31 octobre 2008

Faire parler les images

Certaines images sont très parlantes.
Mais on peut aussi leur faire dire n'importe quoi !

Les heurtoirs des portes disaient clairement quelque chose sur la société iranienne d'avant hier.
D'autres images diront peut-être autre chose sur la société iranienne d'aujourd'hui selon la place que je leur attribuerai.

Ainsi ces deux silhouettes, dont la fonction principale était d'indiquer, à chacun des sexes concernés, l'emplacement des toilettes !
Images aussi naïves qu'innocentes....
Voire !
...
En les plaçant dos à dos, je suggère que les mondes masculin et féminin sont des mondes totalement séparés, ce qui me permet, éventuellement, de tenir un discours alarmiste sur la dichotomie de la société iranienne.



















Mais je peux aussi bien les placer face à face, comme deux êtres humains qui, par delà leurs différences se regardent les yeux dans les yeux et font même un geste l'un vers l'autre, bien que les visages, j'en conviens soient particulièrement austères, voire revêches. Mais cette sévérité est sans doute imputable à la maladresse du dessinateur....



















- Alors ? que cherches-tu à nous dire, en définitive ?
- En définitive, rien du tout. En 3 semaines on ne pénètre pas à l'intérieur d'une société étrangère; on reste à la surface, rien de plus. Mais j'ai vu des garçons et des filles se parler, se retrouver dans les cafés, se promener main dans la main ... Je sais aussi que dans le métro de Téhéran, certains wagons sont réservés aux femmes et que dans les bus, comme dans l'Amérique ségrégationniste des années 60, les femmes montent à l'avant et les hommes à l'arrière ou l'inverse mais on ne se mélange pas et on évite ainsi toute promiscuité.
J'observe, je constate, mais il est bien difficile de tirer des conclusions. Plus tard peut-être...

30 octobre 2008

Ouvrir les portes


La porte est un élément essentiels de l'architecture islamique. Pleine, épaisse, solide, elle est faite pour protéger la maison, pour préserver l'intimité de ses habitants.
Les portes sont souvent renforcées de barres intérieures, fixées par de gros clous dont les têtes arrondies finissent par constituer un élément de décoration.



Mais la partie la plus intéressante de la porte est son, ou plutôt ses heurtoirs, car ils vont toujours par paire ! Regardez bien et ne vous trompez pas, d'autant que ces heurtoirs sont disposés indifféremment à gauche ou à droite. D'un côté un anneau, de l'autre une barre verticale. Essayez : ils rendent des sons différents, l'un rend un son un peu plus grave, l'autre un peu plus aigü.


Maintenant, voici le mode d'emploi :
- Vous êtes un homme, utilisez le heuroir vertical.
- Vous êtes une femme, utilisez le heurtoir annulaire.
Cela permettra à vos hôtes de savoir qui vous êtes et d'agir en conséquence pour ne pas risquer d'exposer les femmes de la maison à des regards masculins !
Aux temps des sonnettes électriques et des téléphones portables, ces heurtoirs n'ont plus qu'une fonction décorative. Néanmoins ....

Quant au heurtoir-ci dessous, bien que de forme annulaire, il n'a sans doute pas la même signification puisqu'il se trouvait sur la porte d'une mosquée, porte renforcée, dit-on, par autant de clous qu'il y a de versets dans le Coran ! Je n'ai pas compté mais ce bronze poli par tant de mains m'a paru aussi beau qu'un bijou.

29 octobre 2008

Sur les murs... (suite)

Voici l'image qui me manquait hier et qu'une amie vient de me transmettre.
A-t-elle besoin d'un commentaire ?

Mais je ne sais pourquoi, à voir ainsi la liberté massacrée, les seuls mots qui me viennent aux lèvres sont ceux du poème d'Aragon :

Sur mes cahiers d'écolier ...
Sur les murs de mon ennui...
J'écris ton nom ...
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté

28 octobre 2008

Partout !

Au fronton des bâtiments administratifs comme au fronton des banques, à l'entrée des musées ou des bibliothèques, derrière le comptoir de réception des hôtels ou dans les salles de restaurant, en petit format ou en grand format, ils sont omniprésents ! Regard sévère, barbe grisonnante, turban noir pour signifier qu'ils sont de la lignée du prophète, les guides suprêmes de la révolution ont l'oeil sur vous : Khomeini (mort en 1989) et Khamenei (élu deux fois Président de la Répubique avant d'endosser à la mort du premier, la fonction de Guide Suprême).


Ce portrait de Khamenei (c'est à ses grosses lunettes qu'on le distingue de son prédécesseur) est en fait un véritable tapis au point noué ! Travail d'artisan ou travail mécanique je ne sais, toujours est-il que le coin supérieur droit du tapis, sans doute mal tendu sur son cadre, s'est détaché. Derrière le premier cadre on en distingue d'ailleurs un second : je n'ai pas été vérifier mais je suis bien certaine qu'il s'agit de Khomeny puisque l'un ne va jamais sans l'autre.
Toujours est-il que ces deux portraits, après avoir été décrochés, ont été posés contre le mur et apparemment oubliés... Faut-il voir dans cette négligence, un signe annonciateurs d'autres abandons ?
Hélas, hélas, la pensée magique n'est pas mon fort !

27 octobre 2008

Sur les tombes des "martyrs"

A Qazvin, lorsque nous entrons dans la cour du mausolée Imanzadeh-ye-Hossein, lieu de pélerinage important si j'en juge par le nombre de tchadors noirs qui évoluent dans l'enceinte du lieu, nous sommes supris de voir des femmes, assises par terre devant le mausolée, un pinceau à la main, très absorbées par leur tâche.


Ces femmes sont en train de passer de la peinture dans les inscriptions gravées sur les tombes des "martyrs" : un père, un frère, un mari, un fils, mort au combat pendant la guerre Iran/Irak, un être cher dont elles ravivent ainsi le souvenir.


Trois couleurs seulement : le rouge du sang, le noir du deuil et bien sûr le vert de l'Islam !

26 octobre 2008

Sur les murs

Il y a beaucoup de choses écrites ou dessinées sur les murs des villes iraniennes : des slogans publicitaires le plus souvent, peu de graffitis, quelques stencils...

A Kerman, pas un pan de mur qui ne soit couvert de peintures : animaux fabuleux, paysages imaginaires ou au contraire très réalistes ...


... comme cette évocation de la vieille citadelle de Bam, dont il ne reste pas grand chose après le tremblement de terre de 2003.








Parfois l'oeil abusé ne distingue plus le mobilier urbain de sa représentation





A la sortie de la ville, sur plus d'un kilomètre, une immense fresque alterne scènes rustiques...





... et motifs plus abstraits











dont certains pourraient faire penser à du Léger ou du De Chirico ?

mais j'avoue ma préférence pour le trompe l'oeil du chantier !


Sur les grilles ou les murs des mosquées, s'affichent des versets du Coran ( parfois traduits en anglais ! ) : paroles de sagesse, conseils de bonne conduite, mais il arrive que le message soit plus belliqueux !

Sur les murs de l'ex-ambassade américaine à Téhéran, ils sont parfaitement explicites.







La photo n'est pas très lisible, mais sur le mur il est écrit : The only way to defy the wild wolf of Zion and the transgression of the Great Satan (the USA) is sacrifical resistance : the Supreme Leader.



Et les images parlent d'elles mêmes !
Bien que je n'aie pas réussi à prendre la plus parlante ( et la plus consternante !) : la statue de la liberté dont la tête a été remplacée par un crâne de mort.

Ce sont là résidus d'un passé récent, mais sans doute pas oublié. Que pensent les Iraniens qui chaque jour passent devant cet interminable mur ? Sans doute n'y font-ils même plus attention, bien que les peintures, apparemment, soient régulièrement "rafraichies".

La révolution islamique date de 1979.
Depuis, une génération est née, a grandi, est arrivée à l'âge adulte. (70% de la population iranienne a moins de 30 ans !) Quels seront ses choix ? ses possibilités d'action ? Tournera-t-elle le dos à cette histoire tumultueuse et sanglante ?

Cela lui sera sans doute difficile tant le culte du martyr est au coeur de la propagande religieuse et politique. Les morts tragiques d'Ali, de Hussein sont au coeur de la religion chiite et les rues de toutes les villes iraniennes sont remplies d'affiches rendant hommage aux "martyrs " de la guerre Iran/Irak.


25 octobre 2008

Sur la page d'un vieux manuscrit...

... exposé dans le petit musée poussiéreux mais touchant du Mausolée de Châh Nematollah Vali à Mahan


Encre noir, encre bleue et quelques touches d'or.

24 octobre 2008

Ecrire en Iran ...

Deux ou trois évidences qu'il est bon d'avoir en tête quand on voyage en Iran :
- Les Iraniens sont musulmans mais ne sont pas arabes.
- Il y a un avant et un après la conquête arabe dans l'histoire iranienne.
- Les Iraniens ne parlent par l'arabe, mais le farsi. Et même si, aux yeux des ignares que nous sommes, la différence ne saute pas aux yeux, elle le devrait....




A l'oreille, en tout cas, cela s'entend ! Le farsi est beaucoup plus doux, beaucoup plus mélodieux que l'arabe, avec parfois des finales plaintives qui rappellent le coréen !
Non que je parle le farsi couramment mais mon vocabulaire s'est considérablement accru pendant le voyage : de 2 mots, je suis passée à 5 ! Je sais dite oui, non, merci, bonjour et au revoir ! Un début modeste j'en conviens. Mais qui sait... un jour peut-être....

23 octobre 2008

Circuler en Iran

Comment rendre compte de la foultitude de sensations, d'impressions, d' images, d'informations qui tourbillonnent dans ma tête au retour d'un voyage. Par quoi commencer ? Les grands paysages ? les sites visités ? les petits détails de la vie quotidienne ? les aperçus sur une civilisation plurimillénaire ? les anecdotes drôles, touchantes ? Eviter les clichés, renoncer aux cartes postales... (ça, c'est facile, j'en achète, je les écris parfois, mais j'oublie régulièrement de les poster ! ) Attendre, laisser décanter... oui, mais de l'autre côté de l'écran, certains aimeraient savoir, se faire une idée .

Alors voilà : oui, je suis revenue. Mais je n'ai jamais eu aussi peur de ne pas revenir vivante d'un voyage. Trois semaines sur les routes iraniennes, excellentes pour la plupart. Plus de 3000km parcourus dans la circulation la plus effroyable que l'on puisse imaginer. C'est bien simple, il existe peut-être un code de la route mais personne ne semble se soucier de l'appliquer, ce qui donne : circulation ondulante entre les files, on double indifféremment à droite ou à gauche, en deuxième ou troisième position, en haut d'une côte ou dans un virage; on ne tient compte ni des feux rouges (sans doute facultatifs ?), ni des sens interdits ! On roule à contre-sens même sur l'autoroute ! On reste à moins d'un mètre du véhicule qui précède, on déboîte au dernier moment au risque de s'encastrer dans l'arrière du camion dont les feux étaient de toute façon défaillants. Casques et ceintures de sécurité sont obligatoires mais qui s'en soucie ? A deux ou à trois sur une moto, seul le conducteur porte - éventuellement - un casque; la femme en tchador assise à l'arrière n'a pas trop de ses deux mains pour retenir son voile qui risque de se prendre dans la roue.
J'en rajoute peut-être ? Pas du tout ! Je reconnais que la police effectue quelques contrôles de vitesse par jumelles-radar sur les grands axes autoroutier. Et j'ai même vu une voiture de police circuler à très grande vitesse pour arrêter un véhicule dont la vitesse était de toute évidence, excessive.
Mais en dehors de ces quelques contrôles... la circulation reste totalement anarchique.
A Téhéran, le traffic est dense, intense, les rues embouteillées en permanence, ce qui présente parfois certains avantages : de petits vendeurs, de tout et de rien circulent, à leurs risques et périls, entre les véhicules bloqués et rien de plus facile que de demander au conducteur voisin quelques directions puisque les voitures sont quasi au touche à touche.
A pied au moins.... Pas du tout ! Traverser une avenue relève d'une stratégie complexe; on se lance le coeur battant, l'oeil aux aguets, à gauche, à droite, devant, derrière ; on ne relâche sa respiration que parvenu de l'autre côté. Sur le trottoir, enfin au sécurité ! Même pas car les motos qui ne parviennent plus à se faufiler entre deux voitures on fait du trottoir leur chaussée attitrée.

Est-il besoins de préciser qu'étant donné le nombre de véhicules, et, pour certains, leur vétusté (voire leur extrême vétusté car je n'ai jamais vu autant de 2CV qu'en Iran ! ), le niveau de pollution atteint, dans les rues de Téhéran en particulier, un niveau inimaginable. Le taux de monoxyde de carbonne est si élevé qu'en deux jours à peine vous avez le nez irrité, les yeux qui piquent et la gorge en toile émeri !

Le tableau vous paraît noir ? Il est juste réaliste. J'étais prévenue, je m'attendais à quelque chose d'effroyable. Après le Karakorum Highway, après le Vietnam, je me croyais blindée. J'avais tort ! C'est pire !
Et maintenant que je suis revenue saine et sauve - grâce sans doute au si prévenant et si attentionné Reza, notre chauffeur pendant ces 3 semaines - je ne regrette pas mon voyage. Et je crois même que si l'occasion s'en présentait, je repartirais.


Mohammad Reza Zeinali, qui pratique un anglais approximatif mais suffisant du genre "long time no see", est un personnage hors du commun. Extraverti et curieux il aborde les gens avec la plus extrème facilité si bien qu' après chacune de nos absence pour cause de "visite touristique", nous le retrouvions en grande conversation avec quelqu'un, un inconnu qu'il semblait connaître depuis toujours. Souvent aussi nous retrouvions sur la banquette de la voiture, à notre intention, une pomme pelée et coupée en quartier, deux mandarines, quelques noix.... ou quelques tranches de betterave (! ) et grâce à lui, nous avons découvert le charme des "pauses-thé" dans les endroits les plus improbables : en plein milieu d'un carrefour, sur un trottoir défoncé, parfois aussi mais plus rarement, à côté d'un caravansérail en ruines, au bord d'un ruisseau. Surpris d'abord et même un peu gênés, nous avons, avec lui, appris à faire abstraction des immondices, du bruit, de la laideur pour nous désaltérer d'un thé doré toujours agrémenté de quelques douceurs sucrées. Et l'un de nos meilleurs souvenirs restera celui de ce petit-déjeuner, pris en plein milieu d'un rond-point autour duquel les voitures ne cessaient de tourner. Les pots d'échappement au raz du nez, mais sur la natte dépliée, beurre, confiture et ce délicieux pain frais pour lequel les Iraniens font la queue à toute heure du jour. Reza avait sorti son réchaud au bord du trottoir et faisait bouillir de l'eau pour le thé. Une famille iranienne, trouvant l'endroit agréable est venu s'installer à côté de nous. Nous étions les seuls au fond à trouver quelque chose d'incongru à la situation. Et je me souviens qu'au pied d'un arbre poussait un plant de tomate ! Qui pouvait bien avoir eu l'idée de planter un pied de tomate, en plein milieu de ce rond-point ? je me le demande encore....

Retour d'Iran

A peine entrés dans l'avion d'Air France qui nous ramène en France, se précipiter sur les journaux pour combler un peu le manque total d'informations depuis 3 semaines : Libération, Le Monde, Le Point, L'Express, Times, The Economist... tout est bon à prendre !
Des pages et des pages sur la crise financière, et puis ces deux petites brèves :



















Trois semaines dans ce pays superbe et si aimablement accueillant n'ont en rien occulté notre jugement critique. Nous revenons émerveillés par la beauté des paysages, touchés par la gentillesse des Iraniens mais, plus encore qu'auparavant, consternés par ce que le gouvernement iranien impose à son peuple. L'alliance de la religion et de la politique, dénoncée avec tant de force par Condorcet est certainement l'outil le plus efficace contre les progrès de l'esprit humain.
Le philosophe qui croyait si fort à l'éducation, et en particulier à l'éducation des filles serait sans doute désespéré de constater que plus de 200 ans après sa mort, tant de gouvernements, en Iran et ailleurs, continuent d'abuser de la crédulité humaine. Et il faut une sacrée dose d'optimisme pour affirmer, comme Tocqueville, que la marche vers la démocratie est désormais un processus irréversible. Irréversible peut-être, mais si affreusement lent ! A l'échelle d'une vie humaine, comment y croire ? D'autant qu'il n'est pays au monde qui puisse se targuer d'être parvenu au terme du processus.

11 octobre 2008

Depuis l'Iran

A ceux qui me lisent parfois : oui mon blog est accessible depuis l'Iran puisque c'est depuis ce pays lointain et mal connu que j'écris. Mais il faut choisir, écrire ou voyager et pour le moment, c'est le voyage qui l'emporte.