Vous voilà repus … de batailles et de sang, et pas tout à fait prêts à attaquer L’Odyssée dans la foulée de L’Iliade ?
Dommage, mais cela se comprend.
En attendant de nous élancer sur les flots de la mer Egée, plutôt tempétueux à cette saison, je vous propose d’aller voir du côté d’HESIODE. Qu’il ait été contemporain d’Homère, c’est possible mais c’est loin d’être certain. Mettons seulement, pour ne nous fâcher avec personne que son œuvre est elle aussi une des œuvres fondatrices de la littérature occidentale ; une de ces œuvres par lesquelles il faut passer si on veut comprendre quelque chose à la suite.
Passer par la Théogonie n’a rien de fastidieux tout d’abord parce que l’œuvre ne fait que quelques dizaines de pages, mais surtout parce que les histoires que racontent Hésiode ont un air de déjà entendu : Zeus et ses copains, toutes ces histoires de dieux grecs, cela vous dit bien quelque chose !
Mais avant de raconter comment les dieux occupèrent l’Olympe il faut, pour ne pas embrouiller l’histoire, savoir « ce qui fut en premier ».
« Donc, avant tout fut Abîme ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. »
Abîme, Terre, Amour… Ah ! que n’ai-je appris le grec ! Je lirais alors Chaos, Gaïa, Eros ! Les noms grecs sont, plus que leurs traductions, propices à la rêverie. D’abord le vide, l’indéterminé, le non existant ; et puis cette première figure féminine – oui féminine ! et son compagnon, le principe d’énergie sans lequel rien jamais ne se fait.
Ce que j’aime dans cette première version cosmogonique c’est que chacun, poète ou scientifique peut y trouver de quoi spéculer à l’infini sur ce que nous ne saurons jamais avec certitude : comment tout cela a débuté.
Hésiode le premier a essayé de répondre à la grande question, ouvrant ainsi une brèche dans laquelle s’engouffreront les premiers philosophes, les Thalès, Anaximène, Anaximandre et après eux Héraclite, Parménide ; beaucoup d’autres sans doute dont l’histoire n’a pas retenu le nom mais qui ont tous essayé de lancer une nouvelle hypothèse pour résoudre la désespérante énigme que les scientifiques d’aujourd’hui ne sont pas encore parvenus à résoudre.
Un poète grec, originaire de Béotie, un Béotien donc; un petit paragraphe de rien du tout ; et toute l’histoire de la science que l’on peut dérouler comme les mille mètres du fil de soie extrait délicatement d’un minuscule petit cocon ! J’aurais tendance à penser que ce qui importe le plus, ce n’est pas celui qui trouve la (bonne) réponse mais celui qui le premier pose la question.!
Voilà déjà une bonne raison de lire Hésiode, mais il y en a d’autres comme la façon bien particulière qu’il a de raconter l’histoire de Prométhée, oui, oui, le voleur de feu, celui sans qui nous en serions encore à manger notre viande toute crue. Du mythe prométhéen il ne nous reste souvent que des bribes dans notre mémoire embrumée. La Théogonie permet de retrouver toute l’histoire qui commence avec Japet et ses deux fils, Prométhée et Epiméthée ; oui, ce deuxième fils, on a un peu tendance à l’oublier, sans doute parce qu’il est lent, empoté, pas très malin, contrairement à son frère. Mais je ne vais pas vous résumer l’histoire ; un résumé n’a pas d’intérêt ; c’est l’histoire complète qu’il vous faut, avec le sacrifice à Zeus, le partage des viandes, la première ruse de Prométhée, bien avant l’affaire du feu. Et vous comprendrez mieux pourquoi Zeus l’avait vraiment mauvaise et pourquoi il a infligé un si terrible châtiment à Prométhée.
Pour nous, humains chétifs et sans défense, l’affaire est capitale. De Prométhée dépend en grand partie notre histoire; pourtant, nous n’avons pas encore tranché : faut-il lui savoir gré d’être intervenu en notre faveur ou faut-il au contraire lui en vouloir ?
Faut-il remercier le voleur de feu ou en vouloir à celui qui nous a valu la visite de Pandore et son cadeau empoisonné ? Difficile de trancher ? Oui, très difficile, d’autant plus que, si vous voulez prendre parti, il vous faudra lire les pages qu’Hésiode consacre à Pandore, « ce mal si beau » dans la Théogonie mais aussi les pages qu’il lui consacre dans Les Travaux et les Jours.
Pris au jeu, vous irez ensuite chercher d’autres versions de la même histoire, chaque poète, chaque dramaturge ayant à cœur de donner son interprétation.
Au passage, puisque vous voilà dans Les Travaux et les Jours, vous y trouverez, en bonus, quelques judicieux conseils pour savoir quel est le meilleur moment pour labourer, pour semer, pour tailler pour récolter… Hésiode se fiait moins à la lune montante ou descendante qu’aux bonnes dispositions des dieux qui dépendent … de la configuration des astres. Où est la différence ?
Si vous voulez en savoir un peu plus sans trop vous fatiguer (ni vous ruiner)
Jean-Pierre VERNANT, L'univers, les dieux, les hommes, Seuil Points, 1999.
ESCHYLE, Prométhée enchainé in Théâtre complet, GF, 1994
(Je reviendrai certainement sur ce texte - un de mes préférés - quand je parlerai des tragiques grecs.)
Et une réfrence plus générale sur la mythologie :
Robert GRAVES, Les Mythes grecs, Fayard Pluriel, 1967. (Sur ce sujet les références sont innombrables, à chacun de trouver son livre préféré.)
01 janvier 2007
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