14 octobre 2024

Les Graines du figuier sauvage

 J'ai un peu tardé à aller voir le film. On en disait grand bien. Et comment dire du mal d'un film qui dénonce les absurdités et la violence d'un régime théocratique ? J'en conviens, il n'est pas évident de faire un film dont le propos est de faire incarner par des personnages les différents points de vue qui permettraient de mieux comprendre ce qui se passe actuellement en Iran et comment une jeunesse avide de liberté se heurte à la violence d'un Etat qui entend ne rien changer et s'appuie pour cela sur des fonctionnaires soucieux de leur carrière et de leurs intérêts financiers. Le père donc, face à ses filles et la mère qui s'efforce de tout concilier. Le résultat ? Beaucoup de scènes où les uns et les autres essayent d'argumenter entrecoupées par des images, récupérées sur smartphone pour montrer l'actualité et la réalité des émeutes. Les positions des uns et des autres sont bien sûr irréconciliables et mènent à l'effondrement non pas du régime ou alors de façon totalement symbolique, mais de la famille. 

En dépit de sa réputation, Les graines du figuier sauvage reste un film très - trop - démonstratif et donne l'impression que le réalisateur, arrivé au terme de sa réflexion  n'a pas su comment conclure sauf à avoir recours au bon vieux procédé du "deus ex-machina", plus risible qu'autre chose. Il est vrai qu'il ne pouvait pas s'en tirer avec une fin heureuse, mais la dernière partie du film est juste ridicule. 



13 octobre 2024

Bona

 Je ne pense pas avoir jamais vu un film philippin et celui-ci je ne l'ai vu que par ... erreur en me trompant sur le titre. Mais ne regrette certainement pas mon erreur car le film est étonnant. 

C'est une version soigneusement restaurée d'un film de Lino Brocka, un film l'on croyait perdu, "chef d'oeuvre du cinéma philippin invisible depuis 40 ans."  Alors bien sûr, il importe de le remettre avant tout dans son contexte, celui des années 80. Le film raconte l'histoire d'une jeune fille de la classe moyenne qui tombe folle amoureuse d'un très mauvais acteur de second rôle.  Elle renonce à ses études, quitte sa famille pour se mettre au service des moindres souhaits de son idole, dont elle accepte tous les caprices,  toutes les turpitudes, toutes les maîtresses, ... .  Difficile de faire pire choix que celui de ce goujat, stupide et prétentieux, caricature de macho. L'efficacité du propos tient aussi bien à l'économie de moyens  - on n'est pas à Hollywood - qu'à la simplicité de la mise en scène et au  jeu remarquable de l'actrice, Nora Aunor.

La question que pose le film est bien sûr celle de l'esclavage volontaire. L'aveuglement de la jeune fille, sa dévotion m'a laissée totalement sidérée d'autant qu'il ne s'agit pas de manipulation comme dans une secte, ni de propagande idéologique, mais bien d'une soumission sentimentale totalement consentie et totalement irrationnelle. Un abandon de soi, de ses propres besoins au profit d'un moins que rien. Et je ne peux m'empêcher de penser à l'aveuglement de ceux qui, aux Etats-Unis font de D.T leur messie, adhèrent à tous ses propos et admettent tous ses comportements. Même les plus ignominieux.



12 octobre 2024

Camus, Monsieur Germain

C'est un tout petit livre qui ne contient que quelques lettres, relativement banales et le brouillon d'un chapitre du Premier homme, projet autobiographique que la mort n'a pas permis à Camus d'achever. Ce qui relie ce brouillon aux lettres c'est tout simplement Monsieur Germain, l'instituteur de Camus qui lui a permis de poursuivre des études au-delà de l'école primaire et à qui l'écrivain voue, plus que de la reconnaissance, une véritable affection. Cette relation épistolaire entre un élève et son professeur, bien que très datée, jusqu'à paraître franchement désuète, est, pour tous ceux qui croient à la chance que peut donner l'éducation à un individu lambda, totalement émouvante. Un hommage à tous les instituteurs, gardiens de la république et de la démocratie.





11 octobre 2024

Hwang Bo-reum, Bienvenue à la librairie Hyunam

 Quel livre étrange. Un livre qui me laisse totalement perplexe, partagée entre la satisfaction et l'agacement. 

Satisfaction parce qu'il s'agit d'un lieu comme en rêvent tous les lecteurs, une librairie accueillante où l'on peut s'installer pour lire, discuter avec d'autres lecteurs, participer à un événement : rencontre avec un auteur ou atelier d'écriture. Un lieu de vie et de partage autour des livres. On y parle de ses lectures, des écrivains qu'on aime .... On peut même y boire un café... 

Oui mais ce "barista" qui prépare des cafés en sélectionnant soigneusement les crus ... difficile de faire plus branché, plus snob. Et puis il y a le côté "feel good" du livre car tous les personnages qui fréquentent la librairie sont mal dans leur peau, dans leur boulot, dans leur couple, dans leur école et tous les problèmes de la société vont y passer, avec de longs passages introspectifs qui ne sont pas inintéressants, mais trop systématiques pour n'être pas lassants. J'ai essayé de me dire que cela ouvrait des perspectives sur la société coréenne et son addiction au travail par exemple, mais trop c'est trop. Gênée de surcroît par la platitude de la langue j'ai commencé par accuser la traduction et l'éventuelle rigidité de la syntaxe coréenne pour expliquer une écriture sans liant, sans souplesse, avant de me demander si l'Intelligence artificielle ne s'était pas mêlée de l'écriture de ce roman. 

De l'autrice, Hwang Bo-reum, l'éditeur nous dit qu'elle "a étudié l'informatique et a travaillé comme ingénieure de logiciel avant de devenir écrivaine ", mais aussi que "le roman est un best-seller en Corée et en cours de  traduction dans une dizaine de langues." Et me voilà définitivement perplexe. 




Andreï Kourkov, Le Coeur de Kiev

Le dernier roman d'Andreï Kourkov, Le coeur de Kiev ? Une lecture douce-amère. 

« Kourkov y déploie, comme d ’habitude, son sens de l ’intrigue, campe des personnages attachants et surtout manie l ’ironie comme si elle était la politesse du désespoir. » Le Soir

Kourkov invente des personnages, noue des intrigues, ajoute des péripéties, raconte une histoire, des histoires, toujours avec le même mordant, toujours avec le même sourire et on y croit. On croit à sa description de la ville dont les noms de rue sont soigneusement relevés, on croit à ses habitants devenus experts en débrouille, on croit à tout ce que l'écrivain invente parce que tout ressemble terriblement à la vérité, celle d'un régime aussi autoritaire qu'inconséquent, aussi odieux qu'absurde. Celui de la jeune république soviétique qui se croit tout permis et impose ses lois en dépit du bon sens. Le jeune Samson, dont il fait son personnage principal, victime indirecte de la lutte fraticide entre les deux partis, entre dans la milice un peu par hasard et sans trop savoir à quoi il doit s'attendre. Mais il sait écrire, apprend vite, suit les instructions qu'on lui donne.... Candide au pays des Soviets. Depuis Voltaire on sait que l'ironie est la meilleure arme contre l'absurdité politique et que la fausse naïveté permet aux mots d'en dire plus qu'ils n'en ont l'air.

10 octobre 2024

Hortensias


 

Journées du patrimoine


 
Coup d'oeil au château de Montbives
 
 

et à son parc, resplendissant dans la lumière de fin d'après-midi.





09 octobre 2024

Automne

 


Robyn Mundy, La Femme au renard bleu

 Roman ou biographie ? Ouvre littéraire ou documentaire. La différence n'est pas forcément évidente, mais celle que Robyn Mundy surnomme La Femme au renard bleu a bien existé : Wanny Woldstad est son nom et elle a été la première femme trappeuse à passer plusieurs hivers dans un coin reculé du Spitzber à chasser le renard, l'ours et autres animaux de ces contrées nordiques. Le livre de Robyn Mundy en retrace assez fidèlement l'existence. Une biographie bien documentée, donc. Mais l'écrivaine structure son livre en glissant entre deux chapitres consacrés à Wanny et à son compagnon de trappe, un chapitre où elle met en scène les objets de la trappe, une jeune renarde essentiellement. Le procédé qui consiste à alterner  systématiquement les points de vue permet d'ajouter un roman animalier au roman biographique, laissant ainsi une part à la fiction comme à la réflexion. La  Femme au renard bleu ne m'a pas tout à fait convaincue, mais séduira certainement les animalistes, les écologistes et les amoureux des grands espaces. 

C'est en tout cas le public que vise La Grande ourse, une des collections des éditions Paulsen :  "A travers des romans français ou étrangers, souvent inspirés par des expériences ou des faits réels, la collection « La Grande Ourse » offre aux lecteurs une immersion dans l’ailleurs, vers ces horizons lointains et fascinants, vers les territoires les plus inaccessibles du monde sauvage. Ces grands espaces où l’empreinte humaine se fait rare recèlent d’histoires que nous avons envie de partager avec vous pour vous entraîner là où seule l’imagination peut s’aventurer."

 Ah, j'allais oublier : La Femme au renard bleu peut bien sûr être lu comme un roman féministe puisqu'il met en scène une femme libre de ses choix, passionnée, qui affronte avec courage et témérité les conditions extrêmes de sa survie. Une femme exceptionnelle donc et je me demande si le féminisme a vraiment besoin de femmes exceptionnelles, de femmes qui, pour se convaincre de leur valeur, cherchent à défier les hommes sur leurs territoires. Vaste débat. Je note quand même au passage que c'est elle qui cuisine et nettoie la cabane ....


 

08 octobre 2024

Lorette Nobécourt, Patagonie intérieure

 

"Il n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud"   

Pour qui a lu Cendrars, Chatwin, Sepulveda, Varela et quelques autres...  le titre sur la couverture attire comme un aimant. Patagonie intérieure ! L'imagination se met immédiatement en branle et ce qu'il y a de bien avec les récits de voyage, c'est qu'ils n'épuisent jamais les descriptions et mettent en branle l'imagination dès les premières pages. Au voyage de Lorette Nobécourt se superposent tous les récits déjà lus, tous les voyages déjà rêvés, ou encore à venir. Alors, oui c'est vrai, on a tendance à gommer tout ce qui relève trop de la vie intime, de la vie intérieure de celle qui grâce à une bourse a pu prendre le temps de traîner ses bottes entre Valparaiso et la Tierra de fuego. On l'envie, on la jalouse un peu. Et on se souvient que oui, Ushuaïa, Puerto Williams, et même le Cap Horn ont été un jour des jalons sur un itinéraire. 

07 octobre 2024

Ni chaînes ni maîtres

 L'île Maurice au siècle des lumières... mais tous n'ont pas encore compris que  "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent
agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité" .
Ni chaînes ni maîtres est un film de plus sur l'esclavage. Mais pour une fois il ne parle pas des Etats-Unis. Il parle d'un territoire bien français ou du moins qui l'a été entre 1710 et 1815. Impossible de rejeter la culpabilité sur d'autres, puisque c'est la nôtre. 

Le film, très démonstratif, est construit autour d'une chasse à l'homme - deux esclaves, un père et sa fille, ont fui la plantation - l'originalité étant d 'en confier la conduite à une femme, aussi cruelle qu'impassible. La nature luxuriante permet d'ajouter des jeux de lumières et d'ombres, surtout des ombres aux silhouettes à peine entrevues et toujours en mouvement. La deuxième partie du film qui voit les deux fugitifs trouver un refuge temporaire auprès d'une communauté de "nègres marrons", qui survit dans la forêt est peut-être trop vaguement esquissées pour convaincre tout à fait, mais Simon Motaïrou, dont c'est première réalisation, parvient à alterner scènes d'action et moments d'émotions tout en suscitant des pistes de réflexion que chacun est libre de suivre ou pas.


06 octobre 2024

Tatami

 Un poil trop démonstratif, et des combats parfois un peu long pour qui n'a aucune expertise en judo, bien que leur difficulté croissante soit habilement soulignée pour mieux faire comprendre les pressions que subit la jeune athlète, et la tension qui ne cesse de peser sur ses épaules et celles de son entraîneuse.
En tout cas le film est très efficace pour dénoncer l'absurdité d'un gouvernement, incapable de faire taire ses antipathies politiques le temps d'un championnat et qui prétend tout régenter y compris la carrière de ses sportifs.

Le film de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv ne s'inspire pas d'une histoire réelle particulière, mais s'appuie sur les histoires de plusieurs athlètes iraniennes qui ont eu le même genre de défi à relever et dont le combat les a, le plus souvent menées à l'exil. Le parti pris de tourner en noir et blanc, mais aussi d'enfermer les personnages dans des couloirs sans fin et des lieux clos ne fait que renforcer le sentiment d'oppression, mais aussi l'acharnement et la volonté de résister malgré tout de la judoka, qui, dans le contexte actuel se bat  pour elle-même autant que pour les femmes en général. Tatami est bien sûr un film "engagé", mais c'est avant tout un bon film

05 octobre 2024

Andres Serrano


Les photos d'Andres Serrano sont exposées au musée Maillol. Des portraits essentiellement. Et un accrochage qui parle de lui-même.

 Dans la première salle, de magnifiques photos d'hommes et de femmes dans leurs plus beaux atours : ceux que l'on n'ose plus appeler "Indiens" parce qu'ils préfèrent rappeler qu'ils étaient là les premiers et que donc Native americans, ou First nations semblent des dénominations  plus appropriées. Soit !

Dans la deuxième salle, une femme noire, un juif en chapeau, une jeune femme blonde un peu pataude, une "mini miss" couverte de strass, quelques autres ... images convenues du "melting pot". Rien de bien dérangeant...


 ... mais au fur et à mesure que l'on avance dans l'exposition, les images sont de plus en plus explicites et les rappels historiques (Ku Klux Klan, lynchage, instruments de torture, armes.... ) de plus en plus perturbants. Malaise. Racisme, religion, pauvreté, violence, puritanisme, tous les maux de l'Amérique sont ici exposés. Rien a voir avec le "rêve américain" suppposé donner à chacun sa chance. Non, c'est ici l'Amérique qui braque sur vous en très gros plan, le cercle de métal du canon d'un révolver. 

Menace virtuelle ? Non, très réelle et aussi déplaisante que le regard torve de celui qui, grâce à la téléréalité et à la flagornerie de certains médias, fascine une bonne moitié des Américains depuis des années. 

Oui l'exposition proposée par le musée Maillol  est dérangeante. Sans doute parce qu'au delà des considérations techniques ou esthétiques, il s'agit avant tout de regarder la réalité en face. Reste à se demander ce que retiendrait Andres Serrano si on lui demandait de poser son regard sur la France comme il l'a fait pour son propre pays....

http://andresserrano.org/




04 octobre 2024

Paris le nez en l'air

A quoi tient le charme d'une ville si ce n'est à sa diversité architecturale, reflet de son passé.
 
 
 
 Côté rue ou côté cour. Ciel gris ou ciel bleu. Bader le nez en l'air et se laisser surprendre.



 

03 octobre 2024

Mye, Belette



Le nom de l'auteur est de toute évidence un pseudo, que je ne sais comment prononcer. Le nom du personnage, une gamine de 13 ans pleine de rage, est un surnom  : Belette. Et son vélo s'appelle Babine. 

Voilà comment on entre dans un roman étrange et fascinant. Un long monologue à la première personne, dans une langue qui est la nôtre, mais que Belette ne cesse de manipuler, de triturer, de réinventer. Le monologue est dans sa tête, toujours à fleur d'émotions. Des dialogues, il n'y en pas beaucoup, quelques mots échangés avec un vieux monsieur qui danse avec les mouettes sur la plage, avec Bouton d'Or son copain qui parle peu mais comprend tout et répare tout, une inconnue avec une robe à fleurs jaunes, qui habite un peu plus loin Evoqué comme cela, le roman pourrait passer pour une bleuette, et il y a effectivement une certaine légèreté et même de la tendresse, mais il y a aussi un côté sombre dans le roman de Mye, un côté inquiétant, parce que Belette pour fuir un trop plein de désespoir, s'est réfugiée dans un vieux bunker, sombre et humide, face à la mer, comme un escargot au fond de sa coquille. 

Belette est un roman qui ne ressemble à aucun autre, un roman qui surprend et ne s'oublie pas.