A côté de Poliakoff, le MAM (Musée d'Art Moderne) de la ville de Paris expose un peintre chinois : Zeng Fanzhi. Une exposition rétrospective que l'on est contraint de parcourir à rebours, c'est-à-dire des oeuvres les plus récentes aux plus anciennes, avant de faire le parcours en sens contraire, des débuts du peintre dans les années 90 jusqu'à maintenant. Deux passages pour s'imprégner de l'atmosphère de ces tableaux, à la fois étranges et fascinants.
Sa représentation de la Cène, sujet par excellence de la peinture religieuse occidentale ne reprend que la disposition des figures derrière la table. Tout le reste, les panneaux sur les murs, les foulards rouges des pionniers, est chinois, mais les masques et les pastèques sont apparemment des fantasmes propres à Zeng Fanzhi.
Il y a d'ailleurs dans ces pastèques, quelque chose d'inquiétant et de sanglant, comme les traces sur le visage de l'homme à l'imperméable rouge représenté ici en buste.
Mais les tableaux les plus fascinants sont peut-être ceux de la dernière salle, c'est-à-dire les plus récents. Moins narratifs bien que figuratifs, ils acquierent je ne sais comment une certaine profondeur.
Derrière l'entralacs de branches et de ronces parfois un lièvre - représenté avec la plus extrême minutie - est saisi. Prisonnier peut-être ou simplement immobile dans un autre monde, rendu inaccessible par la barrière végétale.
Dans les tableaux de Zeng Fanzhi, chacun peut projeter son histoire, la sienne ou celle de la Chine.
Dans le hall du musée, est accroché le tableau le plus récent, celui qui a été réalisé en juillet 2013, un triptyque en réalité. Une vidéo montre les étapes de l'exécution du tableau depuis le premier trait de peinture sur les toiles encore vierge, jusqu'à l'état final. Projections, dripping, traits au pinceau, à main levé... le travail a l'air spontané, improvisé, mais la pensée malgré tout commande le geste. Sinon pourquoi aurait-il commencé par mettre du jaune, comme un feu derrière un roncier.
L'oeuvre achevée, plusieurs lectures sont possibles et libre à chacun de voir dans ce flamboiement au milieu des ténèbres, un incendie qui fait rage, une tragédie inexorable ou au contraire une lumière pour sortir de la nuit.