27 janvier 2021

L'homme de la rue

L'homme de la rue date de 1941. Alors oui, il est forcément un peu "daté", mais ce qu'il dit du rôle des médias et de la propagande, cet art de la manipulation, est plus que jamais d'actualité. 

En inventant le personnage de "John Doe", représentatif de l'Américain moyen, qui après 4 années de chômage annonce son intention de se suicider du haut de l'hôtel de ville, une jeune (et jolie) journaliste se lance, sans vergogne sur le chemin des "fake news". Et prolonge son mensonge en trouvant un pauvre hère qui contre quelques dollars, accepte de jouer le rôle du miséreux susceptible d'émouvoir les lecteurs du journal. 

La supercherie fonctionne tellement bien qu'un véritable mouvement populaire se crée : désormais chacun tendra la main à son voisin et le monde sera repeint en rose.... mais c'est sans compter sur les politicien, avides de pouvoir,  qui entendent récupérer le mouvement à leur seul profit. 

 


Manipuler les foules en 1941 ou manipuler les foules en 2021, c'est toujours un peu la même histoire, les mêmes procédés et la même crédulité.  Une chose est sûre, il y aura toujours des individus prêts à tout pour satisfaire leurs ambitions; les techniques de manipulation et les médias gagnent constamment en efficacité; la seule variable qui, dans cette dangereuse équation,  puisse (?) être corrigée, c'est ... la crédulité, et la seule défense contre la crédulité c'est ... l'esprit critique et donc l'éducation ! Ma conclusion ! Pas celle de Capra, qui, lui, montre sans démontrer et laisse le spectateur libre de son interprétation. Mais dans une scène magnifique -  celle où la supercherie va être révélée, celle qui va décider du sort du peuple en même temps que du sort des personnages - il film, en plongée, les parapluies noirs sous lesquels la foule se protège d'une pluie torrentielle. Un océan de parapluies qui ondulent pendant que sur scène les intervenants se disputent le micro et que les rotatives fonctionnent à plein débit.

25 janvier 2021

Judith Perrignon, Là où nous dansions

Le roman de Judith Perrignon a toutes les qualités et les défauts d'un roman de journaliste et c'est un bon roman.

Parmi les qualités il y a l'ampleur de la documentation ou plutôt la capacité de l'auteur à glisser un maximum d'informations dans un récit, à restituer des pans entiers de l'histoire industrielle, sociale, politique de l'Amérique sans jamais ennuyer son lecteur. Parce que Là où nous dansions, bien que construit autour d'une intrigue policière - le cadavre d'un jeune homme découvert au pied d'un immeuble abandonné et dont un flic de la police scientifique s'acharne à retrouver l'identité - n'est pas à proprement parler un roman policier, c'est le roman d'une ville. D'une ville à la foi terrifiante et fascinante, d'une ville en pleine mutation et ce depuis le début du XXe siècle : Detroit, qu'une simple rivière sépare du Canada et qui a, pour cette raison, souvent permis aux esclaves fugitif d'échapper à leurs poursuivants.

Mais la ville dont parle Judith Perrignon, ce n'est pas celle de l'esclavage, c'est la capitale de l'industrie automobile,  qui a connu son heure de gloire et d'opulence au début du XXe siècle, et dont le déclin n'a cessé de se poursuivre depuis les années 30 jusqu'à ce que, en 2013 la ville soit déclarée en faillite ! Une ville dont les habitant, en majorité Noirs, ont été abandonnés.

Des centaines d'articles, des dizaines de livres ont déjà été publiés sur le sujet, mais Là où nous dansions est un roman, ce qui permet à l'auteur de passer d'une époque à une autre sans nécessairement suivre la ligne chronologique, de glisser d'une saison à l'autre pour mieux marquer l'écoulement du temps. Et surtout, le choix d'une forme romanesque permet de faire vivre des personnages pour lesquels le lecteur éprouvera de l'empathie. Certains de ces personnages ont réellement existé - Eleanor Roosevelt, les Supremes ... d'autres sont fictifs, mais construits, on le devine, à partir de longues interviews réalisées par la journaliste et tout aussi "réels" que les personnages historiques. 

En plaçant au coeur de son roman le Brewster-Douglas Housing Project, issu du New Deal, Judith Perrignon montre comment un projet social, qui a permis aux Noirs d'accéder à des logements décents et de trouver leur place dans la ville a peu a peu cédé devant les coups de boutoir du capitalisme.  L'histoire d'une ville, l'histoire d'un projet urbain c'est avant tout l'histoire d'une société, de ses réussites, mais aussi de ses échecs, de ses manques.  Une histoire sociale et une histoire politique. C'est dire si le roman de Judith Perrignon prête à réflexion !

http://motorcitymuckraker.com/2013/12/19/second-stage-demo-begins-historic-brewster-douglass-housing-project/

Pour revenir aux défauts du roman, mettons qu'il y a une écriture parfois un peu factuelle, qui ne laisse pas assez de place à l'émotion, et la difficulté pour le lecteur de passer sans cesse d'un lieu à un autre, d'une époque à un autre.  Il est vrai que ce fractionnement de la structure est un peu la mode littéraire du moment

Mais, de toute évidence, Judith Perrignon est tombée amoureuse de Detroit (qu'elle avait déjà brièvement et superbement évoqué dans un précédent livre, Les Faibles et les forts). Et je la comprends car Detroit, malgré ses ruines et ses terrains vagues, malgré sa pauvreté et sa criminalité, est une ville dont on s'éprend. Parce que, dès qu'on y met les pieds, c'est avec ses habitants que l'on entre en contact, ce sont eux qui vous guident vers les lieux, à leurs yeux les plus spectaculaires, qui vous accompagnent pour vous éviter de vous perdre, qui vous accueillent avec curiosité et générosité, parce que même les plus démunis, surtout eux peut-être, sont fiers du passé de leur ville. Aiment leur ville, malgré tous ses défauts.

24 janvier 2021

Une autre heure bleue

 

Comment ça, pas nette la photo ? Normal, puisque prise derrière la vitre (pas très propre !). Mais, perso, j'aime bien le grain ou plutôt il ne me dérange pas. 

23 janvier 2021

Colum McCann, Apeirogon

 Comment parler d'Apeirogon ? Comment rendre les mille éclats de ce roman hors du commun. Je sens que ce billet va être difficile, un des plus difficiles à écrire. 

Oui, comment faire l'éloge d'un roman aussi éblouissant, sans faire un peu peur malgré tout au lecteur potentiel.  Parce qu'ouvrir Apeirogon, c'est partir dans une formidable aventure littéraire, politique et surtout humaine. 

Apeirogon est un puzzle de 1000 paragraphes (tous numérotés) que ne renierait sans doute pas l'Oulipo; une contrainte que l'auteur s'est donnée pour mener à bien son projet et qui lui permet d'englober dans les pages d'un livre le vaste monde. Apeirogon est un kaléidocsope aux mille morceaux fracturés, parfois minuscules, parfois plus larges dont l'agencement ne cesse de se modifier parce que la vie n'est que changements.


Apeirogon est un livre ancré dans un territoire restreint, quelques kilomètres seulement autour de Jérusalem, quelques kilomètres carrés cernés de murs, de check-points, de blocs de béton, de soldats en armes, de règlements absurdes, d'interdictions en tous genres. Et pas la peine d'aller sur Google map pour essayer de comprendre comment aller d'ici à là, d'Anata à  Beit Jala ... Circuler dans la région est un vrai casse-tête et prend beaucoup, beaucoup de temps.

Les trajets de Rami l'Israëlien et Bassam le Palestinien dans le dédale des zones A, B, C, H1, H2, E1, chacune sous un statut différent, permettent très vite de comprendre que la situation géo-politique de la région est tout sauf compréhensible.

Pourtant, bien que totalement centré sur la relation entre Israéliens et Palestiniens, Apeirogon n'est pas un essai, ni même un roman à thèse. Tout au plus un roman engagé : Rami et Bassam sont non seulement amis, ils sont aussi des Combattants pour la Paix. Car l'un et l'autre ont perdu un enfant : la fille de Bassam a été tuée d'une balle en caoutchouc dans le crâne; la fille de Rami a été tuée, 10 ans plus tôt, dans l'attentat de Ben Yehuda street. 

Colum McCann n'épargne pas son lecteur et les pages sur la mort des deux fillettes, ou le chagrin des pères sont particulièrement difficiles.  L'auteur n'édulcore rien, car c'est au plus profond de leur humanité que ces deux hommes sont touchés. Emportés par la douleur, ils trouvent pourtant au fond de la tragédie, au fond d'eux-mêmes assez de force pour aller vers les autres, pour tendre la main vers leurs semblables et assez d'espoir pour témoigner et par leur témoignage, s'efforcer de changer, un peu, un tout petit peu les mentalités. C'est cette tension entre la mort et la vie, cette tension entre la haine et l'amitié qui reste en mémoire lorsqu'on referme le livre. Définitivement un très beau livre.


22 janvier 2021

L'heure bleue ...

"L'heure bleue est la période entre le jour et la nuit où le ciel se remplit presque entièrement d'un bleu plus foncé que le bleu ciel du jour."

Soit ! Mais une photo prise non pas à la tombée de la nuit, mais au lever du jour m'incite à chercher un peu plus loin. L'occasion de découvrir un peintre : Maximilien Luce rapidement qualitifé de neo-impressionniste ou pointilliste.

"Luce a une prédilection pour les nocturnes, pour les atmosphères incertaines (brumes matinales, temps gris, nuées), il privilégie les dominantes bleues et violettes." Wikipedia



 Mais en dehors de sa préférence pour les bleus, je découvre surtout un bonhomme étonnant, un anarchiste, un libertaire, proche des mouvements ouvriers . Marqué enfant par les événements sanglants de la Commune, il s'engage auprès de Zola dans l'affaire Dreyfus, auprès des Combattants de la paix.  Un peintre, un graveur, un dessinateur, un artiste certes, mais pas indifférent à la marche du monde.
 
 

21 janvier 2021

Inauguration menu


 
                                                         

Clam chowder (à ma façon!)


 

 et Boston style baked beans !

Deux plats de Nouvelle-Angleterre puisque c'est là que l'aventure américaine a commencé...

 

Pour terminer ? Glace à la vanille avec des framboises pour le rouge et des myrtilles pour le bleu, 

parce que j'ai appris que la glace est le dessert favori de Joe Biden.


20 janvier 2021

Une fenêtre météo ?

 

Entre deux couches de nuages, un peu de ciel.  Bleu, bien sûr ! 



 

18 janvier 2021

Hart Benton

J'étais hier sur la piste de Jesse James, à la recherche d'une des innombrables versions de la fameuse Ballade de Jesse James chantée par Johnny Cash, Bruce Springsteen, Woody Guthrie, Nick Cave..... et tant d'autres !

Je me suis finalement arrêtée sur la version la plus sobre, celle de Peete Seeger

Une recherche menant à une autre, je suis tombée sur un tableau  d'un peintre que j'aime beaucoup  : Thomas Hart Benton qui met en scène l'attaque d'un train par ... Jesse James !

Comme Grand Wood, Hart Benton est avant tout un peintre figuratif. Originaire du Missouri, c'est dans la peinture de la vie rurale qu'il excelle, loin des recherches modernistes qu'il récuse au profit d'une peinture réaliste qui frôle parfois la caricature. Il y a dans ses tableaux, le plus souvent colorés et lumineux, un côté franchement ringard, j'en conviens, mais le peintre parvient à restituer quelque chose de l'époque (les années 30 en gros), quelque chose de cette Amérique rurale, dure à la peine ...

dont le mode de vie est bouleversé par les conditions climatiques ... (la grande crue du Mississippi date de 1827, les tempêtes de poussière ont particulièrement sévi au début des années 30)

 autant que par les progrès techniques ! 

 Mais pour revenir à Jesse James, voici la représentation que Benton a fait de l'attaque du train par le hors- la-loi et ses complices.

Une scène parmi d'autres de la grande fresque qui orne les murs du Capitole à Jefferson City (Missouri) 

Une fresque, un travail et un style qui font nécessairement penser au travail de Diego Rivera à Detroit ou à New York !  Diego et Thomas, deux peintres, deux amis aussi. 


16 janvier 2021

Jesse James, le brigant bien aimé

Comment d'un hors-la-loi, d'un meurtrier, faire un gentil Robin des bois ? Ce n'est au fond pas bien difficile

Prenez, pour incarner le personnage, un acteur au profil de gentil garçon, regard charmeur et fossette au coin des lèvres. Tyrone Power en l'occurrence. 

Prenez le temps d'expliquer, en introduction, que les méchants capitalistes  (les patrons de la compagnie ferroviaire) ont essayé de s'emparer de la ferme familiale pour y faire passer leur voie de chemin de fer et qu'ils ont brutalisé sa "moman". Insinuez que le jeune garçon qui s'était engagé du côté des Sudistes est revenu traumatisé des champs de bataille (le fameux PTS !).

Et pour faire bonne mesure, montrez-le amoureux fou d'une gentille et jolie jeune fille qu'il ne va pas tarder à épouser.

Qu'il attaque les trains, ce n'est que juste revanche. Qu'il s'en prenne ensuite aux banques, ce n'est que voler aux riches. Et s'il laisse derrière lui un certain nombre de cadavres, comment voulez-vous qu'il fasse autrement puisque sa tête est mise à prix  et qu'il est poursuivi par toutes les polices de l'Etat avant d'être trahi par un des membres de sa bande.  

Le Jesse James d'Henri King et Irving Cummings n'est au fond qu'un gentil garçon  au destin tragique, poussé au mal par la société. Car les méchants, ce sont eux, les profiteurs, les accapareurs, avec à leur tête le directeur de la compagnie et tous ceux qui sont à ses bottes ! 

Oui, raconté comme cela le film paraît un peu simplet. Mais il montre bien commence naissent les légendes et comment il suffit de quelques artifices pour modifier la vérité. Car le vrai Jesse James n'avait rien d'un enfant de coeur !

https://www.nationalgeographic.com/history/magazine/2019/01-02/infamous-missouri-outlaw-jesse-james/

Ce hors-la-loi est pourtant devenu, pour beaucoup, un héros du Missouri, qui prend aux riches pour donner aux pauvres, un homme avec un coeur et un cerveau, que la police ne parvient jamais à attraper, et qui mourut trahi par une sale petit lâche.

 
            Jesse James was a lad that killed many a man,
            He robbed the Glendale train,
            He stole from the rich and he gave to the poor,
            He'd a hand and a heart and a brain.

            Jesse was a man, a friend to the poor,
            He'd never rob a mother or a child,
            There never was a man with the law in his hand,
            That could take Jesse James alive.

             Well it was Robert Ford, that dirty little cowardd
            I wonder how he feels,
            For he ate of Jesse's bread and he slept in Jesse's bed,
            And he laid poor Jesse in his grave.
 

15 janvier 2021

Françoise Somson, Dessins déconfinés

Non, l'art n'est pas mort, car les artistes, même confinés,  continuent de composer, d'imaginer, de dessiner, d'écrire, de peindre.... comme Françoise Somson qui dans la vitrine d'Art Mixe, déconfine ses derniers dessins


Cela fait un bout de temps déjà que je suis fascinée par les dessins de Françoise, parce qu'avec la plus simple des techniques, un stylo feutre et une feuille blanche, elle nous entraîne dans des univers  mystérieux, fantasmagoriques, inquiétants parfois, ludiques aussi. Uniques toujours. Qui n'imposent rien, mais se prêtent à tous les interprétations, puisqu' il suffit de laisser parler son imagination et ses émotions. 

Les dessins de Françoise Somson sont exposés jusqu'au 31 Janvier sur les murs de la galerie Artmixe 2 rue Raoul Blanchard à Grenoble. Et ça fait tellement de bien de retrouver le chemin de l'art et des galeries, de retrouver, un peu, le monde d'avant. Promis : les dessins ne sont pas contagieux ! 

Présence de l'artiste les mercredis et vendredis de 15h à 17h. 

ou sur rendez-vous Tel : 06.81.77.19.10



 

13 janvier 2021

Monsieur Klein

 

Quel étrange film que ce Mr Klein revu il y a peu sur Arte. Etrange et aussi ambigu que M. Klein lui même, ce riche collectionneur qui profite de la situation (on est en 1942 !) pour racheter à bas prix des oeuvres d'art que viennent lui proposer des Juifs aux abois. Premier constat. On peut aimer l'art, et être une ordure !

Mais ce Mr Klein est un bon citoyen qui s'adresse à la police pour savoir qui est cet autre M. Klein que l'on veut faire passer pour lui. "Que l'on veut faire passer pour lui ", il y a donc complot ? machination ? et dès lors tout le monde devient suspect... 

Film politique autant que policier, M. Klein entraîne le spectateur dans des dédales kafakaïens et le malaise s'installe jusqu'à la résolution finale. Mais en attendant le spectateur sera entré dans l'ère du soupçon et aura senti tout le poids de l'Occupation, d'autant que la caméra de Joseph Losey excelle à saisir les atmosphères, quels que soient les milieux où elle est amenée à se déplacer : meublé sordide, hôtel particulier très vieille France, appartement bourgeois chic.... et même, scènes de rues nocturnes et vides pour cause de couvre-feu !

Mais la scène qui m'a le plus frappée par son esthétique, c'est celle du cabaret où des bourgeois bouffis se gaussent devant un spectacle grotesque qui caricature les juifs : impossible de ne pas penser à Georg Grozs qui avant même l'arrivée de Hitler au pouvoir avait mis en scène dans ses tableaux, tout ce qu'il pouvait y avoir de délétère dans la société allemande des années 30, amtosphère que l'on retrouve ici transposée dans le Paris des années 40 ! Le film de Losey date de 1976, mais laisse aujourd'hui encore une impression de gène. Sans doute parce qu'en dehors du cabaret, il n'y a pas l'ombre d'un nazi. Et que la rafle du Vel d'Hiv est l'oeuvre de policiers en képis et capelines.


12 janvier 2021

Le Massacre de Fort Appache

Encore un western ! Encore un John Ford ! Et bien oui, je n'ai pas l'intention de m'arrêter en si bon chemin.  Parce que,  ilm après film, j'ai toujours quelque chose de plus à apprendre sur les E-U et que de toute façon, chevaucher du côté de l'Utah et de l'Arizona, le temps d'un film, ça ouvre mon horizon !


Le Massacre de Fort Appache retrace à sa façon la bataille de Little Big Horn où Custer a été tué. Ce qui permet à John Ford de mettre en scène deux personnages antithétiques : le lieutenant-colonel Thursday (Henry Fonda), un militaire rigide et borné qui veut faire la guerre comme dans les livres, et le capitaine York (John Wayne évidemment) qui connaît non seulement bien ses hommes et le terrain, mais sait habilement négocier avec les Indiens.  Vu comme cela, Fort Appache n'est rien d'autre que la chronique d'un massacre annoncé. 

Soit mais c'est aussi la chronique de la vie quotidienne dans un fort, isolé en territoire indien : la camaraderie et l'alcool permettent aux hommes de survivre pendant que les femmes s'efforcent de maintenir un semblant de civilisation. Or le Colonel, que l'on suppose veuf, est arrivé en compagnie d'une ravissante jeune fille (Shirley Temple, parfaite dans ce rôle de jeune fille en fleur ! ) dont le jeune officier nouvellement arrivé lui aussi s'est immédiatement épris. Ce qui permet à Ford d'alterner expéditions militaires et bleuette sentimentale. Sans oublier quelques scènes franchement comiques. Et quelques clins d'oeil appuyés aux Irlandais ! 

Après avoir vu, pas plus tard que la semaine dernière, le Convoi des braves, je me dis que les scènes de danse dans les films de John Ford occupent presque autant de place que les scènes de bagarre. Le mormons tapaient du talon sur un plancher improvisé; les militaires de Fort Appache dansent le quadrille avec une rigueur toute militaire et ... une certaine élégance ! Visiblement Ford prend plaisir à filmer les danseurs autant sinon plus que les militaires !  Si bien que, malgré le contexte, le film laisse une impression de gaieté et de joyeuse camaraderie !


 

11 janvier 2021

Blanc sur gris

 ou gris sur blanc, c'est pas mal...


mais en couleurs, c'est mieux, non ? 

Pas sûr !


10 janvier 2021

Le Convoi des braves

 Ce n'est peut-être pas le meilleur des films de John Ford, mais l'histoire de ces deux jeunes vendeurs de chevaux qui acceptent de guider une caravane de Mormons en partance vers la fertile vallée de San Juan est loin d'être inintéressante.


Ne serait-ce que parce qu'elle retrace assez bien les difficultés qu'ont pu rencontrer ces caravanes de chariots bâchés, qu'il fallait mener à travers des régions peu voire pas connues : trouver des points d'eau,  franchir des passages rocheux en creusant, à la pioche (!) une trace pour les roues, assurer la protection de tous, femmes et enfants compris, vis à vis des Indiens mais surtout vis à vis des hors-la-loi et autres bandits de grand chemin, telle est la tâche que mènent à bien Travis et Sandy.

Ce qui donne du piquant au film c'est le fait qu'il s'agit de Mormons,  auxquels se joint rapidement un trio de saltimbanques aux moeurs nettement plus légères. Mais lorsqu'il s'agit de danser le quadrille, les Mormons ne sont pas les derniers à frapper du pied sur le plancher improvisé. Ou, si cela s'avère nécessaire, à rejoindre la ronde scandée des Indiens.

Il y a finalement dans ce western une certaine légèreté tout à fait bienvenue. 



09 janvier 2021

Le Cheval de fer

Quel film, mais quel film ! Pourtant il date de 1924. Et il est muet ! Et il dure 2h et des poussières .... Mais il y a tout dans ce film.  L'amour, l'aventure, l'amitié, la trahison, le progrès et la technique, la misère et l'argent, des immigrants -  italiens, irlandais, allemand ou chinois -  et des Indiens,  une jeune héritière prude et  des filles de petite vertu, un jeune homme aussi galant qu'intrépide, un père attentionné, un traître à la solde d'un autre traître...

Mais il y a surtout la construction du chemin de fer qui doit traverser la totalité du continent américain. Pour la période qui concerne le film, il s'agit de faire se rejoindre deux portions, l'une qui partira d'Omaha dans le Nebraska, l'autre de Sacramento en Californie. Deux compagnies, la Central Pacific et l'Union Pacific progresseront à un rythme accéléré pour se rejoindre à Promontory Summit où la jonction des deux voies sera marquée par un clou d'or. Le dernier clou de la voie transcontinentale ! Et ça, ce n'est pas du cinéma.

L'histoire est certes véridique, mais il appartient à John Ford d'en faire une épopée, en y ajoutant suffisamment d'anecdotes et surtout de personnages pour faire vibrer les coeurs tendres et enflammer les téméraires. 

Le travail de Ford est tout à fait remarquable, il alterne scènes intimistes (ah les regards enamourés des deux tourtereaux)  scènes de bravoure (l'attaque du train par les Cheyennes),  glisse quelques intermèdes comiques histoire de mettre en valeur la rivalité des contremaîtres,  et, pour faire bonne dose, ajoute même l'ébauche d'un mutinerie, mais toujours, inlassablement, il revient aux rails et à ces centaines d'ouvriers, mal payés et souvent mal nourris (malgré la chasse aux bisons et le convoi de plus de mille boeufs), qui jour après jour, mètre après mètre, dans la chaleur ou le froid, dans la neige et le vent ont mis bout à bout traverses et rail pour permettre aux locomotives d'avancer. 

Je ne sais pas dans quelles conditions le film a été tourné, mais au nombre de figurants et des moyens employés, je suppose que le budget a été à la hauteur des ambitions du réalisateur, qui n'en était certes pas à son premier film, mais pour qui ce fut certainement un coup d'éclat. On sent dans ce film la fierté de ceux qui font avancer le monde, mais aussi l'enthousiasme de John Ford pour les possibilités infinis du cinéma.


08 janvier 2021

La Vengeance aux deux visages

 Un western, avec Marlon Brando dans le rôle principal et Marlon Brando en réalisateur ! Voilà qui n'est pas banal et en plus le film est réussi ! Il mériterait sans doute de longues exégèses parce que la relation d'abord amicale puis haineuse entre ces deux hommes dont l'un s'appelle "Kid" et l'autre "Dad" est assez troublante.


A la suite d'un hold-up qui tourne mal, Dad abandonne lâchement Kid en situation difficile; 5 ans plus tard, à sa sortie de prison, Kid ne cherche qu'à se venger, mais les choses ne sont pas aussi simples. Parce que visiblement le face à face brutal de deux hommes pistolet en main n'est pas ce qui intéresse Brando. Ce qui l'intéresse ce sont toutes les ressentiments, les trahisons, les expectations, bref tous les troubles de l'âme. Et puis l'attente, le temps long, les tours et détours que le désir de vengeance peut prendre. 

 Il y a , bien sûr, tout ce qu'il faut pour faire un western, un sherif et des bandits, des chevaux et des cow boys, une petite ville qui essaye d'être respectable, un saloon, des filles de joie, des joueurs de carte, quelques mexicains  et même des chinois.... toute la panoplie du western est là, mais ce qui fait un bon western à mon avis, c'est ce que le réalisateur fait de cette panoplie et la façon dont il en profite, éventuellement, non pas pour renouveler le genre, mais au moins pour l'orienter dans un sens un peu différent de ceux qui l'on précédé.

Si je qualifie La vengeance aux deux visages de western introspectif, je crains que cela ne fasse fuir d'éventuels spectateurs et pourtant, c'est bien un peu de cela qu'il s'agit. Et le fait que le film ait été tourné au bord de l'océan Pacifique dont la houle traverse parfois l'image, n'a pas seulement valeur "décorative". Le rythme des vagues ponctue les désirs et les refoulement de cet homme perdu dans la tempête de ces sentiments.  Oui, il y a définitivement quelque chose de très romantique dans La Vengeance aux deux visages.




07 janvier 2021

New York Miami

Emportée par l'élan du précédent Capra, je suis passée à la bibliothèque pour en récupérer quelques autres. Et viens de visionner New York Miami au titre bizarrement inversé parce que la jeune milliardaire capricieuse qui s'est enfuie pour rejoindre le mari dont son père ne veut pas,pour elle,  part de Miami pour rejoindre New York.  Peu importe cette inversion d'itinéraire, le titre anglais, It Happened one night,  est de toute façon plus intriguant. Car de quelle nuit s'agit-il ? 

 

Pour échapper à son père, Ellie n'a d'autre moyen que de prendre le bus, un long, très long trajet jusqu'à NY. Plus de 2000km qui lui permettront de faire la connaissance de Peter Warner, un journaliste fauché  qui vient  en outre de se faire renvoyer par son patron, mais un homme affable, plein de charme puisque le rôle est tenu par Clark Gable qui joue de la prunelle comme personne. 

 

 On ne doute pas que l'aventure se termine au mieux et qu'il ne sera pas besoin de trompettes pour faire tomber le "mur de Jericho" suspendu entre les deux lits pour ne pas choquer les spectateurs de l'époque. 

 

Mais le voyage qui permet aux deux individus de sedécouvrir, permet au réalisateur de se moquer des classes sociales et des milliardaires qui à force d'être choyé et de voir leur moindre désir satisfait ont perdu tout contact avec la réalité du monde. Mais puisque c'est Capra qui dirige, il n'y a rien de grinçant dans le film, plutôt une bonne humeur et une joie de vivre communicative, comme dans ma scène préférée, celle où tout le monde se met à chanter dans le bus ! 

https://youtu.be/ZvzgCo-As6A 

Je mettrai bien aussi en extrait la leçon d'auto-stop où l'on voit qu' Ellie a finalement beaucoup plus de ressources que Peter qui prétend pourtant  avoir une méthode infaillible pour arrêter les voitures . 

https://youtu.be/Ar-hnj5Zsk4

Mais c'est tout le film qu'il faut revoir, et pour être de bonne humeur journée, vous reprendrez bien une dose de Capra. C'est en tout cas mon programme d'aujourd'hui !

 

 



06 janvier 2021

Monsieur Smith au sénat

 A la veille d'une élection en Georgie qui va donner à l'un des deux partis la majorité au Sénat et par conséquent permettre - ou pas - à Biden et Harris de gouverner et de ramener les E-U du côté de la raison....il est amusant de revoir ce film de Capra qui date de 1939 et de constater que le "jeu" politique fonctionne encore et toujours sur les mêmes règles en l'occurrence celles du plus riche et donc du plus fort !

Il faut bien sûr faire la part de la comédie et de la caricature qui fait de M. Smith un benêt à l'esprit boy scout qui connaît par coeur les discours de Lincoln et la Constitutiont, mais rien au fonctionnement du Sénat. La raison même pour laquelle il a été nommé par ceux qui avaient besoin d'une marionnette facilement manipulable pour faire passer leurs lois (scélérates évidemment). Oui mais voilà, le benêt n'est au fond pas si benêt que cela et grâce à Clarissa Saunders, une femme - évidemment ! - très au courant des ressorts de la politique, il va mettre des bâtons dans les roues de ceux qui ont confisqué le pouvoir à leur seul profit.  On voit au passage le rôle des médias pour influencer l'opinion publique ! Bien avant Fox news !

Comme toujours dans les films de Capra, tout se termine pour le mieux, il suffit d'un grain de sable pour changer le cours du monde, la démocratie est sauvée, M. Smith et Clarissa seront très heureux et auront sans doute beaucoup d'enfants. 

 Pendant ce temps en Géorgie, les résultats ne sont pas encore tombés, mais si M. Smith a pu gagner la bataille,  Ossoff et Warnock le peuvent aussi ! Résultats qui seront immédiatement contestés, mais cela n'interdit pas d'espérer.

05 janvier 2021

Jean-Luc Bertini, Américaines solitudes

J'ai emprunté le livre à la bibliothèque et je devrai bientôt le rendre, mais certaines photos plus que d'autres me resteront dans la tête. Sans doute parce que ce photographe avait déjà publié un livre sur les écrivains américains : Amérique, Des écrivains en liberté, que j'avais particulièrement apprécié puisque la littérature et les voyages sont mes deux principaux centres d'intérêt (avec le cinéma quand même aussi !). Les photos de Jean-Luc Bertini , plus que d'autres, me donnent l'impression de voyager comme je le fais, de voir ce que je vois quand je suis là-bas et de porter sur ce pays, le même regard à la fois amoureux et critique. 

De Great Falls , Montana 

 
à Jacksonville,  Florida

 

en passant par Las Vegas, Nevada 


pour se retrouver à Miami Beach en Floride


Les photos de Bertini sont belles et la mise en page du livre,  d'une élégante sobriété,  met en valeur leur  beauté.



Jean-Luc Bertini, Américaines solitudes, préface de Richard Ford, Postface de Gilles Mora, Actes Sud, 2020. 

https://www.actes-sud.fr/catalogue/arts/americaines-solitudes

http://www.jeanlucbertini.com/fr/

https://lintervalle.blog/2020/11/24/rhapsode-americaine-par-jean-luc-bertini-photographe/comment-page-1/


04 janvier 2021

Roy Jacobsen, Les Invisibles



 Les Invisibles
est un roman norvégien qui se passe dans une toute petite île où n'habite qu'une seule famille. Famille de pêcheurs évidemment, mais qui parvient avec quelques bêtes et quelques champs, à vivre en quasi autarcie. La vie insulaire, dans toute sa splendeur ! Mais c'est aussi une vie qui exige de chacun qu'il fasse appel à toutes ses forces, physiques et mentales pour résister. 

Bien que centré autour du personnage d'Ingrid, la plus jeune fille de la famille, que l'on voit grandir sur deux décennies,  le roman explore tous les liens familiaux, car, isolé à ce point du monde, chacun doit et peut compter sur l'autre, quel que soit son âge et sa fonction dans la famille. 

Les invisibles est un roman familial, un roman de l'intime, mais un intime extrêmement pudique.  Il est de surcroît situé dans un milieu naturel dont l'auteur rend superbement la rudesse, (en particulier pendant l'hiver),  mais aussi le charme délicat. Et même si l'insularité peut parfois passer pour une forme de confinement, il n'en est rien parce que, plus que de la coupure avec le monde, c'est de l'attachement à une terre dont il est ici question.

03 janvier 2021

2021

 

Qu'importe le paysage, pourvu qu'il soit aussi grand que nos rêves !

01 janvier 2021

La vie est belle

Arte vient de reprogrammer le film de Frank Capra, La Vie est belle qui est supposé être un des films préférés des Américains, constamment programmé au moment de Noël. Arte ne prenait donc pas beaucoup de risque et effectivement, à condition de se laisser emporter par "la magie de Noël" le film est très réjouissant.

 
 
 Pourtant, au moment où commence le film, George Bailey est au bord du suicide. Lui qui depuis l'enfance à fait face à tous les défis et surtout à toutes les difficultés, en renonçant il est vrai à tous ses rêves d'aventure, risque de tout perdre et de se retrouver en prison pour une(grosse) irrégularité dans ses comptes. Mais Clarence, son ange gardien est là pour parer à tout et par la même occasion obtenir enfin les ailes dont il rêve 

Le récit est un peu plat mais le film ne l'est pas du tout, d'abord parce que c'est toute la vie de cet homme qui est passée en revue, tous ses espoirs, ses attentes, ses illusions, ses rêves d'aventure, qui se heurtent à chaque fois au principe de réalité, si bien qu'il a l'impression que sa vie est un désastre. Sur un claquement de doigt - l'ange gardien - il a possibilité de passer en revue sa vie, mais en la regardant sous un autre angle et de mesurer l'impact qu'elle a eu sur les autres. Capra s'amuse à rembobiner le film pour en donner une autre version et mettre ainsi en valeur l'altruisme du personnage. C'est astucieux, et tellement cinématographique parce que seul le cinéma permet de rejouer la même scène sous un autre angle. 

Le "happy end", incontournable, est à peine sentencieux; mais il n'y a aucune raison de bouder son plaisir. Parce que Capra, immigrant de première génération qui n'a jamais cessé de croire à l'Amérique et a tout fait pour "réussir" et devenir l'un des réalisateurs les plus cotés d'Hollywood reconnaît dans ce film qu'une vie réussie, ce n'est pas seulement de l'argent et de la gloire.