Si les horizons marins vous lassent, vous pourrez toujours aller visiter les très beaux Jardins de Valloires, réinventés par Gilles Clément. C'était un peu tôt en saison pour l'apprécier pleinement, mais les cônes des topiaires à peine sortis de l'hiver, révèlaient leur dessous de dentelle ...
et l'allée des cerisiers, entre le jardin jaune et le jardin blanc, promettait bien des émerveillements.
A deux pas de l'Abbaye, on peut - pourquoi pas - se laisser tenter par une longue balade dans le parc du Marquenterre, territoire des oiseaux et surtout des canards.
Craquant non ?
www.baiedesomme.fr/parc-du-marquenterre-en-baie-de-somme-parc-ornithologique-oiseaux-migrateurs-animation-et-voyage-nature--fre3.html
18 mai 2007
17 mai 2007
Baie de Somme (suite)
16 mai 2007
Baie de Somme
Côté Somme ou côté mer, c'est le même enchantement ...
L'oeil se perd dans les fondus enchaînés de gris, de beige et d'argent d'où émergent parfois, rarement, quelques points de couleur ...
... balises rouges et vertes du chenal d'accès qui, entre deux bancs de sable, mène jusqu'à l'entrée du port ...
les bâteaux, bâteaux de pêche ou simple barque comme celle qui attend sagement au mouillage de lever l'ancre pour un nouvel horizon.
L'oeil se perd dans les fondus enchaînés de gris, de beige et d'argent d'où émergent parfois, rarement, quelques points de couleur ...
... balises rouges et vertes du chenal d'accès qui, entre deux bancs de sable, mène jusqu'à l'entrée du port ...
les bâteaux, bâteaux de pêche ou simple barque comme celle qui attend sagement au mouillage de lever l'ancre pour un nouvel horizon.
15 mai 2007
On dirait ...
Ce serait ....
Un tableau de Rothko ?
Non, juste la baie de Somme !
Côté Somme ou côté mer, c'est le même ravissement : la terre, le ciel et la mer confondus
Et pour celle dont les montagnes encerclent l'horizon, pas de plus grand enchantement que cet espace ouvert à l'infini
"J'ai retrouvé l'éternité, c'est la mer avec le soleil allée "
Un tableau de Rothko ?
Non, juste la baie de Somme !
Côté Somme ou côté mer, c'est le même ravissement : la terre, le ciel et la mer confondus
Et pour celle dont les montagnes encerclent l'horizon, pas de plus grand enchantement que cet espace ouvert à l'infini
"J'ai retrouvé l'éternité, c'est la mer avec le soleil allée "
10 mai 2007
Lucrèce (suite)
- Alors Lucrèce ? On s'y remet ?
- Pas d'impatience. De toute façon, pour apprécier le De Natura rerum, il faut prendre son temps.
Je parie que tu n'as même pas commencé !
- Et bien non, puisque je t'attendais. J'aimerais d'abord savoir ce que tu lui trouves à ton Lucrèce ...
- Voyons voir. L'essentiel en trois points ? Cela risque d'être un peu juste mais essayons quand même !
D'abord, l'éloge d'Epicure : un motif récurrent et quasi obsessionnel à la hauteur de l'admiration que Lucrèce porte à Epicure. L'éloge du maître, comme l'invocation à Venus qui ouvre le premier livre, cela fait partie des conventions. Encore maintenant : pas de thèse sans hommage appuyé à celui qui l'a dirigée. Flagornerie le plus souvent. Mais Epicure est mort depuis longtemps et de toute façon ce que Lucrèce admire ce n'est pas l'homme mais l'audace de sa pensée.
" Au temps où, spectacle honteux, la vie humaine traînait à terre toutes les chaînes d'une religion qui, des régions du ciel, montrait sa tête aux mortels et les effrayait de son horrible aspect, le premier, un homme de la Grèce, un mortel, osa lever contre le monstre ses regards, le premier il engagea la lutte. Ni les fables divines, ni la foudre, ni le ciel avec ses grondements ne purent le réduire; son courage ardent n'en fut que plus animé du désir de briser les verrous de la porte étroitement fermée de la nature. Mais la force de son intelligence l'a entraîné bien au-delà des murs enflammés du monde. Il a parcouru par la pensée l'espace immense du grand Tout, et de là, il nous rapporte vainqueur la connaissance de ce qui peut ou ne peut pas naître, de la puissance départie à chaque être et de ses bornes inflexibles. Ainsi la superstition est à son tour terrassée, foulée aux pieds, et cette victoire nous élève jusqu'aux cieux. "
Qu'est-ce que tu en dis ? Impressionnant non ? Et bien concret ! Imagé... l'inversion entre le haut et le bas, l'ouverture, l'expansion, la révolution par la seule force de la pensée. belle rhétorique, vraiment ! Et puis, il y a, en puissance dans ce petit paragraphe, toute l'idéologie des Lumières.
- Sans doute, mais il parle de qui, là, au juste, ton Lucrèce, de Prométhée ou d'Epicure ? Parce que franchement je ne vois pas bien la différence ...
- Tu as tout à fait raison. Le geste prométhéen, en tout cas tel qu'il est présenté par Eschyle, permet à l'homme d'accéder à la pensée; Epicure n'est ni un dieu, ni même un demi-dieu, juste un homme qui a fait usage du don de Prométhée. Un bon usage apparemment !
- C'était ton premier point ?
- Oui, mais si tu veux, je peux développer ...
- Pas la peine : je te vois venir ! L'éducation, la connaissance, la réflexion, la pensée, le propre de l'homme et le salut de l'humanité. T'en fais toujours un peu trop dans le genre.
- .....
- Oh, allez, fais pas ta mauvaise tête ! Quel est ton deuxième point ?
- D'abord un constat, banal : les hommes ne sont pas heureux ! Puis une hypothèse : les hommes ne sont pas heureux parce qu'ils ont peur. Ils ont peur des dieux et ils ont peur de la mort. Si on parvient à supprimer ces deux peurs, les hommes seront heureux.
- Et il y parvient ton Epicure ?
- Ce n'est pas "mon" Epicure ! Mais oui, je crois qu'il y parvient.
- Comment ?
- Pour la peur des dieux, c'est facile : il suffit d'expliquer que les dieux n'ont pas plus crée les hommes qu'ils n'ont crée le monde, qu'ils ne s'y intéressent même pas tant ils sont occupés à gérer leurs petites affaires et que par conséquent les hommes n'ont pas à craindre le regard des dieux qui regardent ailleurs. Pour la peur de la mort...
- Oh, oh, pas si vite. Il ne suffit pas de dire, il faut peut-être aussi le démontrer !
- Pour la peur de la mort, c'est un peu plus difficile parce qu'il faut d'abord expliquer ce que c'est que la vie et par conséquent expliquer la formation de l'univers, un univers qui n'a pas été crée par une instance divine puisqu'il n'est que l'assemblage en partie fortuit et surtout provisoire d'éléments infimes que l'on a pris l'habitude d'appeler "atomes". C'est en essayant d'expliquer la nature des choses, qu' Epicure entend supprimer les grandes angoisses existentielles de l'homme. Tu sais, le "D'où venons nous ? Où allons nous ? etc.... "
Comme tu le vois les deux peurs sont liées, et la réponse à ces deux peurs passe nécessairement par la connaissance du monde physique. Cela ne veut pas dire qu'Epicure a résolu toutes les questions, il y a dans ses propositions beaucoup d'approximations. N'importe quel scientifique te dira qu'une hypothèse qui n'a pas été vérifiée par l'expérimentation reste une hypothèse. Epicure avance donc à tâtons, imagine. Il imagine même beaucoup et cela donne quelques pages assez drôles, celles sur les atomes en particulier ! Mais il a le mérite, aux yeux de Lucrèce (et aux miens) d'avoir essayé, d'avoir ouvert des pistes, lancé des suggestions dont certaines seront par la suite vérifiées.
- L'univers comme un assemblage fortuit et provisoire d'atomes... donc en perpétuelle évolution... un assemblage qui s'est fait comme cela mais aurait pu se faire autrement .... un nombre illimité d'atomes et donc la possibilité d'avoir d'autres univers, semblables au nôtre ou différents, plusieurs univers qui se sont composés, se composent se décomposeront....
Ouah ! quelles perspectives ... ya vraiment tout ça dans ce petit bouquin ?
- Tout ça et beaucoup plus parce que ce que tu viens de dire à propos de l'univers, tu peux le dire de chaque être vivant... Je suis, tu n'es qu'un petit assemblage d'atomes. Ton existence ne tient qu'à cette capacité que les atomes ont de s'accrocher entre eux...
- Ah, oui, les atomes crochus ! Alors quand tu meurs, ce sont les crochets qui lâchent...
- Si on veut, et ces même atomes vont se disperser et vraisemblablement aller s'accrocher ailleurs.
- Rien de perdu donc !
- Rien de perdu ! et comme tu le vois, la mort, ce n'est que la fin d'un assemblage particulier. Lucrèce reconnaît quand même que c'est sans doute un moment un peu difficile à passer ; mais comme "après" ressemblera exactement à "avant", pas de quoi se faire du souci !
- En effet ! Du coup je me demande où mes atomes, enfin mes ex-atomes, vont aller s'accrocher ?
- Plus précisément, tu peux te demander avec quels autres atomes, tes ex-atomes - qui ne t'ont jamais véritablement appartenu, souviens-toi, ce n'était qu'un prêt - vont aller se mélanger. Tu vois que Lucrèce, ça fait rêver ! Dans le livre II par exemple, tu trouveras un inventaire des atomes : il y a des atomes lisses et ronds, d'autres crochus et serrés, d'autres qui ne sont ni tout à fait lisses ni tout à fait crochus et armés de pointes; il y en a des petits, des gros, des très légers, des particulièrement subtils... pas très scientifique peut-être, mais très amusant.
- Je récapitule : si nous savons comment fonctionne l’univers, nous n’aurons plus peur de la mort ni des dieux. Atomisée, la mort ! Et les dieux ? volatilisés !
- Pas exactement ; les dieux sont toujours là, mais ils ne s’occupent pas de nous.
- Oui, mais comme ils ne sont pour rien dans cette histoire, et que ni l’univers, ni les hommes ne dépendent d’eux, Epicure aurait aussi bien pu les supprimer, non ?
- Sans doute mais à son époque, ce devait être difficile. Et puis Zeus, Hera, Aphrodite, Athena et les autres, ça fait quand même de belles histoires, non ? `
- C’est vrai…
- A propos d’histoires, il y en a de très drôles dans le De Natura rerum ? Ainsi, dans le livre IV , il y a tout un passage sur la passion amoureuse, à mourir de rire ! Ecoute !
« Il faut repousser tout ce qui peut nourrir la passion ; il faut distraire notre esprit, il vaut mieux jeter la sève amassée en nous dans les premiers corps venus que de la réserver à un seul par une passion exclusive qui nous promet soucis et tourments. L’amour est un abcès qui, à le nourrir, s’avive et s’envenime ; c’est une frénésie que chaque jour accroît, et le mal s’aggrave si de nouvelles blessures ne font pas diversion à la première […] »
Et la page qui suit, c’est encore pire :
« [...] la vie de l’amant est nécessairement vouée à l’esclavage. Il voit son bien se fondre, s’en aller en tapis de Babylone, il néglige ses devoirs ; sa réputation s’altère et chancelle. Tout cela pour des parfums, pour de belles chaussures de Sycone qui rient aux pieds d’une maîtresse, pour d’énormes émeraudes […] "
- Et ça te fait rire !
- Bien sûr ! parce que c'est tellement excessif que ça en devient risible. Lis toi-même, tu verras. Un vrai délire de misogyne ! Que veux-tu, nul n’est parfait et c’est tant mieux !
- Et ton troisième point dans tout ça, tu l’as oublié ?
- Pas du tout ! J’y viens : le clinamen !
- Le quoi ?
- Clinamen . Essaye d’imaginer un nombre illimité (!) d’atomes en train de se mouvoir dans l’espace infini. Les uns avec crochets, les autres sans crochets. Voici ce que dit Lucrèce :
« Les atomes descendent bien en droite ligne dans le vide, entraînés par leur pesanteur ; mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s’écarter un peu de la verticale, si peu qu’à peine peut-on parler d’une déclinaison. »
Sans cet écart, tous, comme des gouttes de pluie, ne cesseraient de tomber à travers le vide immense ; il n’y aurait point lieu à rencontres, à chocs, et jamais la nature n’eût pu rien créer. »
Déclinaison, en latin, se dit "clinamen". C’est cet écart, infime et indéterminé qui fonde notre existence, et par là même notre liberté.
- Comment ça, notre liberté ?
- Sans cet écart, sans cette part d’aléatoire, tout l’univers serait régi par la seule nécessité des lois physiques, des lois de la gravitation par exemple. Grâce à ce minuscule écart, nous échappons à la détermination. Elle est peut-être infime notre liberté, mais elle existe ! Tu comprends maintenant pourquoi le De Natura rerum est une œuvre majeure, une œuvre fondatrice. Et tu devines aussi pourquoi Epicure et les Epicuriens n’ont jamais été bien vus par ceux qui détenaient le pouvoir. La liberté, ça dérange toujours les puissants.
- Je comprends surtout qu’Epicure fonde sa métaphysique sur … la physique. Du coup, je vais peut-être regarder d’un autre œil les cours de physique et de SVT.
- Réconcilier sciences et philo, pourquoi pas, mais il y a du boulot !
- Pas d'impatience. De toute façon, pour apprécier le De Natura rerum, il faut prendre son temps.
Je parie que tu n'as même pas commencé !
- Et bien non, puisque je t'attendais. J'aimerais d'abord savoir ce que tu lui trouves à ton Lucrèce ...
- Voyons voir. L'essentiel en trois points ? Cela risque d'être un peu juste mais essayons quand même !
D'abord, l'éloge d'Epicure : un motif récurrent et quasi obsessionnel à la hauteur de l'admiration que Lucrèce porte à Epicure. L'éloge du maître, comme l'invocation à Venus qui ouvre le premier livre, cela fait partie des conventions. Encore maintenant : pas de thèse sans hommage appuyé à celui qui l'a dirigée. Flagornerie le plus souvent. Mais Epicure est mort depuis longtemps et de toute façon ce que Lucrèce admire ce n'est pas l'homme mais l'audace de sa pensée.
" Au temps où, spectacle honteux, la vie humaine traînait à terre toutes les chaînes d'une religion qui, des régions du ciel, montrait sa tête aux mortels et les effrayait de son horrible aspect, le premier, un homme de la Grèce, un mortel, osa lever contre le monstre ses regards, le premier il engagea la lutte. Ni les fables divines, ni la foudre, ni le ciel avec ses grondements ne purent le réduire; son courage ardent n'en fut que plus animé du désir de briser les verrous de la porte étroitement fermée de la nature. Mais la force de son intelligence l'a entraîné bien au-delà des murs enflammés du monde. Il a parcouru par la pensée l'espace immense du grand Tout, et de là, il nous rapporte vainqueur la connaissance de ce qui peut ou ne peut pas naître, de la puissance départie à chaque être et de ses bornes inflexibles. Ainsi la superstition est à son tour terrassée, foulée aux pieds, et cette victoire nous élève jusqu'aux cieux. "
Qu'est-ce que tu en dis ? Impressionnant non ? Et bien concret ! Imagé... l'inversion entre le haut et le bas, l'ouverture, l'expansion, la révolution par la seule force de la pensée. belle rhétorique, vraiment ! Et puis, il y a, en puissance dans ce petit paragraphe, toute l'idéologie des Lumières.
- Sans doute, mais il parle de qui, là, au juste, ton Lucrèce, de Prométhée ou d'Epicure ? Parce que franchement je ne vois pas bien la différence ...
- Tu as tout à fait raison. Le geste prométhéen, en tout cas tel qu'il est présenté par Eschyle, permet à l'homme d'accéder à la pensée; Epicure n'est ni un dieu, ni même un demi-dieu, juste un homme qui a fait usage du don de Prométhée. Un bon usage apparemment !
- C'était ton premier point ?
- Oui, mais si tu veux, je peux développer ...
- Pas la peine : je te vois venir ! L'éducation, la connaissance, la réflexion, la pensée, le propre de l'homme et le salut de l'humanité. T'en fais toujours un peu trop dans le genre.
- .....
- Oh, allez, fais pas ta mauvaise tête ! Quel est ton deuxième point ?
- D'abord un constat, banal : les hommes ne sont pas heureux ! Puis une hypothèse : les hommes ne sont pas heureux parce qu'ils ont peur. Ils ont peur des dieux et ils ont peur de la mort. Si on parvient à supprimer ces deux peurs, les hommes seront heureux.
- Et il y parvient ton Epicure ?
- Ce n'est pas "mon" Epicure ! Mais oui, je crois qu'il y parvient.
- Comment ?
- Pour la peur des dieux, c'est facile : il suffit d'expliquer que les dieux n'ont pas plus crée les hommes qu'ils n'ont crée le monde, qu'ils ne s'y intéressent même pas tant ils sont occupés à gérer leurs petites affaires et que par conséquent les hommes n'ont pas à craindre le regard des dieux qui regardent ailleurs. Pour la peur de la mort...
- Oh, oh, pas si vite. Il ne suffit pas de dire, il faut peut-être aussi le démontrer !
- Pour la peur de la mort, c'est un peu plus difficile parce qu'il faut d'abord expliquer ce que c'est que la vie et par conséquent expliquer la formation de l'univers, un univers qui n'a pas été crée par une instance divine puisqu'il n'est que l'assemblage en partie fortuit et surtout provisoire d'éléments infimes que l'on a pris l'habitude d'appeler "atomes". C'est en essayant d'expliquer la nature des choses, qu' Epicure entend supprimer les grandes angoisses existentielles de l'homme. Tu sais, le "D'où venons nous ? Où allons nous ? etc.... "
Comme tu le vois les deux peurs sont liées, et la réponse à ces deux peurs passe nécessairement par la connaissance du monde physique. Cela ne veut pas dire qu'Epicure a résolu toutes les questions, il y a dans ses propositions beaucoup d'approximations. N'importe quel scientifique te dira qu'une hypothèse qui n'a pas été vérifiée par l'expérimentation reste une hypothèse. Epicure avance donc à tâtons, imagine. Il imagine même beaucoup et cela donne quelques pages assez drôles, celles sur les atomes en particulier ! Mais il a le mérite, aux yeux de Lucrèce (et aux miens) d'avoir essayé, d'avoir ouvert des pistes, lancé des suggestions dont certaines seront par la suite vérifiées.
- L'univers comme un assemblage fortuit et provisoire d'atomes... donc en perpétuelle évolution... un assemblage qui s'est fait comme cela mais aurait pu se faire autrement .... un nombre illimité d'atomes et donc la possibilité d'avoir d'autres univers, semblables au nôtre ou différents, plusieurs univers qui se sont composés, se composent se décomposeront....
Ouah ! quelles perspectives ... ya vraiment tout ça dans ce petit bouquin ?
- Tout ça et beaucoup plus parce que ce que tu viens de dire à propos de l'univers, tu peux le dire de chaque être vivant... Je suis, tu n'es qu'un petit assemblage d'atomes. Ton existence ne tient qu'à cette capacité que les atomes ont de s'accrocher entre eux...
- Ah, oui, les atomes crochus ! Alors quand tu meurs, ce sont les crochets qui lâchent...
- Si on veut, et ces même atomes vont se disperser et vraisemblablement aller s'accrocher ailleurs.
- Rien de perdu donc !
- Rien de perdu ! et comme tu le vois, la mort, ce n'est que la fin d'un assemblage particulier. Lucrèce reconnaît quand même que c'est sans doute un moment un peu difficile à passer ; mais comme "après" ressemblera exactement à "avant", pas de quoi se faire du souci !
- En effet ! Du coup je me demande où mes atomes, enfin mes ex-atomes, vont aller s'accrocher ?
- Plus précisément, tu peux te demander avec quels autres atomes, tes ex-atomes - qui ne t'ont jamais véritablement appartenu, souviens-toi, ce n'était qu'un prêt - vont aller se mélanger. Tu vois que Lucrèce, ça fait rêver ! Dans le livre II par exemple, tu trouveras un inventaire des atomes : il y a des atomes lisses et ronds, d'autres crochus et serrés, d'autres qui ne sont ni tout à fait lisses ni tout à fait crochus et armés de pointes; il y en a des petits, des gros, des très légers, des particulièrement subtils... pas très scientifique peut-être, mais très amusant.
- Je récapitule : si nous savons comment fonctionne l’univers, nous n’aurons plus peur de la mort ni des dieux. Atomisée, la mort ! Et les dieux ? volatilisés !
- Pas exactement ; les dieux sont toujours là, mais ils ne s’occupent pas de nous.
- Oui, mais comme ils ne sont pour rien dans cette histoire, et que ni l’univers, ni les hommes ne dépendent d’eux, Epicure aurait aussi bien pu les supprimer, non ?
- Sans doute mais à son époque, ce devait être difficile. Et puis Zeus, Hera, Aphrodite, Athena et les autres, ça fait quand même de belles histoires, non ? `
- C’est vrai…
- A propos d’histoires, il y en a de très drôles dans le De Natura rerum ? Ainsi, dans le livre IV , il y a tout un passage sur la passion amoureuse, à mourir de rire ! Ecoute !
« Il faut repousser tout ce qui peut nourrir la passion ; il faut distraire notre esprit, il vaut mieux jeter la sève amassée en nous dans les premiers corps venus que de la réserver à un seul par une passion exclusive qui nous promet soucis et tourments. L’amour est un abcès qui, à le nourrir, s’avive et s’envenime ; c’est une frénésie que chaque jour accroît, et le mal s’aggrave si de nouvelles blessures ne font pas diversion à la première […] »
Et la page qui suit, c’est encore pire :
« [...] la vie de l’amant est nécessairement vouée à l’esclavage. Il voit son bien se fondre, s’en aller en tapis de Babylone, il néglige ses devoirs ; sa réputation s’altère et chancelle. Tout cela pour des parfums, pour de belles chaussures de Sycone qui rient aux pieds d’une maîtresse, pour d’énormes émeraudes […] "
- Et ça te fait rire !
- Bien sûr ! parce que c'est tellement excessif que ça en devient risible. Lis toi-même, tu verras. Un vrai délire de misogyne ! Que veux-tu, nul n’est parfait et c’est tant mieux !
- Et ton troisième point dans tout ça, tu l’as oublié ?
- Pas du tout ! J’y viens : le clinamen !
- Le quoi ?
- Clinamen . Essaye d’imaginer un nombre illimité (!) d’atomes en train de se mouvoir dans l’espace infini. Les uns avec crochets, les autres sans crochets. Voici ce que dit Lucrèce :
« Les atomes descendent bien en droite ligne dans le vide, entraînés par leur pesanteur ; mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s’écarter un peu de la verticale, si peu qu’à peine peut-on parler d’une déclinaison. »
Sans cet écart, tous, comme des gouttes de pluie, ne cesseraient de tomber à travers le vide immense ; il n’y aurait point lieu à rencontres, à chocs, et jamais la nature n’eût pu rien créer. »
Déclinaison, en latin, se dit "clinamen". C’est cet écart, infime et indéterminé qui fonde notre existence, et par là même notre liberté.
- Comment ça, notre liberté ?
- Sans cet écart, sans cette part d’aléatoire, tout l’univers serait régi par la seule nécessité des lois physiques, des lois de la gravitation par exemple. Grâce à ce minuscule écart, nous échappons à la détermination. Elle est peut-être infime notre liberté, mais elle existe ! Tu comprends maintenant pourquoi le De Natura rerum est une œuvre majeure, une œuvre fondatrice. Et tu devines aussi pourquoi Epicure et les Epicuriens n’ont jamais été bien vus par ceux qui détenaient le pouvoir. La liberté, ça dérange toujours les puissants.
- Je comprends surtout qu’Epicure fonde sa métaphysique sur … la physique. Du coup, je vais peut-être regarder d’un autre œil les cours de physique et de SVT.
- Réconcilier sciences et philo, pourquoi pas, mais il y a du boulot !
07 mai 2007
Lucrèce
Après Homère, Hésiode, Platon, le théâtre grec et Eschyle, il est peut-être temps de quitter la Grèce. Non que j'en aie épuisé les richesses, loin de là, mais puisque nous sommes partis pour un long voyage littéraire qui doit nous mener jusqu'à aujourd'hui, il importe avant tout de de ne pas s'encombrer et donc de voyager léger.
J'ai toujours en tête les PPOC (Plus Petites Oeuvres Complètes ) dont j'ai essayé, pendant des années, de propager le concept afin de ne pas décourager, dès l'abord, ceux dont l'appétence culturelle n'est pas encore très affirmée. Je ne sais si l'appétit vient en mangeant, mais le goût des lettres vient en lisant, c'est certain. A condition toutefois de ne pas commencer par le plus lourd et le plus indigeste ! Des PPOC, je suis passée au BCM (bagage culturel minimum), et en voyageuse avisée je ne mets dans mon sac de voyage, que l'indispensable, de sorte qu'il reste beaucoup de place pour "les souvenirs" glanés en route, et parfois beaucoup plus précieux parce qu'on les a découverts "tout seuls" ! Je pourrais poursuivreplus loin la métaphore rappeler que des bagages bien organisés permettent de retrouver facilement ses affaires et de dénicher l'emplacement adéquat où l'on pourra glisser chaque nouvelle trouvaille. Vous venez de lire Bérénice (excellente lecture!), la pièce trouvera facilement sa place à côté des tragédies d'Eschyle; vous êtes en train de lire Aristote et vous savez déjà que vous le rangerez à côté de Platon, même s'ils doivent s'eng... un peu. La dispute est de toute façon l'apanage des philosophes (surtout quand ils se mêlent de politique ! )
J'ai l'air de donner des conseils ? Un peu trop directive ? Pas du tout : je parle, je parle mais au fond, chacun n'en fait qu'à sa tête.
Venons en aux choses sérieuses : Lucrèce. Car c'est de Lucrèce que j'aimerais vous parler ce matin. Lucrèce et son De Natura rerum; De la Nature des choses en français, souvent abrégé en De la Nature. Un peu plus de 200 pages, ce n'est pas la mer à boire; mais pour pleinement apprécier la tentative de Lucrèce, il faut prendre son temps : lire tranquillement, posément, l'un après l'autre chacun des six livres, les annoter. Revenir sur certains passages. Mon exemplaire est souligné, surligné, gribouillé ... à la mesure de mon intérêt pour ce que dit Lucrèce.
Et que dit Lucrèce ?
Mais d'abord qui était Lucrèce ?
Un poète latin, né à Rome vers 98 avant Jesus-Christ et mort en 55, suicidé peut-être !
Nous savons en réalité bien peu de choses du bonhomme. Nous n'avons guère que son oeuvre, un poème en 6 chants, rédigé en hexamètres dactyliques, 7415 vers au total ! Voilà pour la forme. L'essentiel est ailleurs, l'essentiel est dans ce que Lucrèce cherche à faire comprendre; or, ce qu'il cherche à faire comprendre, c'est la doctrine d'Epicure.
Et nous voilà revenu en Grèce.
Lorsque naît Epicure - pour autant que les dates soient confirmées - Platon vient de mourir. Aristote a une quarantaine d'années, Zénon de Citium n'est pas encore né.
- Attends, attends. Tu n'es pas en train de nous faire tourner en rond, là ? Tu devais nous parler de Lucrèce et on se retrouve en train de parler d'Epicure; on en était au premier siècle de notre ère et on retourne quatre siècles en arrière ? Arrête et explique-toi : tu nous donnes le tournis.
- D'accord, c'est pourtant simple. Si je pouvais, je te ferais un dessin, mais avec l'ordinateur, je sais pas faire.
Voyons voir... soit un axe chronologique qui va de X à Y. Tu places le point zéro au premier tiers (en gros 1000 ans avant, 2000 après : ça fait déjà pas mal comme axe culturel ! ) Tu ajoute des graduations tous les 100 ans environ, tous les 50 si tu tiens à raffiner.
- Je le fais comment mon axe ? vertical ou horizontal ?
- Aucune importance, cela revient au même. Mets ton crayon 4 siècles avant le point zéro. Et là, tu inscris 4 noms : Platon, Aristote, Epicure et Zénon. Et sous chacun de ces noms, 4 noms de lieux : Académie, Lycée, Jardin et Portique . Un moyen facile de se souvenir des 4 grandes écoles philosophiques grecques ! L'Académie pour l'école de Platon, le platonisme donc; le Lycée pour Aristote et l'aristotélisme; le Jardin pour Epicure et l' Epicurisme, et ...
- Le Portique pour... ça ne marche pas ton truc !
- Si, enfin presque. Portique, en grec, se dit "stoïcos" et l'école du portique, c'est donc le stoïcisme dont le grand maître est Zénon de Citium. 4 noms, 4 lieux, 4 grandes tendances philosophiques, au 4ème siècle (à peu près). C'est plutôt facile à retenir. Une base ... carrée sur laquelle on peut construire. Ce qui est intéressant ensuite, c'est de voir ce que sont devenues chacune de ces écoles. Comment ont-elles été perçues ? Qu'est-ce que les générations suivantes en ont retenu ? Quelles influences ont-elles eues sur l'évolution des idées?
- Ah non ! T'as dit bagage culturel minimum : là c'est plus du minimum !
- Bon, bon, mais on y reviendra peut-être quand même plus tard.... Quand tu seras mieux disposé parce que ce matin, je te sens ... "chichigneux".
- Normal : un lendemain d'élections !
- On continue quand-même ?
- Sûr ! Au moins, ça change les idées !
- Voici donc Epicure au milieu des trois autres, dans le carré de base. Le problème c'est que Platon et Aristote ont beaucoup écrit, mais pas Epicure, ni Zénon d'ailleurs ! Ou plutôt leurs oeuvres, s'il y en a eu, ne nous sont pas parvenues. Et ne me demande pas pourquoi parce que c'est une autre histoire.
- J'ai rien demandé !
- Des écrits d'Epicure nous n'avons que quelques fragments, quelques lettres et, heureusement, le grand poème de Lucrèce, son admirateur, son zélateur, qui n'a eu de cesse de vulgariser la pensée d'Epicure. Et s'il a choisi la poésie, c'est dans l'espoir de la rendre accessible à tous.
- Ah ouais, genre la cuillère de confiture ou de miel qui fait passer la pilule !
- Exactement !
- Un peu comme ton baratin non ?
- Mettons que l'intention est la même; pas le talent. Mais le problème avec Lucrèce, c'est qu' il rédige son poème, longtemps après Epicure et que nous n'avons aucune idée des textes qu'il avait à sa disposition et donc de l'écart qu'il peut-y avoir entre ce que pensait vraiment Epicure et ce que dit Lucrèce.
- C'est grave ?
- Non, pas trop. Du moment que l'on sait qu'il y a - probablement - un écart !
- Alors, ce Lucrèce et cet Epicure, pourquoi tu les aimes tellement ?
- Parce que les premiers ils ont essayé d'expliquer le monde, logiquement, rationnellement, scientifiquement sans inventer des bobards à dormir debout !
- Stop ! Deux points : Expliquer le monde ? ils n'étaient pas les premiers : Platon aussi. Et scientifiquement ? Tu m'as bien dit qu'Epicure était philosophe...
- Oui, mais à l'époque, le même mot désignait le savant et le sage; on ne faisait pas de différence entre le philosophe et le physicien. Les philosophes étaient aussi des forts en maths, Platon par exemple était super bon en algèbre. Un philosophe, pour philosopher, doit nécessairement s'appuyer sur sa connaissance du monde physique sinon sa philosophie n'est que pure spéculation. C'est en tout cas ce que je pense, mais je reconnais que depuis un ou deux siècles, cela devient de plus en plus difficile. La science va trop vite et surtout elle est de plus en plus morcelée entre des savoirs parcellaires et personne n'est plus capable de faire la synthèse. Le monde est complexe mais nous ne sommes plus capables de le saisir dans sa globalité, dans sa complexité.
- Ah non, tu ne pas pas t'y mettre toi aussi à parler de déclin des connaissances et bla bla bla...
- Certainement pas, au contraire. Je relève juste une difficulté : l'accroissement continue des connaissances ne va pas de pair avec le développement de notre intelligence. Il ne faut pas freiner les connaissances, mais juste essayer d'être plus intelligent et donc faire travailler plus intensément nos neurones. Et pour revenir à ta première remarque que je n'ai pas oubliée, Epicure et Lucrèce n'étaient certes pas les premiers à essayer d'expliquer le monde, mais ils le faisaient pour permettre aux hommes de ne plus avoir peur, car, à leurs yeux c'était la peur qui empêchait les hommes d'être heureux. Et ce qu'ils voulaient avant tout, c'est permettre aux hommes d'être plus heureux.
- Comme tous les philosophes, non ?
- Tu as vraiment mauvais esprit ce matin ! Mettons comme la plupart des philosophes, mais, eux ils y sont parvenus !
- Ah oui ? et comment ?
- Et bien je te le dirai ... demain. Ou dans quelques jours parce que demain et après demain j'ai beaucoup à faire !
- Menteuse ! Tu dis ça parce que toi aussi tu es de mauvais poil. Les élections qui ne passent pas...
- C'est vrai, elles passent mal. Mais au moins, il y a 85% de votes exprimés !
J'ai toujours en tête les PPOC (Plus Petites Oeuvres Complètes ) dont j'ai essayé, pendant des années, de propager le concept afin de ne pas décourager, dès l'abord, ceux dont l'appétence culturelle n'est pas encore très affirmée. Je ne sais si l'appétit vient en mangeant, mais le goût des lettres vient en lisant, c'est certain. A condition toutefois de ne pas commencer par le plus lourd et le plus indigeste ! Des PPOC, je suis passée au BCM (bagage culturel minimum), et en voyageuse avisée je ne mets dans mon sac de voyage, que l'indispensable, de sorte qu'il reste beaucoup de place pour "les souvenirs" glanés en route, et parfois beaucoup plus précieux parce qu'on les a découverts "tout seuls" ! Je pourrais poursuivreplus loin la métaphore rappeler que des bagages bien organisés permettent de retrouver facilement ses affaires et de dénicher l'emplacement adéquat où l'on pourra glisser chaque nouvelle trouvaille. Vous venez de lire Bérénice (excellente lecture!), la pièce trouvera facilement sa place à côté des tragédies d'Eschyle; vous êtes en train de lire Aristote et vous savez déjà que vous le rangerez à côté de Platon, même s'ils doivent s'eng... un peu. La dispute est de toute façon l'apanage des philosophes (surtout quand ils se mêlent de politique ! )
J'ai l'air de donner des conseils ? Un peu trop directive ? Pas du tout : je parle, je parle mais au fond, chacun n'en fait qu'à sa tête.
Venons en aux choses sérieuses : Lucrèce. Car c'est de Lucrèce que j'aimerais vous parler ce matin. Lucrèce et son De Natura rerum; De la Nature des choses en français, souvent abrégé en De la Nature. Un peu plus de 200 pages, ce n'est pas la mer à boire; mais pour pleinement apprécier la tentative de Lucrèce, il faut prendre son temps : lire tranquillement, posément, l'un après l'autre chacun des six livres, les annoter. Revenir sur certains passages. Mon exemplaire est souligné, surligné, gribouillé ... à la mesure de mon intérêt pour ce que dit Lucrèce.
Et que dit Lucrèce ?
Mais d'abord qui était Lucrèce ?
Un poète latin, né à Rome vers 98 avant Jesus-Christ et mort en 55, suicidé peut-être !
Nous savons en réalité bien peu de choses du bonhomme. Nous n'avons guère que son oeuvre, un poème en 6 chants, rédigé en hexamètres dactyliques, 7415 vers au total ! Voilà pour la forme. L'essentiel est ailleurs, l'essentiel est dans ce que Lucrèce cherche à faire comprendre; or, ce qu'il cherche à faire comprendre, c'est la doctrine d'Epicure.
Et nous voilà revenu en Grèce.
Lorsque naît Epicure - pour autant que les dates soient confirmées - Platon vient de mourir. Aristote a une quarantaine d'années, Zénon de Citium n'est pas encore né.
- Attends, attends. Tu n'es pas en train de nous faire tourner en rond, là ? Tu devais nous parler de Lucrèce et on se retrouve en train de parler d'Epicure; on en était au premier siècle de notre ère et on retourne quatre siècles en arrière ? Arrête et explique-toi : tu nous donnes le tournis.
- D'accord, c'est pourtant simple. Si je pouvais, je te ferais un dessin, mais avec l'ordinateur, je sais pas faire.
Voyons voir... soit un axe chronologique qui va de X à Y. Tu places le point zéro au premier tiers (en gros 1000 ans avant, 2000 après : ça fait déjà pas mal comme axe culturel ! ) Tu ajoute des graduations tous les 100 ans environ, tous les 50 si tu tiens à raffiner.
- Je le fais comment mon axe ? vertical ou horizontal ?
- Aucune importance, cela revient au même. Mets ton crayon 4 siècles avant le point zéro. Et là, tu inscris 4 noms : Platon, Aristote, Epicure et Zénon. Et sous chacun de ces noms, 4 noms de lieux : Académie, Lycée, Jardin et Portique . Un moyen facile de se souvenir des 4 grandes écoles philosophiques grecques ! L'Académie pour l'école de Platon, le platonisme donc; le Lycée pour Aristote et l'aristotélisme; le Jardin pour Epicure et l' Epicurisme, et ...
- Le Portique pour... ça ne marche pas ton truc !
- Si, enfin presque. Portique, en grec, se dit "stoïcos" et l'école du portique, c'est donc le stoïcisme dont le grand maître est Zénon de Citium. 4 noms, 4 lieux, 4 grandes tendances philosophiques, au 4ème siècle (à peu près). C'est plutôt facile à retenir. Une base ... carrée sur laquelle on peut construire. Ce qui est intéressant ensuite, c'est de voir ce que sont devenues chacune de ces écoles. Comment ont-elles été perçues ? Qu'est-ce que les générations suivantes en ont retenu ? Quelles influences ont-elles eues sur l'évolution des idées?
- Ah non ! T'as dit bagage culturel minimum : là c'est plus du minimum !
- Bon, bon, mais on y reviendra peut-être quand même plus tard.... Quand tu seras mieux disposé parce que ce matin, je te sens ... "chichigneux".
- Normal : un lendemain d'élections !
- On continue quand-même ?
- Sûr ! Au moins, ça change les idées !
- Voici donc Epicure au milieu des trois autres, dans le carré de base. Le problème c'est que Platon et Aristote ont beaucoup écrit, mais pas Epicure, ni Zénon d'ailleurs ! Ou plutôt leurs oeuvres, s'il y en a eu, ne nous sont pas parvenues. Et ne me demande pas pourquoi parce que c'est une autre histoire.
- J'ai rien demandé !
- Des écrits d'Epicure nous n'avons que quelques fragments, quelques lettres et, heureusement, le grand poème de Lucrèce, son admirateur, son zélateur, qui n'a eu de cesse de vulgariser la pensée d'Epicure. Et s'il a choisi la poésie, c'est dans l'espoir de la rendre accessible à tous.
- Ah ouais, genre la cuillère de confiture ou de miel qui fait passer la pilule !
- Exactement !
- Un peu comme ton baratin non ?
- Mettons que l'intention est la même; pas le talent. Mais le problème avec Lucrèce, c'est qu' il rédige son poème, longtemps après Epicure et que nous n'avons aucune idée des textes qu'il avait à sa disposition et donc de l'écart qu'il peut-y avoir entre ce que pensait vraiment Epicure et ce que dit Lucrèce.
- C'est grave ?
- Non, pas trop. Du moment que l'on sait qu'il y a - probablement - un écart !
- Alors, ce Lucrèce et cet Epicure, pourquoi tu les aimes tellement ?
- Parce que les premiers ils ont essayé d'expliquer le monde, logiquement, rationnellement, scientifiquement sans inventer des bobards à dormir debout !
- Stop ! Deux points : Expliquer le monde ? ils n'étaient pas les premiers : Platon aussi. Et scientifiquement ? Tu m'as bien dit qu'Epicure était philosophe...
- Oui, mais à l'époque, le même mot désignait le savant et le sage; on ne faisait pas de différence entre le philosophe et le physicien. Les philosophes étaient aussi des forts en maths, Platon par exemple était super bon en algèbre. Un philosophe, pour philosopher, doit nécessairement s'appuyer sur sa connaissance du monde physique sinon sa philosophie n'est que pure spéculation. C'est en tout cas ce que je pense, mais je reconnais que depuis un ou deux siècles, cela devient de plus en plus difficile. La science va trop vite et surtout elle est de plus en plus morcelée entre des savoirs parcellaires et personne n'est plus capable de faire la synthèse. Le monde est complexe mais nous ne sommes plus capables de le saisir dans sa globalité, dans sa complexité.
- Ah non, tu ne pas pas t'y mettre toi aussi à parler de déclin des connaissances et bla bla bla...
- Certainement pas, au contraire. Je relève juste une difficulté : l'accroissement continue des connaissances ne va pas de pair avec le développement de notre intelligence. Il ne faut pas freiner les connaissances, mais juste essayer d'être plus intelligent et donc faire travailler plus intensément nos neurones. Et pour revenir à ta première remarque que je n'ai pas oubliée, Epicure et Lucrèce n'étaient certes pas les premiers à essayer d'expliquer le monde, mais ils le faisaient pour permettre aux hommes de ne plus avoir peur, car, à leurs yeux c'était la peur qui empêchait les hommes d'être heureux. Et ce qu'ils voulaient avant tout, c'est permettre aux hommes d'être plus heureux.
- Comme tous les philosophes, non ?
- Tu as vraiment mauvais esprit ce matin ! Mettons comme la plupart des philosophes, mais, eux ils y sont parvenus !
- Ah oui ? et comment ?
- Et bien je te le dirai ... demain. Ou dans quelques jours parce que demain et après demain j'ai beaucoup à faire !
- Menteuse ! Tu dis ça parce que toi aussi tu es de mauvais poil. Les élections qui ne passent pas...
- C'est vrai, elles passent mal. Mais au moins, il y a 85% de votes exprimés !
02 mai 2007
To Kill a mockingbird
Ce qui donne en français : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur.
Voici un très beau livre, qui m'avait échappé et je suis un peu vexée ; alors qu'il a été publié en 1960, je ne l'ai découvert que très récemment, et encore par hasard. Par le hasard d'une couverture, qui plus est !
Mais une photo de Dorothea Lange, je ne pouvais pas la manquer ! Et pour cause, c'est la même photo, pareillement recadrée, qui est en couverture de la monographie sur la photographe de la FSA, publiée en 1998 par Elizabeth Partridge (éditions Viking)
Sur la quatrième de couverture du livre de Harper Lee, la photo est donnée dans son cadrage originel; on entrevoit le visage d'un garçon, un adolescent, chapeau sur la tête et bien entendu, comme souvent quand il s'agit d'e Dorothea Lange, cette photographe américaine qui, pendant la crise des années trente avait été engagée par la FSA (Farm Security Administration) pour témoigner des conditions de vie des fermiers de l'Alabama ou de l'Oklahoma, bien entendu donc, on aimerait en savoir plus sur les conditions dans lesquelles la photo a été prise. D'où venaient-ils, où allaient-ils ? Qu'est devenue cette petite fille ? N'est ce pas la même petite fille qui se niche dans le cou de sa mère dans la très célèbre photo intitulée Migrant Mother ?
“I had to get my camera to register the things that were more important than how poor they were - their pride, their strength, their spirit.”
Dorothea Lange, photographer. "Migrant Mother, Nipomo, California." Feb. 1936.
Image trouvée sur la page www.loc.gov/rr/print/coll/052b_fsa.html .
Mais revenons à Harper Lee et à l'oiseau moqueur ! Un roman tout à fait dans l'esprit de la citation de Dorothea Lange. Un univers dans lequel je me suis parfaitement retrouvée bien qu'il soit très éloigné du mien.
Le cadre d'abord : l'Alabama des années trente, un état dans lequel la guerre de Sécession n'appartient pas encore à l'histoire, à peine au passé. Une année passée en Alabama à la fin des années 70 m'a convaincue que, pour certains sudistes, la nostalgie de "l'ante bellum" est inguérissable. Ensuite, dans ce Sud que l'on dit profond, une petite ville américaine, comme il en existe des milliers, au carrefour de Main street et de First street, mais souvent sans même une Second street, une ville suffisamment petite pour que tout le monde connaisse tout le monde. Des Blancs, des Noirs et entre les deux, un abîme. Oui c'est bien cela, souvenirs romanesques et souvenirs vécus se confondent dans ma mémoire. J'ai l'impression d'avoir moi aussi habité à Maycomb. Et croisé cent fois Scout cette gamine en salopette mélange de hardiesse et de naïveté, ainsi que son frère Jem, jamais bien loin de sa soeur quand il s'agit de la protéger bien qu'elle sache parfaitement se défendre toute seule. Leur père, Atticus Finch, qui les élève seul depuis la mort de leur mère est avocat, mais c'est surtout un humaniste dans la lignée des Abraham Lincoln ou Thomas Jefferson bien que son temps soit celui des Roosevelt. Cet avocat est commis d'office pour défendre Tom Robinson accusé d'avoir violé Mayella Ewell, pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Autant dire que le verdict est connu d'avance !
A Maycom, la ville de la famille Finch ou à Monroeville, la ville où est née et a grandi Harper Lee, il ne devait pas être facile d'apprendre à vivre et de se heurter sans cesse aux préjugés et aux conventions qui régissaient la vie de chacun. Il revient à Scout et son frère Jem, par leur candeur, leur énergie et leur confiance dans la vie, de briser ce carcan. Ensuite viendra Martin Luther King et la loi sur les droits civiques. Mais la route est encore longue ....
I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: “We hold these truths to be self-evident: that all men are created equal.”
[•••]
I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious racists, with its governor
having his lips dripping with the words of interposition and nullification; one day right down in Alabama little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.
[•••]
Certains trouveront le roman trop didactique, trop moralisateur, trop sentimental ...
M'en fous ! Je n'aime rien tant que pleurer et rire en lisant un livre.
A quoi bon un livre si ce n'est pour se mettre à la place des autres et vivre leurs émotions. Cela n'empêche en rien de réfléchir.
Voici un très beau livre, qui m'avait échappé et je suis un peu vexée ; alors qu'il a été publié en 1960, je ne l'ai découvert que très récemment, et encore par hasard. Par le hasard d'une couverture, qui plus est !
Mais une photo de Dorothea Lange, je ne pouvais pas la manquer ! Et pour cause, c'est la même photo, pareillement recadrée, qui est en couverture de la monographie sur la photographe de la FSA, publiée en 1998 par Elizabeth Partridge (éditions Viking)
Sur la quatrième de couverture du livre de Harper Lee, la photo est donnée dans son cadrage originel; on entrevoit le visage d'un garçon, un adolescent, chapeau sur la tête et bien entendu, comme souvent quand il s'agit d'e Dorothea Lange, cette photographe américaine qui, pendant la crise des années trente avait été engagée par la FSA (Farm Security Administration) pour témoigner des conditions de vie des fermiers de l'Alabama ou de l'Oklahoma, bien entendu donc, on aimerait en savoir plus sur les conditions dans lesquelles la photo a été prise. D'où venaient-ils, où allaient-ils ? Qu'est devenue cette petite fille ? N'est ce pas la même petite fille qui se niche dans le cou de sa mère dans la très célèbre photo intitulée Migrant Mother ?
“I had to get my camera to register the things that were more important than how poor they were - their pride, their strength, their spirit.”
Dorothea Lange, photographer. "Migrant Mother, Nipomo, California." Feb. 1936.
Image trouvée sur la page www.loc.gov/rr/print/
Mais revenons à Harper Lee et à l'oiseau moqueur ! Un roman tout à fait dans l'esprit de la citation de Dorothea Lange. Un univers dans lequel je me suis parfaitement retrouvée bien qu'il soit très éloigné du mien.
Le cadre d'abord : l'Alabama des années trente, un état dans lequel la guerre de Sécession n'appartient pas encore à l'histoire, à peine au passé. Une année passée en Alabama à la fin des années 70 m'a convaincue que, pour certains sudistes, la nostalgie de "l'ante bellum" est inguérissable. Ensuite, dans ce Sud que l'on dit profond, une petite ville américaine, comme il en existe des milliers, au carrefour de Main street et de First street, mais souvent sans même une Second street, une ville suffisamment petite pour que tout le monde connaisse tout le monde. Des Blancs, des Noirs et entre les deux, un abîme. Oui c'est bien cela, souvenirs romanesques et souvenirs vécus se confondent dans ma mémoire. J'ai l'impression d'avoir moi aussi habité à Maycomb. Et croisé cent fois Scout cette gamine en salopette mélange de hardiesse et de naïveté, ainsi que son frère Jem, jamais bien loin de sa soeur quand il s'agit de la protéger bien qu'elle sache parfaitement se défendre toute seule. Leur père, Atticus Finch, qui les élève seul depuis la mort de leur mère est avocat, mais c'est surtout un humaniste dans la lignée des Abraham Lincoln ou Thomas Jefferson bien que son temps soit celui des Roosevelt. Cet avocat est commis d'office pour défendre Tom Robinson accusé d'avoir violé Mayella Ewell, pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Autant dire que le verdict est connu d'avance !
A Maycom, la ville de la famille Finch ou à Monroeville, la ville où est née et a grandi Harper Lee, il ne devait pas être facile d'apprendre à vivre et de se heurter sans cesse aux préjugés et aux conventions qui régissaient la vie de chacun. Il revient à Scout et son frère Jem, par leur candeur, leur énergie et leur confiance dans la vie, de briser ce carcan. Ensuite viendra Martin Luther King et la loi sur les droits civiques. Mais la route est encore longue ....
I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: “We hold these truths to be self-evident: that all men are created equal.”
[•••]
I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious racists, with its governor
having his lips dripping with the words of interposition and nullification; one day right down in Alabama little black boys and black girls will be able to join hands with little white boys and white girls as sisters and brothers.
[•••]
Certains trouveront le roman trop didactique, trop moralisateur, trop sentimental ...
M'en fous ! Je n'aime rien tant que pleurer et rire en lisant un livre.
A quoi bon un livre si ce n'est pour se mettre à la place des autres et vivre leurs émotions. Cela n'empêche en rien de réfléchir.
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