28 mai 2019

Hyam Zaytoun, Vigile


Se réveiller en pleine nuit auprès de son mari en arrêt cardiaque. Appeler le 18 tout en commençant un massage cardiaque que par chance on a vaguement appris à faire....

Voilà le récit que l'on n'a pas vraiment envie de lire. Trop proche de la réalité; thérapeutique sans doute pour l'auteur, angoissant pour le lecteur. D'autant que l'on hésite entre "récit" (sous-titre) et "roman" (4e de couverture). J'opte pour le récit.

L'écriture est fine, précipitée parce que tout est fait dans l'urgence, forcément. Mais dans cette épreuve, la jeune femme, la narratrice n'est pas seule : le cercle familial se double de celui des amis et se relaye dans le service de réa où Antoine a été transporté. C'est un récit qui table sur les émotions bien sûr, mais sans excès. La proximité de la mort avive les souvenirs et c'est finalement toute une vie, qui est retracée par bribes, presque comme des effleurements.

Mais, au moment même où se décide du sort d'un homme en état végétatif prolongé depuis 10 ans, je crains que ce livre ne soit guère opportun. Car dans la vie réelle -  celui des statistiques - les fins heureuses ne sont pas de règle.

27 mai 2019

La naissance d'une mirabelle ?



Photo Andrée Pierrisnard

26 mai 2019

James Kelman, La Route de Lafayette


Le roman que je viens de finir est ... surprenant.  Originaire de Glasgow, James Kelman raconte une histoire qui se passe aux Etats-Unis et plus précisément en Alabama.

C'est un voyage entrepris par un père et son fils pour essayer de surmonter un deuil récent. Bien que le récit soit fait à la troisième personne, c'est bien le flux de conscience de Murdo, l'adolescent fou de musique que l'on suit dans ses méandres et ses dédales.

J'ai d'abord été surprise par la tonalité des réflexions qui me paraissaient plus celles d'un enfant d'une dizaine d'année que celles d'un adolescent de presque 17 ans, mais au fil du texte cette voix paraît de plus en plus juste. Elle traduit finalement assez bien le malaise du jeune garçon qui cherche sa place à côté d'un père maladroit et lui même noyé dans son chagrin. Deux solitudes qui se côtoient. Deux âmes endolories qui ne parviennent pas à communiquer.
Murdo, comme tous les adolescents, aspire à être plus libre, mais se heurte aussi bien à son manque d'audace qu'aux interdits formulés par son père, il est en manque d'affection mais embarrassé par ses propres sentiments.

Il m'a fallu un certain temps pour m'accoutumer  à l'écriture de James Kelman, mais je reconnais qu'il parvient assez bien à restituer les élans et les tergiversations, les angoisses et les désirs qui constituent les affres de l'adolescence.

Les passages les plus réussis toutefois sont ceux où l'adolescent fou de musique, rencontre d'autres musiciens et partage leur passion : accordéoniste talentueux, il n'a aucun mal à s'intégrer, il vibre, il exulte et oublie tout ce qui dans la vie ordinaire le freine. Un instrument de musique entre les mains, il devient, selon la formule de Rimbaud, un autre. Peut-être le vrai lui-même.


25 mai 2019

Gouttes de pluie ...


... sur le velours des hostas. 




Françoise Somson



Eclosion

Françoise Somson dessine avec un stylo feutre tout simple. Lignes noires sur papier blanc. Sa main glisse sur le papier, et, de méandres en détours, entraîne son esprit jusqu'à créer un univers mystérieux, étrange ... inquiétant pour certains, fascinant pour d'autres. Libre à chacun de se perdre dans la multiplicité des lignes et des formes. Libre à chacun de projeter son propre imaginaire, ses propres fantasmes, ses propres réminiscences sur les dessins de l'artiste. 



Tempête hivernale



Françoise Somson travaille d'abord et avant tout en noir et blanc, mais elle a depuis peu eu recours à la couleur pour, à partir d'un dessin en noir et blanc, inventer des variantes tout aussi fascinantes, qui peuvent éventuellement se décliner en séries. Thème et variations picturales dont vous n'avez ici qu'un petit aperçu. 


Révérence





19 mai 2019

18 mai 2019

Jean-Claude Grumberg, La plus précieuse des marchandises






Un conte, un simple conte. Il fallait bien ce détour pour pouvoir dire l'indicible. Il fallait bien cette écriture faussement naïve pour rendre supportable l'histoire de ce couple de bucherons dans ce pays de froid et de ténèbres où règnent en maîtres les "vert-de gris". 


A qui s'adresse ce conte ? Je ne sais trop. Aux adultes qui connaissent déjà l'histoire mais l'on déjà oubliée ou ... font souvent de l'oublier ? Aux enfants à qui on ne l'a pas encore racontée ?

C'est un conte sans illustrations, mais bizarrement, le livre une fois refermé, les images qu'il a fait naître restent sur la rétine, et y resteront pour longtemps.

La plus précieuse des marchandises est un petit livre d'à peine 100 pages, mais un livre précieux. Un livre à lire, à faire lire, à offrir.


17 mai 2019

Puisque je passais dans la Drôme ...


J'en ai profité pour aller voir les Iris du Grand Barbu. Petit coin perdu à l'écart des grandes routes et débordant de couleurs.
Parce que des iris "bêtement" bleus il y en a bien sûr... mais il y a bleu et bleu.


Il y a celui qui tire sur le bleu layette ou le bleu porcelaine ou qui mélange les deux; celui qui tire sur le violet mais s'accommode fort bien du blanc.


 Et puis il y a toutes les autres couleurs, des plus claires aux plus foncées, et si possible mélangées.


Ou plus exactement associées par le hasard de l'insémination artificielle.






Mais à ce niveeau de sophistication, de frous-frous, de plis et de détours, on n'est plus dans un jardin, mais dans un music-hall ! 


Alors, un peu de blanc pour reposer l'oeil  ?


Et donner au bourdon une chance de s'accrocher sur la "barbe" de l'iris pour y commencer son oeuvre de fécondation. Naturelle. 


16 mai 2019

Puisque je passais dans la Drôme ...


... j'en ai profité pour visiter la plantation Rivière, et ses centaines de pivoines, arbustives ou herbacées.
Fascination !



Blanches ou rouges, jaunes, roses, ou parme : la palette des couleurs, couplée à celle des formes et des textures paraît infinie.



 Certaines révèlent sans pudeur leurs organes reproducteurs ...


 Tandis que d'autres essayent de se faire passer pour des fleurs de lotus.

15 mai 2019

L'Adieu à la nuit

Impression mitigée à la sortie de ce film. Et l'impression reste mitigée 15 jours plus tard ! Ce qui n'est pas bon signe.
Oui, on aimerait croire à ce scénario et on croit presque aux affres de la grand-mère qui découvre que son petit-fils est devenu musulman intégriste et va partir en Syrie. On retient surtout l'immense difficulté qu'il y a à faire changer d'avis les adeptes d'une religion (ou d'une secte),  récemment convertis et facilement manipulés parce que la foi aveugle a remplacé l'esprit critique.


L'ennui est que ce film, dont j'apprécie l'engagement et la volonté de bien faire, est terriblement démonstratif, à commencer par les failles du jeune homme qui font de lui une proie facile et les bonnes intentions des uns et des autres. Mais les bonnes intentions n'ont jamais fait un bon film. Ni un bon livre d'ailleurs. Et je crois de moins en moins, si j'y ai jamais cru, à l'efficacité de ces films qui de toute façon ne seront vus que par des gens déjà convaincus.

Le film de Téchiné est en prise sur l'actualité. Mais la question posée ne date pas d'hier : comment développer chez les individus l'esprit critique, seul rempart contre les croyances en tous genres ?

13 mai 2019

Un jardin dans la Drôme



Un bien joli jardin




Plein de couleurs et de parfums







Mais le seul à lézarder dans ce jardin, objets de tant de soins, c'est bien celui-ci  !  

10 mai 2019

Bénédicte Belpois, Suiza





"Elle avait de grands yeux vides de chien un peu con, mais ce qui les sauvait c'est qu'ils étaient bleu azur, les jours d'été."

Cette phrase mise en exergue par le 4e de couverture du roman de Bénédicte Belpois, Suiza est particulièrement bien choisie parce que parfaitement représentative de la tonalité du livre.

L'histoire de l'amour fou de Tomas pour celle que l'on surnomme Suiza pourrait être somme toute bien banale : un homme qui vient d'apprendre qu'il a un cancer, une jeune fille partie de Suisse pour voir la mer et se retrouve perdue dans un village de Galice. Love at first sight ! Ils n'ont à priori rien en commun sauf ce désir irrésistible qui les pousse l'un vers l'autre. La relation est d'abord physique, le sexe brutal parfois. Mais lorsque les corps s'accordent, c'est déjà pas mal et peut-être le commencement de quelque chose d'autre.

En dehors des scènes de sexe, le roman tient bien la route car les personnages qui entourent Tomas et Suiza sont dans l'ensemble hauts en couleurs tout en étant parfaitement représentatifs du monde rural espagnol, un monde entre rivalités, jalousies et solidarités.

Mais ce qui fait le véritable charme du livre, c'est l'écriture alerte et parfois acide de son auteur. Bénédicte Belpois n'est pas du genre à se cacher derrière les euphémisme et les périphrases. Elle parle franc et net, parfois cru. Oui la mort rôde dans le roman, parce que le crabe ne lâche pas aussi facilement ses proies; pourtant l'impression que j'ai gardée de la lecture de Suiza c'est celle d'une formidable vitalité. Sans doute parce que les personnages ne sont pas figés dans leurs comportements; ils avancent, se trompent, recommencent et acceptent de changer.  De bouger. D'évoluer. De vivre tout simplement.

08 mai 2019

Gloria Bell


Celui-là j'aurais pu m'en passer, tant je me suis ennuyée à suivre les tentatives de cette désespérée à la recherche du mâle capable de combler ses besoins affectifs : divorcée depuis 10 ans, des enfants majeurs qui ne dépendent plus vraiment de leur mère, un boulot dont elle n'attend plus rien.... 
De là à en faire un film féministe ? Je ne crois pas. Le film de Sebastian Lelio pencherait plutôt du côté du roman-photo.


07 mai 2019

Vivian Maier et Gaelle Josse, Une femme en contre-jour


De toutes les photos qu'a faites Vivian Maier, celles qui me fascinent le plus sont ses autoportraits :
son reflet dans un rétroviseur, sa silhouette dans une vitrine, son ombre sur un mur, un trottoir...



Les doigts crispés sur le Rolleiflex, visage figé, regard attentif...


plus rarement, un sourire à peine esquissé ... 





Les portraits au fond ne disent rien d'elle, si ce n'est sa volonté d'inscrire à tout prix sa présence dans le monde. Elle qui n'était de nulle part, ni vraiment du Champsaur, ni vraiment de New York, ni de la campagne française, ni de la mégalopole américaine. Anonyme, anodine, juste de passage.  Comme nous tous. Mais c'était un regard posé sur les autres, les gens ordinaires, anonymes, anodins eux aussi.

http://www.vivianmaier.com

Dans son livre joliment intitulé Une femme en contre-jour, Gaelle Josse s'est efforcée de comprendre cette femme, d'en restituer quasi de l'intérieur l'existence et les errances, d'un pays à l'autre, d'une famille à l'autre. Vivian Maier, une femme ballotée entre deux mondes mais toujours seule, terriblement seule. Et il fallait tout le talent d'un écrivain pour s'en approcher au plus près.




02 mai 2019

Monrovia, Indiana


L'Indiana d'abord. Un état du Middle West américain, juste au Sud du lac Michigan.  Monrovia ensuite, une petite communauté rurale à 25 miles seulement de la capitale de l'Etat.

Lorsque Frederick Wiseman vient poser sa caméra dans la petite ville, cela donne un documentaire à la fois fascinant et terrifiant. Parce qu'il n'essaye pas de démontrer quoi que ce soit et s'abstient d'ailleurs de tout commentaire, non, il se contente de montrer et laisse le spectateur libre de son jugement. Wiseman, c'est l'anti Michael Moore. Rien de spectaculaire, rien de forcé, juste la vie ordinaire de gens ordinaires qu'il prend le temps de mettre en confiance pour qu'ils oublient la caméra et soient simplement eux-mêmes.

"What the audience gets from these images is almost pure terror. Although we might consider this all-white, conservative, macho and obese community as stupid and ignorant at times, it is that same community that has put Donald Trump in the White House. It is a powerful group of people that we know exists, but that the films and series do not dare to show in details. "



Il n'est question dans le film ni de drogues, ni de violence, ni même de misère. Les fermes sont prospères et le matériel agricole impressionnant; le maïs pousse et remplit les silos. Les voitures sont énormes et leurs conducteurs obèses. Les rayons du supermarché regorgent de marchandise; une boutique de tattoo s'est installée sur Main Street, un coiffeur un peu plus loin, un restaurant, deux pizzerias... La cartographie est simple.  Mais ce qui nous interroge, ou nous trouble c'est la mentalité des habitants de Monrovia, attachés à perpétuer le mode de vie qui a toujours été le leur. Sans trop se soucier apparemment des ailleurs qu'ils ne connaissent pas.

Monrovia, Indiana est un extraordinaire contrepoint à Jackson Heights, le documentaire que Wiseman avait consacré en 2015 à ce quartier très cosmopolite de New York . Mais c'est avec la même curiosité, la même ouverture d'esprit, le même refus de juger que le documentariste observe ces deux populations si radicalement différentes.

01 mai 2019

Philippe Sands, Retour à Lemberg


Retour à Lemberg n'est ni tout à fait un roman, ni tout à fait un essai. Mais le livre tient un peu des deux. C'est un récit historique, minutieusement documenté, mais raconté avec tout le talent d'un romancier qui fait vivre ses personnages, et vibrer ses lecteurs.
Passionnant à lire. Une fois passé les premières pages et l'appareil éditorial (préface à l'édition française, note aux lecteurs, liste des personnages principaux, cartes, et prologue), quand l'auteur entre dans le vif du sujet, on ne lâche plus le livre.

Philippe Sands est un avocat de réputation internationale, spécialisé dans la défense des droits de l'homme. C'est un homme de dossiers,  de faits et de documents qui s'est lancé dans une quête hors du commun pour restituer la vie de quatre personnes, bien réelles, dont les chemins se sont croisés dans la petite ville  de Lemberg actuellement en Ukraine mais autrefois en Pologne, une petite ville qui n'a cessé de changer de nom et de nationalité.


Hersch Lauterbach, et Raphael Lemkin sont les deux juristes qui, à l'occasion du procès de Nuremberg ont permis de définir deux notions proches, mais néanmoins différentes  :"crime contre l'humanité" et "génocide".
Le troisième personnage, Léon Bucholtz est tout simplement le grand- père de l'auteur, celui qui avec sa famille donne au récit sa dimension intime. Quant au dernier,  Hans Frank, il n'est pas né à Lemberg mais il a été chargé par Hitler de gouverner cette région en tant que Gouverneur de Pologne et il a été non seulement un des zélateurs de la "solution finale", mais un de ses plus ardents organisateurs.

La lecture de Retour à Lemberg permet, c'est évident, de rafraîchir nos connaissances sur des événements souvent noyés dans la masse des documents historiques. Mais en introduisant sa propre famille dans le récit l'auteur facilite l'identification du lecteur aux personnages, lui permet de se sentir plus concerné que dans un simple récit historique.  Et les personnages, les événements même sont suffisamment extraordinaires pour que l'on se croit parfois plongé au coeur d'un roman.

Mais j'avoue que ce qui m'a passionnée, plus que tout,  c'est la façon dont a procédé Philippe Sands pour effectuer ses recherches, retrouver des photos, des noms, des faits, des témoins surtout, directs ou indirects; c'est un puzzle qui est reconstitué sous nos yeux; une enquête minutieuse qui suppose un travail d'archiviste autant que de journaliste et qui, parfois, doit beaucoup à la chance, et aux coïncidences.

Retour à Lemberg est un livre en tous points remarquable. Et son auteur, un historien, un humaniste et ... une belle plume.