Twisted Tree est, pour le moment, le seul roman de Kent Meyers traduit en français. Et il faut compter sur les éditions Gallmeister pour se dépêcher de publier les deux autres romans déjà publiés aux Etats-Unis. Car la lecture de Twisted tree a été un tel régal que j'ai déjà hâte de lire d'autres romans du même auteur.
Pourtant j'ai bien failli le lâcher dès le premier chapitre tant je trouvais la tension insupportable : suivre pas à pas les manoeuvres d'un tueur en série qui a déjà opéré plusieurs fois et vient de repérer sa prochaine proie, se mettre - processus d'identification exige - dans sa tête est beaucoup plus perturbant que la description du meurtre lui-même que l'auteur, avec raison, nous épargne. La violence est la matière première des romans noir; le sang et la mort, des clichés attendus quand on fréquente ce genre de littérature, mais la cruauté, cette volonté délibérée et revendiquée de faire du mal une source de jouissance, c'est aller bien au delà de la simple violence.
Une fois passé le premier chapitre très accrocheur, nous voici de plain pied dans les grands territoires de l'Ouest américain; dans le Dakota du Sud plus précisément, une région de prairies immenves balayées pr les grands vents du Nord qui viennent à l'Ouest, se heurter aux montagnes des Black Hills et au Sud se perdre dans les Badlands. Le ciel est immense; blizzards en hiver, sécheresse en été, le climat y est rude et ne ménage ni les troupeaux ni les humains. Roman d'atmosphère plus que roman d'intrigue,
Twisted Tree est le roman de ce monde rural, mais la nature dont il est question est surtout la nature humaine dans ses mille variations.
Twisted Tree est composé de 16 chapitres qui pourraient se lire comme autant de textes séparés, chacun étant centré sur un personnage, un couple, une famille. Mais les destins de ces différents personnages ne cessent de se croiser jusqu'à former une sorte de fresque, ou plutôt
un patchwork pour rester dans les références américaines. Chacun des petits carrés qui composent le patchwork se suffit à lui même mais une fois réunis, les carrés forment un dessin d'ensemble déterminé par le choix des couleurs et des motifs. Et le dessin principal ici, ce n'est rien d'autre que la nature humaine, dans toutes sa complexité, sa beauté et sa laideur.
Dépaysés vous le serez en lisant
Twisted Tree, fascinés peut-être par l'évocation de ces grands espaces où la solitude est la règle, touchés certainement par l'humanité de ceux qui s'y sont installés, sont restés, séduits en tout cas par le savoir faire du romancier (et de son - ou plutôt - de sa traductrice, Laua Derajinski).
Kent Meyers sera à Grenoble dans le cadre du Printemps du livre. Six rencontres sont prévues entre le 9 et le 13 Avril. Si vous voulez le rencontrer.... dépéchez-vous de lire son livre !
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