31 décembre 2020

Robert Bober, Par instants la vie n'est pas sûre.

 Difficile de trouver meilleur titre pour un présent vécu sous la menace du Covid. Pourtant le dernier livre de Robert Bober ne parle pas du présent ou si peu puisque c'est une sorte d'autobiographie qui ne s'avoue pas et qui ressemble plutôt à un ramassis de souvenirs en vrac. 

A vrai dire, ce qui fait tout le charme de ce livre c'est bien son côté chaotique, même s'il est parfois difficile de s'y retrouver entre les époques et les personnages évoqués. Alors on s'attache, comme à un fil d'Ariane à cette fause lettre posthume écrite à Pierre Dumayet. Un prétexte pour évoquer le travail qu'ils ont effectué ensemble à la télévision pour l'émission Lecture pour tous, leur amitié, les rencontres, les livres .... mais la mémoire de Bober est bien trop vive pour ne pas dériver vers l'enfance, les rafles des années de guerre .... 

J'avais découvert Robert Bober lorsque lâchant pour la première fois la caméra, il s'était essayé à l'écriture et avait publié Quoi de neuf sur la guerre, un livre de souvenirs (déjà!) à la fois drôle  et poignant que j'ai toujours gardé en mémoire.  Et je retrouve dans ce dernier ouvrage la même drôlerie, la même tendresse, qui finit par ressembler à une forme de sagesse. 





30 décembre 2020

Les Affameurs

Puisqu'Arte a entrepris, comme moi, la révision des grands classiques du western, va pour Les Affameurs , un film d'Anthony Mann qui date de 1952 et met en scène une caravane de pionniers, en route vers l'Oregon. Celui qui leur sert de guide dans cette épopée est Glyn McLynbtock, bientôt rejoint par Emerson Cole. Le passé de ces deux hommes est pour le moins suspect, mais si Cole reprend vite ses habitudes de truand, Glyn lui a décidé de changer de vie et le film, comme dans l'Homme de l'Ouest met en scène les efforts du personnage pour retrouver le droit chemin. Pas plus moral qu'un western ! 

D'autant que celui-ci dénonce aussi les méthodes brutales du capitalisme naissant : on est en pleine ruée vers l'or et seul compte le profit ! L'appât du gain, moteur du monde et finalement beaucoup plus dangereux que les Indiens qui au début du film menacent la caravane.


A compter parmi les atouts du film, le décor de montagnes enneigées, et le bateau à aube qui sur la Columbia sert à transporter les marchandises  ! Des éléments plutôt inhabituels dans un western.



29 décembre 2020

Hamilton

Alexander Hamilton est un homme politique américain, qui, après s'est engagé dans la guerre d'indépendance qui a permis aux Etats-Unis d'exister, a contribué à rédiger la constitution, fondement de la politique américaine. 

C'est ce personnage majeur dans l'histoire des Etats-Unis que Lin-Manuel Miranda a choisi de mettre en scène dans une comédie musicale dont le succès ne se dément pas depuis 5 ans. 

 Hamilton est en effet une comédie musicale tout à fait étonnante, parce qu'elle raconte ce moment essentil qu'a été la fondation des Etats-Unis, mais elle le raconte sur un rythme frénétique avec des acteurs pour la plupart noir ou métis, qui manipulent la langue avec l'aisance des rappeurs et des slameurs.


 Le résultat est époustouflant ! A condition de bien s'accrocher aux sous-titres car cette fresque historique  a beau durer  2h40, tout va très vite. Comme il convient à la jeunesse et à l'enthousiasme de ces personnages qui ont la certitude d'inventer un monde nouveau, forcément meilleur que le précédent. Ils croient à la "chose publique" comme ils croient à leur destin personnel, bien décidés à ne pas laisser passer leur chance. 

 

                                                I am not throwin' away my shot
                                                I am not throwin' away my shot
                                                Hey yo, I'm just like my country
                                                I'm young, scrappy and hungry
                                                And I'm not throwin' away my shot 

Ambitieux, prétentieux, mais aussi fougueux, courageux et c'est tout le mérite du scénariste d'avoir fait des "Pères fondateurs" non pas des personnages compassés à perruque poudrée, mais plutôt des jeunes gens turbulents à qui la mort ne fait pas peur et qui sont prêts à jeter toutes leurs forces dans la bataille, celle qui se conduit le fusil à la main comme celle qui s'écrit la plume à la main. 

Et puisque le monde était alors à réinventer, il est bon que la comédie musicale elle aussi se réinvente à l'occasion, même si cela doit bousculer un peu les habitudes des spectateurs. Oui, les personnages sont en habits XVIIIe, mais ils parlent et ils bougent  comme des jeunes gens d'aujourd'hui. Oui, il y a parfois beaucoup d'agitation sur la scène et la chorégraphie hip-hop n'est pas toujours très inventive, mais ce que la comédie musicale restitue parfaitement c'est la naissance des Etats-Unis dans le bruit et la fureur.  
 

Une naissance, vécue comme un abandon par le roi d'Angleterre dont les deux apparitions servent de contre-points très "british" aux élans révolutionnaires. 

J'aurais sans doute aimé voir Hamilton sur scène (le prix prohibitif des places m'en a rapidement dissuadée). Mais la captation video fait mieux que compenser mon regret. J'ai maintenant plusieurs airs qui me trottent dans la tête et ... la furieuse envie d'en savoir beaucoup plus sur Hamilton et les autres, envie en particulier d'en apprendre un peu plus sur Burr, son grand rival, qui finit par le tuer dans un duel.
 


28 décembre 2020

Ex Libris, New York Public Library

 Grâce au confinement .... si, si, le confinement peut avoir des aspects positifs !  grâce au confinement donc j'ai pu voir le très long documentaire de Wiseman sur la bibliothèque publique de New York,  Ex Libris. J'avais manqué  ce film lors de sa sortie en salle et ce n'est pas plus mal parce que j'ai pu fractionner les 3h18 du film, revenir sur certains épisodes plus significatifs que d'autres, accélérer des passages un peu trop longs à mon goût, bref me l'approprier et faire avec ce film ce que je fais avec les livres dont personne ne règle ma vitesse de lecture. Visionner un film à son gré, sans dépendre d'un horaire imposé est un vrai plaisir, mais qui ne me fait pas oublier celui des grands écrans et de la connivence qui s'établit forcément entre les spectateurs, dans une salle de cinéma. 

Ceci étant dit, j'ai beaucoup aimé le film de Frederick Wiseman parce que dans tous ses films il prend le temps de s'intéresser aux gens et aux institutions mais sans pour autant les juger et donc les commenter. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il se réfugie derrière une soit-disant neutralité. Parce que c'est lui qui dirige sa caméra sur ce qui l'intéresse et c'est aussi lui qui choisit parmi les heures d'enregistrement, les passages qui lui paraissent les plus significatifs. C'est donc bien son regard qui donne son sens au film.

 

 Or ce que l'on voit c'est une institution new-yorkaise, financée en grande partie par des fonds publics, mais pas seulement, tout entière au service d'une communauté. Le mot revient comme un leitmotiv, et presque une obsession dans les réunions auxquelles nous assistons par caméra interposée : "to serve the community". Or cette communauté, à New York, est d'une diversité extraordinaire ! Ce qui explique que chaque branche ait ses propres particularités, ses propres préoccupations. Car la Bibliothèque publique de NY, ce n'est pas seulement le grand bâtiment néo-classique de la 3e avenue, avec ses deux lions de pierre qui en gardent l'entrée, non ce sont autant de branches que de quartiers (88) sans même compter les centres de recherches. Un outil absolument fabuleux dont les responsables ont depuis longtemps compris que leur rôle n'était pas seulement la conservation des livres, ni même leur diffusion, mais qu'il leur appartenait de permettre à un maximum de citoyens d'accéder au savoir. La bibliothèque n'exclut personne, elle est au contraire un facteur d'inclusion essentiel. C'est je crois cette fonction sociale de la bibliothèque que le film de Wiseman met en valeur.


J'aime la façon dont sa caméra se pose sur les visages des utilisateurs de la bibliothèque, qu'ils soient en train de lire, ou de regarder un écran d'ordinateur, qu'ils soient en train de participer à une réunion, de déambuler  ou de dormir. Et soudain j'imagine un autre film, qui ne serait que la succession de ces visages, sans voix off, sans rien, mais qui a lui seul dirait la diversité sociologique de New York ....

Et j'avoue, avoir beaucoup aimé aussi tous les moments où la caméra, pour se rendre d'un bâtiment à un autre, sort dans les rues de NY et filme la ville. Tellement, tellement l'impression d'y être, de me retrouver au coin de telle ou telle rue. Le bruit, les couleurs, les lumières et surtout les gens, la foule... presque aussi bien qu'un voyage. 

Je me souviens avoir eu la chance, de travailler sur un projet de recherche qui impliquait que je consulte le fond ancien de la bibliothèque. C'était en janvier, il y a longtemps et dehors le froid était glacial, mais en circulant dans les couloirs et les salles de la bibliothèque, j'oubliais le froid, émerveillée par la richesse de l'outil mis à ma disposition, moi qui n'étais même pas citoyenne de NY. Juste de passage.

27 décembre 2020

L'homme de l'Ouest

 Les westerns sont parfois brutaux et même un peu cruels et celui-ci n'échappe pas à la règle. Mais à côté du roman d'Alex Taylor que je viens de lire, L'homme de l'Ouest est quand même un peu moins dur. Parce que le film d'Anthony Mann n'est rien de moins qu'un film sur la rédemption ! 

Link Jones  (Gary Cooper) est un grand échalas dont on apprend peu à peu qu'il a été élevé par Dock Tobin, le chef de la bande la plus redoutée de l'Ouest, qui se vante de lui avoir tout appris. Mais Link a depuis changé de voie et choisi la tranquillité d'une vie honnête dans un village reculé de l'Ouest.L'attaque du train dans lesquel il se trouve va le remettre face à son passé et la confrontation entre celui qu'il était et celui qu'il est devenu fait tout le sujet du film. A-t-il encore les moyens de se défendre contre les vilains de la bande ? Et s'il choisit de se battre, ne renonce-t-il pas aux valeurs qui ont fait de lui un honnête homme. 

L'homme de l'Ouest, comme la majorité des westerns est bien un combat entre le bien et le mal, mais le génie d'Anthony Mann est d'avoir intériorisé ce combat, d'en avoir fait un cas de conscience et ce faisant d'avoir montré qu'il appartient à chacun de choisir son chemin, que c'est une question de courage et de volonté et qu'il n'y a pas de fatalité dont on ne puisse se défaire. Une leçon bien optimiste sans doute mais après tout, on est au cinéma ! 



26 décembre 2020

Alex Taylor, Le sang ne suffit pas

 Après le roman de David Joy, je croyais avoir touché le fond de la noirceur. Et bien non ! Le Sang ne suffit pas d'Alex Taylor, jeune auteur de Caroline du Nord, est encore plus noir. Si, si c'est possible ! 

Mais le roman est d'abord sauvé par son écriture, fine, précise, et même ciselée qui contraste avec les horreurs suggérées. Et Alex Taylor est assez habile pour ménager à chaque fois, une petite chance de survie à ses personnages, pourtant placés dans des conditions climatiques extrêmes et soumis à tous les dangers, qu'ils proviennent des hommes ou de la nature. 

L'histoire se se situe au milieu du XVIIIe siècle dans les montagnes de Virginie, en plein hiver alors que pionniers et Indiens s'affrontent dans une guerre sans merci. Pionniers et Indiens mais aussi pionniers entre eux, parce que les uns et les autres semblent rivaliser de sauvagerie, y compris les Français égarés en ces lieux. Se battre contre la nature, se battre contre les hommes et survivre malgré tout, c'est bien sur ces bases que s'est fondée l'Amérique. Le savoir permet juste de mieux comprendre la suite de l'Histoire et peut-être le présent.

 

 


24 décembre 2020

Une minute de soleil en plus, ça compte ?

 

Peut-être pas pour voir vraiment la vie en rose, mais c'est un début, non ?  



22 décembre 2020

L'homme qui tua Liberty Valance

 Ils sont là tous les trois : James Steward, Lee Marvin et John Wayne. Ou plutôt Ransom Stoddad, l'avocat venu de l'Est qui ne croit qu'à la force de la loi, Liberty Valance, le bandit sans foi ni loi et Tom Donophon qui ne croit lui qu'à la force des armes.

Commen résister au Mal : un dilemme très fordien qui, d'une certaine façon,  résume toute l'histoire de l'Amérique qui jusqu'à aujourd'hui encore hésite entre deux façons de résoudre les conflits. Faut-il laisser l'individu libre de régler les problèmes à sa façon, au risque de la violence et ou faut-il imposer le détour par des instances supérieures issues de la collectivité. Forcément plus lentes à réagir, et moins au courant des faits, donc a priori moins efficaces. Le réflexe immédiat ou le geste réfléchi ? L'individu ou le groupe ?  Sachant que pour obtenir l'adhésion du groupe, il faut tabler d'abord sur l'éducation, forcément à long terme... 

Je ne sais pas si l'on étudie beaucoup les westerns à l'Ena, mais peut-être devrait-on .... 

 

 

21 décembre 2020

Solstice d'hiver

 Demain les jours rallongent ! 

Alors, en attendant le retour des longs jours, des "beaux jours" trop incertains, profitons déjà de celui-ci.

18 décembre 2020

David Joy, Ce lien entre nous

 


 

Ce nouveau roman de David Joy, jeune auteur de Caroline du Nord est brillant mais très dur; il faut avoir l'âme et l'estomac bien accroché pour avancer dans sa lecture. 

Dire que tout commence avec un accident de chasse, ce n'est pas dire grand chose. Un accident est certes une tragédie, mais la décision que prend le tireur de dissimuler le cadavre et pour cela de faire appel à son meilleur ami a des conséquences effroyables. Autrement dit l'histoire commence très mal et ne peut aller que de mal en pis. 

Pourtant malgré quelques scènes bien flippantes, et parfois franchement macabres, le roman est passionnant car il s'agit avant tout d'un débat moral. Jusqu'où un être humain est-il capable d'aller ? Qu'est-il prêt à sacrifier ? Comment décider entre la vie et la mort, la sienne ou celle d'autrui? 

Ce lien entre nous est certes une histoire des Appalaches, un décor somptueux, sauvage et même brutal, celui dans lequel vivent depuis des lustres des fermiers, qui se battent contre les éléments et vivent de peu,  des gens frustres qui ont parfois du mal à exprimer ce qu'ils ressentent, mais ce n'est pas pour cela qu'ils ne se posent pas de questions. Y compris des questions sur le sens de leur existence. Et c'est en cela que ce roman est, malgré sa dureté tout à fait passionnant !

14 décembre 2020

Leonardo Padura, La Transparence du temps


 

Il y a longtemps que j'aurais dû lire Leonardo Padura, parce que son dernier roman, paru il y a déjà 2 ans et qui met en scène le très intuitif Mario Conde,  m'a beaucoup plus. 

Mario Conde est un flic à la retraite qui, comme dans tous les polars, se pose des questions existentielles; ce qui ne l'empêche pas d'enquêter à la demande de son ami Bobby sur la disparition d'une statue de la vierge de Regla, une vierge noire. L'enquête révèle bien sûr son lot de surprises, mais elle révèle surtout la vie de tous les jours des habitants de la Havane, avec là comme partout ailleurs, des quartiers chics et des quartiers miséreux, des gens honnêtes et d'autres qui le sont moins. 

 Mais on est à Cuba et à Cuba rien n'est tout à fait comme ailleurs. Il y a tout un passé  économiquement difficile surtout après la chute de l'URSS, il y a toutes les hypocrisies idéologiques, il y a l'ingéniosité et le sens de la débrouille des cubains pour arriver à survivre malgré tout et même à rire, boire et manger; parce qu'il y a avant tout l'amitié chaleureuse, la solidarité, la générosité et l'humour des Cubains. 

Alors, La Transparence du temps, un roman policier ? Oui et beaucoup plus que cela !  Et Leonardo Padura est un écrivain particulièrement habile. Parce qu'il parvient à glisser, sans nuire à la continuité romanesque,  et en remontant jusqu'au temps des croisades, l'histoire de la fameuse statue de la vierge noire ! 

Oui vraiment j'ai beaucoup aimé ce roman, aimé les personnages autant que les descriptions de la Havane, de ses vieux immeubles décatis ou rénovés,  autant les références à l'histoire récente de Cuba que les interrogations de Mario Conde sur sa vie et sur la vie en général. 

Et oui, j'avoue avoir craqué pour Mario Conde, en lisant p. 44 de l'édition Métailié  : « La mer l’avait toujours attiré comme un aimant : contempler l’océan, jouir de sa couleur et de son odeur, du mystère de ses profondeurs insondables, lui procurait une puissante sensation d’empathie et d’apaisement. Plus qu’une limite et un enfermement, il y voyait des promesses de liberté. […] le rêve d’avoir une maison modeste, face à la mer, fut une de ses aspirations les plus récurrentes. » Quand un écrivain exprime aussi bien mes rêves de toujours ...

Et comme il me reste les  8 premiers  romans de la série à lire, j'ai un réjouissant programme de lecture devant moi. A défaut de retourner un jour peut-être à Cuba !

11 décembre 2020

10 décembre 2020

Sophie Van der Linden, Après Constantinople

 

Georges-Henri François, un peintre estimé du début du XIXe siècle, parti en mission diplomatique à Constantinople, est sur le chemin du retour. Mais sur un coup de tête il quitte ses collègues et, à la voie maritime, préfère la voie terrestre, plus lente, qui lui permettra de rejoindre l’atelier, situé aux confins de l’Epire et de la Thessalie, où sont fabriquées les fustanelles dont il s’est entiché. 

Vous voilà déjà perdu ? Loin, bien loin de la pandémie d’aujourd’hui ? Parfait, je peux continuer. Non ? Vous bloquez sur les fustanelles ? En voilà une ...

 

http://lajupepourhommes.fr/fustanelle/

 

Et l'histoire de ce peintre prêt à tout pour se procurer des fustanelles dont la blancheur défie son pinceau, devient rapidement intrigante. 

Sophie Van Der Linden, qui a commis ce drôle de petit roman est assez douée pour nous faire croire à cette longue chevauchée, à travers des paysages inconnus, à cette rencontre avec une mystérieuse sultane noire, maîtresse de la citadelle. Elle est surtout très douée pour nous faire vivre cette aventure à travers le regard d’un peintre, qui a un sens aigu des couleurs, des formes et des matières ce qui fait d’Après Constantinople un roman aussi sensuel que poétique.

Dans les descriptions, on croit parfois identifier un tableau, la manière d’un peintre, Chardin peut-être, bien qu’il ne s’agisse aucunement d’une biographie déguisée. Non, Après Constantinople est tout simplement un roman qui s’inscrit dans la veine orientaliste, celle qui avait déjà fait le succès d’Alessandro Baricco, l’auteur de Soie. Et se laisser emporter dans ce monde imaginaire pourtant décrit de façon très précise, très concrète, fait un bien fou. D'autant que le peintre arrivé jusqu'à la fabrique des fustanelles, n'est pas au bout de ces surprises.

  Après Constantinople est un objet littéraire non identifié et le meilleur moyen d'échapper, pour un temps, à la réalité confinée de cette fin d'année.


09 décembre 2020

Les Cavaliers

Encore un western qui n'en est pas vraiment un. Puisqu'il s'agit en réalité de la guerre de Sécession, que l'histoire se passe dans le Sud des Etats-Unis (une marche des Yankees vers Bâton rouge pour détruire une voie de chemin de fer utilisée par les Sudistes). Oui mais il y a John Wayne en colonel bougon et le film est signé John Ford, alors forcément, Les Cavaliers est considéré comme un western. Et vu le nombre de "westerns"qui s'emparent d'un épisode de la guerre civile pour construire leur scénario, je me dis qu'il convient peut-être d'avoir une conception plus élargie du genre qui, apparemment ne se limite pas à la seule conquête de l'Ouest.


En fait, Les Cavaliers commence assez mal avec un personnage de "Southern Belle" plus maniérée que jamais, blonde à faire peur et lèvres presque sanglantes à force d'être maquillées. D'ailleurs, quelques épisodes plus loin, après des jours de marche forcée et de bivouacs inconfortables elle a changé plusieurs fois de tenue et son maquillage tient presque toujours aussi bien. D'accord c'est du cinéma mais quand même ! John Wayne, ex-cantonnier devenu Colonel joue le même rôle que dans tous ses films : écorce rugueuse et coeur tendre. Un troisième personnage pour équilibrer le scénario, William Holden en médecin-major raisonnable et compatissant. Rien de bien neuf dans le scénario et les personnages.

Pourtant, malgré mes réticences initiales et les grosses ficelles du scénario, je me suis finalement laissée emporter par cette histoire qui sans prendre partie pour le Nord ou le Sud, montre simplement la brutalité et l'absurdité de la guerre.  

Un monde très fordien au fond, sombre, cruel avec parfois quelques éclairs de générosité.  Et une insistance sur l'origine sociale du personnage principal, un cantonnier que sa bravoure a fait monter au grade de colonel, en face d'aristocrates issus de West-Point. Sans oublier un homme politique ambitieux qui au milieu du combat ne pense qu'à sa carrière jusqu'à viser le poste de gouverneur. Que la guerre vienne perturber l'ordonnancement des classes sociales ne justifie certainement pas la guerre, mais c'est un fil du scénario qui m'a paru ... intéressant ! 




08 décembre 2020

La piste de Santa Fe

 A peine un western, bien que l'essentiel se passe à l'Ouest du Missouri. Plutôt un film historique qui met en scène John Brown, le militant anti-esclavagiste qui s'était mis dans la tête de libérer les esclaves - sans trop se soucier de ce qu'ils allaient devenir ensuite. Et qui, pour accélérer le processus, avait appelé à la révolte armée. 

Le film de Michael Curtiz rassemble du beau monde, Erroll Flynn, Olivia de Haviland, Raymond Massey et même Ronald Reagan (si, si !) ce qui n'en fait pas pour autant un très bon film parce que le personnage de John Brown est passablement outrancier. C'était à n'en pas douter, un illuminé, qui comme beaucoup d'autres se croyait l'envoyé de Dieu, chargé de rétablir la justice sur cette terre; le personnage était assez fou comme ça et il n'était pas nécessaire de rajouter grimaces sur grimaces. 

En face de lui, d'héroïques jeunes gens, tout frais issu de Westpoint qui en sont à leurs premiers faits d'armes dans un territoire qu'ils ne connaissent pas. Ils ont la fougue et les illusions de la jeunesse, ils sont prêts à risquer leur vie pour une cause qu'ils croient juste (ou pour les beaux yeux de Kit Carson !).


Un des intérêt du film tient au fait que ces "héros" ont pour nom Jefferson Davis, Robert Lee, George Amstrong Custer, Jeb Stuart,  Philip Sheridan qui tous s'illustreront pendant la guerre de sécession qui éclate 2 ans après l'épisode final du film. Du côté de l'Union ou du côté des Confédérés.  

Cependant la question qui hante tout le film est bien celle des moyens mis au service d'une bonne cause. Car John Brown, c'est entendu, se bat contre l'esclavage, mais dans son fanatisme il est prêt à toutes les violences. N'est-ce pas l'éternel dilemme ? Celui de la fin et des moyens, qui devrait hanter tout homme politique qui se respecte.

07 décembre 2020

Elliot Ackerman, Le Passage

Des phrases courtes, une écriture un peu plate, presque maladroite. Froide plutôt. A laquelle on s'habitue petit à petit et c'est mieux comme cela parce que l'émotion est tout entière dans ce qui est raconté. 

On suit en effet dans ce roman, qui prend parfois des allures de reportage, l'empathie en plus, les déambulations de Harris Abadi, ancien interprète pour l'armée américaine, qui a émigré aux Etats-Unis, a pris la nationalité américaine et puis est revenu  pour essayer de rejoindre les Forces libres de Syrie. Après une première tentative ratée, il rencontre Amir et Daphnée qui ont échappé à un bombardement à Alep, mais ont perdu leur fille. 

Voilà, tout se passe dans ce territoire mal défini, où des forces ennemies s'affrontent, et où quelques individus essayent de survivre et parfois de trouver quelques raisons de vivre, alors même qu'ils ne peuvent faire confiance à personne et doivent prendre tous les risques.


Le passage n'est pas un roman réjouissant, loin de là. C'est un roman de guerre, une guerre d'aujourd'hui que nous essayons d'oublier malgré les informations que les médias diffusent chaque jour. C'est un roman surtout qui montre la difficulté qu'éprouve chaque personnage à décider par lui-même des valeurs pour lesquelles il est prêt à se battre, il est prêt à mourir. 

La véracité du roman tient pour beaucoup à l'expérience de l'auteur, ancien marine qui a servi à plusieurs reprises en Irak et en Afghanistan. On le croit sur parole.

 

05 décembre 2020

Ben oui, il a neigé

Et ça me file le blues ... 


 

03 décembre 2020

Les mémoires d'Obama


Plus de 800 pages, et ce n'est que le premier volume ! Car, non, Barak Obama ne maîtrise pas encore l'art de la concision, comme il le reconnaît volontiers lui-même. Mais l'avantage, c'est que le lecteur, qui n'a pas nécessairement suivi très attentivement tous les méandres de la politique intérieure américaine, ou de la politique mondiale, n'a pas de difficulté à suivre les explications du Président tant son écriture est claire et fluide. Comme il maîtrise en outre l'art du "page turner" qui consiste à suspendre chaque chapitre à un moment capital du récit, on glisse d'un chapitre à l'autre sans même s'en apercevoir. Et si, par moment la narration devient un peu trop terre à terre, ou technique, une anecdote empruntée au domaine privée, un trait d'humour entre collaborateurs enlève ce que la restitution des faits pouvait avoir de fastidieux. 

Barak Obama a incontestablement la plume non seulement facile mais élégante. Il a, de surcroit, été bien accompagné par les professionnels du livre, traducteurs compris, auxquels il rend hommage à la fin de son livre. Et La Terre promise, malgré ses 800 pages, - et son titre un peu trop biblique à mon goût - se lit comme un véritable roman. 

Pas de vrai suspense puisque le déroulé de l'histoire est déjà connu. En gros. Et Obama alterne intelligemment affaires de politique intérieure et affaires de politique internationales. Mais avant même qu'il ne touche à la politique internationale, on voit clairement les répercussions des crises états-uniennes ((la crise des subprimes, le sauvetage de l'industrie automobile, l'explosion de la plateforme pétrolière au large de la Louisiane)) sur l'ensemble du monde.

 Persuadé de sa supériorité intellectuelle, Obama, pas plus d'ailleurs que les présidents qui l'on précédé, ne rechigne à donner son point de vue, à conseiller, voire à intervenir dans la gouvernance de l'Europe, de l'Asie ou de l'Afrique. Certes, il ne dissimule pas ses doutes, ses inquiétudes, prend soin d'écouter ses conseillers, de créer des commissions. Mais à la fin c'est à lui qu'incombe la décision finale. Y compris celle d'envoyer plus de troupes en Afghanistan alors même qu'il vient de recevoir le prix Nobel ou d'ordonner l'attaque qui permettra éliminer Ben Laden.  

Les "mémoires" constituent un genre littéraire particulier puisqu'il s'agit toujours de donner sa propre version des faits et non pas celle des opposants, alors qu'un historien s'efforcerait de rendre compte objectivement de toutes les forces en présence. Il s'agit aussi de faire, à travers le récit des faits, son propre portrait et il est évident que chaque mémorialiste cherche à se présenter sous son meilleur jour. Il ne faut donc pas chercher dans ce récit une vérité objective, et d'ailleurs, ce qui m'a le plus intéressée, c'est de pénétrer dans les coulisses du pouvoir et de constater comment il opère. Quels sont les paramètres pris en compte, quels sont les ressorts, y compris psychologiques, les influences qui permettent à un individu de prendre des décisions dont les conséquences engagent le sort de tant d'individus. 

Malgré l'énergie, le courage et l'intelligence d'Obama, son idéalisme politique ne fait pas long feu devant les attaques de ses adversaires et du projet au résultat, le chemin est souvent tortueux, fait de compromis, de subtiles manoeuvres de contournement, de petits renoncements, et de grandes déceptions. 

 Le présent se lit mieux à la lumière du passé, et l'on comprend assez vite que les vilains d'aujourd'hui, étaient déjà à la manoeuvre en 2008 et que l'arrivée au pouvoir d'un "homme, jeune, noir, avec un nom vaguement arabe " était pour beaucoup d'Américains tout simplement insupportable. Voilà pourquoi, les Républicains, après avoir, pendant 8 ans, fait tout ce qui était possible pour empêcher Obama d'arriver à ses fins, se sont acharnés, pendant  les 4 ans  qui viennent de s'écouler, à détruire tout ce qu'il était parvenu à faire.

La terre promise est une terre que l'on désire, sans jamais y accéder. Et le premier volume des mémoires de Barak Obama est, en même temps qu'un passionnant rappel historique, une extraordinaire leçon de réalisme politique. Sa lecture est agréable mais la leçon est amère.

30 novembre 2020

Soleil rouge

 Le film, pourtant signé Terence Young, est je crois un des plus mauvais westerns que j'ai vu : scénario tiré par les cheveux qui traîne en longueur, un comble pour ce genre de film. L'idée de départ était d'apparier  un cow-boy et un samouraï, un homme sans foi ni loi et un autre avec un code d'honneur strict : Charles Brownson face à Toshirô Mifune, armes à feu contre armes blanches. Oui, on fait semblant d'y croire, persuadé dès le départ que les valeurs de l'un finiront par contaminer celles de l'autre. Mais ce sont bien les seuls personnages à peu près crédibles de ce scénario malgré la présence à l'affiche d'Alain Delon et d'Ursula Andress, tous les deux très mauvais. Comme le sont l'ensemble des seconds rôles. 

Bref un film artificiel, qui ne nous apprend rien sur l'Amérique ni sur le Japon, mais enfile les clichés comme d'autres enfilent des perles. Pour moi, rien à sauver de ce Soleil rouge, tourné dans la grisaille. 

29 novembre 2020

26 novembre 2020

La culture entre deux chaises



 

"La réouverture des églises, synagogues et mosquées dès ce week-end interroge sur les logiques à l’œuvre dans l’agenda d’un déconfinement qui ne dit pas son nom, puisque rien dans la documentation scientifique existante des modes de transmission et des clusters n’indique qu’aller à la messe serait moins propice à la contamination qu’une séance de cinéma, ou une déambulation au milieu des toiles de Matisse – ce serait même plutôt l’inverse. Dans la course à l’échalote hautement inflammatoire de l’essentiel et de l’inessentiel, cette priorité dévolue à la pratique religieuse en ce pays laïc, dit de l’exception culturelle, relève soit d’une aberration, soit d’un arrangement politicien à tout le moins discutable. Le hiatus de deux semaines entre réouverture des lieux de culte et celle, encore virtuelle, de la majorité des lieux de culture, réduit sévèrement le champ des nourritures spirituelles et nous renvoie pour quinze jours au Moyen Âge, quand l’art ne pouvait s’admirer qu’au prisme des vitraux et au son de l’orgue, dans les églises. Vivement la Renaissance."

                                                            Julien Fester et Didier Péron


Libé Culture <newsletter@newsletter.liberation.fr>

25 novembre 2020

Les Grands espaces

 Celui-là, il tombe vraiment à pic ! Parce que des espaces à perte de vue, il y en a du début jusqu'à la fin. Avec une phrase-leitmotiv qui devient un motif de plaisanterie : "This is a BIG COUNTRY". Et non, il ne s'agit pas de nationalisme et de puissance politique, mais bien de l'immensité des paysages. Tout ce qui me manque en ce moment. 


Paysages mis à part, le film de Willy Wilder est un grand film, réjouissant du début jusqu'à la fin. Avec un casting éblouissant, Gregory Peck dans le rôle d'un ancien capitaine qui sait naviguer à la boussole,  Jean Simmons, la brune avec la tête sur les épaules, Carol Baker, la blonde enfant gâtée qui ne fait pas la différence entre la force et la violence, Charlton Heston en amoureux éconduit mais fidèle à son boss. Burl Ives et Charles Bickford enfin dans le rôles des ranchers ennemis. Car tout ce petite monde se dispute pour le seul trou d'eau à la ronde où les troupeaux peuvent venir boire. 

Si la dispute pour une terre convoitée constitue l'essentiel de l'intrigue, l'affrontement entre les cow-boys aussi habiles à manier chevaux et fusils qu'à en venir aux poings, et l'homme élégant venu de l'Est qui considère que la négociation et la diplomatie valent mieux que la force brutale, permet de lire le film comme un message politique. Il y est question de réagir sur le coup de l'émotion et de rendre coup pour coup, ou au contraire de prendre le temps de la réflexion, d'analyser la situation pour répondre de façon réfléchie et mesurée. La maîtrise de soi plus que la force des muscles devient l'insigne du courage.

Une leçon somme toute originale pour un genre qui a souvent fait l'éloge de la gâchette. Une leçon dont les politiciens d'aujourd'hui pourraient sans doute profiter.... s'ils prenaient le temps de regarder des westerns !

 

24 novembre 2020

Petites baies rouges


 Celles du cotoneaster ...

ou celles du houx

Jolies mais un peu toxiques quand même. 


22 novembre 2020

3h10 pour Yuma

Ma relecture des "meilleurs westerns" américains progresse un peu par sauts et gambades en fonction de la programmation des chaînes télé ou des mes trouvailles en bibliothèque. Mais j'avoue une petite préférence pour ceux des années 50. Comme ce 3h10 pour Yuma. Une merveille dans son genre qui en décevra peut-être certain car ce n'est pas vraiment un film d'action, bien qu'il y ait une attaque de diligence, une bande de hors-la-loi déterminés, un saloon (et bien sûr un ivrogne), un shérif dépassé par les événements et un fermier qui se bat pour la survie de son ranch et de sa famille. 

Mais voilà, le réalisateur, Delmer Daves a eu l'audace de garder tous les codes du genre tout en jouant de des ressources du thriller psychologique. Et son coup de maître tient pour beaucoup au choix des acteurs : Glen Ford est parfait dans le rôle du hors-la-loi brutal et mélancolique, dont le pouvoir tient moins à son habileté à la gâchette qu'à ses capacités de manipulateur. Face à lui, Van Heflin est le plus souvent en retrait, mais son rôle n'est pas moins subtil. Héro solitaire, il doit faire face à une bande de criminels aguerris pour sauver non seulement sa terre, mais son couple, sa famille et surtout son honneur. 

Les enjeux du scenario en une seule photo : à gauche Ben Wade qui doit être jugé pour la mort de 2 hommes; à droite, Dan Evans, chargé de convoyer le criminel jusqu'au train. Au centre et légèrement en retrait, le banquier propriétaire de l'argent volé pendant l'attaque de la diligence, qui a promis une importante récompense à celui qui se chargerait de convoyer le criminel jusqu'au train. Parce que, dans les westerns comme dans la vraie vie, c'est l'argent qui mène le monde, n'est-ce pas ? 

J'avais vu a sa sortie en 2007, le remake de ce film. Contente aujourd'hui d'en avoir vu l'original. 


21 novembre 2020

Juste un très beau ciel ...

dans lequel l'oeil se perd.
 


20 novembre 2020

Tom Cooper, Les Maraudeurs

 


Se plonger direct dans le roman et partir très loin, vers le Delta du Mississippi. La baie de Barataria n'est qu'à une 1/2 heure de la Nouvelle Orléans, mais c'est un autre monde. Celui des bayous, des cyprès noyés dans l'eau et couverts de mousse espagnole, des eaux fangeuses où traînent des alligators, un territoire noyé entre le ciel et l'eau qui sert d'habitat à toutes sortes de serpents et autres bêtes peu plaisantes.

 

A Jeanette, dernière terre habitée avant la baie, survit une population qui après avoir pris de plein fouet l'ouragan  Katrina en 2005, a connu la pire marée noire de son histoire en 2010, à la suite de l'explosion d'une plate-forme pétrolière. Les habitants sont pour la plupart des pêcheurs de crevette, mais personne n'achète plus le rare produit de leur pêche. Chacun se bat tant bien que mal pour survivre, et le combat est loin d'être gagné d'avance. Pour la plupart des personnages il est définitivement perdu. 

Mais avant d'arriver au terme du roman, Tom Cooper nous a fait partager l'existence de Lindquist qui à la pêche préfère son détecteur de métal tant il est persuadé de retrouver un jour le trésor de Jean Lafitte, le célèbre flibustier, ancien roi du bayou; on partage aussi l'existence des frères Toup, jumeaux monstrueux qui cultivent de la marijuana sur un des innombrables îlots de la baie,  et celle de Hanson et Cosgrove, deux losers pitoyables, celle de Grimes envoyé par la compagnie pétrolière pour renoncer à toute poursuite contre un chèque.  Autant de personnages hauts en couleurs et parfaitement campés, comme on a peu de chance d'en croiser dans nos vies bien sages. 

Et puis il y a Wes Trench, encore adolescent et son père.  La mère de Wes a disparu pendant l'ouragan et la relation entre le père et le fils est devenue de plus en plus chaotique. Sur un coup de tête, Wes quitte le bateau de son père, et s'efforce, tant bien que mal de trouver sa place au milieux des autres clampins du bayou avant de décider ce qu'il va faire de sa vie. On peut, c'est certain lire Les Maraudeurs comme un roman de formation, mais il faut bien reconnaître que grandir dans la baie de Barataria n'est pas facile et qu'il y faut une grande capacité de résilience et pas mal de détermination. 

Dépaysant et même un peu inquiétant par le milieu qu'il décrit, le roman de Tom Cooper est aussi, d'une certaine façon, un roman psychologique. Une alliance inhabituelle et très réussie.

Bonne nouvelle, le roman est aussi publié en poche ! 


18 novembre 2020

Julia Phillips, Dégels

Le Kamtchatka ... trois syllabes qui claquent et déjà l'imagination s'envole loin, très loin, jusque vers cette péninsule de l' Extrême-Orient soviétique. 

Pour y trouver deux petites filles, deux adorables chipies, Sophia et Alyona, qui par un beau jour de juillet, reviennent de la plage où elles ont passé l'après-midi et .... disparaissent ! Disparition inquiétante, c'est le terme policier car le roman de Julia Phillips commence bien comme un roman policier. Du genre "on a tout compris!". 

Mais non, rien compris du tout puisqu'au chapitre suivant on change non pas de lieu - on est toujours au Kamtchatka -  mais de personnages. On est en Septembre et on s'intéresse désormais à Olya et Diana, deux adolescentes à l'amitié tumultueuse. Le chapitre nous donne aussi l'occasion de faire la connaissance de Valentina (la mère d'une des adolescentes) et du policier qui mène l'enquête. Car non, la disparition des petites filles du premier chapitre n'est pas oubliée. 

Au chapitre suivant, on est en octobre, et.... inutile de poursuivre le résumé car on comprend rapidement que le roman procède chronologiquement, que chaque chapitre correspond à un mois et introduit de nouveaux personnages, pour la plupart féminins, qui ont nécessairement un lien avec l'événement initial, sans que cela soit bien clair au début, mais peu à peu la certitude s'installe : c 'est un gigantesque puzzle qui est en train de se mettre en place. Au lecteur de retrouver l'ordre initial des pièces.



Dégels est un formidable roman monté autour d'une intrigue policière. 

Dégels, c'est aussi une fresque qui propose une bonne douzaine de portraits de femmes, de tous âges, conditions, professions, situations familiales ou amoureuses. Des enfants, des adolescentes, des jeunes femmes, des mères fatiguées, des célibataires en mal d'amour, chaque personnage étant vu comme de l'intérieur, dans ce flux de la pensée qui se traduit par des gestes ordinaires. Quelques personnages masculins aussi. Evidemment.

Dégels est un roman totalement dépaysant, un roman qui permet de découvrir une contrée non seulement lointaine mais très peu connue parce qu'à part des montagnes, des volcans et des ours, il n'y a pas grand' chose pour attirer les touristes. Mais ça n'a pas manqué, arrivée au milieu du roman j'ai craqué et je suis passée sur Google map pour faire la route avec les personnages, entre Petroplavlosk, la capitale du Kamtchatka (182711 habitants), la région du Nord, Esso (1924 habitants) et  Palana, plus au Nord encore, territoire des Evènes, ethnie minoritaire. Car le roman de Julia Phillips, mine de rien, nous en apprend beaucoup sur la société post-soviétique et en particulier sur les relations entre les différentes populations du Kamtchatka. 

Dégels en fin de compte c'est toute la littérature que j'aime, celle qui me fait voyager par procuration, y compris et surtout dans des lieux où je n'irai jamais; celle surtout qui, par personnages interposés, m'en apprend un peu plus sur notre humanité. 

Le plus étonnant à propos de ce roman aux allures de roman russe, est de découvrir que son auteur, Julia Phillips est américaine, qu'elle parle russe et qu'elle a passé un an au Kamtchatka, un pays que visiblement elle a beaucoup aimé. 

https://www.themoscowtimes.com/2011/11/02/welcome-to-kamchatka-a34706

Si le voyage plus que la lecture vous tente, cette photo de Petropavlosk ...

et ce reportage trouvé dans Geo :

https://photo.geo.fr/viree-sauvage-au-kamtchatka-35488#retour-a-l-etat-sauvage-615318

17 novembre 2020

Giosuè Calaciura, Le Tram de Noël


Dans le tram, à part le conducteur enfermé dans sa cabine, il n'y a personne. Ah si ! un enfant nouveau né déposé sur un siège à l'arrière.... il ne pleure pas, ne fait pas de bruit. 

Au premier arrêt monte un couple mal assorti, une jeune fille noire - déjà vieille de voyages, d'abus et d'aventures - et son client, blanc, à peine moins pauvre qu'elle. 

A l'arrêt suivant, deux hommes : un domestique et un vendeur de parapluies, clandestin bien entendu. 

Et ainsi de suite. A chaque arrêt, c'est toute la misère du monde qui monte dans ce tram qui roule dans la nuit noire et emmène ses étranges passagers regroupés autour de l'enfant nouveau-né vers leur destin.

 Le Tram de Noël est un conte façon Dickens, que l'on commence avec un certain détachement avant de se laisser prendre à cette fable toute simple en 12 chapitres, une fable qui nous parle du monde d'aujourd'hui, éclairé seulement par la lumière intermittente des réverbères. Mais un monde qui malgré sa grande misère n'est pas dépourvu d'humanité.

Les personnages de  Giosuè Calaciura, bien que fictifs, ressemblent à ceux que l'on croise dans la rue sans les voir, ou plutôt sans les regarder.  Ce sont les mots de Calaciura qui permettent au lecteur  d'ouvrir les yeux, d'imaginer leur histoire, de ressentir leur détresse.  Au talent de l'écrivain s'ajoute celui de l'illustrateur, Gérard Dubois, qui fait surgir de la nuit ce tram rouge et ses passagers.  

Au final, un joli petit livre, mais aussi un livre grave, que l'on offrirait volontiers autour de soi. Peut-être pas à des enfants, mais à des amis c'est certain.

14 novembre 2020

Un rond-point ordinaire ...

magnifié  au soleil couchant par les graminées ...

 ... des Miscanthus sinensis (Roseaux de Chine) ?

 

13 novembre 2020

La Prisonnière du désert

Après 2 westerns pas terribles, il était temps que j'en retrouve un vraiment bon. Et La Prisonnière du désert, tourné en 1956 par John Ford est indéniablement un des meilleur. Ne serait-ce que par la beauté des paysages où évoluent les personnages, entre Arizona, Utah et Nouveau-Mexique.

L'histoire, qui se déroule sur plusieurs années,permet en outre à John Ford de jouer sur les changements de saison et la séquence des chevaux dans la neige est particulièrement réussie.

 

Enfin, au lieu de suivre un seul fil,  l'intrigue en croise plusieurs. Bien sûr il s'agit avant tout de la quête entreprise par Ethan pour retrouver ses nièces  Lucy et Debbie enlevées par les Commanches. Il est aidé dans sa recherche par Martin, considéré comme leur frère, bien qu'il ne soit qu'un enfant trouvé, recueilli autrefois par Ethan, et vraisemblablement métis. Ce qui permet d'introduire un des thèmes forts du film : la haine qu'Ethan professe à l'égard des Indiens alors même qu'il parle leur langue et connaît leurs moeurs. 

Mais John Ford se garde bien de trop appuyer son propos et d'appesantir son film avec une thématique qui, dans les années 50 reste encore très dérangeante. Il préfère rester allusif sur les raisons qui peuvent expliquer le racisme de son héros et divertir le spectateur avec la romance  sans cesse interrompue entre Martin et Laurie; et entourer les deux personnages principaux d'une bande de rangers mené par un prêcheur qui passe allègrement du chapeau clérical au Stetson du shérif. 

Restent quelques scènes exceptionnelles qui marquent à jamais le spectateur, comme celle des bisons, dont ont sait qu'ils ont été exterminés pour le simple plaisir de la chasse mais aussi pour affamer les Indiens comme il est suggéré dans le film. Et l'image finale, qui accompagne Ethan lorsque sa quête accomplie, il repart vers son destin, aussi attendue qu'elle soit, elle est tout simplement inoubliable. 

11 novembre 2020

Norman Rockwell

En feuilletant un vieux livre sur Norman Rockwell je suis tombée sur les quatre tableaux peints en référence à un discours prononcé par Roosevelt le 6 Janvier 41. Ce discours sur L'état de l'Union mettait en avant les 4 liberté fondamentales auxquelles chacun dans le monde devrait avoir droit : 

Freedom of speech, Freedom of worship, Freedom from want, Freedom from fear.

Liberté de parole, liberté de culte bien sûr, mais ce sont les deux dernières que j'ai retenue parce que les choix de mise en scène faits par Roosevelt peuvent aisément être détournées pour illustrer nos préoccupations actuelles. 


A l'abri de la peur ...  Certes, ce ne sont plus les bombardements que craignent ces parents attentionnés, mais plutôt la maladie et la mort. Bien qu'il faille aujourd'hui plutôt veiller sur ses vieux parents que sur ses enfants.

 A l'abri du besoin ....  Certes, à voir la taille de la dinde on se dit que le tableau ne suggère ni la disette ni même la pénurie puisque cette famille est réunie autour de la table pour faire bombance à l'occasion de Thanksgiving, ou de Noël. Mais la crise économique d'aujourd'hui risque de réduire pour beaucoup la taille des portions et le Covid, le nombre des convives. 

La réalité n'est pas gaie, c'est vrai. mais les tableaux de Norman Rockwell sont délicieusement kitsch, et même un peu ringards, nostalgiques aussi, mais toujours d'actualité, comme en témoigne ce montagne photographique trouvé sur le site de l'Arkansas Democrat Gazette qui permet de mesurer l'évolution de la société depuis Rockwell tout en gardant à l'esprit l'idéal politique de Roosevelt.

Artists Hank Willis Thomas and Emily Shur reimagined Norman Rockwell's historic "Four Freedoms" paintings through the lens of contemporary America. The series and synonymous "For Freedoms" project inspired Crystal Bridges Museum to host a series of panel conversations to engage the community. (Courtesy photos/Hank Willis Thomas + Emily Shur, and For Freedoms)

Reste à brancher les hauts-parleurs et si vous êtes fan d'Eddy Mitchell, d'écouter en boucle sa si jolie chanson, Un portrait de Norman Rockwell. La vidéo est illustrée avec des tableaux du peintre, mais attention, il y a un intrus dans la série !

 

  https://youtu.be/gkvRNIzQCpI