30 octobre 2020

Le train sifflera 3 fois

Classique parmi les classiques que j'ai plaisir à revisiter parce qu'on ne regarde jamais un film de la même façon et qu'il y a, dans un bon western, toujours quelque chose à découvrir. 

L'histoire est ultra simple : le shérif d'une petite ville de l'Ouest vient de se marier, lorsqu'il apprend le retour d'un truand qu'il a fait condamner des années plus tôt.  Il s'apprêtait à rendre son étoile, mais la nouvelle change la donne : il s'agit d'organiser la défense de la ville et de ses habitants. Oui mais voilà, au moment d'affronter ce tueur redoutable et ses 3 comparses, chacun a une bonne excuse pour se défiler si bien que le shérif se retrouve seul, abandonné de tous, mais toujours déterminé à faire régner la loi. Quelque chose comme la grande solitude du coureur de fond ?

 

Courage et lâcheté.  Certes, mais le film oppose aussi la vertu, au sens ancien du terme, aux opportunismes financiers. Ce qui dans l'Amérique de l'après-guerre - puisque le film est sorti en 1952 -  n'est pas dépourvu d'ironie de la part d'un scénariste, Carl Foreman, qui était alors dans le collimateur des maccarthystes !

L'action du film est ainsi réduite au minimum, jusqu'à l'arrivée du redouté Frank Miller et la fusillade qui s'en suit. Mais la longue errance du shérif dans sa ville déserte est scandée par des plans sur des cadrans d'horloge dont les aiguilles marquent l'avancée de l'échéance et des plans sur les trois hommes qui attendent à la gare, plans dont s'est visiblement inspiré Sergio Leone dans Il était une fois dans l'Ouest. 

 

Cerise sur le gâteau, la jeune épouse du shérif (Gary Cooper!) n'est autre que Grace Kelly, une jeune bourgoise devenue quaker par refus de la violence ; elle menace de le quitter s'il ne renonce pas à l'usage des armes, bien que son engagement militant contre le port des armes trouve rapidement ses limites. Pour équilibrer le casting, ne manque plus que l'ex-maîtresse du shérif, la tenancière de l'hôtel, un modèle de femme forte qui ne mâche pas ses mots et garde les deux pieds sur terre. Une façon de compenser le côté un peu niaiseux de la première.

Oui vraiment, High Noon, puisque tel est son titre original, est un film que l'on peut voir et revoir sans se lasser et y trouver toujours quelque chose de plus à glaner.

29 octobre 2020

Couleurs d'automne


"Peut sans doute mieux faire ! " diront certains.

Mais mon petit bricolage  : retouches, recadrage, collage, reformatage entre JPG, PDF, PNG avec l'aide de 4 applications différentes.... montre que "essai/erreur" est une méthode aléatoire, incertaine, aventureuse, mais somme toute satisfaisante et presque gratifiante puisque le résultat obtenu correspond - à peu près - à ce que j'avais en tête. Mode d'emploi connais pas ! Mais si j'avais un expert sous la main pour me montrer comment faire...
 

27 octobre 2020

La Yaute

 

Le temps d'un adieu à un ami de par là-bas



 

20 octobre 2020

Wilefried Sonde, Aigre-doux


Aigre-doux est un beau texte à lire. Ou à dire. Un monologue comme un long poème. Le discours d'un adolescent qui s'interroge,  qui, comme tous les adolescents du monde se demande qui il est, où est sa place dans la société. Mais sa parole est plus âpre, plus angoissée aussi parce que sa peau est différente de celle des autres. Et il a beau être né ici, les autres, sans même penser à mal, ne cessent de lui demander d'où il vient. 

Ce petit livre de Wilfried N'Sondé publié par Actes Sud  en 2019 dans sa collection D'une seule voie, s'adresse a priori aux juniors, mais pas seulement. Car sans agressivité, mais avec beaucoup de finesse il dit comment une banale question "au fait, tu viens d'où, c'est quoi ton origine" crée, pour celui à qui elle s'adresse, un sentiment de rejet et donc d'injustice. Malaise, colère, désarroi.... toute une gamme d'émotions qu'il faut pourtant arriver à maîtriser pour être simplement qui on est, indépendamment de ses "origines" ! 

"Qu'on arrête de chercher d'abord du côté de mes parents ou de mes lointains ancêtres pour savoir qui je suis. Qu'est-ce que ça dit de soi l'endroit où on est né ? [...]

Seulement moi, ça fait trop longtemps qu'on me met à distance à cause de mes origines, alors que je fais ce que je peux pour exister par moi-même. Des années que tout le monde la ramène sur des racines que je devrais avoir en oubl
iant que j'ai des jambes comme tout le monde avec lesquelles je m'efforce d'avancer .... "

La leçon est à peine appuyée, et il ne me déplaît pas qu'à la fin du livre l'auteur reprenne des termes chers à Camus, à la recherche d'un accord entre l'individu et le monde. 

"La route qui m'aidera à m'accorder au monde s'annonce difficile, je l'imagine semée d'obstacles, et l'espère longue et passionnante. Je réussirai à me défaire des regards et des mots qui m'oppressent, m'inventerai comme bon me semble, et créerait librement ma propre identité. "


18 octobre 2020

Duel au soleil

Je m'étonnais d'être un peu déçue par Duel au soleil, avant de découvrir que le film a bien été réalisé en partie - mais en partie seulemen t- par King Vidor qui a fini par renoncer, lassé des interventions de son producteur O. Selznick qui était alors fou de Jenifer Jones et pensait avec ce film renouveler le succès d'Autant en emporte le vent

Voilà une introduction qui sent un peu la gazette hollywoodienne mais qui explique mieux mon étonnement. Je m'attendais à voir un western. Un ranch  ? sans doute mais la demeure est plutôt ... victorienne;  des cowboys et des chevaux ? oui il y en a bien quelques uns, mais il y a surtout l'omniprésence de Jenifer Jones en jeune métisse indienne - merci le fond de teint - pulpeuse, fougueuse et ravageuse. Deux frères que tout oppose se disputent ses charmes, et ses préférences vont inévitablement vers le mauvais garçon plutôt que vers l'homme de raison. Dès lors il devient vite évident que l'érotisme, souvent torride est la raison d'être du film et que le conflit entre la compagnie de chemin de fer et le patron du ranch est d'un intérêt très secondaire, à l'exception d'une seule scène assez réussie où s'affrontent de part et d'autre d'un barbelé, les cowboys prêts à en découdre et la cavalerie venue en renfort pour imposer le passage du chemin de fer sur le ranch. 

A vrai dire ni les hommes ni les femmes ne gagnent à essayer de se reconnaître dans les personnages qui ne font jamais dans la demi mesure : salaud intégral mais charmeur, jeune homme bien sous tous rapports, mais sans élan, père tyrannique, épouse soumise et mère de famille dépassée par les événements, autant de personnages qui ne servent qu'à mettre en valeur, Pearl, une jeune et belle métisse, tour à tour jeune ingénue, femme fatale mais de toute façon victime de ses pulsions puisqu'à demi-indienne. Quant à la servante bavarde et écervelée, avec une insupportable voix de tête, elle est noire, évidemment. Si bien qu'à la fin du film j'hésite entre le fou rire et la honte ! J'ai beau me dire que le film date de 1946 et qu'il a été produit par un magnat de Hollywood au sommet de sa puissance, l'excuse n'est pas suffisante.  Et s'il a fait scandale, ce n'était que mérité. Puisque le film ne tient que sur des préjugés de race, de classe, et de genre ! Sans même l'excuse du second degré.

17 octobre 2020

La Chevauchée fantastique

Le fim date de 1939 et affiche pour la première fois les noms de John Ford et de John Wayne, une association dont on sait maintenant l'intérêt. 

Il s'agit bien d'un western, et pourtant l'on n'est pas loin du huis-clos puisqu'il s'agit de la difficile traversée en terre Apache d'une diligence où le hasard a réuni huit personnages  : une jeune aristocrate sudiste partie rejoindre son mari, officier de cavalerie, un joueur de cartes professionnel, un médecin alcoolique, un représentant en whisky, une prostituée dont se sont débarrassées les ligues de vertu, un banquier parti avec la caisse, un hors-la loi au grand coeur et le shérif chargé de sa surveillance. Le lieu est exigu et les personnalités s'exacerbent au fur et à mesure que le danger se précise.

 

Le regard de John Ford est celui d'un entomologiste qui s'amuse à décortiquer les comportements de cette micro société. Difficile, en regardant le film, de ne pas penser à la nouvelle de Maupassant : Boule de suif. Les circonstances sont à peine différentes - la guerre avec les Indiens a remplacé la guerre franco-prussienne -  mais il s'agit toujours de sauver sa peau en milieu hostile et de savoir ce que la proximité du danger révèle de l'être humain. Il est certain en tout cas que les préférences de John Ford vont vers le bandit-justicier et la prostituée au grand coeur, parce que leur générosité ignore les préjugés de classe.

16 octobre 2020

Eddy L. Harris, Mississippi Solo

 Ol' Man River, the Big Muddy, Body of a Nation, The Mighty Mississippi ... rarement fleuve aura eu tant de surnoms, tous mérités bien sûr car qui a vu une fois le Mississippi reste fasciné par sa force et sa puissance comme par les récits  - quand ce ne sont pas des légendes - qui lui sont consacrés. 

Mississippi Solo est un récit de voyage, celui qu' Eddy L. Harris, écrivain en manque de reconnaissance alors âgé de trente ans a entrepris alors qu'il n'était ni particulièrement sportif, ni même aventureux, ne savait pas pagayer et ne possédait même pas de canoë : il s'agissait alors de descendre la totalité du Mississippi - 3780km - depuis le lac Itasca dans le Nord du Minnesota jusqu'à la Nouvelle-Orléans ! " De là où il n'y a pas de Noirs à là où on ne nous aime toujours pas beaucoup." car, pour corser l'exploit Eddy Harris est...Noir !

Certes, sa couleur de peau joue parfois dans les rencontres qu'il fait, mais pas tant que cela, à une ou deux exceptions près, car la plupart des gens qu'il rencontre sont du type curieux et débonnaire. En tout cas, que l'on s'intéresse, à travers ce récit, à la sociologie américaine, à la découverte de paysages souvent somptueux, à la description du fleuve lui-même avec toutes ses variations de lumière et de puissance, c'est malgré tout l'état d'esprit du narrateur qui en constitue le fil conducteur, plus changeants même que les aléas météorologiques. Car il doit affronter aussi bien les difficultés matérielles que son incompétence, ses incertitudes, ses doutes et sa solitude, ses victoires éphémères et ses échecs, son envie de renoncer et son obstination à aller jusqu'au bout malgré tout. Mais au bout du voyage, au bout du récit, il n'y a pas d'autre accomplissement que la connaissance de soi.

13 octobre 2020

Johnny Guitar

Qu'est ce qui fait de Johnny Guitar, le film de Nicholas Ray, un western tout à fait étonnant ? La réponse est facile. En dépit du titre, le personnage principal du film n'est pas un homme, mais bien une femme et en fait il y en a même deux : Vienna, l'ancienne entraîneuse qui a réussi à mettre suffisamment d'argent de côté pour installer un saloon dont la prospérité sera assurée par l'arrivée du train. En face d'elle Emma, rancher qui refuse que le chemin de fer traverse ses terres. Mais il est très vite évident qu'entre les deux femmes il est d'autres enjeux qu'économiques puisque Emma convoite l'amant (délaissé) de Vienna. Le rôle de Vienna est tenu par Joan Crawford, celui d'Emma par Mercedes Mc Cambridge. Chacune des deux femmes a son clan, ses hommes dévoués. Et le duel final ne peut-être que mortel.

 

Johnny Guitar est, c'est certain, le western le plus féministe que j'ai jamais vu !  Ni Dancing Kid ni Johnny Guitar, ne font le poids à côté de ces femmes à poigne. Mais puisque l'on est dans un western l'une incarne forcément le mal, tout de noir vêtue, l'autre le bien dans sa grande robe à crinoline, dont rien, ni le sang ni la boue n'altère la blancheur. Oui, j'avoue ce sont les limites du film. Mais si l'on part du principe que les westerns -  les bons westerns s'entend - proposent toujours, en plus du divertissement, des pistes de réflexion ,celui-ci met nettement en avant la capacité des femmes à décider par elles-mêmes de leur destin. 

Certes, cela ne va pas sans ambiguïté et la première apparition de Vienna en pantalon et chemise noire, pistolet à la ceinture laisse entendre qu'il faut s'habiller comme un homme et parler comme un homme pour asseoir son pouvoir. Les deux actrices ont d'ailleurs non seulement un maquillage un peu poussé, mais un jeu un peu outré, histoire de bien faire comprendre que ces femmes sortent de leurs rôles habituels. Qu'elles sont de "fortes femmes". 

Mais ce sont là défauts mineurs, dus en parti au genre et à la date du film : en 1954, quelle était alors la place des femmes dans la société ?  

09 octobre 2020

L'étrange incident

 Quand je revois avec un regard d'adulte, ces vieux westerns qui ont pour la plupart fasciné mon adolescence je suis toujours étonnée de constater à quel point ils sont moralisateurs sans en avoir l'air. 

L'Etrange incident de William Wellman date de 1942. L'intrigue se déroule en une seule nuit, ce qui permet des images de toute beauté - chevauchées qui se détachent à contre-jour sur un ciel crépusculaire -  mais resserre aussi l'intrigue à la façon des tragédies classiques. Car il s'agit de rien moins que de savoir si chacun peut décider du bien ou du mal sans passer par la loi, si quelques individus, sur la foi de mauvaises informations ou plutôt d'informations mal vérifiées peuvent de leur propre chef non seulement condamner mais exécuter les trois individus suspectés d'avoir volé un troupeau et tué le propriétaire. Sans autre forme de procès.

 

Alors bien sûr, le film est manichéen, bien sûr les méchants ont des mines patibulaires et les bons ont la tête de Henry Fonda ou de Dana Andrews, mais que peuvent sept personnes réfléchies contre une horde assoiffée de vengeance et de sang ? Car la leçon du film est là aussi : ce sont toujours les grands gueulards qui finissent par obtenir l'adhésion de ceux qui peinent à penser par eux-mêmes. Au cinéma comme dans la vraie vie. Si en 42 le film de William Wellman pouvait sembler viser Hitler, son propos reste plus que jamais d'actualité. Hélas ! Et il n'est pas d'autres remèdes à cela que toujours plus d'éducation, n'est-ce-pas ? 

06 octobre 2020

Josep


 

Ce n'est pas l'image que je voulais pour illustrer ce billet; celle-ci est certes intéressante et situe immédiatement le dessinateur  - Josept Bartoli, puisqu'il s'agit d'une histoire vraie - dans le contexte des camps de réfugiés espagnols où les combattants anti-franco ont été si mal accueillis par les Francais en 1939.  Mais l'image que je n'ai pas réussi à introduire sur cette page montrait le même personnage coincé entre deux gendarmes : sales gueules des deux brutes, abus de pouvoir, ignominie des traitements, tout était suggéré. Au spectateur de se souvenir de ce qu'on préfère oublier, la France n'a pas acceuilli les républicains espagnols comme elle l'aurait dû. 

Quelle que soit la qualité du dessin et du film en général, on sort de la séance, la tête un peu basse. Pour la colère, il est trop tard, et la honte n'est pas un sentiment très agréable.


02 octobre 2020

Thomas Flahaut, Les Nuits d'été

Le premier roman de Thomas Flahaut, (chroniqué ici ) m'avait intéressé parce que, sous couvert de fiction - une catastrophe nucléaire - l'auteur évoquait en réalité la catastrophe sociale que représente une fermeture d'usine. Or la littérature française n'a pas tant que ça l'habitude de s'intéresser aux problèmes économiques ou politiques, ni surtout à leurs répercussions sur les "gens ordinaires". 

Les Nuits d'été reprend la même veine, mais sans avoir recours à un événement hors du commun. Pas de dramatisation excessive mais une certaine sobriété et une grande justesse pour raconter les deux mois d'été de Thomas, Louise et Medhi. Thomas et Louise sont jumeaux, Medhi est leur ami d'enfance. Ils vivent tous les trois dans le même quartier, autrefois pimpant mais désormais délabré, d'une petite ville du Jura, à la frontière de la Suisse. Thomas a raté ses études et s'est fait embaucher pour l'été dans l'usine où Medhi travaille de nuit. Louise, qui poursuit des études de sociologie porte sur ce monde des intérimaires et des frontaliers un regard acéré. 

 Visiblement, l'auteur connaît ce monde ouvrier en voie de disparition sous la butée d'un capitalisme qui ne pense qu'au profit. Il décrit avec minutie les conditions de travail, la fatigue extrême, la précarité, les relations entre les chefs et les autres. Mais il met surtout en scène le malaise des enfants d'ouvriers qui ont cru un temps pouvoir s'en sortir mieux que leurs parents et se retrouvent à emprunter les mêmes chemins alors que les conditions n'ont fait qu'empirer et qu'il n'existe plus pour eux d'autre perspective que le chômage et la précarité, puisque l'usine ferme et les machines sont démontées.

Les Nuits d'été n'est pourtant pas un essai, mais bien un roman parce que Thomas Flahaut restitue avec beaucoup de justesse les doutes, les inquiétudes, les espoirs et les rêves manqués de ses personnages.  La façon dont ils parlent comme la façon dont ils s'abrutissent parfois dans l'alcool ou la vitesse. Si bien que l'on termine ce roman poignant, le coeur serré, mais convaincu du talent de son auteur.

Et moi je me réjouis de voir que certains écrivains s'intéressent enfin à autre chose qu'à leur nombril et leurs peines de coeur.