations

Périzonium. Voici un mot que je n'avais pas dans mon dictionnaire perso. "Linge drapé autour des reins du Christ en croix." C'est la définition (pudique) qu'en donne le centre nationale de ressources textuelles et lexicales. Mais ce drapé, c'est évident, est là pour cacher le bas-ventre du Christ plutôt que ses reins et disons le clairement le sexe du personnage, ce sexe que nul ne saurait voir ! 

Erudite, Jacqueline Salmon l'est certainement et elle a photographié un nombre incroyable de périzoniums qui bien qu'ayant le même objectif - dissimuler - donnent aux artiste l'occasion de varier à l'infini le motif. On ne peut certes résumer l'histoire de l'art à la représentation de ce voile, mais le périzonium est certainement un des marqueurs de l'évolution de la peinture religieuse. 

En tout cas la collection rassemblée par Jacqueline Salmon est considérable et comme elle est disséminée dans les différentes salles du musée, on avance de surprise en surprise. 

Périzoniums peints

Périzonium sculptés


Drapés efficaces


Du bleu pour changer


Drapé transparent ? Pudeur discrètement protégée par la main... et tant pis pour la leçon d'anatomie.

La peinture religieuse m'a souvent parue ennuyeuse, mais vue à travers les yeux de Jacqueline Salmon, elle devient plutôt divertissante.  Ne donner à voir qu'un détail d'un tableau, c'est forcément contraindre le spectateur à modifier sa perception d'une oeuvre d'art. Et je ne regarderai plus aucune crucifixion de la même manière. 

Les expositions présentées au Musée Réatu, en correspondance avec les Rencontres photographiques sont toujours d'un grand intérêt. Celle-ci perdure au-delà des rencontres, jusqu'au 2 octobre  ! Autant en profiter. Sans compter qu'un petit tour à Arles, et un détour par l'Entrevue, pour une pastilla et un thé à la menthe ... 

Et pour compléter le billet :   

https://www.blind-magazine.com/fr/news/la-quete-du-point-aveugle-du-christ/



26 août 2022

Estefania Penafiel Looiza, Carmen

 La photo qui raconte une histoire.... Une histoire vraie ou une histoire qu'on s'invente. Une photo qui ouvre des portes vers des possibles, réels ou imaginaires...


En général j'aime plutôt bien ce genre de photos. Avec Estefania Penafiel Looiza, ce ne sont pas seulement des photos, mais des vidéos, des documents, des installations, mis au service d'une histoire, celle de sa tante et peu importe que l'histoire soit vraie ou pas. Une jeune femme disparaît en Equateur au début des années 80. Elle laisse derrière elle son mari, ses enfants ; elle part en Europe pour étudier, envoie des lettres. Et puis plus rien ... elle n'a jamais traversé l'Atlantique; elle a rejoint la clandestinité des militants anti-gouvernementaux; elle a disparu pour de bon... assassinée... 

C'est cette histoire, ou plutôt le voyage entrepris sur les traces de cette femme que raconte l'installation d'Estefania Panafiel Looiza, toujours entre réalité et fiction. Parce qu'il y a les lettres, les documents, mais aussi tout ce qui a pu être reconstitué ou imaginé sur la période, en Italie ou en Équateur.  Sur ce qui s'est passé en réalité. C'est étonnant, intriguant et pour un esprit romanesque, tout à fait séduisant. 

Et la photo dans tout ça ? 

Je ne sais pas. 

Mais je ne me suis pas ennuyée. De toute façon, ici, c'est à chacun d'inventer son parcours.



25 août 2022

Arles 2022, Klavdij Sluban

Pourquoi certaines photos nous arrêtent plutôt que d'autres ? Je ne cesse de me poser la question. 

Pourquoi les photos de Klavdij Sluban, né en Slovénie et qui a parcouru le monde entier pour photographier, en noir et blanc, la neige. Sneg en slovène. La neige et le froid. Un retour au pays de son enfance ?

Peut-être. mais il y a plus que cela. Une fascination pour l'impalpable, pour l'insaisissable : les flocons qui tombent, le brouillard, l'humidité. Saisir l'imperceptible. Et frôler l'abstraction.


24 août 2022

Arles 2022, Olga Grotova

Un peu - très - déçue par l'exposition Lee Miller pourtant annoncée en grande pompe. En effet si son parcours, qui va de Man Ray à Dachau en passant par la mode est bien retracé, les photos sont en trop petits formats -  le format des tirages historiques je suppose - pour être pleinement appréciées. 

Même déception pour la mise en valeur des femmes photographes annoncée dans les médias : l'expo intitulée "une avant-garde féministe", met en valeur les actions et les performances des féministes des années 70, plus que les photographes. Le sujet donc, plus que les "artistes" qui ne prétendaient d'ailleurs peut-être pas au statut d'artiste, mais plutôt à celui de témoin ou d'activiste. 

Déception mise dans ma poche, il restait encore beaucoup à voir à Arles et j'ai beaucoup vu. Mais me suis passablement ennuyée. Trop d'expositions sans doute où le concept prime sur la photo, où l'objectif poursuivi (et pas forcément atteint) l'emporte sur le résultat; où l'accès à l'oeuvre ne se fait que par la lecture d'un cartel explicatif. Chaleur ? fatigue ? Non, juste un cerveau paresseux. 

Cerveau paresseux qui s'est réveillé  devant l'évocation des "Jardins de nos grand-mères", une courte exposition où, à travers 3 supports différents (images de propagande, film et oeuvres sur papier), Olga Grotova rappelle ce qu'étaient les "jardins de l'amitié" dans la Russie de Staline.

"Dans un pays comme la Russie qui a connu tant de traumatismes, le jardin est un lieu de rééquilibre physique, psychologique et émotionnel. Beaucoup y retrouvent le souvenir des proches disparus, qui ont participé à la réalisation de la parcelle et de la maison [...] Et pour ceux qui sont encore proches de la culture paysanne, c’est une reprise de contact avec la terre, avec la nature, avec le souvenir de leur jeunesse et de leurs parents." https://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6318.html

C'est bien de cela que la jeune artiste a voulu rendre compte, mais elle m'a semblé n'être encore qu'à la phase initiale de son projet Et je ne m'y serais sans doute pas intéressée si je n'avais lu très récemment le livre de Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux.

23 août 2022

Arles 2022 : les visiteurs




 


Arles 2022 : les visiteurs

 Oui, je sais ...

 

 ...  s'intéresser plus aux visiteurs qu'aux oeuvres accrochées sur les cimaises n'est pas bon signe ...

... mais je ne peux pas m'en empêcher.


Parce qu'au fond j'aimerais surtout savoir ce qu'il y a dans leur tête.


Etonnement, admiration, perplexité, indignation,  incompréhension, ennui...

Ils sont surpris, intrigués, émus, choqués, attendris, indifférents... 

Mais je décline en vain la gamme des émotions, de leurs hypothétiques réactions.  J'ai beau scruter leurs attitudes, je ne saurai rien de ce qu'ils pensent. Dommage.

22 août 2022

Arles 2022 : les lieux d'exposition

Oui, il y a encore à Arles des lieux a priori improbables pour exposer des photos. Des locaux plus ou moins décatis récupérés "en l'état", des sols en "opus incertum" qui parfois créent une illusion d'optique, comme un vide qui s'ouvre sous le pied...

 
Sous l'escalier en colimaçon de la Commanderie Sainte Luce, un fenestron offre une jolie perspective, vers une cour intérieure, un escalier, une porte entrouverte. Fuir, là-bas fuir...

 
Mais d'année en année, les lieux d'exposition sont restaurés, sécurisés, prennent de la couleur...


Et puis il y a Luma. Le côté déglingué des ateliers s'efface au profit de structures plus fonctionnelles. Fin de l'urbex.


 Moi, j'aimais bien.

20 août 2022

Arles 2022 : la ville

 Toujours la même, année après année.

 
Mistral n'a pas quitté son socle.  

 
 A condition de se lever tôt, on circule sans trop de difficultés dans les rues étroites.
 


La Vierge Marie veille sur le jasmin qui n'a cessé de fleurir malgré la canicule.

Derrière les gouttes et les parasols, "La Tour", puisque désormais tel est son nom, se fait discrète. Tant mieux car je ne parviens toujours pas à m'extasier devant ses formes, bien trop tarabiscotées pour mon goût. 

17 août 2022

Le Café des arts à Mens


Le Café des arts à Mens mérite bien son nom : tableaux accrochés aux murs et plafond peint sur le thème des 4 saisons, dans la petite salle. Fresques dans la grande salle ... 

Mais le charme de ce modeste restaurant tient aussi au fait qu'il est resté "dans son jus ! "

  

Du bois plutôt que du plastique, de grandes tables où l'on fraye volontiers avec ses voisins, d'autant que l'espace est plutôt exigu. Et je n'oublie pas son atout principal, un service empressé et souriant.


 

16 août 2022

Albert Kahn à Mens

Les expositions photos en plein air, c'est plutôt sympa, non ? Surtout quand on les découvre au hasard d'une balade et qu'il s'agit du "grand oeuvre" d'Albert Kahn. Pas dans sa totalité évidemment.  Car son projet d'envoyer des photographes aux quatre coins du monde pour en rapporter des clichés qui feraient l'inventaire du monde, et ce au début du XXe siècle quand la photographie n'en était encore qu'à ses balbutiements, est tout bonnement époustouflant. Démesuré sans doute.


 
Néanmoins, les clichés présentées dans la cour du temple protestant de Mens donnent une petite idée de ce grand projet, et donnent surtout envie de retourner au musée Albert Kahn de Boulogne-Billancourt : d'autant que le nouveau bâtiment ajouté par Kengo Uma à lui seul peut servir de prétexte à la visite. 

 

 En attendant, j'ai trouvé cette image d'un lac en Suède, particulièrement rafraîchissante !