31 août 2020

Gerbrand Bakker, Parce que les fleurs sont blanches


Parce que les fleurs sont blanches est un très beau roman, horriblement triste et pourtant très beau ! Mais ne sait on pas, depuis Musset que les chants désespérés sont les chants les plus beaux ? 

Il faut certes un grand écrivain pour faire d'une tragédie - un accident de voiture aux conséquences désastreuses un roman aussi délicat. Gerbrand Bakker est cet écrivain qui a su créer autour de quatre personnages - un père et ses trois fils, sans oublier Daan, le chien - une famille particulièrement unie malgré le départ inexpliquée de la mère. Les garçons, des jumeaux et leur jeune frère, Gerson jouent, se disputent, boudent, rient comme tous les enfants et c'est peut-être cette justesse dans leurs relations qui fait le charme du livre. Comme la délicatesse avec laquelle sont traités les scènes qui pourraient être  larmoyantes, alors qu'elles sont juste... déchirantes. 

L'écriture paraît simple et facile sans doute grâce au talent de la traductrice, Françoise Antoine qui a su en restituer la limpidité, dans les passages les plus poétiques comme dans les plus dramatiques. Si bien que j'ai gardé de ma lecture une impression plus douce qu'amère.

30 août 2020

La Femme des steppes, le flic, l'oeuf

 La juxtaposition surréaliste des mots du titre sonne comme une promesse : ce film ne ressemblera à aucun autre. Et c'est effectivement le cas ! Le résumer ou même le raconter n'a pas grand intérêt car il faut au contraire se laisser surprendre par les situations incongrues que nous propose le réalisateur (chinois) Quan'an Wang, se laisser surprendre aussi par l'enchaînement parfois étonnant des scènes. Il faut surtout s'abandonner à la splendeur des paysages, à l'immensité de la steppe, à la beauté des lumières.... mais aussi au réalisme et à la crudité de certaines scènes. 

Tout dans ce film est surprenant :  les personnages, l'intrigue policière vite oubliée au profit d'une histoire d'amour, la façon de filmer, d'enchaîner les travellings dans les deux sens, le montage pour le moins haché .... On retrouve ainsi le plaisir d'un cinéma "artisanal", comme si le réalisateur réinventait à chaque séquence le cinéma et le plaisir de filmer.

28 août 2020

Eva en août

Que faire à Madrid en août, lorsque la chaleur est accablante et que la plupart des Madrilènes ont fui la ville ? Traîner dans l'appartement prêté par un ami, puis sortir, marcher sans but et se laisser porter par le hasard des rencontres ? C'est ce que fait Eva, trentenaire et célibataire, sans attache et sans projet, mais ouverte à tout. 

Sur un scenario aussi flou, difficile de faire un film très dynamique, pourtant on se fait peu à peu au rythme nonchalant et on finit même par trouver un certain charme à ces personnages qui semblent flotter dans leur vie comme dans l'eau de la rivière. Vivre sans chaînes familiales, sans plan de carrière, sans même le souci du lendemain. Et garder si possible cette légèreté de l'être... que le Covid nous a volée. 


Le film de Jonas Trueba, très simplement et sans effets de manche, laisse entendre que l'on peut vivre autrement que dans une course effrénée à la réussite, au moins le temps d'un été. Mais il faut pour cela accepter que les jours succèdent aux jours, sans autre perspective que de laisser au temps le soin de remplir le vide.  

Sorti en pleine pandémie, alors que se sont imposées les mesures de distanciation physique entre les individus, Eva en Août  est, de façon inattendue, un rappel du temps d'avant, lorsqu'on faisait la bise au premier venu et qu'on n'avait pas peur de prendre un bébé dans ses bras.

22 août 2020

Lorenza Pieri, J'avais une île

Y aurait-il dans la littérature italienne un effet "L'amie prodigieuse" ? C'est la vague impression que j'ai eue en lisant le livre de Lorenza Pieri : deux petites filles (ici deux soeurs) dont on suit la trajectoire au fil des ans, dans un contexte politique précis (depuis l'attentat de Milan en 1969 jusqu'au naufrage du Costa Concordia) et un lieu géographique particulier (l'île du Giglio au large de la Toscane). 

La relation, souvent conflictuelle, entre les deux soeurs est au coeur du roman qui fait un peu figure de saga familial dès qu'on intègre la mère, le père, la grand-mère et le chien. Mais plus que l'étude des caractères et des comportements, ce sont peut-être les descriptions de l'île et la chronique de la vie insulaire qui m'ont permis de poursuivre ma lecture et m'ont donné envie d'aller, un jour, faire un tour sur l'ile du Giglio. Un jour ! Quand on pourra à nouveau circuler librement... En attendant, heureusement qu'il y a les livres pour nous dépayser !



21 août 2020

Mano de obra

Pour un premier film, le propos est plutôt habile; la mise en scène également malgré quelques scènes un peu trop longues ou trop appuyées, acteurs sans doute amateurs pour la plupart. Défauts de débutant largement compensés par l'intérêt du sujet. Car il s'agit, comme souvent dans le cinéma d'Amérique latine, de l'écart considérable entre les riches, très riches !  et ceux qui n'ont rien que leurs mains pour travailler et leurs yeux pour pleurer. 

C'est ainsi que Francisco, ouvrier sur le chantier d'une luxueuse villa, doit affronter la mort accidentelle de son frère et le suicide de sa belle-soeur et surtout l'injustice qui leur est faite puisque la chute n'est pas reconnue comme accident du travail : ils ne toucheront donc pas d'indemnité. Ulcéré, blessé, Francisco se venge en squattant la villa après la mort (provoquée) du propriétaire, une aubaine dont il tient à faire profiter ses compagnons de chantier. Une vie collective et solidaire se met en place jusqu'aux premières frictions, aux premières fissures.... 

Le réalisateur passe rapidement sur l'égoïsme et l'indifférence des très riches, son propos n'est pas là, il est plutôt dans l'observation des changements que l'argent et d'une certaine façon le pouvoir, induisent peu à peu dans le personnages de Francisco. Altruiste, oui, mais jusqu'à un certain point seulement. Ainsi la critique ne porte pas sur la nature même des personnages, bons ou méchants, non, ce que David Zonana dénonce c'est bien la racine même de la corruption, l'argent, comme un virus susceptible de gangrener les pauvres comme les riches. 

Plus que par les dialogues, c'est par l'image, les décors, l'éclairage que le réalisateur souligne son propos :  ainsi la caméra met en évidence le vide et la blancheur de la luxueuse villa où, dans la journée, travaillent les ouvriers qui le soir venu, regagnent leurs logements encombrés et mal éclairés, jusqu'à ce que,  peu à peu la nuit devienne moins obscure et les chambres encore inachevées de la villa prennent des couleurs. 

 En regardant Mano de Obra, on pense inévitablement à Parasites, le film de Bong Joon Ho. Le sujet des deux films est proche, c'est un fait, mais la manière de le traiter est bien différente; presque légère chez l'un, plus grave chez l'autre. Pas de palme d'or pour Davi Zonana, mais un réalisateur dont j'attends déjà le prochain film ....


 

 

19 août 2020

Ian Frazier, Grandes plaines


Le livre de Ian Frazier, journaliste au New Yorker n'est pas plus un essai qu'un récit de voyage, bien qu'il tienne un peu des deux. C'est avant tout un chant d'amour à ces Grandes Plaines américaines que les tours-opérateurs ont jusqu'à maintenant dédaignées et c'est tant mieux. 

Depuis le Montana où il s'est installé en 1982 Ian Fraizier a, au volant de son van, sillonné les Grandes Plaines du Nord au Sud et d'Est en Ouest. Curieux de tout, des lieux, des gens, mais aussi de l'histoire de ces plaines traversées par toutes sortes de gens avant même que les bisons ne soient exterminés. 

Le livre ne suit aucune chronologie, aucun itinéraire établi; le récit progresse au gré des souvenirs de l'auteur, avec une grande liberté, à l'image de ces plaines où rien n'arrête le vent ni les nuages, où l'horizon paraît toujours infini. 

Ce que Ian Fraizier essaye de communiquer dans ce livre ce n'est pas tant un savoir récemment acquis sur les Grandes Plaines mais plutôt la joie qu'il éprouve à se trouver là et se sentir "chez lui".  Home on the range.

"La joie semble être un produit de la géographie, exactement comme le désert peut susciter l'extase mystique et la lande anglaise la mélancolie. Une fois que le bonheur s'élance dans ce lieu ouvert, peu de choses peuvent l'arrêter. Et si les Grandes Plaines sont ainsi aujourd'hui, c'est qu'elles l'étaient au XIXe siècle, lorsque l'homme n'avait pas à partager la scène avec des lois, des institutions, et des machines. "

Oui, je confirme  : au volant d'une voiture de location, avec de la musique country dans les oreilles
"On peut être incroyablement heureux dans les Grandes Plaines."

                            Oh, give me a home where the buffalo roam

                            Where the deer and the antelope play

                            Where seldom is heard a discouraging word

                            And the skies are not cloudy all day
 
    Et pour accompagner la lecture de Grandes Plaines, pourquoi pas la chansons de Moriarty : Jimmy

 https://youtu.be/NHhaZnnz5yE

18 août 2020

The Perfect Candidate

Wadjda, le précédent film d'Haifaa Al Mansour avait surpris et séduit parce que, pour parler de la condition féminine en Arabie saoudite, la réalisatrice avait choisi de mettre en scène une gamine prête à tout, y compris participer à un concours de récitation coranique, pour s'acheter ... un vélo. 

Dans The perfect candidate, le personnage principal est une femme, médecin, excédée par les conditions de travail dans sa clinique, qui s'engage en politique pour obtenir que la route qui mène à la clinique soit goudronnée et que les brancardiers ne pataugent plus dans la boue. La trame des deux films n'est pas très différente :  une femme qui se bat pour ce à quoi elle croit, mais en passant du monde de l'enfance à celui des adultes, le scénario perd inévitablement en légèreté. Il ne s'agit pas seulement de faire la course avec un copain, mais de soigner, de sauver des vies et si possible de faire évoluer les mentalités.

Le film a le grand mérite de montrer comment vivent les Saoudiennes, certes voilées en présence des hommes, mais ce n'est pas là la pire contrainte et il est beaucoup plus frustrant pour Maryam et sa soeur d'être constamment assignées à un genre et d'être bloquées dans leurs aspirations, quelles que soient leurs compétences. Quant à la petite soeur elle semble avoir renoncé avant même d'avoir essayé ! 

La réalisatrice cependant ne se contente pas de tenir un discours exclusivement féministe, car elle montre que les traditions culturelles pèsent aussi sur les hommes  : l'Islam le plus rigoureux considère la musique comme un divertissement impur et il est difficile pour le père de Myriam, musicien, de voir son talent reconnu et de trouver sa place dans la société. 

Alors, même si le film, tourné sans doute avec peu de moyens, paraît parfois un peu bricolé ou maladroit, et le jeu des acteurs pas toujours professionnel, ce qu'il a à dire reste intéressant. 


 

 


 

 

12 août 2020

Benoît Vitkine, Donbass

Avant tout chercher où se situe le Donbass. Et puis se souvenir que depuis 2014 un conflit armé oppose les séparatiste russophones aux Ukrainiens, eux-mêmes récemment détachés de l'ex-URSS.

Si vos connaissances géo-politiques sur la région sont aussi floues que les miennes, vous lirez ce livre avec beaucoup d'intérêt, bien qu'il ne s'agisse pas d'un essai, ni d'un reportage, mais bel et bien d'un roman. Mieux encore d'un roman policier qui a intégré tous les codes du genre et place au coeur de l'intrigue un policier désabusé, fatigué, qui a déjà connu le pire dans sa vie, autant sur le plan privé (la mort de sa fille), que sur le plan professionnel (la guerre en Afghanistan). Mais le meurtre d'un enfant ranime sa volonté de mener l'enquête jusqu'au bout pour ne pas laisser un crime impuni. et d'une certaine façon rétablir un peu de justice dans un monde qui a perdu toute notion du bien et du mal.  Dure bataille sur un territoire pris sous les bombardements croisés des deux clans, où les supects - trafiquants en tous genres, vétérans traumatisés, notables corrompus - sont légion. 

Correspondant du Monde et spécialiste de la région Benoît Vitkine sait de quoi il parle et il en parle bien. Qu'il s'agisse de décrire la décrépitude des lieux, la violence des bombardements, la brutalité des moeurs, les phrases sonnent juste, sans doute parce que les personnages, bien que fictifs, sont largement inspirés de ceux qu'il a observé sdans son travail de journaliste. Alors forcément on pense un peu à Kessel (ou Malraux) et l'on se dit que parfois les romans, plus que les reportages, permettent au lecteur non seulement d'en savoir plus, mais de comprendre de l'intérieur ce que vivent les hommes et les femmes pris dans les cahots de l'Histoire.

10 août 2020

Lucky Strike

Lucky Strike est  un polar coréen . Aussi noir et sanglant que la  plupart des polars coréens que j'ai eu l'occasion de voir.  C'est aussi, accessoirement une marque de cigarettes supposée porter chance à l'un des malfrats du film, un agent d'immigration à qui on donnerait le bon dieu sans confession avant de s'apercevoir qu'il est aussi retors que le prêteur à gage ou la tenancière de bar ou .... bref, dans ce film qui multiplie les personnages on se demande à chaque fois quel est le pire de tous et les plus affreux ne sont pas nécessairement ceux qui ont "la gueule de l'emploi" ! 

Le film tourne autour d'un sac Vuitton rempli de billets, déposé par des mains anonymes dans le placard n° 47 d'un gymnase. Savoir d'où il provient, à qui il appartient et qui va finalement en hériter est bien sûr au coeur de l'intrigue, pourtant moins intéressante à mes yeux que les portraits de personnages, les relations qui les lient les uns aux autres et le tissu de mensonges ou de petits arrangements qui donnent un aperçu  de la société coréenne. Un aperçu sans doute biaisé par le genre même du film, mais les polars permettent souvent de montrer ce que les films ordinaires ne montrent pas. 

Pour son premier long métrage, Yong - Hoon KIM a plutôt réussi son coup et je ne me plaindrai pas du retournement final, parfaitement moral.


09 août 2020

Eté 85

Sur la foi d'un titre et d'une affiche on se fait parfois une idée d'un film qui se révèle finalement bien différent. J'attendais, je ne sais pourquoi un film un peu frivole avec des amours d'été aussi légers que des bulles de savon. Ephémères par définition ! 

Et bien non, le film de François Ozon est beaucoup plus grave, tragique même mais pas moins intéressant. Car il s'agit bien d'amours d'été entre deux jeunes garçons, l'un bien décidé à profiter de tout ce que la vie peut lui apporter, l'autre adolescent timide et passionné, fasciné par la capacité du premier à foncer, à se jeter bille en tête dans toutes les aventures qui se présentent à lui. François Ozon dont aucun film ne ressemble au précédent, dresse ici deux beaux portraits d'adolescents, dont la justesse tient sans doute à la façon dont il a su diriger ses acteurs. Y compris les deux actrices, Valeria Bruni-Tedeschi et Isabelle Nanty, qui interprètent le rôle des mères.

06 août 2020

Mathieur Larnaudie, Blockhaus


Quel peut-être l'intérêt d'un livre où il ne se passe rien ou presque. La description d'Arromanches et l'évocation de son lourd passé ? Soit ! Les affres de la procrastination d'un écrivain en mal d'écriture ? Pas franchement  nouveau. Les tribulations d'un ivrogne braillard ? Oui cela intrigue. Un moment !  Les déambulations de l'écrivain toujours en mal d'écriture d'un paysage à l'autre, d'un café à l'autre, seul ou avec sa compagne venue le rejoindre ? cela frôlel'auto-fiction. L'observation de la vie ordinaire de gens ordinaires pas forcément satisfaits de leur vie ? Pourquoi pas, mais ce n'est qu'un moment dans le livre.
Non,  je n'ai rien trouvé de bien satisfaisant dans ce roman qui a si peu à dire et se complait dans le jeu de l'écriture pour l'écriture. J'aimais bien la couverture pourtant, finalement plus prometteuse que le roman lui-même.

05 août 2020

The Jewell robery


Un autre petit bijou hollywoodien, du temps où le cinéma osait tout et ne se souciait pas de morale. Surtout pas de morale !
Elle ? une coquette lassée de son vieux (mais) riche mari. Lui ? un braqueur de bijouteries, mais d'une courtoisie extrême, vrai "gentleman" malgré son métier. Les autres personnages, le mari, l'amant potentiel, l'amie, ne sont ici que des faire-valoir car tout se joue entre elle et lui, dans un dialogue enjoué et particulièrement travaillé.
Les scènes se succèdent à un rythme fou, et personne ne se soucie de réalisme ni même de vraisemblance puisqu'il s'agit avant tout de se divertir. Dans ce film léger et frivole, rien vraiment ne pèse. Voilà pourquoi je suis sortie du cinéma toute réjouie !


03 août 2020

Bec sucré. Encore !



Celui-là n'est pas mal non plus, toujours dans la même harmonie ! Mais attention, celui-là n'est pas pour une seule personne

01 août 2020