25 novembre 2011
07 novembre 2011
Le cercle littéraire des amateurs de pelures de pommes de terre
Quand ce livre est sorti dans sa traduction française, en 2009, je me suis promis de le lire, parce qu'un titre pareil !!!
Il m'est enfin tombé sous la main cet été, et je me suis régalée. Non pas de tourte aux épluchures de pommes de terre (bien que la recette soit dans le livre), mais bien du roman lui-même.
Un roman épistolaire, par les temps qui courent, c'est déjà un défi. Mais on se prend assez vite au jeu et on découvre une histoire délicieuse entre une romancière en mal de sujet (et en mal d'amour ! ) et une groupe d'habitants de Guernesey qui vont, peu à peu, combler tous ses manques.
C'est drôle, tendre, frivole, et parfois terriblement dramatique puisqu'il s'agit d'évoquer l'occupation de l'île par les Allemands. Léger et grave tout à la fois. Très anglais donc.
L'auteur Mary Ann Shaffer est morte avant d'avoir pu profiter du succès de son livre. C'est bien dommage car elle avait peut-être beaucoup d'autres romans aussi distrayants à écrire.
03 novembre 2011
La Source des femmes
Evidemment ! "ils" font la fine bouche; "ils" c'est à dire les critiques de cinéma !
Ecoutez-les plutôt :
"des conventions pesantes", "un conte métaphorique, décoratif et laborieux" (Nel Obs), "un film rance et désespérément caricatural"(Critikat). Les uns dénoncent "la surenchère touristique des décors, la rutilance folklorique des numéros chantés" (Les Inrock), les autres "la grandiloquence naïve de ce projet, et la faible pertinence de son intrigue" (Le Monde). Le film ne serait qu'une "succession de chromos mise au service d'un récit faiblard "(Le Monde encore qui n'en finit pas d'assassiner ce film.
Bref, La Source des femmes n'a pas l'heur de plaire à ces messieurs ! Et on croit comprendre pourquoi. Certes je n'irai pas, au nom du féminisme, crier au chef d'oeuvre, mais ce film mérite mieux que des critiques condescendantes.
Le film disent-ils, a le tort de viser à l'universel au lieu de s'ancrer dans une réalité précise. Curieux reproche vraiment. Il s'agit d'un apologue, d'une fable ! Pas d'un essai, ni d'un documentaire ! Reproche-t-on à Rabelais d'utiliser des géants pour dénoncer les maux de son époque, à Voltaire de faire vivre à ses personnages des aventures plus rocambolesques les unes que les autres pour leur apprendre à cultiver leur jardin ?
Des hommes, des femmes dans un village sans eau ni électricité : la situation me paraît bien assez réelle pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter ni une date ni un nom de lieu. Et surtout pas une référence politique.
Le film, en plus d'être féministe, serait simpliste, manichéen, caricatural ... Ah! Ah! C'est peut-être là que le bât blesse. Manichéen parce que féministe; simpliste parce que féministe; caricatural parce que féministe.
Et bien oui, il faut que le film le soit pour faire passer le message auprès de ceux qui ne veulent ni voir, ni entendre, ni comprendre. Bizarrement, ce sont surtout les personnages masculins qui, aux yeux des critiques, paraissent caricaturaux. Mais ils ne le sont peut-être pas tant que cela. Je ne suis ni arabe ni musulmane, je n'ai pas à aller chercher de l'eau dans un seau, tout en haut d'une colline, sous un soleil de plomb pendant que mon mari sirote son thé, assis avec ses copains à la terrasse d'un café. Mais la situation n'est pas bien difficile à transposer.
Ce que j'ai vu, moi, dans ce film, ce sont des femmes qui se battent pour qu'une canalisation amène enfin l'eau au village, avec les seuls moyens à leur disposition. Et encore ! Peut-on dire qu'elles disposent librement de leur corps, alors qu'elles sont battues comme plâtre et violées ? Conjugalement certes, mais violées quand même ! Toujours est-il qu'elles finissent par obtenir gain de cause : une canalisation amène désormais l'eau au village. Une révolution ? Même pas puisque la répartition des rôles ne change pas : ce sont toujours les femmes qui viennent chercher l'eau et transportent les seaux ... sous les yeux des hommes, toujours occupés à siroter leur thé, tranquillement assis à la terrasse du café avec leurs copains !
La rage !
Le film, dit-on encore, abuse du folklore facile, multiplie les chromos dans un décor pour touristes. (Ah! les touristes, je devrais bien en dire deux mots aussi, car dans le genre gogos ...).
Oui, le village est "pittoresque", oui les femmes sont "photogéniques", oui les images, les couleurs font référence au Bain turc d'Ingre et aux Femmes d'Alger de Delacroix, oui on chante et on danse dans ce film. Et alors ? Il est plaisant à voir.
Pourquoi un film "engagé" devrait-il être ennuyeux. Pourquoi devrait-il renoncer à divertir et à séduire. Depuis quand faudrait il instruire sans plaire ? En Inde le cinéma est un divertissement populaire, que l'on va voir en famille. Du bruit, de la couleur, des rires, des larmes, le cinéma de Bollywood n'est jamais en reste d'une extravagance, mais n'hésite pas à parler de castes, d'injustices sociales, de mariages forcés... A quoi bon faire des films qui ne seront vus que par une petite élite d'intellectuels, de cinéphiles. Le cinéma était à ses débuts un art populaire. Il peut, comme la littérature, comme l'art en général contribuer à faire changer les mentalités, mais à condition de ne pas se trahir et de rester accessible à tous.
Et voilà ce qui me navre. Dans la salle où j'ai vu La Source des femmes, il n'y avait que des femmes, même pas arabes, même pas musulmanes.
Ecoutez-les plutôt :
"des conventions pesantes", "un conte métaphorique, décoratif et laborieux" (Nel Obs), "un film rance et désespérément caricatural"(Critikat). Les uns dénoncent "la surenchère touristique des décors, la rutilance folklorique des numéros chantés" (Les Inrock), les autres "la grandiloquence naïve de ce projet, et la faible pertinence de son intrigue" (Le Monde). Le film ne serait qu'une "succession de chromos mise au service d'un récit faiblard "(Le Monde encore qui n'en finit pas d'assassiner ce film.
Bref, La Source des femmes n'a pas l'heur de plaire à ces messieurs ! Et on croit comprendre pourquoi. Certes je n'irai pas, au nom du féminisme, crier au chef d'oeuvre, mais ce film mérite mieux que des critiques condescendantes.
Le film disent-ils, a le tort de viser à l'universel au lieu de s'ancrer dans une réalité précise. Curieux reproche vraiment. Il s'agit d'un apologue, d'une fable ! Pas d'un essai, ni d'un documentaire ! Reproche-t-on à Rabelais d'utiliser des géants pour dénoncer les maux de son époque, à Voltaire de faire vivre à ses personnages des aventures plus rocambolesques les unes que les autres pour leur apprendre à cultiver leur jardin ?
Des hommes, des femmes dans un village sans eau ni électricité : la situation me paraît bien assez réelle pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter ni une date ni un nom de lieu. Et surtout pas une référence politique.
Le film, en plus d'être féministe, serait simpliste, manichéen, caricatural ... Ah! Ah! C'est peut-être là que le bât blesse. Manichéen parce que féministe; simpliste parce que féministe; caricatural parce que féministe.
Et bien oui, il faut que le film le soit pour faire passer le message auprès de ceux qui ne veulent ni voir, ni entendre, ni comprendre. Bizarrement, ce sont surtout les personnages masculins qui, aux yeux des critiques, paraissent caricaturaux. Mais ils ne le sont peut-être pas tant que cela. Je ne suis ni arabe ni musulmane, je n'ai pas à aller chercher de l'eau dans un seau, tout en haut d'une colline, sous un soleil de plomb pendant que mon mari sirote son thé, assis avec ses copains à la terrasse d'un café. Mais la situation n'est pas bien difficile à transposer.
Ce que j'ai vu, moi, dans ce film, ce sont des femmes qui se battent pour qu'une canalisation amène enfin l'eau au village, avec les seuls moyens à leur disposition. Et encore ! Peut-on dire qu'elles disposent librement de leur corps, alors qu'elles sont battues comme plâtre et violées ? Conjugalement certes, mais violées quand même ! Toujours est-il qu'elles finissent par obtenir gain de cause : une canalisation amène désormais l'eau au village. Une révolution ? Même pas puisque la répartition des rôles ne change pas : ce sont toujours les femmes qui viennent chercher l'eau et transportent les seaux ... sous les yeux des hommes, toujours occupés à siroter leur thé, tranquillement assis à la terrasse du café avec leurs copains !
La rage !
Le film, dit-on encore, abuse du folklore facile, multiplie les chromos dans un décor pour touristes. (Ah! les touristes, je devrais bien en dire deux mots aussi, car dans le genre gogos ...).
Oui, le village est "pittoresque", oui les femmes sont "photogéniques", oui les images, les couleurs font référence au Bain turc d'Ingre et aux Femmes d'Alger de Delacroix, oui on chante et on danse dans ce film. Et alors ? Il est plaisant à voir.
Pourquoi un film "engagé" devrait-il être ennuyeux. Pourquoi devrait-il renoncer à divertir et à séduire. Depuis quand faudrait il instruire sans plaire ? En Inde le cinéma est un divertissement populaire, que l'on va voir en famille. Du bruit, de la couleur, des rires, des larmes, le cinéma de Bollywood n'est jamais en reste d'une extravagance, mais n'hésite pas à parler de castes, d'injustices sociales, de mariages forcés... A quoi bon faire des films qui ne seront vus que par une petite élite d'intellectuels, de cinéphiles. Le cinéma était à ses débuts un art populaire. Il peut, comme la littérature, comme l'art en général contribuer à faire changer les mentalités, mais à condition de ne pas se trahir et de rester accessible à tous.
Et voilà ce qui me navre. Dans la salle où j'ai vu La Source des femmes, il n'y avait que des femmes, même pas arabes, même pas musulmanes.
01 novembre 2011
La Nuit la plus longue
James Lee Burke. J'en ai déjà parlé à plusieurs reprises puisque c'est l'un de écrivains américains que je préfère. Mais La Nuit la plus longue est un roman un peu à part.
On y retrouve certes les même personnages, David Robicheaux et ses angoisses existentielles, sa petite ville de New Iberia en Louisiane, la maison au bord du bayou, son ami Clete Purcell, toujours entre deux alcools. Sa fille Alafair a grandi, elle écrit maintenant des romans... comme dans la vraie vie, la fille de Burke !
Mais le roman de James Burke est différent des précédents. Il est écrit avec la rage au ventre. Car depuis, Katrina est passé sur la Nouvelle Orléans. L'intrigue (un viol - un meurtre - une vengeance peut-être ), bien que parfaitement ficelée est presque secondaire. Parce que l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est dans la description d'une catastrophe annoncée et surtout dans la description des jours et des semaines qui ont suivi Katrina : l'absence de secours immédiats, les dévastations, les tergiversations politique, la corruption, la lâcheté, la violence, le racisme, le retour à l'état sauvage. Lorsque l'Etat et la loi cessent de fonctionner, plus rien ne s'oppose au Mal.
Les mots de Burke vont au delà des images que l'on a pu voir à la télévision ou dans les journaux parce que la catastrophe est ici vécue de l'intérieur, racontée par des personnages lucides, conscients que le monde d'avant, pourri et corrompu, a disparu sous les eaux pour faire place à un monde plus pourri encore.
Dire que La Nuit la plus longue est un roman noir est un euphémisme; c'est un roman tout droit sorti des ténèbres. Un grand roman !
On y retrouve certes les même personnages, David Robicheaux et ses angoisses existentielles, sa petite ville de New Iberia en Louisiane, la maison au bord du bayou, son ami Clete Purcell, toujours entre deux alcools. Sa fille Alafair a grandi, elle écrit maintenant des romans... comme dans la vraie vie, la fille de Burke !
Mais le roman de James Burke est différent des précédents. Il est écrit avec la rage au ventre. Car depuis, Katrina est passé sur la Nouvelle Orléans. L'intrigue (un viol - un meurtre - une vengeance peut-être ), bien que parfaitement ficelée est presque secondaire. Parce que l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est dans la description d'une catastrophe annoncée et surtout dans la description des jours et des semaines qui ont suivi Katrina : l'absence de secours immédiats, les dévastations, les tergiversations politique, la corruption, la lâcheté, la violence, le racisme, le retour à l'état sauvage. Lorsque l'Etat et la loi cessent de fonctionner, plus rien ne s'oppose au Mal.
Les mots de Burke vont au delà des images que l'on a pu voir à la télévision ou dans les journaux parce que la catastrophe est ici vécue de l'intérieur, racontée par des personnages lucides, conscients que le monde d'avant, pourri et corrompu, a disparu sous les eaux pour faire place à un monde plus pourri encore.
Dire que La Nuit la plus longue est un roman noir est un euphémisme; c'est un roman tout droit sorti des ténèbres. Un grand roman !
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