- Tiens ! Je te rends ton Cyrano.
- Déjà lu ? Tu m'étonnes...
- 90 pages, c'est pas bien long !
- Et alors ?
- Un peu difficile à lire quand même... Y cause pas vraiment moderne, ton bonhomme !
- Normal; c'est du français du XVIIe. La même langue que Molière, Racine ou ... Pascal !
- Oui mais c'est plus compliqué que ça; en fait il mélange tout et on a parfois un peu de peine à s'y retrouver. D'abord il délire grave, et tu te dis que côté imagination il fait assez fort. Et d'un coup il passe à des explications physiques genre pourquoi la terre tourne autour du soleil et pas le contraire, des considérations...euh...
- ... métaphysiques ? Genre l'âme de l'homme est-elle immortelle et quel est le rôle de Dieu dans tout ça ?
- Oui. D'ailleurs il est franchement gonflé Cyrano : dire que Dieu n'existe pas, après tout ce que tu m'as raconté... "il faut prouver auparavant qu'il y ait un Dieu, car pour moi je vous le nie tout à plat. " page 115 ! J'avais noté la page pour retrouver la phrase exacte.
- Tu as bien fait. Mais regarde bien : ce n'est pas le narrateur qui prononce cette phrase, c'est l'autre, la créature imaginaire. D'accord, cela ne trompe personne. C'est de toute façon Cyrano qui fait parler les deux personnages, le narrateur et son interlocuteur, mais comme tu l'as signalé tout à l'heure, ce sont des personnages de fiction qui profèreent toutes sortes d'idées dans un univers totalement imaginaire. L'accumulation d'absurdités est supposée faire passer le message.
- Comme on fait passer une pilule amère avec un peu de confiture...
- Exactement !
- Quand même je le trouve gonflé !
- Plus que tu ne le crois ! Puisqu'il ose penser librement.
- Et vivre librement ?
- ???
- Oui, tu sais bien, son ami le quitte en lui disant : "Songez à librement vivre".
- En effet ! "Vivre librement" est la suite logique de "penser librement". C'est aussi la pierre d'achoppement du libertinage. Car certains ont considéré que la liberté de pensée permettait de se débarraser de tous les interdits sociaux et surtout moraux. En gros de faire n'importe quoi.
- Et ce n'est pas le cas ?
- Et bien non ! Certainement pas. La liberté de pensée ne mène pas nécessairement à la débauche, contrairement à ce qu'ont voulu faire croire les moralisateurs. Mais elle mène à réfléchir sur les conventions qui fondent notre morale et, éventuellement à les remettre en question. Cyrano ne fait qu'effleurer la question d'une morale sans Dieu.
- C'est grave ? La morale n'a de toute façon rien à voir avec Dieu !
- Pour un athée. Mais pour un croyant - et au XVIIe siècle, tout le monde était croyant - c'est Dieu qui définit la morale.
- Ah oui, les Tables de la loi, les dix commandements, tout ça.
- Et si tu ne crois pas à Dieu, tu ne crois pas non plus aux Tables de la loi que Dieu aurait remises à Moïse. Voilà pourquoi on se méfiait des libertins : en revendiquant le droit de penser librement, ils risquaient de mettre à mal les fondements même de la société.
- Tu m'impressionnes : ce Voyage dans la lune ne m'a pas paru si redoutable.
En tout cas je me suis bien amusé en le lisant. Quelle imagination ce mec ! L'histoire du chou par exemple, le chou intello : " [...] encore qu'un chou que vous coupez ne dise mot, il n'en pense pas moins." Et, je ne sais pas si tu es au courant, mais Cyrano a même inventé l'iPod ! En tout cas quelque chose qui lui ressemble.
- ...
- Mais si. Page 104 ! Tu n'as qu'à aller voir si tu ne me crois pas !
12 mai 2009
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