Enfin un vrai roman "romanesque ". Plein de personnages, d'émotions et d'événements qui, bien que fictifs pour la plupart, s'accordent parfaitement avec la réalité ou plus exactement se mettent au service de la réalité pour mieux raconter l'évolution de la Tunisie des années 30 jusqu'au fameux "printemps arabe" de bien courte durée.
Le pari d' Amira Ghenim est particulièrement audacieux, mais totalement réussi. Elle met au coeur du récit un personnage bien réel, Tahar Haddad, "intellectuel, syndicaliste et homme politique" dixit Wikipedia, un progressiste soucieux de l'évolution de la société tunisienne et partisan engagé "de la cause des femmes". https://lepetitjournal.com/tunis/actualites/histoire-tahar-haddad-militant-feministe-avant-garde-53811
Mais Amira Ghenim est bien trop maligne pour se contenter d'une biographie. Non ce qu'elle veut montrer, c'est comment la société tunisienne a réagi, a repris ou combattu les idées de Tahar Haddad et pour ce faire elle choisit de faire vivre deux familles l'une plus progressiste que l'autre, l'autre plus conservatrice. Deux histoires familiales qui se croisent et se décroisent puisqu'un mariage, celui de Mhsen et de Zbeida les a réunies. On va ainsi suivre les familles Naifer et Rassaa sur 4 générations, soit une bonne vingtaine de personnes (sans oublier les domestiques), qui vont, tour à tour et à des époques différentes, prendre la parole pour raconter leur version des faits dont ils ont été témoins, des propos qu'ils ont entendus et interprétés. Croiser les témoignages, n'est-il pas le B.A. BA de toute enquête policière qui tend à l'objectivité. C'est en tout cas la méthode qu'emploie Amira Ghenim et l'on ne peut qu'admirer sa virtuosité à entrelacer les voix de ses personnages et à maintenir en alerte la curiosité du lecteur. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas lu un roman aussi complexe et au final aussi passionnant.
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