22 juillet 2025

Emmanuel Ruben, Sur la route du Danube

C'est un très long voyage, plus de 2000 km qu'Emmanuel Ruben et Vlad ont entrepris pour remonter le Danube, depuis son embouchure jusqu'à sa source, "depuis la mer noire jusqu'à la forêt noire". A vélo. 

 

Un récit de voyage en tous points passionnant parce que son auteur, bien que cycliste inconditionnel ne fait pas de ce voyage un exploit sportif, bien au contraire, on le voit étape après étape peiner, suer, souffler, s'épuiser. Non, le vélo est juste un moyen de transport qui lui permet de rester au plus près du fleuve et surtout au plus près des gens. De préférence les "petites gens" des "petites villes", parfois juste des villages, des hameaux oubliés de l'Europe. Des gens avec qui on partagent une bière, une blague, une confidence.  Parce que le vrai sujet du livre, c'est moins le Danube que l'Europe; pour Emmanuel et son comparse, le fleuve n'est au fond qu'un prétexte à une traversée de l'Europe : Roumanie, Bulgarie, Serbie, Croatie, Hongrie, Autriche, Allemagne ...Sept pays traversés, plus Odessa et le Sud de l'Ukraine car il fallait bien atterrir quelque part pour commencer le voyage. 

 Géographe de formation, Ruben se lance dans une entreprise d'arpentage qui l'amène à parler des paysages, de leur formation, des reliefs, de la végétation, et plus encore des populations, de leur installation dans le paysage et donc de leur histoire. Il ne manque aucune église, aucun musée, si modeste soit-il, aucun monument, et surtout il parle et fait parler les gens qu'il rencontre. Car l'histoire et la géographie comptent moins finalement que les hommes et les femmes qui en subissent les aléas. 

De page en page et de chapitre en chapitre, on s'étonne de tant d'érudition - jamais pédante - et de l'aisance avec laquelle l'auteur transcrit ses observations, ses réflexions pour mieux faire pénétrer le lecteur au coeur de cette Europe qui deviendra peut-être un jour une véritable communauté européenne, mais ne l'est pas encore. Et qui en attendant, se hérisse de plus en plus de barrières et de barbelés. Au fil du voyage, l'empathie de l'auteur pour les pays traversés au début du voyage, fait place à une ironie parfois mordante à partir du moment où il traverse les trois derniers pays de son périple : Hongrie; Autriche et le Sud de l'Allemagne. Autant il était indulgent, et même compatissant vis à vis des populations des Balkans, autant on sens son poil se hérisser dès qu'il aborde l'Europe que l'on dit centrale. Histoire d'affinités sans doute avec les plus humbles, avec ceux qui n'ont rien. Du côté des dominés plus que des dominants, surtout quand ils s'enferment dans leurs certitudes. 

La route du Danube que nous invite à suivre Emmanuel Ruben est finalement aussi politique qu' historique ou géographique ou plus exactement mettons que la géographie et l'histoire de la Danubie expliquent en grande partie les orientations politiques des pays qui longent le fleuve. Tout ça depuis la selle d'un vélo ! 

 

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