Quel récit étonnant que celui de Kobayashi Takiji , qui décrit les conditions de travail des pêcheurs japonais qui embarquent pour une saison de pêche aux crabes en mer d'Okhotsk, au large du Kamtchatka. Cela se passe au début du XXe siècle. Les conditions climatiques - le froid, le vent, les tempêtes - sont particulièrement difficiles à supporter, mais le pire est bien la façon dont ces hommes, souvent très jeunes, sont traités. C'est un récit documenté, inspiré de faits réels et de témoignages, mais construit comme un roman.
J'ai lu il y a peu Le Grand marin, le récit que Catherine Poulain fait de ses années passées en Alaska, embarquée sur des bateaux de pêche. Les conditions de travail étaient dures aussi, mais il y avait, dans son récit, comme un parfum d'aventure, la satisfaction de tenir le coup, de se montrer à la hauteur et, finalement, l'amour de cette vie rude et dangereuse.
Rien de cela dans le livre de Kobayashi Takiji : il n'y a ici que l'effroi, l'horreur, la cruauté, les sévices corporels et l'absence totale d'humanité, le personnage le plus odieux étant l'intendant, responsable de la bonne marche du bateau et de sa rentabilité auprès de l'entreprise propriétaire de la flotille. Car l'écrivain affilié au parti communiste japonais entend montrer par ce récit, comment le capitalisme exploite les hommes. La démonstration est effectivement puissante. Et convaincante. Trop sans doute pour le gouvernement de l'époque puisque Kobayashi Takiji est emprisonné à plusieurs reprises, après la parution de son livre, et contraint ensuite de vivre dans la clandestinité. Il est arrêté en 1933 et meurt sous la torture.
Le Bateau-Usine a été publié au Japon en 1929, il n'a été traduit en français qu'en 2009. Son adaptation en manga, par Gô Fujio date elle de 2016. Une adaptation plutôt réussi bien qu'elle ne restitue qu'en partie la noirceur du texte de l'écrivain.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/01/07/le-bateau-usine-de-takiji-kobayashi_1288456_3260.html