- "Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau."
- Tu chantes maintenant ?
- Chantonne tout au plus. En fait je me demandais si je ne pouvais pas faire l'impasse sur ces deux auteurs.
- Et sous quel prétexte, s'il te plaît ?
- Tout le monde les connaît !
- Mais encore ?
- A vrai dire, ils m'ennuient un peu. Tandis que Montesquieu, ah Montesquieu !
- Comment peut-on être persan ?
- Oui. Tu as lu Les Lettres persanes ?
- Non mais je connais l'histoire : deux Persans, originaires de Perse ....
- Uzbek et Rica ...
-... qui voyagent en France
- en Europe
- Ils écrivent des lettres à leurs amis restés en Turquie
- en Perse
- et racontent ce qu'ils voient en se foutant du monde.
- Comment cela, en se foutant du monde ?
- Oui, en se moquant de tout le monde, en critiquant les us et coutumes, les moeurs, les croyances, la politique, tout quoi. Franchement, c'est pas sympa. Quand tu voyages, t'es supposé respecter les autres non ?
- Tu n'oublie qu'une chose. C'est que ces deux Persans n'existent pas. Montesquieu les a inventés pour dire ce qu'il pense, lui, de son propre pays.
- Ah ! les fameux "porte-parole". Encore une ruse d'écrivain pour écrire tout haut ce que chacun pense tout bas.
- En gros. D'ailleurs Montesquieu a fait école avec ses lettres persanes, puisque pour parler de quelqu'un qui porte un regard décalé, faussement naïf, sur le monde, on dit qu'il a "le regard persan".
- Persan ou perçant ?
- Persan. Mais ça revient au même non ? Au fait, tu savais que des journalistes ont crée un nouveau trimestriel, qu'ils ont appelé - et ce n'est pas un hasard - Uzbek et Rica ?
- Et ça donne quoi ?
- Un magazine décalé évidemment ! Mais ils n'en sont qu'au numéro 4. Pour revenir à Montesquieu, j'ai visité il n'y a pas longtemps le château où est né Montesquieu, le château de la Brède.
- C'est où ?
- Pas très loin de Bordeaux. C'est un vrai château, avec des douves et tout. Un peu lugubre quand même. Il y avait des valérianes qui poussaient sur tous les interstices des murs. C'était assez joli.
-Tu digresses ...
- En effet ! Bon, Montesquieu était donc un philosophe, un moraliste, au sens de "qui observe les moeurs" plus que "qui donne des leçons de morale". C'était aussi un juriste, un historien, un politicien ... il s'est acharné à comprendre quelles pouvaient être les causes de la grandeur des romains et de leur décadence, il s'est efforcé de déterminer quel pouvait être le meilleur régime politique ...
- Encore un de tes touche-à-tout de génie !
- Oui, mais il s'est quand même très joliment planté. Sa théorie des climats, j'adore !
- Raconte.
- Non tu ferais mieux de lire. De toute façon, il n'est pas l'inventeur de cette théorie, mais ces efforts pour lui donner une base rationnelle, scientifique et même expérimental en font une histoire vraiment étonnante. Voilà : Il observe, au microscope, une langue de boeuf exposée successivement au chaud puis au froid et en conclut que "dans les pays froid, les houppes nerveuses sont moins épanouies [...] les sensations sont donc moins vives. [...] il faut donc écorcher un Moscovite pour lui donner du sentiment."
Les gens des pays froids étant peu sensibles, il faut pour les gouverner, des régimes autoritaires. Les régimes démocratiques en revanche sont plus appropriés aux pays chauds !
- Sans blague ! Il a dit ça ?
- Et il l'a même écrit !
- Trop fort !
- Une erreur de parcours. N'empêche que c'est le même homme qui est parti en guerre contre l'esclavage, contre l'exploitation de l'homme par l'homme, contre l'intolérance religieuse, contre les bûchers de l'Inquisition.
- Comme Voltaire . Tu vois que tu ne peux pas faire l'impasse.
- On verra...
04 juillet 2011
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