30 novembre 2019

Les Eblouis


Trop démonstratif le film ? Je ne crois pas. Bien que le début soit particulièrement crispant. La dérive de cette mère de famille, qui pour compenser ses frustrations dérive vers un mysticisme de pacotille - et bêlant ! - est sans doute montrée de façon un peu hâtive, mais le film devient franchement intéressant lorsqu'il s'attache à Camille, l'ainée des 4 enfants totalement déchirée entre ses propres aspirations et son attachement à sa famille. La jeune actrice, Celeste Brunnquell est tout à fait étonnante dans ce rôle et d'une certaine façon incarne le malaise de tous les adolescents qui étouffent sous le poids des normes et des règles familiales.


Le film en définitive pose beaucoup de questions et donne quelques réponses, attendues, il est vrai : en effet,  le pouvoir de la secte ne tient pas à ses principes, aussi absurdes que ridicules, mais s'appuie sur la fragilité bornée de la mère et la pleutrerie du père .... c'est donc contre ses propres parents que l'adolescente doit se battre. C'est ce cheminement, long et douloureux,  qui fait à mes yeux tout l'intérêt du film.

29 novembre 2019

Encore l'automne ?


Oui, mais vraiment plus pour très longtemps. 


J'ai vu, hier midi, tomber la plus grosse feuille du bouquet, secouée par le vent. Les autres ne tarderont pas à la rejoindre sur le sol déjà jonché.

28 novembre 2019

Jean-Louis Fournier, Je ne suis pas seul être seul


Encore un livre inclassable, indéfinissable. Mais faut-il vraiment faire entrer un livre dans une cas pour pouvoir l'apprécier. Certainement pas.
Le livre de Jean-Louis Fournier est le livre d'un vieil homme (octogénaire quand même!) qui à la fin de sa vie se retrouve seul.  Ses deux garçons sont morts, sa femme aussi, il ne voit plus sa fille, entrée dans les ordres. De tout cela il a déjà parlé dans d'autres livres. Alors que lui reste-t-il ? La solitude.
La solitude à laquelle il aimerait échapper mais que parfois il recherche. La solitude honnie et désirée, frustrante et apaisante. La solitude dont il parle mieux que personne parce que sa plume est légère, presque enjouée. Et parce que chaque lecteur a déjà entraperçu ou connu cet état pour lequel l'homme n'est pas fait.

Je ne suis pas seul à être seul est un livre à lire tranquillement, posément, seul dans son fauteuil, ou dans un tram rempli d'adolescents bruyants. Chaque page est un plaisir que l'on savoure comme on savoure un morceau de chocolat. Et tant qu'à faire pourquoi ne pas lire Je ne suis pas seul à être seul en écoutant O solitude, my sweetest choice chanté par par Philippe Jaroussky. Bel accord et double plaisir



27 novembre 2019

Et puis nous danserons


Encore deux séances seulement dans mon cinéma préféré pour ce très beau film de Levan Akin : Et puis nous danserons.
Il y est question d'amour et même de passion, il y est question de masculinité et d'homosexualité. Il y est question surtout de la jeunesse géorgienne, divisée entre son désir de modernité et le respect des traditions. Une jeunesse géorgienne qui a tout l'air d'étouffer dans le cadre rigide que lui impose la génération précédente marquée par le souvenir d'un passé soviétique qui laisse peu de choix à l'individu.


Merab danse depuis toujours et s'entraîne comme un fou dans l'espoir d'obtenir un rôle dans l'Ensemble National Géorgien : discipline stricte, le corps plie, encaisse. L'âme aussi, soumise à un seul idéal, la perpétuation de la tradition. Ce que le film raconte c'est comment tout vole en éclat lorsque surgit l'imprévu, l'inconnu et avec lui, un souffle de liberté.

J'aime vraiment beaucoup ce film qui peut-être pris au pied de la lettre,  l'histoire d'une passion aussi intense qu'éphémère, mais il n'est pas interdit d'y voir une métaphore politique. Parce qu'une jeunesse trop longtemps bridée qui a cessé de rêver, peut du jour au lendemain vouloir casser le carcan qui l'étouffe.
J'aime vraiment beaucoup ce film plein de fougue malgré la tristesse et les déceptions.

26 novembre 2019

Au point du jour


Le jour se levait à peine ...



Le temps d'attraper mon téléphone, d'aller d'un bout à l'autre de l'horizon, les couleurs avaient changé.


Alors j'ai essayé un panoramique. 


Mais... un peu trop de rose, un peu trop de mauve et de violet, n'est-ce pas ?
Alors j'ai essayé d'atténuer les couleurs....
Mais ça fait quand même encore très hollywoodien, non ?


Alors j'ai essayé le noir et blanc.
Ça calme, en effet !



24 novembre 2019

Olivier Rollin, Extérieur monde


Le dernier livre d'Olivier Rollin n'a rien d'évident. Parce qu'il est plus que jamais écrit au fil de la plume et que de son propre aveu, l'écrivain écrit ses premières pages sans vraiment savoir où elles le mèneront. Très vite le lecteur comprend néanmoins qu'avec Olivier Rollin il arpentera la planète de l'Est à l'Ouest et du Nord au sud.
"Je tourne dans la cage des méridiens comme un écureuil dans la sienne" écrivait Cendrars dans Le Panama ou les aventures de mes sept oncles. A lire Extérieur monde on a parfois le tournis, une vague impression de "name dropping" : trop de noms de lieux, trop de noms d'écrivains, trop de références littéraires. Mais peu à peu on découvre que ces bribes qui nous parviennent du monde extérieur dessinent en creux le portrait de l'écrivain, un portrait plus intime qu'il n'y paraît. Et un écrivain soucieux du mot juste, de l'image approprié, de la référence précise. L'improvisation n'est en fait qu'apparente, d'abord parce qu'Olivier Rollin s'appuie sur les carnets où il a pris l'habitude de noter, au fil de ses innombrables voyages, ses observations et ses impressions. Ensuite parce que le texte se construit peu à peu comme un jeu de dominos, chaque élément, chaque souvenir en appelant un autre avec lequel il présente quelque similitude.

Extérieur monde ne requiert pas une lecture assidue, on tourne les pages, saute un paragraphe, peut-être deux, on s'arrête, on cherche dans ses propres souvenirs, on s'interroge sur un lieu, on s'attarde, on rêve.  Bref on déambule et on termine le livre avec une furieuse envie de lire, autant que de voyager. Envie de retourner aussi aux précédents livres d'Olivier Rollin, ceux qu'on a lus ou ceux qu'on n'a pas encore lus.

(Photo Isabelle Rimbert)

22 novembre 2019

Catherine Ternaux, Zoppot


Une amie m'a passé ce tout petit livre (87 pages !) à peine un roman, plutôt une grosse  nouvelle. Peu importe, il se lit et se savoure en un clin d'oeil. On le commence, on ne le lâche pas. A condition toutefois d'aimer les histoires bizarres, les personnages incongrus et les lieux insolites.

Les personnages, il n'y en a pas tant que cela : Maurice occupe largement les 3/4 du récit. Maurice est un romancier potentiel qui sur un coup de tête  décide de changer de "cadre de vie", largue tout, appartement, maîtresse ... et se retrouve à Zoppot, au bord de la mer baltique.

Mais je n'en dirai pas plus parce qu'à ce point du récit, soit vous aurez lâché le livre soit il ne vous lâchera plus. Mais il faut pour cela être du genre à aimer les personnages tordus façon Bartleby et les histoires emboîtées à la Italo Calvino.
Oui, je sais l'éditeur cite Borges et Kafka. A chacun ses réminiscences !

Et bien sûr j'ai été voir s'il existait effectivement une ville appelée Zoppot au bord de la mer baltique. Bingo !

"Sopot (prononcer [ˈsɔpɔt], en kachoube : Sopòt, en allemand Zoppot) est une ville de Pologne d'environ 40 000 habitants qui constitue avec Gdańsk et Gdynia une vaste conurbation portuaire connue sous le nom de Tricité (Trójmiasto en polonais)"
Merci Wikipedia ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Synagogue_de_Zoppot_(1914-1938)

Mieux encore, je découvre qu'il existe dans cette ville une maison tordue ! Vraiment tordue !



Une bonne raison de prendre le train et de suivre les traces de Maurice ?  Qui sait ...


21 novembre 2019

J'accuse


J'ai toujours un peu de mal avec les reconstitutions historiques parce que j'ai l'impression que l'essentiel du budget passe dans les décors et les costumes. Mais en l'occurrence, dans le dernier film de Polanski, on oublie assez vite l'aspect "reconstitution" pour s'intéresser à "l'affaire", une affaire que l'on croit connaître, que l'on connaît en gros, mais dont on ne connaît pas tous les détails, en particulier la succession des différents procès.
Il est vrai que l'affaire est complexe, mais en focalisant son film sur le personnage de Picquart, dont le rôle a été effectivement majeur pour remettre en cause les soit-disant preuves et obtenir la révision des deux précédents procès, Polanski permet au spectateur de se faire une idée des obstacles à renverser. Il fait de Picquart un être d'une probité totale, qui une fois convaincue de l'innocence de Dreyfus, surmonte son propre antisémitisme et dénonce les agissements de l'armée, alors même qu'elle constitue son propre univers.
Je crains que la polémique née autour du réalisateur ne cache la véritable intention du film qui est moins de dénoncer un complot antisémite (ou de faire passer son réalisateur pour un innocent injustement accusé et condamné) que de montrer le courage des lanceurs d'alerte. Et s'il était intéressant de mettre en valeur le rôle de Picquart, et accessoirement de Zola ou de Clémenceau, je regrette que ni Bernard Lazare, ni Auguste Scheurer-Kestner n'aient été mentionnés. A moins que mon attention n'ai été prise en défaut.



20 novembre 2019

Les hirondelles de Kaboul




J'ai vu avec beaucoup de retard le très beau film de Zabou Breitman, Eléa Gobbé-Mévellec. 
Il est vrai que je ne me précipite pas vers les dessins animés en général, mais je reconnais qu'en l'occurrence, le dessin, d'une grande douceur, est indispensable pour "faire passer" un sujet qui serait autrement insupportable puisqu'il ne s'agit de rien de moins que de la condamnation à mort d'une femme accusée d'outrages aux moeurs par les talibans qui ont le pouvoir à Kaboul. 

On n'apprend peut-être rien sur l'absurdité, l'hypocrisie, la cruauté de ces règles soit disant établies au nom d'un dieu et d'une religion, mais savoir n'est pas voir et encore moins ressentir. Les Hirondelles de Kaboul tire toute sa force de l'émotion que le dessin est susceptible de provoquer.


19 novembre 2019

Encore l'automne ...


... mais plus pour très longtemps.


18 novembre 2019

Picasso à Grenoble




Nature morte à la tête de taureau (1942) c'est le tableau qui a été choisi pour annoncer l'exposition présentée jusqu'au 5 janvier au Musée de Grenoble.
Le titre de l'expo "Picasso Au coeur des ténèbres" est explicite : il s'agit des tableaux peints par Picasso entre 39 et 45 dans une France exsangue. Des tableaux judicieusement choisis et commentés, un parcours chronologique où l'on voit la détresse l'emporter au fur et à mesure que le pays s'enfonce. Quelques photos bienvenues complètent l'ensemble. Une exposition certes très didactique, mais tout à fait passionnante.

Le genre d'exposition qu'il serait vraiment dommage de manquer. Et que l'on peut retourner voir.

14 novembre 2019

Jean Paul Dubois

Jean-Paul Dubois vient d'obtenir le prix Goncourt. Pas vraiment une découverte parce que cela fait bien une quarantaine d'année que ce monsieur écrit et publie. Mais je me réjouis de ce prix qui va accroître sa notoriété, parce qu'il y a longtemps que j'apprécie cet auteur. Non je n'ai pas lu tous ces livres, mais j'en ai lu pas mal. Et je me souviens de quelques uns.

Je me souviens de La vie me fait peur parce que je l'ai lu - drôle de coïncidence - dans un avion qui m'emmenait vers la Floride, exactement comme le personnage central, Paul Siegelman et j'avais peur moi aussi.

Je me souviens de Parfois je ris tout seul parce que j'ai souvent éclaté de rire en lisant ces histoires courtes, absurdes, et tellement drôles.

Je me souviens  de Tous les matins je me lève...
Mais je ne vais pas énumérer tous les romans de Jean-Paul Dubois que j'ai aimés, il y en a trop.


J'ai lu, mais un peu moins aimé Une vie française, sans doute parce que je l'ai trouvé plus  ... comment dire...  conventionnel. Un peu moins aimé aussi Vous plaisantez Monsieur Tanner. Trop attendu.

Je n'ai pas encore lu Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, mais je le lirai c'est sûr parce je suis certaine d'y retrouver un personnage désenchanté, mal gracieux et de parti pris, mais pas tout à fait cynique ni amer, j'y retrouverai surtout un univers qui me semblera familier, un ton, une écriture bien à lui, une façon de se moquer du monde et malgré tout de croire que le bonheur n'est pas impossible bien que souvent inaccessible.

Ses chroniques de la vie américaine, écrites d'abord pour le Nouvel Obs dans les années 90 et publiées en recueil sous le titre de L'Amérique m'inquiète m'ont fait un moment hésiter tant elles semblaient relever d'un antiaméricanisme primaire. Mais j'ai bien dû admettre qu'elles étaient hélas justes et très bien documentées. Oui l'Amérique est inquiétante (elle l'est devenue plus encore), mais Jean-Paul Dubois a délibérément choisi de n'en voir que les aspects les plus négatifs. Tant pis pour lui.

Et voilà pourquoi, contrairement à mes habitudes, je lirai cette année le Prix Goncourt ! 

13 novembre 2019

Oiseaux

Autour du liquidambar, l'agitation est intense en ce moment. 


Le pic épeiche s'obstine à briser les graines dans les anfractuosités du tronc. 


Les geais se contentent de ramasser celles qui sont tombées au sol. 

12 novembre 2019

Hommage à Ernest Gaines




D'Ernest J. Gaines j'ai lu - je crois - tous les livres. Parce qu'une fois qu'on a lu une seule de ses oeuvres, on est pris ! Il y a quelque chose de si vrai, de si fort, de si bouleversant dans ses romans, mais aussi de très simple, de très accessible, très loin des prétentions littéraires de certains. Ce que Gaines voulait c'était parler des siens, de ceux qui avant lui,  n'étaient pas dans les livres, les petites gens de Louisiane où il est né, et où il est mort la semaine dernière. Il voulait aussi écrire pour "son peuple", ceux qui comme lui sont nés dans le Sud des Etats-Unis, privés de droits et sans grand espoir d'en acquérir jamais, avec au coeur un sentiment d'injustice et de peur souvent.

Ernest J. Gaines n'est plus, mais ses livres sont bien là. Alors lisez les, lisez les tous. Mais si vous n'en lisez qu'un .... ce sera sans doute Dîtes-leur que je suis un homme.

J'ai déjà parlé à plusieurs reprise d'Ernest J. Gaines dans ce blog.  La première fois, c'était il il y a 3 ans ..

04 MAI 2016


Ernest J. Gaines


J'aurais bientôt fini de lire tous les livres d'Ernest J. Gaines et ne m'en lasse pas. Mon seul regret : n'avoir pas découvert cet auteur plus tôt !



 
Liana Levi, son éditeur, tient heureusement à jour son catalogue et a choisi de rééditer certaines nouvelles en volume unique, ce qui permet au lecteur qui aurait peur de se lancer dans un roman de se familiariser avec la manière de Gaines, son écriture, ses thèmes. 
Ainsi, lire Par la petite porte est une bonne façon d'aborder l'oeuvre de Gaines et de comprendre la symbolique de cette porte par laquelle on faisait entrer "les gens de couleur". Et seulement les gens de couleur ! 

Mais ensuite il faut se lancer, et choisir entre Vous lui direz que je suis un homme et Colère en Louisiane par exemple. Le premier est un roman austère, dur, avec ses moments de tendresse aussi, mais sans complaisance sur la façon dont les Noirs étaient traités  et le difficile chemin vers l'estime de soi. Le second est un roman choral, intense, vibrant, où des vieillards qui de toute leur vie n'ont fait que courber l'échine devant les Blancs, apprennent à relever la tête et à dire non.

Gaines est un écrivain majeur de la littérature américaine, sans doute parce qu'il sait allier dans ses romans l'émotion à l'intelligence.  Ses romans sont poignants et touchent au plus profond de l'âme, mais ses romans sont aussi d'extraordinaires témoignages sur la condition des Noirs américains soumis à la ségrégation et aux lois Jim Crow.

Je n'ai pas encore lu tous les livres de Gaines. Mais ce sera bientôt fait !  

Sorry we missed you


Quand deux films comme celui d'Antoine Russbach et celui de Ken Loach se succèdent, on a l'impression de prendre une grande claque dans la gueule. Des histoires fortes, justes, vraies, qui marquent beaucoup plus - à mes yeux -  que n'importe quel émission de télé ou même que n'importe quel essai, parce qu'elles passent par le biais de la fiction et que le spectateur s'identifie forcément, au moins un peu, aux personnages présentés.
Ken Loach, dans Sorry we missed you met en scène une famille normale (le père, la mère, deux enfants) dont l'équilibre précaire est remis en cause par le nouveau travail que vient de trouver Ricky : chauffeur-livreur pour une entreprise qui promet à ses clients des livraisons quasi immédiates. Inutile de donner un nom, de donner des noms, puisque c'est toute notre société qui désormais refuse d'attendre et exige que ses commandes soit livrées ASAP !


Les promesses de gain qui auraient permis à la famille d'être enfin propriétaire ou seulement un peu plus à l'aise s'effondrent à la première anicroche. Car Ken Loach dans ce film se soucie moins de mettre en accusation le système - après tout le gérant a lui aussi ses contraintes dont il doit tenir compte sous peine de perdre son entreprise -  que les conséquences dramatiques de ce système sur une famille ordinaire au bord de la précarité. C'est bien là la tare d'un système où pour survivre il faut nécessairement exploiter les autres.
Le film de Ken Loach est, comme d'habitude très efficace, avec un scenario parfaitement bouclé et   des acteurstotalement crédibles, peut-être parce que nouveaux au cinéma. Une réussite de plus pour le cinéaste ! Mais combien de films faudra-t-il encore pour que nous prenions conscience de notre propre responsabilité dans les dysfonctionnements de la société et que nous renoncions à l'engrenage du "tout, tou de suite".

11 novembre 2019

Ceux qui travaillent

Il est grand temps de reprendre le chemin du cinéma et tant qu'à faire, commencer par de bons films.
Comme celui d'Antoine Russbach. On n'en sort pas rasséréné ni très optimiste sur l'avenir de notre société, mais savoir à quels excès, à quel immoralité, à quelle dénégation de toute humanité peut conduire une entreprise basée sur le profit, est pour le moins salutaire.


Cadre supérieur dans une compagnie de fret maritime à laquelle il a consacré toute sa vie, au détriment de son couple, de sa famille, de sa vie personnelle, Frank est viré du jour au lendemain pour faute grave. La faute est gravissime en effet, choquante, mais on apprend rapidement que ce n'était au fond qu'un prétexte attendu par la société qui trouvait qu'au vu de son ancienneté, il coûtait trop cher.  Une remarque parmi d'autres qui souligne le cynisme absolu d'une entreprise pour laquelle seul compte le profit.

Le film on le voit pourrait rapidement tomber dans la caricature et la propagande anticapitaliste. Mais ce que nous montre véritablement le réalisateur, c'est le désarroi de Frank dont toutes les certitudes s'effondrent, dont tous les combats paraissent soudain totalement vains, et qui se retrouve condamné à remettre en question toutes les valeurs sur lesquelles il a fondé sa vie. Ceux qui travaillent offre au spectateur qui accepte de se poser des questions,  un très beau portrait de personnage et à Olivier Gourmet un rôle dans lequel il est, comme à son habitude, remarquable.

Le film, projeté dans les salles Art et essai, ne sera hélas vu que par ceux qui s'inquiètent des dérives de notre société. C'est hélas le constat que je fais à la sortie de tous les films qui essayent d'apporter des éléments de réflexion à leur public, qui s'adressent à l'intelligence et à l'âme du spectateur.
A la sortie de Ceux qui travaillent, comme à la sortie de Sorry we missed you, le dernier Ken Loach.



10 novembre 2019

Francisco Cantú, The line becomes a river

Ce n'est pas un roman, pas tout à fait un essai non plus. Une suite de récits plutôt, en grande partie autobiographiques.
Francisco Cantú a grandi en Arizona, est parti faire des études à Washington, puis a décidé que les connaissances acquises sur les politiques d'immigration et la surveillance des frontières n'avaient pas de valeur si elles n'étaient accompagnées de l'expérience du terrain.
Il s'est donc engagé comme agent de frontière et a servi pendant 4 ans, de 2008 à 2012, le long de la frontière avec le Mexique.


C'est cette expérience, douloureuse pour lui, qui est au coeur de son récit. Car Francisco Cantú est lui-même d'origine mexicaine (3e génération), il parle couramment l'espagnol, connaît les conditions de vie - ou plutôt de survie -  dans ce désert qui sépare les deux pays puisque sa mère était "park ranger". Il est donc constamment déchiré entre ce qu'il doit faire, les lois qu'il doit appliquer, les protocoles qu'il doit respecter et son humanité.
La première partie concerne sons travail sur le terrain, lorsqu'il s'agit de repérer les passages, de procéder à des arrestations. Cantú est ensuite transféré dans le centre où s'effectuent les contrôles, les recherches, les statistiques, une façon de dominer un peu mieux le sujet sans pour autant prendre du recul. Dans la troisième partie, la plus poignante, il raconte comment un clandestin, qui vit et travaille aux E-U depuis 20 ans - ses enfants y sont nés et ont donc la nationalité américaine -  traverse la frontière pour aller voir sa mère sur son lit de mort et se retrouve dans la nécessité de repasser la frontière comme il l'avait fait auparavant. A ses risques et périls et sans succès malgré des essais répétés. Arrestation, prison, expulsion : la ronde infernale avec chaque fois un temps de prison plus conséquent et l'inévitable expulsion.

The Line becomes the river n'est pas encore traduit en français, et c'est vraiment dommage. Il a été écrit avant l'élection de Trump, publié en 1918 et suscité quelques réactions, non pas de ceux qui sont pour l'édification du mur, mais de ceux qui s'y opposent et reprochent à Cantú d'avoir servi dans les "border patrols" alors même qu'il montre et dénonce dans son livre l'absurdité et l'inhumanité des lois sur l'immigration.

09 novembre 2019

Queens


Avec Manhattan, Brooklyn, Bronx et Staten Island, Queens est l'un des 5 "Boroughs de NY. Un lieu de plus que je ne connaissais pas. Et donc une bonne raison d'aller y faire un tour.

Parce que Queens est un quartier comme je les aime, un quartier en devenir.


Queens est en effet plein de grues...


... les nouveaux bâtiments bousculent les anciens ...


... les hôtels ressemblent à des bâtiments en construction (à moins qu'on ait oublié d'enlever les échafaudages) et la chambre en béton brut de décoffrage affirme clairement le parti-pris décoratif.


Sous le métro aérien, les voitures filent et la lumière joue à claire-voie avec la structure métallique. 


On se restaure, dans la rue, d'un bagel très new-yorkais ...



 ... avant de filer du côté des studios de cinéma Kaufman ...


...et du "moving image museum"



Un dernier regard sur une pancarte, avant d'aller prendre l'avion du retour. Oui je pourrais  sans doute m'installer dans ce "borough". 





08 novembre 2019

La 125e rue

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Changement radical de décor quand on monte vers le Nord, jusqu'à la 125e avenue.  On lève moins les yeux vers le ciel pour trouver le sommet des gratte-ciel; il y a bien assez à voir sans se tordre le cou. Cette rue bordée de maisons de briques rouges comme on en voit si souvent dans les films.


La 125e rue, avec ses marchands de tout et de rien au bord du trottoir pourrait être à Marseille ou ailleurs.


Mais non, le camion rouge ne trompe pas : nous sommes bien à Harlem. Mais le quartier change. Inévitablement. L'Apollo Theater ou tant de musiciens se sont produit résiste difficilement à la poussée immobilière. Red Lobster, Banana Republic ... le commerce aura bientôt raison de lui sans doute.


A moins que ceux qui luttent contre la "boboisation" de leur quartier, ne parviennent à en limiter les effets.


"Honte à vous les Blancs qui avaient fait de Harlem votre proie et l'avaient volé. 
Colonisation en Afrique, gentrification à Harlem."


Bien sûr ! Mais comment résister au petit café, terriblement "bobo" mais si accueillant !




07 novembre 2019

Whitney Museum of American Art


Trop de musées !  Et pas assez de temps ! L'éternel dilemme des voyageurs de passage à New York. Mais cette fois-ci le choix est facile parce que le Whitney axe ses collections sur l'art américain des XX et XXIe siècles, et parce que nous n'avons pas encore vu le nouveau bâtiment construit par Enzo Piano en 2015. 

Il pleut un peu trop pour tourner autour du bâtiment en question, alors tant pis pour l'architecture. Restent les oeuvres d'art. 


Et les visiteurs !


Certaines oeuvres sont particulièrement ludiques et permettent aux spectateurs d'interagir, voire de s' y incruster ! 


La question alors n'est plus "qui suis-je?" Mais où-suis-je parce qu'entre l'oeuvre-miroir, la vitre, mon reflet et celui de la ville, j'ai un peu de mal à me situer dans l'espace...


Perplexité ! 



Jusque dans l'ascenseur ! 

06 novembre 2019

Les Iles de l'East River


Il y a sur Roosevelt Island des immeubles résidentiels et même un campus universitaire extrêmement moderne : Cornell Tech. Il y a aussi un phare, au Nord de l'île. Et au Sud un étrange bâtiment, d'un style très différent. 


On appelle ce style néogothique je crois ! Ou Gothic Revival.


Un bâtiment ? Non ! Mais une belle ruine qui témoigne du passé de l'île. C'est en effet en 1856, que le Smallpox hospital a ouvert, destiné à soigner et tenir à l'écart les malades de la variole, et de toute autre maladie aussi contagieuse. Il s'est appelé ensuite le Riverside hospital et a été transformé en école d'infirmières en 1886. Lorsque l'école a fermé en 1956, le bâtiment a cessé d'être entretenu et a vite subi des dégradations jusqu'à l'effondrement de son toit. Actuellement, seule la "carcasse" demeure, envahie par la végétation bien qu'une association se soit crée pour tenter de maintenir debout "l'hôpital de la variole". 




Au Nord de Roosevelt island, toujours dans l'East river, il y a deux autres îles, plus petites : Southern Brother Island et Nothern Brother Island. Elles sont malheureusement inaccessibles -  bien qu'on puisse les "survoler" grâce à Google Map ! Sur l'île du Nord il reste encore quelques ruines visibles, en particulier celle de l'hôpital destiné à accueillir les malades en quarantaine, puis, successivement, les vétérans au retour de la guerre de 14, les aliénés, les miséreux. Tous ceux dont la ville ne voulait pas !  Un peu comme le Smallpox hospital

C'est sur cette île que Mary Mallon a été mise en quarantaine jusqu'à sa mort. Première porteuse saine de la fièvre typhoïde à avoir été identifiée, elle a toujours refusé de reconnaître qu'elle représentait un danger pour les autres. Elle adorait son métier de cuisinière et a ainsi contaminé 51 personnes, dont 3 sont mortes. Une histoire vraie racontée par Mary Beth Keane, dans un roman paru en 2013, Fever et traduit en français sous le titre de La Cuisinière.

Trois îles dans l'East river, deux hôpitaux en ruine, un personnage hors du commun et un bon roman : tout un pan de l'histoire de New York en une matinée.