Mais devant les photos de Mario Giacomelli, non. Pas de risque ! L'oeil s'émeut et s'émerveille.
Que du noir et blanc. Du noir très noir et du blanc très blanc. Le photographe cherche le contraste, plus que l'harmonie, et obtient la force. La violence parfois. La tendresse souvent. Car il faut de la tendresse pour photographier comme il l'a fait ces visages, ces corps abîmés de vieillards aux portes de la mort.
Les photos de Giacomelli disent l'humilité des choses et des gens devant le temps qui passe, elles disent aussi la permanence des paysages, saisis d'en haut si bien que les champs labourés deviennent lignes ou figures géométriques, quasi abstraites si ce n'était pour la matière, lourde, limoneuse.
J'ai voulu en savoir plus sur ce photographe que je découvrais. Et plus j'en apprenais, plus il me passionnait. Orphelin de père à 9 ans, il accompagne parfois sa mère à l'asile de vieillards où elle travaille comme blanchisseuse. Plus tard il devient imprimeur. Ne découvre la photos qu'au début des années 50. Achète un appareil qu'il bricole, rafistole avec du scotch et n'en utilisera jamais d'autre. Il développe lui-même ses photos et en dehors d'un voyage à Lourdes, n'a jamais été voir plus loin que Senigallia où il est né.
Le site qui lui est consacré est en italien. Il présente beaucoup de photos, en petits formats certes, mais c'est déjà cela ! Certaines séries sont construites autour d'un titre souvent poétique, parfois même autour d'un poème . Io non ho mani che mi accarezzino il volto (Je n'ai pas de mains qui me caressent le visage), Verrà la morte et Avrà i tuoi Occhi (La mort viendra et elle aura tes yeux).
Une des émissions Contacts d'Arte était consacrée à Mario Giacomelli. A défaut de la retrouver, lisez la superbe entrevue du photographe avec Frank Horvat, lui-même photographe.
Juste un court extrait, qui vous donnera une idée du bonhomme :
"Mario Giacomelli : J'ai un appareil que j'ai fait bricoler, qui tient avec du scotch, qui perd des pièces. Je ne suis pas un passionné de mécanique, j'ai cet appareil, toujours le même, depuis que j'ai commencé à faire des photos. II a vécu avec moi, il a partagé de nombreux moments de mon existence, bons et mauvais. S'il venait à me manquer... enfin, la seule idée d'avoir à vivre sans lui me serre le cœur.
Frank Horvat : Mais d'où vient-il ?
Mario Giacomelli : Je l'ai fait bricoler. En mettant en pièces l'appareil d'un de mes amis et en faisant enlever ce qui me semblait inutile. Pour moi, il faut seulement la distance et l'autre chose - comment appelles-tu l'autre chose ? Je ne sais pas comment ces trucs fonctionnent, ce qui compte est que la lumière ne passe pas. C'est une boîte sans rien.
Frank Horvat : Et quel film utilises-tu ?
Mario Giacomelli : Le film que je trouve.
Frank Horvat : Du 35 millimètres ?
Mario Giacomelli : Ne me demande pas des millimètres ! J'utilise les films grands, pas les petits. Je n'ai jamais utilisé le petit format."
De quoi réconforter, tous ceux que la technique ennuie !" Une photographie n'est pas faite seulement de ce que tu vois, mais aussi de ce que ton imagination y ajoute. Un autre y verra peut-être autre chose. Mais est-ce important qu'on y voie une chose plutôt qu'une autre ? "
L'entrevue date de février 1987. Mario Giacomelli est mort en 2000. Restent ses photos, les expositions et les livres qui lui sont consacrés.
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