31 mai 2006

e. e. cummings

Je ne sais pas trop pourquoi mais depuis ce matin un poème d'e.e.cummings hante ma mémoire. Le voici:

If you can't eat you got to

smoke and we aint got
nothing to smoke : come on kid

let's go to sleep
if you can't smoke you got to

Sing and we aint got

nothing to sing ; come on kid
let's go to sleep

if you can't sing you got to
die and we aint got

Nothing to die, come on kid

let's go to sleep
if you can't die you got to

dream and we aint got
nothing to dream (come on kid

Let's go to sleep)

J'ai toujours beaucoup aimé les poèmes d'e.e.cummings et en particulier celui-ci que je dédie à K.L. en ajoutant :
"if you can't talk you got to write
and don't tell me you have
nothing to write...."

30 mai 2006

Le Samouraï du Crépuscule

Tout le monde sans doute ira voir Volver ou Marie-Antoinette, mais qui ira voir le Samouraï du Crépuscule ? Et bien, ce sera dommage car l'histoire de ce samouraï pauvre renouvelle agréablement le genre.
Non seulement pauvre mais veuf, Seibei Iguchi s'occupe seul de ses deux enfants, et de sa vieille mère. Peu soucieux de participer aux beuveries de ses collègues qui, pour cette raison l'ont surnommé Crepuscule, il mène une vie simple et modeste , que vient éclairer, comme un rayon de soleil, la visite de la belle Tomoe, l'amour de sa jeunesse. Seibei Iguchi ne ressemble en rien aux guerriers belliqueux à l'honneur chatouilleux auxquels nous ont habitués les films de samouraïs; il manie pourtant les armes avec dextérité mais n'y a recours que contraint et forcé, lorsque son sens de l'honneur et son devoir l'y obligent.
Yoji Yamada, l'auteur de ce très beau film veut donner de la vie des samouraïs une vision réaliste, plus proche de la vérité historique que les films de genre. Il y parvient sans pour autant renoncer à filmer de beaux combats. Le film est de surcroit très réussi visuellement et laisse dans l'oeil le souvenir d'images ocres et bleues. Mais on reste avant tout touché par la profonde humanité des personnages.

Le Samouraï du crépuscule est le premier volet d'une trilogie; j'attendrai avec impatience le prochain, déjà sorti mais pas dans ma ville : Le Samouraï et la servante et celui qui est en cours de réalisation : L'âme du Samouraï.




23 mai 2006

After you Marco Polo

Je viens de lire un livre tout à fait passionnant! Et bien oui, encore un récit de voyage!
L'auteur n'est, je crois, pas très connue, en tout cas bien moins qu' Ella Maillart ou Alexandra David-Neel alors qu'elles ont parcouru quasiment les mêmes routes, celles de l'Asie la plus lointaine.
Originaire d'Amarillo au Texas, Jean Bowie s'engage dans la Croix Rouge au début de la guerre puis, en 1946 obtient un poste à L'UNRRA (United Nations Relief and Rehabilitation Administration) : la voici en Chine. Un an plus tard elle rencontre celui qui deviendra son mari, Franc Schor et choisit , pour son voyage de noces, de partir ... dans le désert de Gobi! Une découverte suffisamment passionnante pour lui donner envie de refaire le voyage de Marco Polo, de Venise jusqu'à Urumqi. After you Marco Polo est le récit de ce voyage, entrepris en 1949.
Jean Bowie Schor et son mari ont soigneusement préparé leur voyage, passé de longues heures en bibliothèque à relire les oeuvres de Marco Polo. Avec un équipement et un équipage réduit au minimum, ils traversent la Turquie, l'Iran, où ils sont reçus par le Shah, l'Afghanistan et abordent le "corridor de Wakham", un haute vallée à l'Est de l'Afghanistan fermée par des cols quasi infranchissables. Epuisés, affamés, les Schor devront renoncer à franchir le col qui leur permettrait de pénétrer directement en Chine. Par le Dillisang (5290m! ), ils parviennent néanmoins jusqu'à la vallée de Hunza au Pakistan, un lieu nettement plus hospitalier que celui qu'ils viennent de quitter. Une dernière tentative pour passer en Chine est interrompue pour des raisons politiques : les communistes viennent de prendre le pouvoir; les frontières sont définitivement fermées!
L'aspect "documentaire" de ce livre, à la fois sur le plan historique et géographique est très intéressant mais ce qui le rend absolument fascinant, c'est la personnalité de Jean Bowie Schor : une femme intelligente, audacieuse, intrépide même ; sa curiosité semble insatiable; elle pose sur les paysages et surtout sur les gens un regard attentif autant qu'amusé, s'intéresse à autrui plutôt qu'à elle-même, et parvient à garder son sens de l'humour au milieu des difficultés les plus extrêmes. Sacrée bonne femme!


Jean Bowie Schor, After you Marco Polo, McGraw-Hill Book Company, 1955

La version française parue aux Presses de la cité est à chercher en bibliothèque ou dans la catégorie "livres rares et anciens" de Chapître.com. Hélas!

Mais, pour amorcer une recherche sur le Wakhan :

http://www.transboreal.fr/horizons/moyensdubord/philippevalery.html

et pour vous consoler, une belle image


empruntée à : www.mockandoneil.com/sld035.jpg

11 mai 2006

Yang Wan-Li

"Le long de la route il y a deux ou trois maisons de thé.

Souvent le matin elles n'ont pas d'eau bouillante, et même pas de thé.

En déduisez-vous que ces gens sont grossiers ?

Regardez sur la table : une branche de myrthe en fleur dans un simple vase bleu."


J'aime beaucoup ce poème de Yang Wan-Li, traduit par Claude Roy dans le recueil consacré à la poésie chinoise : Le Voleur de poèmes ; mais je n'ai pas (encore) réussi à me procurer le texte original. Dommage!

09 mai 2006

L'Immeuble Yacoubian

"Un véritable phénomène, cent mille exemplaires en quelques mois, un film en cours de tournage... " Il y a autour de ce livre un tel bruit médiatique que j'ai fini par le lire. Très vite, on pense à Naguib Mahfouz et à Albert Cossery. Difficile sans doute quand on est un écrivain égyptien d'échapper à ces grands maîtres.

Mais le roman d'Alaa El Aswany se lit avec plaisir. L'immeuble Yacoubian était peut-être, au moment de son édification un joyau architectural habité par la fine fleur de la société. La révolution de 1852, l'Intifah des années 70 ont tout changé. Pourtant l'immeuble des années 90 (le roman est situé au moment de la première guerre d'Irak) est comme un gigantesque kaleïdoscope représentatif de la société égyptienne : en lieu et place des morceaux de verre colorés qui se trouvent au fond du tube, secoués, ballotés par le destin, les habitants de l'immeuble, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, riches ou pauvres - à vrai dire plus souvent pauvres que riches - ! Ce ne sont que rêves brisés, frustrations, vexations, injustices; plus le récit avance, plus on s'enfonce dans un monde sans autre issue que le désespoir et la violence. Parce que la société égyptienne, engluée dans la nostalgie de son passé, accablée par la misère et la corruption ne parvient plus à s'inventer un avenir.

L'intérêt du livre pour agréable qu'il soit tient avant tout à cette plongée dans la réalité égyptienne d'aujourd'hui qui nous permet de mieux comprendre comment va le monde. Et il ne va pas bien.

ALAA EL ASWANY, L'immeuble Yacoubian, Actes Sud, 2006

03 mai 2006

Quand il est mort le poète....

Claude Esteban est mort à Paris le 10 Avril 2006.
Claude Esteban était poète.


La porte, la dernière, la plus

obscure

est ouverte, sache-le, nuit et jour,

personne jamais ne la referme,

aussi ne te hâte pas, tu franchiras

le seuil à ton heure, quelqu'un

veille là-bas qui n'a pour tâche que le poids

des âmes, les corps,

eux, ne souffrent plus ni

ne se souviennent, ni ne reviennent non plus.


Je me souviens du poète, mais je me souviens plus encore de l'amateur de peinture.
Soleil dans une pièce vide est un livre qui m'a longtemps enchantée : 47 textes écrits pour accompagner 47 tableaux d'Edward Hopper; pour les accompagner, pas pour les analyser ni même les commenter, ou les illustrer. Non, juste les accompagner. Les textes d'Esteban décrivent ou racontent; ils peuvent se lire seuls mais confrontés aux tableaux de Hopper (même une méchante reproduction !) ils nous les font voir, vraiment voir. Comme celui-ci par exemple :

" Dimanche matin Il n'y a personne dans la rue. Il n'y a jamais personne pour voir la rue comme elle est, un dimanche matin au petit jour. D'ailleurs, qui regarde jamais une rue, même en semaine, même lorsqu'elle est pleine de monde. On passe vite, on va d'un endroit à un autre, avec des idées danas la tête, des soucis. Si l'on s'arrête; si l'on interroge soudain une façade, c'est qu'on cherche une adresse, qu'on essaye de se reconnaître, et alors mieux vaut demander son chemin à un policeman ou à un vendeur de journaux. on aurait trop peur de découvrir d'un seul coup qu'on ne sait pas regarder une rue, qu'on ne l'a jamais su, et qu'il est préférable de tourner au prochain carrefour ou de s'engouffrer dans une bouche de métro. Les rues sont trop difficiles à comprendre. Un étranger, peut-être, les voit mieux (...)




Edward Hopper,Early sunday morning, 1930