Je ne sais pas comment ce volume a atterri sur la pile "des livres à lire". Offert par un ami ? Acheté sur un coup de tête ? Ou sur le conseil avisé d'un critique ? Peu importe au fond, puisqu' un été sédentaire, propice à la lecture, m'a permis de découvrir ce petit bijou d'ironie savante.
Dmitri I. Pisarev est un journaliste russe né en 1840, mort en 1868 qui, du haut de ses 20 ans et avant d'être emprisonné pour un article où il fustige la dynastie des Romanov, fait le bilan de ses études universitaires. Bilan catastrophique !
Ecrit d'une plume alerte, ce petit texte bien tourné (merci au traducteur), vif, drôle et percutant permet à son auteur de défendre, avec beaucoup de conviction, l'idée que l' Université est une entreprise crétinisante. Où l'on apprend beaucoup de choses, mais certainement pas à penser.
"L'étudiant lit un auteur, puis un autre et n'en devient pas plus intelligent, et attend toujours que son cerveau s'éclaire, il entasse fait sur fait, et, soudain, un beau matin, est tout surpris de se retrouver une espèce de valise historique, bourrée à craquer, semblable à son prototype et guide bien-aimé. Pour moi un tel danger n'existait pas. je n'ai jamais pu m'occuper très longtemps de ce qui ne me donnait pas de plaisir intellectuel. "
Pisarev, bien entendu ne parle que de l'Université russe du XIXe siècle, mais sa réflexion n'a rien perdu de sa pertinence. Il fait de certains de ses professeurs des portraits savoureux, archétypes que l'on retrouve dans toutes les facultés, quelle que soit la discipline. Ses premiers essais journalistiques, entrepris alors même qu'il se trouve encore à l'Université, le convainquent assez rapidement que penser par soi-même est infiniment plus satisfaisant que d'ingurgiter l'un après l'autre sans les comprendre tous les volumes d'une bibliothèque.
Je trouvais du plaisir à une lecture attentive et réfléchie de livres et d'articles, parce que je percevais un but proche et à ma portée pour cette attention et cette réflexion. J'avais plaisir à exposer par écrit mes idées et mes opinions, parce qu'elles étaient effectivement miennes, je comprenais de quoi au juste je parlais et je me mettais tout entier dans ce que je cherchais à expliquer ou à démontrer. Je ne produisais rien de nouveau ni d'original, mais c'était nouveau et original pour moi. Je ne copiais pas dans un livre, je ne répétais pas les paroles des autres - je pensais par moi-même, et quand je débouchais par ma propre réflexion sur des vérités bien connues, j'arrivais néanmoins à communiquer à ces vérités le sceau d'une conviction vivante et sincère, témoignant à l'évidence qu'une pensée a réellement pris naissance dans la tête de celui qui écrit. " et il conclut "Une année de travail journalistique profita plus à mon développement intellectuel que deux années studieuses passées à l'université et à la bibliothèque."
Ce que je retiendrai de ce livre en fin de compte c'est moins la critique du système universitaire que la prise de conscience des infinies possibilités d'une pensée active.
Les livres, les bibliothèques, les ordinateurs sont des sources infinies de connaissances qui ne servent à rien si l'étudiant n'a pas appris à penser par lui-même. J'ai toujours considéré que la seule tâche de l'enseignant, de la maternelle à l'université, était de pousser ses élèves vers cette autonomie intellectuelle.
Nathanaël, maintenant jette ce livre.
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