Jia Zhang Ke est un cinéaste chinois qui m'intéresse beaucoup, mais j'ai un peu hésité avant de parler de son dernier film. En effet j'ai été un peu désarçonnée par City 24 que j'ai été voir sans rien savoir du film.
J'attendais un film de fiction, mais City 24 n'est pas un film de fiction : c'est un objet cinématographique non identifié, à mi chemin entre documentaire et fiction.
Jia Zhang Ke s'est intéressé au démantèlement de l'unité 240, une usine d'armement florissante sous le régime maoïste, mais dont la rentabilité est devenue insuffisante lorsque la Chine sous l'égide de Deng Xiaoping est passée à "l'économie de marché socialiste".
Que reste-t-il de l'usine, quelques décennies plus tard ? Des locaux désaffectés, superbement photographiés : il y a incontestablement dans les bâtiment industriels abandonnés une beauté que l'opérateur photo de Jia Zhang Ke a su capter. Espaces démesurés, poutres métalliques rongées par la rouille, vitres fracassées, conduites d'eau explosées... autant de vestiges d'un labeur aussi pénible que dangereux.
Les ouvriers, interrogés par Jia Zhang Ke et filmés en plans fixes, évoquent dans quelles conditions - effroyables - ils ont travaillé, vécu.
Les hommes sont dignes, émouvants; les femmes, bouleversantes ! Les témoignages des hommes sont vrais; ceux des femmes sont imaginés par le cinéaste et interprétés par des actrices sans que rien, vraiment, ne le laisse supposer.
Je suis sortie du film, intriguée, perplexe. Oui, c'est un remarquable portrait de la Chine, un document humain à valeur universelle. Non, il est impossible, à moins d'en avoir été informé, de distinguer le document de la fiction. Mais n'est-ce pas pas cela même qui dérange ? Que l'imaginaire se confonde avec le réel et qu'ils aient l'un et l'autre même valeur.
Il faudra, c 'est certain, que je retourne voir ce film.
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