02 mai 2023

Aliyeh Ataei, La Frontière des oubliés

Le hasard - mais est-ce bien le hasard ? - m'a fait lire successivement deux livres écrits par des Iraniennes : L'Automne est la dernière saison de Nasim Marashi et La Frontière des oubliés de Aliyeh Ataei. Le bandeau vert affiché sur le deuxième roman "Une voix venue d'Iran" induit une attente chez le lecteur, celle d'une lecture forcément tragique, puisqu'il s'agit d'un pays ou les voix des femmes sont muselées. Et les neuf récits ici rassemblés confirment cette piste de lecture : il s'agit en effet de montrer comment vit une population, ballotée entre deux frontières, celles de l'Iran et de l'Afghanistan.  Deux frontières , mais surtout deux cultures, deux mentalité, malgré leur proximité.  Les récits sont d'autant plus poignants que les personnages d'Aliyeh Ataei sont en fait de vraies personnes, puisqu'il s'agit de témoignages, qui relèvent plus du journalisme que de la littérature. Et l'on comprend que tous les efforts pour se bâtir une vie ailleurs n'empêchent pas de se sentir nulle part à sa place.

Le livre d'Aliyeh Ataei est donc particulièrement intéressant et confirme tout ce que les médias ont déjà pu nous apprendre sur  l'Iran et l'Afghanistan. Oui, mais .... n'est-ce pas là ce que l'on attend de toute "littérature" issue de cette région, surtout quand l'ouvrage est préfacé par Atiq Rahimi ? Nasim Marashi,  dans L'automne est la dernière saison a fait le choix de montrer un autre aspect de la vie iranienne, moins doloriste, moins victimaire, bien que les jeunes femmes dont elle raconte les hésitations, les atermoiements et les choix vivent elles-aussi sous la contrainte d'une société religieuse, patriarcale, bloquée par ses traditions. Son roman me paraît avant tout destiné à un public iranien,  auprès duquel il a d'ailleurs obtenu un beau succès; celui d'Aliyeh Ataei semble plus tourné vers un public occidental qu'il convient d'alerter, il cherche avant tout à convaincre. La thèse qui le sous-tend est convaincante. Le livre de Nasim Marashi, construit comme une chronique m'a paru tout aussi convaincant, et sans doute plus subtile, pour faire comprendre les interdits auxquels se heurtent les trois jeunes intellectuelles téhéranaises.

Quoi qu'il en soit, la confrontation de ces deux ouvrages m'a paru particulièrement stimulante, car elle pose clairement la question de l'usage de l'écriture, et pousse à s'interroger sur le pourquoi et le comment de la littérature.

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