"A présent que les voyages sont devenus impossibles, une violente nostalgie me saisit du temps où le monde était ouvert comme un grand champ. "
Olivier Rolin in Vider les lieux (Folio p. 39)
Des livres en pagaille, voici ce que vous trouverez sur "LA ROUTE DES LIVRES". Mais au fil des pages, vous y trouverez bien d'autres choses : des poèmes ou des citations... des photos à l'occasion... des critiques de films peut-être... des récits de voyage... Qui sait où vous mènera cette route ?
Ceci dit, grâce à ce "roman", j'ai tout appris de cette "guerre d'hiver" entre la Russie (l'agresseur) et la Finlande (l'agressée), une guerre qui n'a duré que 3 mois et 12 jours et s'est terminée par la défaite de la Finlande dont les soldats se sont pourtant battus avec une énergie féroce, malgré la disproportion en nombre des deux armées. Habilement, l'écrivain a centré son livre sur un personnage hors du commun, un tireur d'élite inégalé et ses proches compagnons, originaires du même village. Ce qui donne au récit sa teneur émotionnelle.
J'ai donc lu avec intérêt Les Guerriers de l'hiver et n'ai cessé de m'interroger sur les raisons qui avaient pousseé Olivier Norek à l'écrire tant sont évidents les parallèle entre cette agression russe d'hier et celle d'aujourd'hui, contre un pays a priori plus faible et dont la reddition devait être quasi immédiate ...
Personne dans la salle de cinéma à part moi. C'est dommage parce que le film de Xavier Beauvois est loin d'être inintéressant. Sans doute parce que sa sortie tombe pile avec le départ de la course autour du monde, je m'attendais à de belles images de mer et de bateau. Il y en a quelques unes.... mais virtuelles. En fait on est très loin d'un film d'aventure, puisque l'essentiel se déroule dans le huis-clos du bateau dans lequel le personnage s'est enfermé pour participer à Virtual Regatta et surtout - et c'est là sa vraie aventure - pour se remettre sur pied, régler ses dettes, et surtout se débarrasser de son addiction à l'alcool. Sortir d'une crise qui a mis sa vie et celle de sa famille en péril, voilà le vrai enjeu. Une histoire de résilience en somme, dont on ne sort vraiment que si l'on est bien entouré.
J'espérais voir un film de voileux, j'ai vu un film psychologique gentil, que le réalisateur et ses comédiens maintiennent constamment sur un fil, entre tragédie et comédie. Comme dans la vraie vie ?
Non, il ne se passe pas grand chose dans ce film indien, tourné dans une lumière bleutée et le plus souvent nocturne. Mais on suit le quotidien de deux femmes infirmières dans un hôpital de Mumbai : Prahba, la quarantaine et Anu, sa jeune colocataire. Mariage imposé pour la première, mais son mari est parti travailler en Allemagne et ne donne plus de nouvelles. Anu plus jeune aime en cachette un homme d'une religion différente. Franchit un interdit dangereux. Un troisième personnage vient compléter ces deux premiers portraits : Parvaty, une femme d'un certain âge et peu éduquée va être expulsée de son logement et doit repartir dans sa campagne d'origine.
La tonalité un peu sombre du film de Payal Kapadia s'accorde bien avec avec ce qu'elle montre de la condition des femmes en Inde. Soumises certainement, par les normes sociales, par leur culture, par la tradition, mais d'une génération l'autre, les femmes s'affirment, fortes de leurs espoirs. De leur solidarité aussi. Alors, au bout de leur chemin, il y a malgré tout un peu de lumière...
J'ai un faible pour les films roumains. Ou plus précisément pour les films à la fois modestes et ambitieux produits dans des pays dont la production cinématographique est encore peu abondante. Modestes par leurs moyens - et cela déjà suffit à justifier mon indulgence - ces films sont souvent ambitieux dans leur propos. Il en va ainsi du film d 'Emmanuel Parvu qui choisit, une petite île du Delta du Danube, pour mettre en scène ses personnages. Ce qui correspond presque à faire un huis clos en plein air puisqu'ils sont coupés du reste du monde par l'insularité.
Le film tourne autour de l'homosexualité du personnage principal et des réactions qu'elle provoque : incompréhension, violence, verbale et physique, intervention du pope qui à la demande de la mère pratique un "exorcisme", intervention des services sociaux ... oui le film ressemble parfois à un catalogue des comportements homophobes. Mais ce film bien pensant ne cherche pas l'outrance, essaye plutôt de montrer les tensions qui traversent cette micro-société refermée sur elle-même. J'y ai vu un appel à sortir de sa propre culture, à remettre en question les traditions, les certitudes. J'y ai vu surtout la nécessité pour chacun de quitter son île. Car nous vivons tous dans une île. Sociale, culturelle, idéologique ...
Un film de Garaudie, c'est d'abord un paysage. Celui de l'Aveyron, pour son dernier film Miséricorde. Un territoire rural, loin de tout, pas complètement abandonné, mais presque. Le boulanger vient de mourir, son ancien commis est revenu au village pour l'enterrement, mais il n'a pas l'intention de reprendre la boulangerie. Un village qui meurt ... un de plus. Le film s'inscrit ainsi dans un contexte social précis, mais son propos n'est pas pour autant politique. Car ce qui intéresse le réalisateur, ce sont plutôt les gens, les âmes en déshérence, des âmes flottantes, traversées par des pulsions violentes mais mal définies. Alors l'arrivée de Jérémie, c'est un peu celle du visiteur dans le film de Pasolini, celui qui va perturber l'équilibre de ce petit milieu si loin du monde.
Si Miséricorde peut se lire comme un polar, puisqu'il y a un meurtre et une enquête sur disparition inquiétante, c'est surtout un polar psychologique et moral pour ne pas dire théologique : que valent les notions de bien et de mal dans un univers où les désirs se croisent, sans arriver à s'exprimer, envie, jalousie, passion, culpabilité.... Loin de se plier à un code cinématographique, aux règles d'un genre, Garaudi laisse partir son film sur des sentiers inattendus, cocasses. La tragédie devient farce, parce que dans la vraie vie, le rire et les pleurs s'emmêlent constamment alors pourquoi pas dans les films.
De film en film en tout cas, Garaudie trace sa route. et son cinéma ne ressemble à celui de personne.
Malgré le titre, et malgré les apparences, le dernier roman de Ron Rash n'est pas un polar à proprement parler. Mais un roman noir, oui. Rural noir plus précisément puisqu'une fois de plus Ron Rash situe son roman dans une petite ville de Caroline du Nord, Blowing Rock.
Une petite ville où tout le monde se connaît, forcément, et surtout, une petite ville où chacun est supposé tenir sa place. Alors quand Jacob, fils de riches propriétaires choisit pour ami, un garçon déformé par la polio et, pire encore, épouse sans l'autorisation de ses parents Naomie, une jeune fille dont les parents sont des paysans sans le sou, le lecteur sait que tout ne va pas bien se passer, d'autant que Jacob a été mobilisé pour aller se battre en Corée.
Ce que j'aime dans les romans de Ron Rash, c'est que les choses ne sont jamais simples et que les personnages sont aussi complexes que dans la vraie vie. Pour construire son intrigue il prend appui sur des lieux que l'on n'a pas de peine à visualiser, sur des modes de vie, des mentalités qui sont celles d'une période précise, ici le début des années 50. Jacob, Naomie, Blackburn sont des êtres de fiction, comme tous les autres personnages, mais ils sonnent vrais, ils sonnent juste.
Une tombe pour deux est l'histoire d'une mésalliance et des extrémités auxquels les parents se livrent pour y mettre terme, mais c'est aussi l'histoire d'une belle amitié, comme souvent dans les romans de Ron Rash. Un roman sombre, il est vrai, mais pas un polar à proprement parler.
Grosse déception pour le dernier film de Sean Baker dont j'avais pourtant bien aimé les deux précédents : The Florida project et Red Rocket. Mais Anora, non, ça ne passe pas ! Un film lourdingue, qui cumule les clichés, les gags convenus; un film complaisant. En quelques minutes le spectateur a compris comment Ani gagne sa vie. Pas besoin de multiplier pendant 20mn les gros plans racoleurs; même traitement pour présenter le gamin pourri de fric et démarrer un romance dont on comprend dès le début qu'elle n'a aucune chance de finir bien. Le film vire ensuite au mauvais polar et à la farce grotesque. Second degré ? Même pas ! J'essaye de chercher ce qui a bien pu justifier la Palme d'or, je ne trouve pas.