30 décembre 2019

The Lighthouse


"Epouvante, horreur, thriller" : il ne faut en effet pas moins de 3 mots pour définir ce film tourné en noir et blanc. En noir et gris plutôt car l'image est parfois si sombre que l'on peine à distinguer les personnages. Il y a bien sûr une certaine ironie à noircir à ce point l'image d'un film entièrement tourné dans le huis-clos d'un phare, que les anglais appellent "lighthouse", maison de la lumière.


Cependant, malgré la présence fascinante - mais interdite - de la lentille de Fresnel, il n'y a, effectivement, pas beaucoup de lumière dans ce film. Ce qui au fond n'a rien de surprenant car mettez pour une durée indéterminée deux hommes qui n'ont a priori rien en commun si ce n'est un passé que l'on pressent plutôt lourd, dans un espace aussi exigu que celui d'un phare, les tensions ne peuvent que croître au fur et à mesure que le temps passe. Si bien que le phare ressemble de plus en plus à une cellule psychiatrique où s'affrontent paranoïa et schizophrénie.

Si la tension croissante entre les deux personnages est plus ou moins attendue, et si la mise en scène joue souvent avec les clichés des films d'horreur, il n'en reste pas moins que Robert Eggers, le réalisateur, parvient à créer une atmosphère qui rappelle la grande période du cinéma expressionniste.

The Lighthouse n'est peut-être pas le film que vous avez envie de voir pour commencer l'année, mais je l'ai pour ma part trouvé plutôt divertissant, ne serait-ce que pour son esthétique.

29 décembre 2019

Elmer Gantry, le charlatan


Un autre vieux film à regarder de toute urgence tant il semble écrit pour aujourd'hui.
Elmer Gantry est un homme presque ordinaire avec un bagout extraordinaire qu'il met au service de son métier : représentant de commerce. Ce qui jusqu présent ne lui a pas vraiment permis de faire fortune. Mais lorsqu'il rencontre Sharon Falconer, une illuminée évangéliste, tout change et les voilà partis pour la gloire, la fortune et la conquête du pouvoir.


Dans ce film qui date de 1960,  Richard Brooks met remarquablement en scène tous les ressorts du populisme et de la manipulation des foules. La propagande au service de la foi et du bonheur du peuple?  Pas vraiment ! Car Gantry et Falconer ont des visées beaucoup plus personnelles.
Burt Lancaster incarne remarquablement le personnage d'Elmer Gantry, à qui il prête son charisme et son éloquence, bien que le personnage soit à l'opposé des engagements de l'acteur.

Le film sorti en 1960, s'inspire du roman éponyme de Sinclair Lewis, fin observateur des travers de l'Amérique des années 20 et 30; le scénariste s'est d'ailleurs amusé à introduire un personnage d'un autre roman de Lewis, le fameux Babbitt, riche promoteur immobilier, avide lui aussi de gloire et de réussite.

Toute ressemblance avec qui vous savez est parfaitement fortuite, mais aussi jouissive dans la fiction que terrifiante dans la réalité, car le pouvoir de ces bonimenteurs cyniques ne s'appuie que sur l'infini crédulité de ceux qui ont envie - ou besoin -  de croire à leurs mensonges. Heureusement, - car le film reste une comédie, -  la victoire du mal n'est que provisoire et il ne me déplaît pas que ce soit une femme, une prostituée qui provoque la chute du "méchant". Ooooops ! Désolée pour le "spoiler"

28 décembre 2019

La Vie cachée


Depuis Les Moissons du ciel, j'ai un faible pour les films de Terence Malik et je crois bien avoir retrouvé avec La Vie cachée la puissance des images et la force des caractères qui avaient marqué son deuxième film.


Ce qui frappe d'abord dans La Vie cachée c'est l'extraordinaire beauté des images : beauté des paysages aux pentes abruptes où s'accrochent les nuages, beauté des saisons qui se succèdent,  chacune avec ses richesses : il y a incontestablement comme un éloge de la vie rurale, celles des années 30 dans un village perdu des montagnes autrichiennes. Le film commence comme une idylle entre deux êtres qui s'aiment passionnément, une idylle scandée par les travaux et les jours à laquelle viennent s'ajouter deux gamines aux boucles blondes. Trop beau pour être vrai ? oui, trop beau. Et presque édénique...
Jusqu'à ce qu' Hitler prenne le pouvoir et que Franz, le paysan autrichien refuse de prêter allégeance au nouveau régime. Malgré les pressions exercés par ses proches, par les gens de son village qui n'ont pas mis longtemps à se soumettre, malgré l'emprisonnement et les tortures, malgré l'amour de sa femme et de sa famille, il dit non. Il est seul à dire non. Simplement non. Prêt à payer le prix de son refus.
Malik est définitivement un homme de cinéma, qui utilise les images plus que les mots, pour dire ce qu'il a à dire. Il fait de Franz, de sa femme et de ses enfants, à la fois le parangon de l'idéal hitlérien ... et son antidote : un homme libre qui pense par lui-même et agit en fonction de ce qu'il croit juste. Un homme avec une conscience.
La Vie cachée est un grand film - un peu long certes, mais dont la beauté laisse souvent bouche bée  - qui remet en mémoire tous ceux qui un jour se sont levés pour dire non.  Franz Jâgerstätter, né en 1907 et guillotiné dans la prison de Brandebourg le 9 août 1943 était de ceux-là.

Hokusai, Hiroshige, Utamaro

Si les deux premiers sont relativement connus, voire bien connus, Harunobu, Utamaro, Sharaku, Toyokuni, Kunisada le sont nettement moins et c'est tout l'intérêt de l'exposition présentée cet hiver à l'Hôtel de Caumont. Car il faut un oeil très exercé pour repérer ce qui distingue les uns des autres. Et l'on est en droit de se demander pourquoi la postérité a choisi ceux-là plutôt que ceux-ci.

En tout cas,  même pour un oeil novice, les estampes en disent beaucoup sur les coutumes, et la culture japonaise. J'avoue aimer tout particulièrement les estampes qui représentent des scènes de la vie quotidienne.


Comme ces paysans surpris par un méchant coup de vent qui fait s'envoler foulards, chapeaux, paniers. Sur fond de Mont Fuji quand même !


Ou ces femmes occupées à des tâches maternelles, tableaux plus intimes que les habituels portraits de courtisanes

L'estampe du dessus est de Hokusai (Ejiri dans la province de Suruga, série Trente-six vues du Fuji, vers 1831) ; celles du dessous sont d'Utamaro (Moustiquaire pour bébé, 1794-1795, et Travail d'aiguille, 1794-1795)

25 décembre 2019

Soleil vert


C'est un vieux film il est vrai. Déjà vu mais jamais oublié. Un film qui me hante. Le revoir aujourd'hui, c'est retrouver le choc initial, puissance X !



Passons sur le côté ringard, les couleurs, la mise en scène qui fait parfois un peu amateur. Mais ce que ce film a à nous dire est franchement étonnant. Il est sorti en 1973  et situe son action en ... 2022 ! Le roman  de Harry Harrison paru en 1966, sur lequel s'appuie le film, la situait en 1999.
Autant dire que la science-fiction d'hier est la réalité d'aujourd'hui : dérèglement climatique (la canicule est devenue permanente), surpopulation, pénurie de logement,  pénurie énergétique, pénurie alimentaire et surtout fracture sociale. Rupture sociale plus précisément. Car si les gens ordinaires sont dépourvus de tout, les riches, dans leurs forteresses militairement protégées, ont tout à leur disposition, y compris des femmes considérées comme des pièces de mobilier interchangeables en fonction de l'occupant des lieux. Bon, ça c'était avant la révolution féministe, grâce à laquelle ce dernier avatar nous a été évité. C'est déjà ça !

Sinon l'actualité du film de Fleisher est stupéfiante et permet de s'interroger sur ce que nous avons fait, ou plutôt ce que nous n'avons pas fait pour en arriver là. Pour arriver à un monde où les oiseaux, les fleurs et le goût des fraises ne sont plus qu'un souvenir dans la mémoire des personnes âgées. Alors, procurez vous le DVD en bibliothèque ou téléchargez le film, mais surtout ne le montrez pas à Greta, elle en ferait des cauchemars !

24 décembre 2019

A couteaux tirés


Alors que les familles attendries se réunissent autour du sapin et de la dinde, le titre du film peut-paraître inapproprié... quoi que... Ceci dit, le film de Rian Johnson est de ces films que l'on peut aisément voir en famille car chacun y trouvera un personnage à son gré.

Tout commence, comme dans un jeu de Cluedo, par la mort d'un écrivain célèbre qui venait de fêter la veille son anniversaire (85 ans !), en famille comme il se doit.

Une grande famille, dont chaque membre a quelque chose à cacher, quelques domestiques, deux enquêteurs locaux pour la forme et un super enquêteur engagé par on ne sait qui pour connaître la vérité. Chaque personnage devient suspect à son tour puisque chacun a quelque chose à gagner à la mort du patriarche; les rebondissements se multiplient, les fausses pistes aussi. Les acteurs sont brillants. Et A couteaux tirés s'avère au final comme un bon divertissement. Familial ou pas.

21 décembre 2019

Solstice d'hiver



Pour la bascule vers la lumière, la mer s'était faite plus belle que jamais. Vous avez dit tempête ?

18 décembre 2019

Taylor Brown, Les Dieux de Howl Mountain



La couverture est pas mal choisie, car ces forêts des Appalaches on va les parcourir souvent en lisant le roman de Taylor Brown. Souvent, de nuit et à grande vitesse, avec de surcroit, un chargement d'alcool clandestin !
Nous ne sommes pourtant plus au temps de la prohibition puisque Rory Docherty, le personnage principal, est rentrée de la guerre de Corée.  Avec une jambe en moins. Nous sommes donc dans les années 50, mais dans une contrée où le temps semble s'être arrêté.
La mère de Rory, muette depuis la tragédie qui l'a brisée et n'a jamais été élucidée, est internée dans un hôpital psychiatrique. La grand mère de Rory, une ancienne prostituée, experte en potions et breuvages comme les "sorcières" d'autrefois, emprisonne les esprits dans des bouteilles et lâche rarement son fusil.
Autour de ces trois personnages déjà pas ordinaires, Taylor Brown - qui n'en est qu'à son deuxième roman - construit une intrigue digne des meilleurs polars, mixant à l'occasion présent et passé, mais fait surtout découvrir à ses lecteurs une Amérique violente - ça on le savait déjà ! -  qui se soucie comme d'une guigne de la légalité et qui, par bien des côtés paraît terriblement archaïque.  Terriblement cinématographique aussi : courses automobiles clandestines comme dans La Fureur de vivre, prêcheurs inquiétants comme dans La Nuit du chasseur, courses-poursuites entre bootleggers et agents fédéraux comme dans ... le titre de votre choix, il y en a trop, cultes pentecôtistes où l'on manipule des serpents vénimeux pour prouver sa foi ....
Le roman ne donne pas vraiment envie d'aller faire du tourisme en Caroline du Nord et il faut avoir le coeur bien accroché pour engloutir, en un week-end ce roman très noir, mais une fois sortie du livre, le monde autour de moi m'a paru tellement ... lumineux ! Que j'en ai oublié la grisaille et les grèves. C'est à cela aussi que sert la littérature.

16 décembre 2019

Linda Vista

J'avais adoré, comme beaucoup,Un été à Osage county, la pièce de Tracy Letts mise en scène par Dominique Pitoiset. J'ai donc fait le pari qu'une autre pièce du même auteur, mise en scène par la même personne avait une chance de me plaire. Je ne me suis pas trop trompée, même si mon enthousiasme est plus modéré.

© Cosimo Magliocca

Linda Vista est une histoire californienne par pure convention, car ce personnage de "loser" masculin, désabusé et vaguement cynique, mais surtout très égocentrique est finalement d'une grande banalité. Toujours en décalage par rapport à ce que la vie lui propose, avec de grandes aspirations et de grandes exigences,  mais bien trop vite découragé, il ne peut aller que de déceptions en déceptions. 

Il est difficile d'éprouver beaucoup  de sympathie pour ce personnage, incapable d'entretenir de vraies relations, c'est à dire profondes et durables avec les autres. Et pourtant il nous ressemble forcément un peu. Et je reconnais qu'il est sans doute difficile aussi de monter une pièce totalement enthousiasmante autour d'un personnage aussi peu dynamique. Voilà pourquoi je suis sortie du théâtre, satisfaite de ma soirée, mais pas vraiment emballée.

15 décembre 2019

It must be heaven

















Le dernier film d'Elia Suleiman est pour le moins surprenant puisque c'est un film sans intrigue véritable, plutôt une suite de cartes postales surréalistes, tendres, drôles.... avec toujours au centre un même personnage, petit chapeau, lunettes, un visage un peu lunaire : Elias Suleiman en personne. 
Pourtant rien de narcissique dans It must be heaven, plutôt le regard étonné du réalisateur sur "l'humaine comédie", comme le suggère une des images du film.  En effet, où qu'il se trouve, à Nazareth, Paris ou New-york, Suleiman a l'art de mettre en scène des moments, réalistes ou poétiques, souvent absurdes,  qui amènent éventuellement le spectateur à s'interroger sur les comportements humains. Et sur la difficulté qu'il y a à réaliser des films quand on est palestinien !
 

Bien qu'un peu désarçonnée du début du film, en attendant que l'intrigue se noue - et d'intrigue il n'y a pas -  c'est finalement à Verlaine et à son art poétique que m'a fait penser le film de Suleiman : It mus be heaven : un film "sans rien en lui qui pèse ou qui pose"

13 décembre 2019

Chantal Thomas, East Village blues



Le titre est excellent et sonne comme un solo de trompette bouchée. On imagine un bar sombre et enfumé, le bruit des conversations, l'énergie insouciante de la faune new-yorkaise "arty" des années 70 ... aussi fauchée que créative.

Oui il y a bien un peu de cela dans le livre que Chantal Thomas consacre à ses souvenirs de New York. Souvenirs beatniks plutôt que hippies. Plus littéraires que musicaux ou picturaux. Oui, il y a bien un peu de ce New York à la fois sordide, excentrique, sensuel et libertaire que j'ai brièvement connu dans les années 70.
Mais il est toujours difficile d'adhérer pleinement aux souvenirs des autres -  à moins de les avoir partagés, bien sûr -  et du coup, les rencontres évoquées par Chantal Thomas relèvent au mieux du "name dropping", au pire du fourre-tout people.

12 décembre 2019

Laird Hunt, La Route de nuit


 
Laird Hunt est de ces nouveaux auteurs américains sur lesquels il faut compter.
Son précédent roman Neverhome, sortait de l'ordinaire puisqu'il mettait en scène une femme qui enfilait l'uniforme de son mari, trop fragile et trop maladroit, pour affronter à sa place les champs de batailles de la guerre de Sécession.

Dans son nouveau roman, il met en scène deux femmes qui, le temps d'une nuit, vont cheminer sur les mêmes routes mais pas dans le même sens
 La première, Ottie Lee se dirige avec deux ou trois branquignoles racistes de son genre, vers Marvel où a été annoncé le lynchage de 3 jeunes noirs. On est dans l'Indiana - qui n'est même pas un Etat sudiste -  dans les années 30.
La deuxième femme est une adolescente de 16 ans qui se dirige elle aussi vers Marvel, bien qu'elle ait eu vent du lynchage, pour y retrouver un amant qui lui a promis monts et merveilles.
Deux femmes bien différentes, mais culottées !

Le récit est pour le moins cahotique, procède par bonds et sursauts (comme dans tout bon roman picaresque, puisque c'est de ce genre que La Route de nuit se rappproche)  et ne cesse de surprendre le lecteur comme il surprend ses personnages en multipliant les péripéties et les rencontres avec des personnages, étranges, bizarres, voire inquiétants. Mais sous ses oripeaux romanesques, le roman n'en parle pas moins de l'histoire vraie des races aux Etats-Unis. Blanc, noir, dans la nuit toutes les couleurs ne se confondent-elles pas ?


11 décembre 2019

Le Traître



Le film que je n'avais pas vraiment envie de voir. Mais qui m'a passionnée. Un peu long peut-être, par moments, mais d'une efficacité remarquable pour faire comprendre l'esprit et le fonctionnement de Cosa Nostra, la mafia sicilienne que, grâce au "repenti" Buscetta, le juge Falcone, a réussi - en partie - à démonter. Une entreprise qui lui a hélas coûté la vie puisque il a été tué dans un attentat à l'explosif monté par ceux-là même qu'il s'acharnait à mettre en prison.
L'histoire est complexe mais bien documentée et le film permet effectivement de mieux comprendre quelle était la situation en Italie dans les années 80. Le plus étonnant étant peut-être de s'apercevoir que la mafia, en tout cas la mafia à l'ancienne, fonctionne avec un code d'honneur et des valeurs morales. Certes, le sens moral des mafieux n'a pas grand chose à voir avec celui du commun des mortels, ne serait-ce que parce que "l'interdiction de tuer" est devenue une "obligation de tuer", du moment qu'il s'agit d'un ordre. Et le code mafieux exige que cet ordre soit exécuté, même s'il faut pour cela attendre 20 ans !
Mais comprendre n'est en rien justifier ni même excuser et le film de Bellochio est parfaitement clair sur ce point. Rien de flatteur dans le portrait de ces mafieux, rien de romantique dans la vie des repentis. Le Traître conjugue la force du polar avec le poids d'un document historique

07 décembre 2019

Peter Farris, Le Diable en personne


Glauque. Sordide. Morbide. Et pour tout dire, noir, vraiment très noir. Mais excellent !
Je reconnais toutefois que le début est particulièrement difficile parce qu'il donne d'emblée une idée du milieu dans lequel on va évoluer : corruption politique et immobilière, trafics en tous genres, drogues et surtout êtres humains, des femmes évidemment, très jeunes ! Beurk !

Mais le noir n'apparaît comme une couleur que s'il y a un peu de lumière. Et dans le roman de Peter Farris, elle vient d'un personnage surprenant, Léonard Moye, une espèce de vieux fou, qui vit à l'écart de tout. Il n'est lui-même pas un ange (ancien trafiquant d'alcool avec quelques morts sur la conscience ), mais il prend sous sa protection la jeune Maya, poursuivie par des tueurs à gage.

Peter Farris n'en est qu'à son deuxième roman, mais il a un talent indéniable pour inventer des lieux et des personnages hors du commun, quoique parfaitement réalistes; il possède un art pointu du dialogue et du suspens si bien que les premiers chapitres passés (avec un haut le coeur!), on continue à toute allure et jusqu'au bout.

PS. Le roman se passe en Georgie, capitale Atlanta ! Une ville qui a déjà inspiré pas mal de romanciers, parmi lesquels Tom Wolfe avec Un Homme, un vrai. Un autre bon roman.

06 décembre 2019

Lauren Groff, Floride.



Floride est certainement un recueil d'excellentes nouvelles, dans un genre proche du "southern gothic". C'est à dire dures et plutôt noires. Mais trop de serpents, vraiment trop de serpents dans ces nouvelles. Du coup je me suis arrêtée à mi-chemin.   
Floride : un bon bouquin mais pas pour les ophiophobes ! Et à bien y réflécbhir, peut-être pas non plus pour ceux qui rêvent de ciel bleu et de plages de sable blanc ... Car, comme l'annonce la couverture, vents et tempêtes menacent constamment la Floride et les personnages de Lauren Groff sont souvent aussi tourmentés que la nature.

05 décembre 2019

Thomas Snégaroff, Little Rock 1957


Avant le livre il y a la photo; celle d'Elizabeth Eckford qui, un classeur dans la main se dirige vers Central High, le lycée de Little Rock jusque là réservé aux enfants blancs - ségrégation oblige ! - où pour la première fois 9 adolescents noirs ont été autorisés à s'inscrire.


L'image me fascine depuis toujours parce que si elle suggère le courage et la dignité, elle dit surtout la haine, viscérale, irrationnelle de toute une communauté. C'était le 4 septembre 1957. 

Les "neufs de Little Rock" ont marqué l'histoire de la conquête des droits civiques autant que Rosa Park, à l'origine du boycott des bus de Montgomery, autant que les manifestants du pont de Selma,  autant que les étudiants de Greensboro qui ont organisé le premier sit-in à la cafétéria de Woolsworth, autant sans doute que Martin Luther King. Et je n'oublie pas Ruby Bridges escortée par 3 "marshalls" le jour de sa première rentrée scolaire. 


Autant d'événements, de personnages, de photos qui illustrent la longue et difficile lutte des Noirs pour obtenir, au même titre que les blancs, leurs droits de citoyens américains. 
De tout cela on a entendu parler, mais vaguement, de façon un peu confuse. 

Le livre que Thomas Snégaroff consacre à Little Rock 1957 a l'avantage d'aller au-delà de l'image, d'aller chercher derrière la photographie, aussi iconique soit-elle, la réalité des faits et des personnes. Et comme il est historien, non seulement il reconstitue quasi minute par minute cette journée du 4 septembre 1957 et les semaines, les mois qui ont suivi, on s'appuyant sur des sources vérifiées et citées en référence, mais il situe aussi le récit dans le contexte plus large de la ségrégation, expliquant sans pour autant la justifier, l'attitude de certains Blancs  dans l'Arkansas des années 50. 
  
C'est ainsi tout un pan de l'histoire américaine qui est patiemment reconstitué, l'émotion en prime. Car Elizabeth, Minniejean, Gloria, Melba, Thelma, Ernest, Jefferson, Terence et Carlotta n'étaient que des adolescents.Et c'est leur vie qu'ils risquaient !
On peut bien sûr trouver le livre en bibliothèque, mais dans sa version poche (10-18) il ne coûte que 8,10 €. On peut sans doute se permettre de l'offrir autour de soi. 


03 décembre 2019

Oliviers Hodasava, La Ville de papier

Un livre étrange et un auteur étrange ou pour le moins ... différent. Mais un livre qui devrait séduire tous les "amoureux de cartes et d'estampes" . Et tous les voyageurs qui n'aiment rien tant que sortir des sentiers battus. Et tant qu'à faire tous les lecteurs qui aiment être surpris.

De quoi s'agit-il ? De ce qu'on appelle en anglais un "copyright trap", une ville imaginaire  -  mais ce peut-être aussi bien un nom de rue et plus généralement je suppose un nom de lieu - indiquée sur une carte pour éviter qu'elle ne soit plagiée par un éditeur concurrent.



Olivier Hodasava, passionné de cartographie, s'est largement inspiré de l'histoire d'Agloe *, ville imaginaire de l'Etat de New York pour construire son roman, mais parvient à donner vie à une cohorte de personnages singuliers, depuis le premier inventeur de "la ville de papier" jusqu'aux jeunes gens d'aujourd'hui, nés avec un GPS dans leur poche. Il mêle avec aisance personnages réels et personnages fictifs, les époques, les lieux ... ; les chapitres s'emboîtent, le récit rebondit en permanence et lorsqu' arrive la dernière page, l'envie de voyager qui m'a accompagnée pendant toute ma lecture est plus vive que jamais. Impossible de ne pas filer ... sur Googlemap pour vérifier si on peut y trouver Rosamond, la ville imaginaire qu'il situe dans le Maine.

On ne la trouvera peut-être pas, mais en survolant la carte, en jouant de la 3D et du "streetview" on trouvera suffisamment d'autres lieux, bien réels, pour imaginer un prochain voyage, dans le Maine ou aillleurs. C'est d'ailleurs ce que fait apparemment Olivier dans son récit de voyage virtuel -  bien qu'imprimé sur papier - Eclats d'Amérique (hélas épuisé) ou dans son blog de voyage  tout aussi virtuel mais numérique: http://dreamlands-virtual-tour.blogspot.com/

Oui, j'en suis plus que jamais persuadée, la littérature fait voyager autant que le voyage fait lire ! 


http://www.slate.fr/life/84889/carte-agloe-ville-existe-pas

02 décembre 2019

Les Misérables

 Difficile de commenter le film de Ladj Ly. D'abord parce depuis le festival de Cannes, le film a déjà beaucoup été commenté, mais surtout parce qu'il est impossible d'en parler d'un point de vue purement cinématographique. Ce que j'ai surtout retenu c'est l'efficacité du film pour parler de l'état de la société française, dans certains quartiers de la banlieue parisienne. Bien qu'il ne soit pas bien difficile de transposer le film dans d'autres lieux, Marseille, Grenoble, Toulouse ....


Le réalisateur,qui sait de quoi il parle, montre l'affrontement entre d'un côté trois policiers de la BAC et différents groupes qui font la loi dans le quartier : caïds et dealeurs, frères musulmans, roms etc...

Au milieu des ces groupes aux réflexes claniques, qui se connaissent et ont établi une sorte de "modus vivendi", des gamins désoeuvrés, qui, par ennui, accumulent les bêtises. Les choses s'enveniment à partir du moment où la BAC est sollicitée pour enquêter sur un vol, à priori mineur. Mais dans un quartier comme celui-là, tout devient rapidement explosif.


On reçoit le film comme un coup de poing dans la gueule. Parce qu'à aucun moment le réalisateur ne donne raison à l'un ou à l'autre. Il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les méchants, pas plus qu'il n'y a d'un côté les coupables et de l'autre les victimes. Non, tous les personnages sont montrés alternativement sous leur meilleur et sous leur pire jour, car ce ne sont pas les individus qui sont en cause, mais les conditions dans lesquelles ils vivent tous. Des maux bien connus : chômage, pauvreté, insalubrité des immeubles, promiscuité, absences de perspectives ... que notre société semble accepter comme une fatalité.
 En citant Victor Hugo : "Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs." Ladj Ly rappelle qu'il n'y a de solution que politique à ce que l'on appelle la crise des banlieues qui pourrait virer à la guerre civile. Mais habilement le réalisateur suspend sa conclusion, comme pour nous laisser la possibilité d'agir.

01 décembre 2019

Vivian Maier

J'ai déjà parlé plusieurs fois dans ce blog de Vivian Maïer dont j'apprécie autant les photos prises dans les rues de New York ou de Chicago, que les autoportraits qui laissent entrevoir sa façon de travailler.
Mais la photo qui me fascine le plus actuellement est celle qui a été choisie pour l'affiche de l'exposition actuellement en cours au Musée de l'Ancien Evêché de Grenoble.


Parce que cette petite fille en pleurs a été photographiée à Grenoble en 1959, il y a 60 ans donc. Qu'est-elle devenue ? Est-elle toujours à Grenoble ? Se reconnaîtra-t-elle ? Ou quelqu'un de sa famille peut-être ? Quelle était la raison de son chagrin ?
Et s'il n'est pas possible de retrouver la trace de cette petite fille, n'y a-t-il pas dans cette photo matière à roman ?
Une photo qui donne à voir, c'est bien. Qui donne à réfléchir, à imaginer ... c'est mieux ! Et je ne parle pas de photos documentaires.

30 novembre 2019

Les Eblouis


Trop démonstratif le film ? Je ne crois pas. Bien que le début soit particulièrement crispant. La dérive de cette mère de famille, qui pour compenser ses frustrations dérive vers un mysticisme de pacotille - et bêlant ! - est sans doute montrée de façon un peu hâtive, mais le film devient franchement intéressant lorsqu'il s'attache à Camille, l'ainée des 4 enfants totalement déchirée entre ses propres aspirations et son attachement à sa famille. La jeune actrice, Celeste Brunnquell est tout à fait étonnante dans ce rôle et d'une certaine façon incarne le malaise de tous les adolescents qui étouffent sous le poids des normes et des règles familiales.


Le film en définitive pose beaucoup de questions et donne quelques réponses, attendues, il est vrai : en effet,  le pouvoir de la secte ne tient pas à ses principes, aussi absurdes que ridicules, mais s'appuie sur la fragilité bornée de la mère et la pleutrerie du père .... c'est donc contre ses propres parents que l'adolescente doit se battre. C'est ce cheminement, long et douloureux,  qui fait à mes yeux tout l'intérêt du film.

29 novembre 2019

Encore l'automne ?


Oui, mais vraiment plus pour très longtemps. 


J'ai vu, hier midi, tomber la plus grosse feuille du bouquet, secouée par le vent. Les autres ne tarderont pas à la rejoindre sur le sol déjà jonché.

28 novembre 2019

Jean-Louis Fournier, Je ne suis pas seul être seul


Encore un livre inclassable, indéfinissable. Mais faut-il vraiment faire entrer un livre dans une cas pour pouvoir l'apprécier. Certainement pas.
Le livre de Jean-Louis Fournier est le livre d'un vieil homme (octogénaire quand même!) qui à la fin de sa vie se retrouve seul.  Ses deux garçons sont morts, sa femme aussi, il ne voit plus sa fille, entrée dans les ordres. De tout cela il a déjà parlé dans d'autres livres. Alors que lui reste-t-il ? La solitude.
La solitude à laquelle il aimerait échapper mais que parfois il recherche. La solitude honnie et désirée, frustrante et apaisante. La solitude dont il parle mieux que personne parce que sa plume est légère, presque enjouée. Et parce que chaque lecteur a déjà entraperçu ou connu cet état pour lequel l'homme n'est pas fait.

Je ne suis pas seul à être seul est un livre à lire tranquillement, posément, seul dans son fauteuil, ou dans un tram rempli d'adolescents bruyants. Chaque page est un plaisir que l'on savoure comme on savoure un morceau de chocolat. Et tant qu'à faire pourquoi ne pas lire Je ne suis pas seul à être seul en écoutant O solitude, my sweetest choice chanté par par Philippe Jaroussky. Bel accord et double plaisir



27 novembre 2019

Et puis nous danserons


Encore deux séances seulement dans mon cinéma préféré pour ce très beau film de Levan Akin : Et puis nous danserons.
Il y est question d'amour et même de passion, il y est question de masculinité et d'homosexualité. Il y est question surtout de la jeunesse géorgienne, divisée entre son désir de modernité et le respect des traditions. Une jeunesse géorgienne qui a tout l'air d'étouffer dans le cadre rigide que lui impose la génération précédente marquée par le souvenir d'un passé soviétique qui laisse peu de choix à l'individu.


Merab danse depuis toujours et s'entraîne comme un fou dans l'espoir d'obtenir un rôle dans l'Ensemble National Géorgien : discipline stricte, le corps plie, encaisse. L'âme aussi, soumise à un seul idéal, la perpétuation de la tradition. Ce que le film raconte c'est comment tout vole en éclat lorsque surgit l'imprévu, l'inconnu et avec lui, un souffle de liberté.

J'aime vraiment beaucoup ce film qui peut-être pris au pied de la lettre,  l'histoire d'une passion aussi intense qu'éphémère, mais il n'est pas interdit d'y voir une métaphore politique. Parce qu'une jeunesse trop longtemps bridée qui a cessé de rêver, peut du jour au lendemain vouloir casser le carcan qui l'étouffe.
J'aime vraiment beaucoup ce film plein de fougue malgré la tristesse et les déceptions.

26 novembre 2019

Au point du jour


Le jour se levait à peine ...



Le temps d'attraper mon téléphone, d'aller d'un bout à l'autre de l'horizon, les couleurs avaient changé.


Alors j'ai essayé un panoramique. 


Mais... un peu trop de rose, un peu trop de mauve et de violet, n'est-ce pas ?
Alors j'ai essayé d'atténuer les couleurs....
Mais ça fait quand même encore très hollywoodien, non ?


Alors j'ai essayé le noir et blanc.
Ça calme, en effet !



24 novembre 2019

Olivier Rollin, Extérieur monde


Le dernier livre d'Olivier Rollin n'a rien d'évident. Parce qu'il est plus que jamais écrit au fil de la plume et que de son propre aveu, l'écrivain écrit ses premières pages sans vraiment savoir où elles le mèneront. Très vite le lecteur comprend néanmoins qu'avec Olivier Rollin il arpentera la planète de l'Est à l'Ouest et du Nord au sud.
"Je tourne dans la cage des méridiens comme un écureuil dans la sienne" écrivait Cendrars dans Le Panama ou les aventures de mes sept oncles. A lire Extérieur monde on a parfois le tournis, une vague impression de "name dropping" : trop de noms de lieux, trop de noms d'écrivains, trop de références littéraires. Mais peu à peu on découvre que ces bribes qui nous parviennent du monde extérieur dessinent en creux le portrait de l'écrivain, un portrait plus intime qu'il n'y paraît. Et un écrivain soucieux du mot juste, de l'image approprié, de la référence précise. L'improvisation n'est en fait qu'apparente, d'abord parce qu'Olivier Rollin s'appuie sur les carnets où il a pris l'habitude de noter, au fil de ses innombrables voyages, ses observations et ses impressions. Ensuite parce que le texte se construit peu à peu comme un jeu de dominos, chaque élément, chaque souvenir en appelant un autre avec lequel il présente quelque similitude.

Extérieur monde ne requiert pas une lecture assidue, on tourne les pages, saute un paragraphe, peut-être deux, on s'arrête, on cherche dans ses propres souvenirs, on s'interroge sur un lieu, on s'attarde, on rêve.  Bref on déambule et on termine le livre avec une furieuse envie de lire, autant que de voyager. Envie de retourner aussi aux précédents livres d'Olivier Rollin, ceux qu'on a lus ou ceux qu'on n'a pas encore lus.

(Photo Isabelle Rimbert)

22 novembre 2019

Catherine Ternaux, Zoppot


Une amie m'a passé ce tout petit livre (87 pages !) à peine un roman, plutôt une grosse  nouvelle. Peu importe, il se lit et se savoure en un clin d'oeil. On le commence, on ne le lâche pas. A condition toutefois d'aimer les histoires bizarres, les personnages incongrus et les lieux insolites.

Les personnages, il n'y en a pas tant que cela : Maurice occupe largement les 3/4 du récit. Maurice est un romancier potentiel qui sur un coup de tête  décide de changer de "cadre de vie", largue tout, appartement, maîtresse ... et se retrouve à Zoppot, au bord de la mer baltique.

Mais je n'en dirai pas plus parce qu'à ce point du récit, soit vous aurez lâché le livre soit il ne vous lâchera plus. Mais il faut pour cela être du genre à aimer les personnages tordus façon Bartleby et les histoires emboîtées à la Italo Calvino.
Oui, je sais l'éditeur cite Borges et Kafka. A chacun ses réminiscences !

Et bien sûr j'ai été voir s'il existait effectivement une ville appelée Zoppot au bord de la mer baltique. Bingo !

"Sopot (prononcer [ˈsɔpɔt], en kachoube : Sopòt, en allemand Zoppot) est une ville de Pologne d'environ 40 000 habitants qui constitue avec Gdańsk et Gdynia une vaste conurbation portuaire connue sous le nom de Tricité (Trójmiasto en polonais)"
Merci Wikipedia ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Synagogue_de_Zoppot_(1914-1938)

Mieux encore, je découvre qu'il existe dans cette ville une maison tordue ! Vraiment tordue !



Une bonne raison de prendre le train et de suivre les traces de Maurice ?  Qui sait ...


21 novembre 2019

J'accuse


J'ai toujours un peu de mal avec les reconstitutions historiques parce que j'ai l'impression que l'essentiel du budget passe dans les décors et les costumes. Mais en l'occurrence, dans le dernier film de Polanski, on oublie assez vite l'aspect "reconstitution" pour s'intéresser à "l'affaire", une affaire que l'on croit connaître, que l'on connaît en gros, mais dont on ne connaît pas tous les détails, en particulier la succession des différents procès.
Il est vrai que l'affaire est complexe, mais en focalisant son film sur le personnage de Picquart, dont le rôle a été effectivement majeur pour remettre en cause les soit-disant preuves et obtenir la révision des deux précédents procès, Polanski permet au spectateur de se faire une idée des obstacles à renverser. Il fait de Picquart un être d'une probité totale, qui une fois convaincue de l'innocence de Dreyfus, surmonte son propre antisémitisme et dénonce les agissements de l'armée, alors même qu'elle constitue son propre univers.
Je crains que la polémique née autour du réalisateur ne cache la véritable intention du film qui est moins de dénoncer un complot antisémite (ou de faire passer son réalisateur pour un innocent injustement accusé et condamné) que de montrer le courage des lanceurs d'alerte. Et s'il était intéressant de mettre en valeur le rôle de Picquart, et accessoirement de Zola ou de Clémenceau, je regrette que ni Bernard Lazare, ni Auguste Scheurer-Kestner n'aient été mentionnés. A moins que mon attention n'ai été prise en défaut.



20 novembre 2019

Les hirondelles de Kaboul




J'ai vu avec beaucoup de retard le très beau film de Zabou Breitman, Eléa Gobbé-Mévellec. 
Il est vrai que je ne me précipite pas vers les dessins animés en général, mais je reconnais qu'en l'occurrence, le dessin, d'une grande douceur, est indispensable pour "faire passer" un sujet qui serait autrement insupportable puisqu'il ne s'agit de rien de moins que de la condamnation à mort d'une femme accusée d'outrages aux moeurs par les talibans qui ont le pouvoir à Kaboul. 

On n'apprend peut-être rien sur l'absurdité, l'hypocrisie, la cruauté de ces règles soit disant établies au nom d'un dieu et d'une religion, mais savoir n'est pas voir et encore moins ressentir. Les Hirondelles de Kaboul tire toute sa force de l'émotion que le dessin est susceptible de provoquer.


19 novembre 2019

Encore l'automne ...


... mais plus pour très longtemps.


18 novembre 2019

Picasso à Grenoble




Nature morte à la tête de taureau (1942) c'est le tableau qui a été choisi pour annoncer l'exposition présentée jusqu'au 5 janvier au Musée de Grenoble.
Le titre de l'expo "Picasso Au coeur des ténèbres" est explicite : il s'agit des tableaux peints par Picasso entre 39 et 45 dans une France exsangue. Des tableaux judicieusement choisis et commentés, un parcours chronologique où l'on voit la détresse l'emporter au fur et à mesure que le pays s'enfonce. Quelques photos bienvenues complètent l'ensemble. Une exposition certes très didactique, mais tout à fait passionnante.

Le genre d'exposition qu'il serait vraiment dommage de manquer. Et que l'on peut retourner voir.

14 novembre 2019

Jean Paul Dubois

Jean-Paul Dubois vient d'obtenir le prix Goncourt. Pas vraiment une découverte parce que cela fait bien une quarantaine d'année que ce monsieur écrit et publie. Mais je me réjouis de ce prix qui va accroître sa notoriété, parce qu'il y a longtemps que j'apprécie cet auteur. Non je n'ai pas lu tous ces livres, mais j'en ai lu pas mal. Et je me souviens de quelques uns.

Je me souviens de La vie me fait peur parce que je l'ai lu - drôle de coïncidence - dans un avion qui m'emmenait vers la Floride, exactement comme le personnage central, Paul Siegelman et j'avais peur moi aussi.

Je me souviens de Parfois je ris tout seul parce que j'ai souvent éclaté de rire en lisant ces histoires courtes, absurdes, et tellement drôles.

Je me souviens  de Tous les matins je me lève...
Mais je ne vais pas énumérer tous les romans de Jean-Paul Dubois que j'ai aimés, il y en a trop.


J'ai lu, mais un peu moins aimé Une vie française, sans doute parce que je l'ai trouvé plus  ... comment dire...  conventionnel. Un peu moins aimé aussi Vous plaisantez Monsieur Tanner. Trop attendu.

Je n'ai pas encore lu Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, mais je le lirai c'est sûr parce je suis certaine d'y retrouver un personnage désenchanté, mal gracieux et de parti pris, mais pas tout à fait cynique ni amer, j'y retrouverai surtout un univers qui me semblera familier, un ton, une écriture bien à lui, une façon de se moquer du monde et malgré tout de croire que le bonheur n'est pas impossible bien que souvent inaccessible.

Ses chroniques de la vie américaine, écrites d'abord pour le Nouvel Obs dans les années 90 et publiées en recueil sous le titre de L'Amérique m'inquiète m'ont fait un moment hésiter tant elles semblaient relever d'un antiaméricanisme primaire. Mais j'ai bien dû admettre qu'elles étaient hélas justes et très bien documentées. Oui l'Amérique est inquiétante (elle l'est devenue plus encore), mais Jean-Paul Dubois a délibérément choisi de n'en voir que les aspects les plus négatifs. Tant pis pour lui.

Et voilà pourquoi, contrairement à mes habitudes, je lirai cette année le Prix Goncourt ! 

13 novembre 2019

Oiseaux

Autour du liquidambar, l'agitation est intense en ce moment. 


Le pic épeiche s'obstine à briser les graines dans les anfractuosités du tronc. 


Les geais se contentent de ramasser celles qui sont tombées au sol. 

12 novembre 2019

Hommage à Ernest Gaines




D'Ernest J. Gaines j'ai lu - je crois - tous les livres. Parce qu'une fois qu'on a lu une seule de ses oeuvres, on est pris ! Il y a quelque chose de si vrai, de si fort, de si bouleversant dans ses romans, mais aussi de très simple, de très accessible, très loin des prétentions littéraires de certains. Ce que Gaines voulait c'était parler des siens, de ceux qui avant lui,  n'étaient pas dans les livres, les petites gens de Louisiane où il est né, et où il est mort la semaine dernière. Il voulait aussi écrire pour "son peuple", ceux qui comme lui sont nés dans le Sud des Etats-Unis, privés de droits et sans grand espoir d'en acquérir jamais, avec au coeur un sentiment d'injustice et de peur souvent.

Ernest J. Gaines n'est plus, mais ses livres sont bien là. Alors lisez les, lisez les tous. Mais si vous n'en lisez qu'un .... ce sera sans doute Dîtes-leur que je suis un homme.

J'ai déjà parlé à plusieurs reprise d'Ernest J. Gaines dans ce blog.  La première fois, c'était il il y a 3 ans ..

04 MAI 2016


Ernest J. Gaines


J'aurais bientôt fini de lire tous les livres d'Ernest J. Gaines et ne m'en lasse pas. Mon seul regret : n'avoir pas découvert cet auteur plus tôt !



 
Liana Levi, son éditeur, tient heureusement à jour son catalogue et a choisi de rééditer certaines nouvelles en volume unique, ce qui permet au lecteur qui aurait peur de se lancer dans un roman de se familiariser avec la manière de Gaines, son écriture, ses thèmes. 
Ainsi, lire Par la petite porte est une bonne façon d'aborder l'oeuvre de Gaines et de comprendre la symbolique de cette porte par laquelle on faisait entrer "les gens de couleur". Et seulement les gens de couleur ! 

Mais ensuite il faut se lancer, et choisir entre Vous lui direz que je suis un homme et Colère en Louisiane par exemple. Le premier est un roman austère, dur, avec ses moments de tendresse aussi, mais sans complaisance sur la façon dont les Noirs étaient traités  et le difficile chemin vers l'estime de soi. Le second est un roman choral, intense, vibrant, où des vieillards qui de toute leur vie n'ont fait que courber l'échine devant les Blancs, apprennent à relever la tête et à dire non.

Gaines est un écrivain majeur de la littérature américaine, sans doute parce qu'il sait allier dans ses romans l'émotion à l'intelligence.  Ses romans sont poignants et touchent au plus profond de l'âme, mais ses romans sont aussi d'extraordinaires témoignages sur la condition des Noirs américains soumis à la ségrégation et aux lois Jim Crow.

Je n'ai pas encore lu tous les livres de Gaines. Mais ce sera bientôt fait !  

Sorry we missed you


Quand deux films comme celui d'Antoine Russbach et celui de Ken Loach se succèdent, on a l'impression de prendre une grande claque dans la gueule. Des histoires fortes, justes, vraies, qui marquent beaucoup plus - à mes yeux -  que n'importe quel émission de télé ou même que n'importe quel essai, parce qu'elles passent par le biais de la fiction et que le spectateur s'identifie forcément, au moins un peu, aux personnages présentés.
Ken Loach, dans Sorry we missed you met en scène une famille normale (le père, la mère, deux enfants) dont l'équilibre précaire est remis en cause par le nouveau travail que vient de trouver Ricky : chauffeur-livreur pour une entreprise qui promet à ses clients des livraisons quasi immédiates. Inutile de donner un nom, de donner des noms, puisque c'est toute notre société qui désormais refuse d'attendre et exige que ses commandes soit livrées ASAP !


Les promesses de gain qui auraient permis à la famille d'être enfin propriétaire ou seulement un peu plus à l'aise s'effondrent à la première anicroche. Car Ken Loach dans ce film se soucie moins de mettre en accusation le système - après tout le gérant a lui aussi ses contraintes dont il doit tenir compte sous peine de perdre son entreprise -  que les conséquences dramatiques de ce système sur une famille ordinaire au bord de la précarité. C'est bien là la tare d'un système où pour survivre il faut nécessairement exploiter les autres.
Le film de Ken Loach est, comme d'habitude très efficace, avec un scenario parfaitement bouclé et   des acteurstotalement crédibles, peut-être parce que nouveaux au cinéma. Une réussite de plus pour le cinéaste ! Mais combien de films faudra-t-il encore pour que nous prenions conscience de notre propre responsabilité dans les dysfonctionnements de la société et que nous renoncions à l'engrenage du "tout, tou de suite".