14 août 2009

Agee / Walker Evans


Louons maintenant les grand hommes est un livre mythique. Je connaissais son existence, mais n'avais jusqu'à présent, pas réussi à mettre la main dessus.
Je viens de trouver la dernière édition qu'en a fait Plon dans la collection Terre Humaine : quelle déception !
Les photos de Walker Evans sont bien là. Mais dès le premier chapitre, le livre m'est tombé des mains : une logorrhée, une bouillie verbale dans laquelle on peine à distinguer les objectifs et les motivations de James Agee, pourtant envoyé en Alabama par Fortune Magazine pour écrire un article sur la condition des métayers après la crise de 36. L'article sera refusé, ce qui n'est au fond, guère surprenant.

La postface de Bruce Jackson est très éclairante et d'une certaine façon rassurante : après avoir rappelé que "l'intelligentsia de New York parlait du livre comme du Saint Graal : brillant, rédempteur, totalement inaccessible." il précise que la rumeur ne se fondait que sur des on-dit, "car pratiquement personne n'avait vu le livre". Et lorsque lui même s'en est procuré un exemplaire : "Je n'allai pas plus loin que la troisième ou quatrième insulte d'Agee au lecteur (à la troisième ou quatrième page du texte), puis le posai sur une des piles de livres à lire quand on a beaucoup de temps à perdre, ce qui signifiait habituellement que je ne les touchais plus sinon pour les offrir à quelqu'un ou les jeter."
Cadeau empoisonné s'il en est ! Il vaut mieux le jeter !
B. Jackson s'efforce néanmoins de réhabiliter le livre et d'en justifier la réédition dans la collection Terre Humaine. Il y parvient assez bien.

Reste que le livre est franchement indigeste, bien qu'il constitue, j'en conviens, un témoignage peut-être moins sur l'Alabama que sur la mentalité d'un jeune homme fraîchement sorti de Harvard. Son indignation devant la misère des fermiers dont il partage la vie pendant un mois est sincère mais obnubile son jugement et fausse son travail : au lieu d'accumuler les faits grâce à une observation méthodique et objective, Agee fulmine, se laisse emporter par ses émotions et, se lance dans un délire nerveux limite hystérique. La fougue de la jeunesse (plutôt sympathique) mais aussi la prétention d'un intellectuel qui s'imagine changer le monde par la seule force de son indignation et qui contrôle bien mal son écriture ! N'est pas Whitman qui veut !
Me voilà donc amèrement déçue par un livre que je rêvais pourtant de lire.

On me reproche parfois mon goût pour les romans mais en l'occurrence, les roman - comme celui de Jim Grimsley, Les Oiseaux de l'hiver ou celui de Lee Harper, Ne Tirez pas sur l'oiseau moqueur - sont parfois plus efficaces que les essais quand il s'agit de dire et de faire comprendre comment vivent les gens. Et tellement plus agréables à lire !

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