30 avril 2013

Myette Fauchere, Portraits Caméléon


Une photo et tout est dit. Ou presque.
Myette Fauchère photographie des gens au Bénin ou ailleurs en Afrique; des gens donc mais toujours en groupe : une famille, une chorale ...
En choisissant de s'habiller avec le même tissu, ils marquent leur appartenance à une communauté derrière lequel l'individu s'efface. Ce que la photographe souligne en faisant poser le groupe sur un fond de tissu identique dans lequel ils ont l'air de se fondre. Presque. 
Mais les groupes ne sont pas figés, les individus bougent, s'amusent, dansent, éclatent de rire. Ils ont beau être habillés "pareil" il ne sont pas "pareils".



On peut voir les photos de Myette Fauchère au Musée de la Viscose d'Echirolles. On peut aussi les voir ici !


29 avril 2013

規模のくに

Kibô no kubi.  Terre d'espoir. Mais c'est le titre anglais, Land of Hope qui a été retenu pour la version française de ce film japonais. Et bien tant pis pour cette incongruité de la distribution cinématographique, parce que, quel que soit son titre, ce film est beau, intelligent, émouvant, en un mot : passionnant.

Land of Hope n'est pas un film catastrophe, c'est un film après la catastrophe, après que la terre a tremblé, après que la centrale nucléaire a explosé.
C'est un film qui raconte ce qu'il advient de ceux qui ont été évacués, et de ceux qui ne l'ont pas été; ceux qui font semblant de croire que la vie redeviendra comme avant et ceux qui savent que rien ne sera jamais pareil; ceux qui nient les effets des radiations et ceux qui en sont obsédés, ceux qui ...
C'est un film de paysages dévastés, de centre d'hébergement surpeuplés, un film de panique et d'angoisse. Mais c'est aussi et surtout un film d'espoir, de confiance et d'amour.


Trois couples de génération différente sont au centre du film. Trois ou plutôt quatre si on compte le couple d'enfants qui fouillent les décombres pour y retrouver des disques des Beatle et s'en vont l'un derrière l'autre en marchant à petits pas précautionneux : "ippo, ippo" . "Un pas, un pas". Le motif repris plus loin dans le film lui donne tout son sens : pas à pas, le Japon se reconstruira. Un pas après l'autre. Ippo. Ippo.

La vieille dame au visage si doux, retombée en enfance depuis longtemps déjà, a revêtu son plus beau kimono et danse au milieu du terrain vague enneigé. Elle a tout oublié, tout sauf les gestes de l'amour car même abîmée, la vie est encore là.
Et ce sont ces petits moments de grâce qui font tout le charme du film de Sion Sono.





Saul Leiter

J'avais peut-être remarqué ses photos parmi d'autres photos de la collection Greenberg présentée à la fondation Cartier-Bresson.  Je ne me souviens plus. Mais pourquoi ses photos plutôt que celles de Diane Arbus ou de Robert Frank, ses contemporains ? A cause de la couleur peut-être,  qui à l'époque était encore considérée comme "vulgaire". Ou à cause de la banalité de ses sujets : des scènes de rues comme on en croise tout les jours, un piéton au bord d'un trottoir, un bus qui passe dans la rue, un reflet dans une vitrine.
Oui mais Saul Leiter a une façon bien à lui, de cadrer le sujet, de saisir l'instant juste, parfois même au détriment de la netteté. Car ce que le photographe des rues de New York semble chercher, ce n'est pas l'image parfaite,  c'est au contraire ce tremblé de l'image, cette buée qui trouble la vitre, ce reflet qui déforme l'image.  Saul Leiter dans ses photos capte la vie tout simplement. Et le rythme trépidant de la ville.



26 avril 2013

La Sirga

Dans la série des films d'Amérique Latine auxquels je me suis intéressée ce printemps, voici Sirga, un film colombien, suffisamment étrange pour être séduisant mais à demi convaincant seulement.
Les premières images sont pour le moins troublantes : un homme accroché (empalé ?)  sur un poteau; une jeune fille qui se déplace dans un paysage étrange, exotique peut-être, un paysage qu'on croirait emprunté au Douanier Rousseau s'il n'était aussi brumeux.



Le réalisateur, William Vega,  ne fournit qu'au compte-gouttes les indices qui permettront au spectateur de construire l'histoire (qui de toute façon reste très incomplète). A chacun de donner sens à ce qu'il voit : une baraque en bois et tôle ondulée méchamment secouée par le vent et la pluie, une jeune fille quasi mutique qui peu à peu se reconstruit, un passeur aimable, prêt à transporter des armes aussi bien que du charbon, un oncle aubergiste sans client, et son fils de retour après une longue absence ...


La Sirga est définitivement un film étrange, comme une collection d'images qu'il faut constamment analyser, interpréter, associer pour parvenir à reconstituer l'histoire de cette jeune fille.  Mais on peut aussi, sans se prendre la tête, se laisser envoûter par l'atmosphère du film, mystérieuse souvent, inquiétante parfois et presque toujours tempétueuse.

24 avril 2013

The Grandmaster

Un très très beau diaporama !  C'est hélas la première impression que j'ai gardé du dernier film de Wong Kar Wai pourtant attendu avec impatience.
Une suite d'images époustouflantes, tellement belles qu'on regrette parfois qu'elles ne restent pas plus longtemps à l'écran et qu'elles donnent même envie de revoir le film. Mais dans l'ensemble le film manque de chair, de vie tout simplement. Les personnages sont trop figés pour susciter l'émotion ; les ellipses dans la narration trop nombreuses pour que le spectateur, peu au fait de l'histoire du kung-fu ou même de l'histoire chinoise s'intéresse vraiment à l'intrigue, ténue de toute façon. Restent les combats, forcément spectaculaires.
Malgré l'indéniable plaisir visuel, je me suis surprise à regretter les bons vieux films de kung-fu, moins sophistiqués, moins hiératiques, mais finalement plus passionnants.
Bruce Lee plutôt que son maître ?

23 avril 2013

L'esprit de la ruche

L'esprit de la ruche est un vieux film : il date de 1973. Mais il a l'air encore plus vieux, parce que ce qu'il filme, c'est l'Espagne rurale de 1940 : tout y est gris, tout y est sombre et les personnages ont presque l'air de s'interdire de vivre. Sauf Ana.

Ana n'est encore qu'une enfant et son regard grave s'efforce de saisir le monde autour d'elle. Un monde inquiétant mais qui reste pour un temps encore un terrain de jeu parce qu'elle ne fait pas tout à fait la différence entre le rêve et la réalité : elle porte le même regard fasciné sur le monstre projeté sur l'écran du cinéma de campagne  - ce bon vieux Frankenstein - et sur le fugitif caché dans la grange.

En choisissant de faire porter tout le poids du film à ce regard d'enfant, Victor Erice, le réalisateur, n'a pas choisi la facilité. Mais ce faisant il suggère plus qu'il ne dit et le poids de la dictature - qu'il se garde bien de dénoncer pour éviter la censure qui ne manquerait pas de s'appliquer - est parfaitement lisible dans les silences du père, le froid de la maison,  le ciel souvent plombé, l'horizon vide jusqu'à l'infini. Ce sont les vers de Baudelaire qui viennent alors en mémoire : "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle ...

L'esprit de la ruche est un beau film, un film un peu lent et l'on met un certain temps à en saisir tout le charme. Mais alors c'est pour longtemps.





15 avril 2013

Dynamo







Quelques images de l'eposition qui vient d'ouvrir au Grand Palais : 

DYNAMO ! A Century of Light and Mouvement in Art 1913 - 2013. 

Une exposition ludique qui apparemment met les gens de bonne humeur puisque je n'y ai croisé que des visages souriants, des regards amusés. Le parcours se fait à "rebrousse-poil" : on commence par Amish Kapoor et l'on quitte le Grand Palais avec en mémoire les disques multicolores de Robert Delaunay. Entre les deux on en a pris plein les yeux !




09 avril 2013

El Premio

La première image est d'une beauté à couper le souffle : un ciel d'hiver, la mer grise, ourlée de blanc, le sable couleur sépia, et se détachant à contre jour une silhouette enfantine que la caméra suit longuement : pas possible de faire du patin à roulettes sur le sable mouillé. Pas possible de vivre une vie d'enfant dans un tel environnement.
Cécilia et sa mère vivent seules, réfugiées dans une bâtisse au bord de la plage, loin de tout, loin du monde. La mère est murée dans sa douleur; elle ne cesse de lutter contre les éléments, le vent qui brise les fenêtres et fait battre les volets, la mer qui, les nuits de tempête, pénètre dans la maison. L'enfant joue, comme jouent tous les enfants, court dans le vent, se jette du haut des dunes pour se laisser rouler dans le sable.
Rien n'est dit dans ce film, mais tout est suggéré, sans que soit indiqué ni un lieu ni une date, car le poids des dictatures est partout le même. En Argentine ou au Chili.
Cecilia et sa mère sont donc réfugiées dans cette bâtisse au bout de la plage. Le père est absent et Cécilia a consigne de ne rien dire. A l'école l'enfant trouve une amie, un semblant de chaleur humaine, mais la discipline de l'école n'est qu'une métaphore de la vie politique dont elle reproduit le fonctionnement. Et pour n'avoir pas compris cela - mais comment un enfant de 7 ans pourrait-elle le comprendre - Cécilia se met en danger.



Le film est un peu lent parfois, une lenteur qui permet au spectateur de comprendre sans juger, de comprendre la froideur de la mère, le besoin de tendresse de l'enfant et les ambiguïtés de l'institutrice.

El Premio est le premier long métrage de Paula Markovitch, qui enfant a vécu ce que vit Cécilia dans le film. Mais elle est aussi la scénariste du film de Fernando Eimbcke, Lake Tahoe que j'avais déjà beaucoup apprécié.J'attends déjà avec impatience son second film.

08 avril 2013

Kent Meyers

Twisted Tree est, pour le moment,  le seul roman de Kent Meyers traduit en français. Et il faut compter sur les éditions Gallmeister pour se dépêcher de publier les deux autres romans déjà publiés aux Etats-Unis. Car la lecture de Twisted tree a été un tel régal que j'ai déjà hâte de lire d'autres romans du même auteur.

Pourtant j'ai bien failli le lâcher dès le premier chapitre tant je trouvais la tension insupportable : suivre pas à pas les manoeuvres d'un tueur en série qui a déjà opéré plusieurs fois et vient de repérer sa prochaine proie, se mettre - processus d'identification exige - dans sa tête est beaucoup plus perturbant que la description du meurtre lui-même que l'auteur, avec raison, nous épargne. La violence est la matière première des romans noir; le sang et la mort, des clichés attendus quand on fréquente ce genre de littérature, mais la cruauté, cette volonté délibérée et revendiquée de faire du mal une source de jouissance, c'est aller bien au delà de la simple violence.

Une fois passé le premier chapitre très accrocheur, nous voici de plain pied dans les grands territoires de l'Ouest américain; dans le Dakota du Sud plus précisément, une région de prairies immenves balayées pr les grands vents du Nord qui viennent à l'Ouest, se heurter aux montagnes des Black Hills et au Sud se perdre dans les Badlands. Le ciel est immense; blizzards en hiver, sécheresse en été, le climat y est rude et ne ménage ni les troupeaux ni les humains.  Roman d'atmosphère plus que roman d'intrigue, Twisted Tree est le roman de ce monde rural, mais la nature dont il est question est surtout la nature humaine dans ses mille variations.
Twisted Tree est composé de 16 chapitres qui pourraient se lire comme autant de textes séparés, chacun étant centré sur un personnage, un couple, une famille. Mais les destins de ces différents personnages ne cessent de se croiser jusqu'à former une sorte de fresque, ou plutôt un patchwork pour rester dans les références américaines. Chacun des petits carrés qui composent le patchwork se suffit à lui même mais une fois réunis, les carrés forment un dessin d'ensemble déterminé par le choix des couleurs et des motifs. Et le dessin principal ici, ce n'est rien d'autre que la nature humaine, dans toutes sa complexité, sa beauté et sa laideur.

Dépaysés vous le serez en lisant Twisted Tree, fascinés peut-être par l'évocation de ces grands espaces où la solitude est la règle, touchés certainement par l'humanité de ceux qui s'y sont installés, sont restés, séduits en tout cas par le savoir faire du romancier (et de son - ou plutôt - de sa traductrice, Laua Derajinski).

Kent Meyers sera à Grenoble dans le cadre du Printemps du livre. Six rencontres sont prévues entre le 9 et le 13 Avril. Si vous voulez le rencontrer.... dépéchez-vous de lire son livre ! 



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02 avril 2013

Barthélémy Toguo

Le passahe au Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne m'a permis de découvrir les dessins à l'encre et à l'aquarelle Barthélémy Toguo.



Une utilisation inhabituelle de l'aquarelle pour produire des images fortes, bizarres, intrigantes ... 



... et parfois perturbantes ! 

01 avril 2013

Design à Saint-Etienne

Le Musée d'art moderne et contemporain ET la biennale du design c'était peut-être un peu trop pour une seule journée.

D'autant que le design était beaucoup plus technique et futuriste que déco et que j'ai vite été débordée par l'immensité des lieux. J'ai toutefois trouvé particulièrement intéressant de voir exposer les objets de demain dans un site industriel désaffecté.

Au Musée d'art moderne et contemporain était proposée, en complément de la biennale,  une exposition sur Charlotte Pierrand et le Japon.

Connue pour avoir travaillé avec Pierre Jeanneret et Le Corbusier, Charlotte Pierrand est connue aussi pour avoir une conscience sociale et se soucier dès le début des années 30, de "proposer un mobilier accessible aux classes moyennes particulièrement frappées par la crise". 

L'exposition de Saint Etienne ne retrace qu'une petite partie du parcours de cette femme exceptionnelle, celui qui lui a permis de confronter ses idées en matière d'habitat avec les savoir-faire traditionnels du Japon : souci des matériaux, des formes, attrait pour la simplicité des lignes  autant que pour la fonctionnalité des objets.
Le plus difficile pour le visiteur est sans doute de prendre la juste mesure de la modernité de Charlotte Pierrand; comparées à celles d'aujourd'hui ses propositions ont l'air presque banales; replacées dans le contexte des années 30, elles apparaissent comme ce qu'elles sont vraiment : révolutionnaires !