SANS PEUR
Sans peur, quittant de l'oeuf la tiède sauveté,
Têtard étrange et dérisoire,
Inconsciente ébauche, hors du moule jeté,
Il t'a fallu, jouant ou la blanche ou la noire,
Naître sans peur.
Sans peur, dans les matins dorés et les midis,
Au grand soleil ou sous l'orage,
Il faut, dans les fracas des tonnerres maudits,
Face aux cris des démons, aux brouillards, au mirage
Vivre sans peur.
Sans peur, au soir venu de l'ombre violette
- O vieux coeur enfin consolé -
Il te faudra, larguant l'amarre à l'aveuglette
Pour offrir au jusant ton esquif esseulé
Mourir sans peur.
Inconsciente ébauche, hors du moule jeté,
Il t'a fallu, jouant ou la blanche ou la noire,
Naître sans peur.
Sans peur, dans les matins dorés et les midis,
Au grand soleil ou sous l'orage,
Il faut, dans les fracas des tonnerres maudits,
Face aux cris des démons, aux brouillards, au mirage
Vivre sans peur.
Sans peur, au soir venu de l'ombre violette
- O vieux coeur enfin consolé -
Il te faudra, larguant l'amarre à l'aveuglette
Pour offrir au jusant ton esquif esseulé
Mourir sans peur.
Hier encore soirée cinéma pour le dernier film d'Altman : A Paririe home companion, titré en français, oui en français (!) The Last Show. Comment ne pas voir entre ce poème et ce film, un peu plus qu'une coincidence, une connivence.
Altman met en scène la dernière diffusion d'une émission de radio un brin ringarde, reflet nostalgique d'une Amérique en voie de disparition : l'Amérique du Middle West, aux valeurs simples : Dieu, la famille, le travail... Oui, je sais : vue de ce côté de l'Atlantique, cette Amérique, avec ses relents pétainistes, n'a pas bonne presse. Mais c'est aussi l'Amérique bon enfant, celle où les détectives portent nécessairement un Doulos et les cow-boys des Stansons, celle des petites villes à un seul carrefour : Mains street et First street, celles des "dinners " comme dans le tableau de Hoppper, où tout le monde connaît toute le monde depuis l'enfance, où il y a toujours un bon voisin sur qui on peut compter en cas de pépin. C'est à cette Amérique qu'Altman fait ses adieux. Une sortie en musique, sur un air de country, ballades sentimentales et folk songs un brin éraillés, comme la voix du vieil homme qui va mourir. Mais, comme le dit un des personnages du film " Un vieil homme qui meurt, ce n'est pas une tragédie." Et lorsque l'ange en trench-coat blanc, l'ange de la mort qui erre sur le plateau de l'émission, avance doucement vers les quatre personnages attablés au coin du "dinner", on ne sait pas vers qui elle se dirige. Vers nous peut-être ...
Mourir sans peur.
De la part d'Altman, quelle élégance !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire