Auteurs et éditeurs semblent s'orienter de plus en plus vers des problèmes de société, ce que je ne saurais leur reprocher. Mais s'agit-il toujours de littérature ? Beaucoup de ces "romans", intéressants parce que bien faits, bien informés, sont le fait de journalistes, ou d'auteurs très motivés par leur sujet. Ils partent toujours d'une bonne intention, sensibiliser le lecteur au sort des femmes iraniennes, turques .... au sort des enfants battus, des migrants .... Les sujets ne manquent pas, ni les témoignages, ni la documentation. Mais s'agit-il vraiment de littérature ? C'est la question que je me pose depuis un certain temps et - pour moi - la réponse est non. Ce qui m'oblige à chercher où se situe la différence.
Le livre de Bibiana Candia me donne le début d'une réponse. Cette jeune autrice espagnole a découvert ce qui est arrivé à quelques jeunes Galiciens, embarqués pour travailler dans les champs de canne à sucre de Cuba en 1853. L'esclavage, le travail forcé est donc au coeur de ce premier roman . Azucre pourtant se détache de beaucoup d'autres romans par sa façon d'aborder le sujet, sans lourdeur, mais avec une vivacité qui permet à l'auteur de passer d'un personnage à l'autre, d'alterner les passages descriptifs avec les réflexions intérieures de ceux qui prennent peu à peu conscience du piège dans lequel ils sont tombés. La plume de Bibiana Candia glisse et virevolte, se fait allusive, suggestive, se charge d'émotion. Malgré la lourdeur du sujet, il y a dans ce roman une légèreté qui fait sa force. Oui je sais tout cela a l'air un peu contradictoire, la lourdeur, la force et la légèreté, mais c'est l'impression que j'ai gardé de ce livre et qui me fait dire que oui, c'est de la littérature. Et pas seulement un roman à thèse. Reste à savoir si la jeune écrivaine ira au delà de ce premier livre...