Un film de Garaudie, c'est d'abord un paysage. Celui de l'Aveyron, pour son dernier film Miséricorde. Un territoire rural, loin de tout, pas complètement abandonné, mais presque. Le boulanger vient de mourir, son ancien commis est revenu au village pour l'enterrement, mais il n'a pas l'intention de reprendre la boulangerie. Un village qui meurt ... un de plus. Le film s'inscrit ainsi dans un contexte social précis, mais son propos n'est pas pour autant politique. Car ce qui intéresse le réalisateur, ce sont plutôt les gens, les âmes en déshérence, des âmes flottantes, traversées par des pulsions violentes mais mal définies. Alors l'arrivée de Jérémie, c'est un peu celle du visiteur dans le film de Pasolini, celui qui va perturber l'équilibre de ce petit milieu si loin du monde.
Si Miséricorde peut se lire comme un polar, puisqu'il y a un meurtre et une enquête sur disparition inquiétante, c'est surtout un polar psychologique et moral pour ne pas dire théologique : que valent les notions de bien et de mal dans un univers où les désirs se croisent, sans arriver à s'exprimer, envie, jalousie, passion, culpabilité.... Loin de se plier à un code cinématographique, aux règles d'un genre, Garaudi laisse partir son film sur des sentiers inattendus, cocasses. La tragédie devient farce, parce que dans la vraie vie, le rire et les pleurs s'emmêlent constamment alors pourquoi pas dans les films.
De film en film en tout cas, Garaudie trace sa route. et son cinéma ne ressemble à celui de personne.