Des livres en pagaille, voici ce que vous trouverez sur "LA ROUTE DES LIVRES". Mais au fil des pages, vous y trouverez bien d'autres choses : des poèmes ou des citations... des photos à l'occasion... des critiques de films peut-être... des récits de voyage...
Qui sait où vous mènera cette route ?
Des films sur des musiciens, il en est pas mal sorti ces dernières années : Walk the line, Jersey Boys, Whiplash, Sugar Man, Twenty Feet from Stardom, Eden ... et quelques autres.
Love and Mercy, qui porte en sous titre la véritable histoire de Brian Wilson des Beach Boys, est intéressant à plus d'un titre. Parce qu'il s'agit bien sûr d'évoquer une période et un lieu : La Californie des années 60, piscines bleu turquoise, belles voitures, jolies filles, Adonis en chemises à rayures ... un véritable mythe. Et pour certains, un brin de nostalgie. Mais le film raconte aussi l'envers du mythe, la schizophrénie de Brian Wilson, le compositeur du groupe, un musicien inventif, qui tombe peu à peu sous l'emprise d'un charlatan. Sous prétexte de le soigner celui-ci l'isole du monde et l'assomme de médicaments.
La relation d'un artiste avec son entourage est loin d'être évidente et le film de Damien Chazelle, Whiplash montrait bien cette ambiguïté de la relation entre le maître et le disciple, mais dans Love & Mercy la relation est tout simplement sordide parce que purement vénale.
Je n'attendais pas grand chose du film, si ce n'est une bande son légère et facile. J'ai, en fin de compte apprécié la gravité du film et surtout la capacité du metteur en scène, Bill Pohlad à glisser d'une ambiance à l'autre, de la légèreté à la gravité.
Les oeuvres présentées au sous-sol de l'exposition Beauté Congo sont moins spectaculaires mais pas moins intéressantes que les oeuvres présentées au rez-de-chaussée, parce qu'elles permettent de retracer l'histoire de la peinture congolaise.
L'exposition distingue deux périodes : celle des précurseurs, dans les années 20. Ce sont pour la plupart des artistes habitués à décorer les cases à qui on a proposé papier et pinceaux pour réaliser des aquarelles ou des gouaches.
Albert Lubaki
Dans les années 40, un Français, Pierre Romain-Desfossés ouvre dans un hangar une école d'art; il a l'intelligence de ne pas imposer aux jeunes artistes les codes de la peinture européenne et de les inciter à peindre à leur façon.
L'exposition la plus colorée, la plus drôle, la plus dynamique, la plus réjouissante du moment vient d'ouvrir à la Fondation Cartier. Un pied de nez à la morosité et à l'apathie !
Dès les premiers pas dans l'exposition, on est surpris par l'énergie et la bonne humeur qui émane de cet art congolais dont l'exposition retrace l'histoire depuis les années 20 jusqu'à maintenant.
... par l'énergie, bonne humeur, et aussi la drôlerie et l'autodérision, comme dans ces portraits de "sapeurs" qui permettent à J P Mika de se moquer gentiment du goût des Africains pour les fringues et l'élégance. Parfois les sujets sont plus sérieux mais jamais pesants, jamais tristes.
Au rez-de chaussée sont présentées les oeuvres les plus récentes, inspirées de l'art populaire, de la publicité et de la bande dessinée.
Quelques noms d'artistes à retenir : Cheri Samba, Cheri Cherin, Moke, Papa Mfumo'eto, Monsengo Shula
Au sous-sol on découvre les stupéfiantes maquettes de Bodys Isek Kingelez : villes imaginaires, villes fantômes, villes rêvées loin, très loin du chaos urbain de Kinshasa.
Retour au cinéma après de longues semaines d'absence. Pour un film turc ET féministe.
J'avoue pourtant que les premières séquences m'ont paru particulièrement énervantes : ces 5 gamines excitées, pleines de vie sans doute, mais un peu écervelées quand même qui jouent tout habillées dans la mer, en uniforme scolaire qui plus est.... Dès le départ on se dit que le film ne fait pas vraiment dans la nuance. Et je suppose que leurs longs cheveux lâchés sur les épaules étaient symboles de liberté, mais la démonstration m'a paru un peu lourde et paradoxalement le film ne m'a semblé prendre vraiment ses marques qu'à partir du moment où le poids de la famille et de la société vient entraver leur liberté.
Toujours est-il que la jeune réalisatrice, Deniz Gamze Ergüven ne parvient pas à sortir des pesanteurs (et des invraisemblances) du film à thèse. Que la condition des femmes en Turquie soit déplorable c'est un fait et qu'il importe de le dénoncer, j'en suis convaincue; malgré tout, je ne suis pas certaine que la réalisatrice ait trouvé la bonne manière. Mais y a-t-il une bonne manière ?
Encore une découverte des éditions Gallmeister qui depuis quelques années se sont fait connaître par l'excellence de leurs choix en matière de littérature américaine.
Les Arpenteurs est le premier roman de Kim Zupan, un roman qui frappe fort dès les premiers chapitres, lorsque sont mis en scène les deux protagonistes : Vals, jeune shérif consciencieux, désireux d'aider son prochain, et Gload, un vieil homme de 77 ans, redoutable tueur en série dénué apparemment de toute conscience morale.
L'ouverture du roman, franchement morbide peut rebuter, mais la force du romancier est de ne pas en rester là car au fur et à mesure que progresse le récit, on perçoit que les choses ne sont jamais aussi simples que l'on croit, et qu'un être humain, fût-il un personnage de roman, ne peut se réduire à quelques qualificatifs.
Vals a écopé des gardes de nuit dans le couloir de la prison où est enfermé le tueur. Insomniaque celui-ci est apparemment en mal de confidences ou simplement dans l'attente d'une écoute qu'il a enfin trouvée avec le jeune shérif. Comment se construisent puis se délitent les vies, tel est finalement le propos de l'écrivain qui choisit de confiner ses personnages dans l'obscurité nocturne et carcérale d'où ils s'échappent néanmoins en évoquant des vies antérieures, qui sont autant de pastorales lumineuses et justifient pleinement l'insertion du roman dans la série Nature Writing des éditions Gallmeister. Néanmoins ...
Bien que Kim Zupan soit originaire du Montana et bien qu'il réside aujourd'hui à Missoula (Montana) où il enseigne ... la menuiserie, je ne crois pas nécessaire de rattacher son roman à une soit-disant "école du Montana". C'est une étiquette commode dont abusent les critiques français mais qui ne semble pas vraiment faire sens aux Etats-Unis, une étiquette qui a surtout le tort de mettre dans le même panier tous les écrivains du moment qu'ils parlent de grands espaces, de chasse, de pêche, de sexe et de ... tradition (?). Kim Zupan situe effectivement son roman dans le Montana, mais les descriptions qui ponctuent le récit ont une véritable fonction dramatique, un peu comme un projecteur qui se concentre sur un personnage, et l'éclaire sous un autre angle; instants fugitifs mais révélateurs comme l'évocation du verger, le temps de l'enfance et de l'innocence perdue. Insomnies, conversations à bâton rompu, longue remontées des souvenirs, silences, un lien se crée peu à peu entre les deux personnages que leurs choix de vie pourtant oppose. Mais ont-ils jamais eu vraiment le choix ? Il y a dans le roman de Kim Zupan quelque chose peut-être qui rappelle la tragédie grecque;
Il serait vraiment dommage de ne voir dans Les Arpenteurs qu'un roman noir de plus, qu'un titre de plus à ajouter à la littérature des grands espaces. Il est tout cela, mais avec un quelque chose en plus qui en fait tout l'intérêt.
La route la plus longue ! En partant du point le plus au Sud des Etats-Unis : Key West en Floride, pour arriver au point le plus au Nord : Dead Horse en Alaska. Depuis le golfe du Mexique, jusqu'à l'océan Artic ! Le kilométrage est impressionnant - surtout en tenant compte des tours et détours - le temps passé sur la route tout autant, mais l'essentiel n'est pas dans les chiffres ni la performance. L'essentiel est dans l'esprit du voyage.
Pour Philip Caputo, journaliste et écrivain, il s'agit avant tout de s'interroger sur l'état de l'Amérique, un peu comme l'avait fait J. Steinbeck qui, en 1960, tentait de renouer avec un pays dont il s'était un temps éloigné. (Travels with Charley, in search of America)
50 ans plus tard, l'Amérique est secouée par une grave crise économique et traversée par des courants politiques antagonistes qui font douter de sa capacité à rester unie. L'écrivain entame son voyage avec l'intention de savoir ce qu'il en est vraiment. "But was the country really as fractured as it appeared in the media ? As bitter and venomous ? [...] I thought I'd ask people, when possible, the question I'd put to myself : what holds us together ? "
Et voilà pourquoi The Longest road est un livre tout à fait passionnant. C'est bien sûr un récit de voyage, une extraordinaire traversée de l'Amérique qui commence et finit sur des routes qui à elles seules constituent déjà une aventure : l'US 1, la route des Florida Keys est presque entièrement construite sur pilotis comme un gigantesque pont au-dessus d'une mer turquoise; la Dalton Highway empruntée par l'auteur pour terminer le voyage est à elle seule un mythe, celui de la route la plus dangereuse du monde, la plus isolée, la plus soumise à des conditions climatiques insensées, la plus fascinante aussi. Entre l'US 1 et la Dalton Highway il y a toutes les routes ordinaires, routes à deux voies de préférence, empruntées par l'auteur au volant de sa Toyota Tundra qui tracte une Airstream de 1962.
Sa femme, Leslie est du voyage et leurs deux chiens.
Mais en dehors des descriptions des lieux traversés et des anecdotes propres à ce genre de récit, il y a le travail de journaliste accompli par Philip Caputo qui au fil de la route ne cesse de faire parler les gens qu'il rencontre et de leur poser sa "grande" question. "What holds us together ? " Qu'est-ce qui fait de nous une nation, un peuple uni ?
Les réponses sont bien entendu très variées, en fonction des individus interrogés, des Américains très ordinaires, rencontrés dans les bars, les stations-service, les campings. Pas de statistique, pas de théories élaborées, juste un ressenti, une série d'instantanés livrés tels quels le plus souvent.
L'Amérique dont parle Caputo n'est ni celle de la côte Est, ni celle de la côte Ouest; ce n'est pas l'Amérique des intellectuels, ni celle des surdoués de l'informatique et des entreprises innovantes, pas non plus celle des banquiers et de leurs cohortes de traders. Non, juste l'Amérique ordinaire. Celle dont on ne parle pas dans les médias, mais à laquelle Caputo donne la parole. En restituant jusqu'à leur façon de parler et même leur accent !
Le thème du voyage, de la route est très présent dans la littérature américaine. D'ailleurs Philip Caputo se réfère fréquemment à ses prédécesseurs, Lewis et Clark en particulier, mais aussi bien Francis Parkman (La piste de l'Oregon), Kerouac, Steinbeck ... The Longest Road s'inscrit aisément dans cette lignée dont elle constitue le fleuron le plus récent. Un seul regret : le livre n'est pas encore traduit en français mais je serai contente d'être rapidement démentie.
Depuis que j'ai lu Les Bisons de Broken Heart, et plus encore depuis que j'ai été sur son ranch dans les Badlands, je suis fan de l'auteur, Dan O'Brien, qui parvient à concilier son boulot d'écrivain avec celui d'éleveur de bisons.
Je me suis donc jeté dès sa parution en France sur son dernier livre. Wild Idea, n'est pas un roman mais le récit d'une vie consacrée à la préservation de la prairie et à l'élevage des bisons, l'un n'allant pas sans l'autre.
Pourquoi les livres d'O'Brien - et particulièrement celui-là - me touchent-ils tant ?
Certes, le fait que j'ai été me promener du côté des Badlands, que j'ai rencontré Dan et sa famille, que je connaisse les lieux et les gens dont il parle expliquent en partie le plaisir que j'ai eu à lire ce livre. Mais pas seulement.
Dan a une façon de raconter qui convaincrait le lecteur le plus indifférent aux questions écologiques. Sa formation de biologiste accroît sans doute sa crédibilité dès qu'il s'agit d'expliquer pourquoi et comment les grandes prairies de l'Ouest américain ont été détériorées par l'élevage intensif ; mais si l'on se laisse facilement persuader qu'il est urgent de restaurer la flore originelle de ces prairies, c'est parce que l'auteur ne parle pas seulement en théoricien - ou en utopiste - mais parce qu'il a lui-même expérimenté les solutions qu'il propose.
Dan O'Brien sait de quoi il parle, lorsqu'il expose les difficultés qu'il a eu à monter son entreprise de vente de viande de bison. C'est un pragmatique qui jongle avec les difficultés financières et reconnaît la nécessité de trouver des investisseurs pour assurer le développement de son entreprise, mais sans rien céder de ses principes.
En dehors des questions écologiques ou économiques posées par le livre, Wild Idea est avant tout le récit d'une aventure humaine dans laquelle s'est engagé Dan. Et sa famille ! Jill et sa fille Jilian, Erney sont des personnages déjà connus des lecteurs de son précédent livre, Les Bisons de Broken Heart : on s'inquiète de la santé d'Erney fragilisé par un AVC, on se réjouit du mariage de Jilian, on s'angoisse quand le feu ravage leur maison ... En fait c'est cela peut-être qui touche le plus dans les livres de Dan O'Brien, cette façon de parler de lui et de ses proches, de se raconter sans vaine gloriole, sans nombrilisme pour mieux faire partager au lecteur ses convictions et par-dessus tout son attachement à sa terre, ce petit coin d'Amérique dans le Sud Dakota.
Un livre ne remplace pas tout à fait un voyage, mais presque....