28 mars 2015

Ojoloco : cinéma brésilien (Une seconde mère)

Parmi les films brésiliens présentés par Ojoloco il y avait le documentaire de Wim Wender sur le travail du photographe Selgado : Le Sel de la Terre, et un autre documentaire, de Lucy Walker sur le travail non moins engagé de l'artiste brésilien Vik Muniz : Wasteland. Deux films dont j'ai déjà parlé dans ce blog.

Mais il y avait aussi, le très beau film  d'Anna Muylaert, Val (Que horas ela volta ?). Un film de fiction cette fois au scénario très habilement construit qui met l'accent sur les différence sociales particulièrement sensibles au Brésil mais pas seulement !

Val, le personnage au coeur du récit, est une employée de maison qui s'occupe non seulement des tâches ménagères, mais de Fabinho, l'enfant unique du couple Carlos et Anna. Pour garder son travail, Val a été contrainte d'abandonner l'éducation de sa propre fille, Jessica, au père de celle-ci et à une cousine qui vit à l'autre bout du pays.
Lorsque Jessica débarque à Sao Paolo pour présenter le concours d'entrée à l'école d'architecture, elle intervient comme un élément perturbateur dans un monde où, jusque là, "tout allait de soi".  Car, contrairement à sa mère, Jessica n'a pas intégré les codes de la soumission sociale. Ce qui déstabilise à la fois Anna, une femme très imbue d'elle-même et de sa réussite professionnelle, Carlos, rentier oisif qui porte sur Jessica un regard concupiscent, et jusqu'à Fabinho, habitué par son enfance protégée, à recevoir plus qu'à se battre pour obtenir ce qu'il veut.  Mais la liberté d'esprit de Jessica déstabilise tout autant sa mère car Val sait depuis toujours que chacun doit rester à sa place et que sa place est celle d'une domestique. Elle sait, elle croit savoir... et bien qu'elle résiste à l'appel de la liberté, quelque chose un jour la fera basculer de l'autre côté.

Le film a été présenté au festival de Sundance sous le titre A second mother, un titre qui souligne le rôle que tient Val auprès de Fabinho.  Ce qui est une des lectures possibles du film, bien qu'à mes yeux le thème de la maternité, naturelle ou de substitution m'ait paru secondaire par rapport au vrai sujet du film : l'éveil d'une conscience.  Et puis le personnage de Val est si magistralement interprété par Regina Case, qu'il serait dommage de lui refuser le titre du film.  
Entre Val la domestique brésilienne et Carmela l'institutrice cubaine, le festival Ojoloco nous a cette année présenté de bien beaux personnages féminins.

27 mars 2015

Ojoloco : cinéma espagnol

La sélection espagnole d' Ojoloco faisait la part belle aux reprises avec deux films de Pedro Almadovar (La Fleur de mon secret et Femmes au bord de la crise de nerf) et un film de Carlos Saura (Peppermint frappé), tous en copies restaurées.

Mais il y avait aussi des films moins connus comme Chuecatown, (Boystown pour sa version internationale).  Le film (étiqueté LGBT) n'est pas toujours très fin, mais assez drôle et pose, mine de rien, la question de la gentrification du quartier de La Chueca à Madrid et de ses conséquences sur sa population d'origine, personnes âgées aux revenus modestes dont un agent immobilier cherche à récupérer les appartements pour en faire des lofts stylés, des bars branchés ou des boutiques très "hip".  Le thème pourrait être grave, mais le film reste divertissant parce que le réalisateur, Juan Flahn, a choisi de le traiter sur le mode burlesque.


La Isla Minima (Marshland) d'Alberto Rodriguez est d'un tout autre registre. On est au Sud de l'Espagne, peu après la mort de Franco. Deux détectives arrivent de Madrid pour enquêter sur les meurtres, particulièrement sordides, de plusieurs adolescentes.  L'enquête est bien entendu au coeur du film, mais rapidement le spectateur se soucie moins de sa résolution que de l'atmosphère du film.
Le choix du décor - des fermes isolées au milieu d'un labyrinthe de marais et de routes gravillonnées -, l'image un peu sale façon "technicolor", la dégaine des deux policiers, si différents l'un de l'autre, chaque image, chaque plan, chaque séquence semble travaillée pour replonger le spectateur dans l'ambiance délétère de l'Espagne post-franquiste. Franco est mort en 1975, mais les dictatures marquent les esprits longtemps après qu'elles ont disparu; elle laissent des séquelles, des habitudes de méfiance, de dissimulation ...
La Isla Minima n'est pas seulement un bon thriller, c'est un excellent film politique !



Ojoloco : cinéma mexicain

Sorti en 2011 Miss Bala n'est pas à proprement parler une nouveauté,  mais c'est un thriller efficace sur les cartels de drogue mexicains qui, montre en particulier la collusion entre les trafiquants et la police. En faisant d'une candidate à un concours de beauté une mule (forcée !) pour les cartels, le réalisateur laisse entendre qu'aucun milieu n'est épargné. Et c'est sans doute l'aspect le plus terrifiant du scénario que malheureusement la réalité ne cesse de confirmer.


Las Busquedas (dont le titre français, quand il sortira sur nos écrans, devrait être La Quête) est écrit comme une longue errance dans la ville et la rencontre de deux solitudes. Ulises est à la recherche de l'homme qui lui a volé son portefeuille dans lequel il gardait la seule photo de sa fille morte. Elvira se mure dans le silence de sa maison pour essayer de comprendre pourquoi son mari s'est suicidé. Mais plus qu'un film de deuil, Las Busquedas est un film sur la résilience. C'est aussi et surtout, une magnifique balade urbaine qui n'est pas sans rappeler un certain cinéma italien.  Un film exigeant sans doute, mais qui mérite de trouver son public.






Ojoloco : cinéma péruvien

Je n'ai vu qu'un seul film péruvien sur les trois présentés au festival, Ojoloco :  Dioses de Josué Mendez. Il m'a  hélas laissée de glace.  J'ai trouvé à la fois convenue et caricaturale l'histoire de cette famille de parvenus, trop riches pour faire autre chose que s'ennuyer  L'alcool, la drogue, le sexe, l'inceste.... et bien sûr l'argent qui permet de tout acheter, y compris les consciences ! 


Le film m'a néanmoins rappelé les photos de Daniela Rossel vues à Arles en 2011 ! La photographe mettait elle aussi en scène des femmes "riches et célèbres" dans leur environnement familier.

26 mars 2015

Ojoloco : cinéma colombien


Sur les trois films colombiens que j'ai vus, deux étaient passablement noirs. Le troisième nettement plus optimiste.

Manos Sucias suit deux frères, deux crève-la-faim, qui ont été engagés pour convoyer une cargaison de drogue dissimulée dans une grosse torpille métallique qu'ils traînent derrière un bateau jusqu'à un point de rendez-vous fixé par GPS. Le convoyage, bien sûr, ne se passe pas comme prévu et les deux frères doivent faire face à toutes sortes d'obstacles où leurs vies sont souvent en danger. Mais au delà de l'histoire d'un trafic de drogue, l'intérêt tient à la relation des deux frères, aussi différents l'un de l'autre qu'il est possible de l'imaginer. Ils sont pourtant obligés de faire face ensemble s'ils veulent survivre.







Los Hongos
Les deux graffeurs qui sont au centre de ce film sont aussi paumés que les deux frères de Manos Sucias. Sans vrai boulot et sans beaucoup d'avenir ils passent leur temps à errer dans la ville, à graffer les murs, parfois en rejoignant un groupe d'activistes. L'un est noir, l'autre non. L'un fait - vaguement - des études, l'autre pas. L'un s'occupe de sa grand-mère malade. L'autre ne semble pas avoir de famille. Oscar Ruiz Navia fait apparemment dans ce film le portrait d'une certaine jeunesse colombienne, de ses difficultés à vivre et à trouver une place dans une société qui les considère comme des parasites. La dernière image du film, un superbe chêne couvert de mousse espagnole (une plante parasite), où se sont réfugiés Ras et Calvin semble en tout cas suggérer cette interprétation. Mais je ne jurerais pas que tel soit bien le propos du réalisateur .


Mateo est encore l'histoire d'un jeune garçon.  Au début du film, il joue les racketteurs au profit d'un oncle, patron d'une mafia locale. C'est un garçon qui a déjà l'assurance du futur malfrat qu'il se prépare à devenir. Mais il n'a que 16 ans et pour ne pas être renvoyé de son lycée et de chez sa mère, il doit effectuer un stage de théâtre. Le stage est dirigé par un prêtre, un de ces prêtres de la nouvelle théologie, moins confit en religion qu'en action sociale et qui a réuni autour de lui un certain nombre de jeunes désireux de modifier le cours de leurs vie. Le film de Maria Gamboa raconte, et raconte bien,  le moment de ce basculement, le moment où un individu à le choix entre deux routes, l'un tout tracé, l'autre plus aventureux.
Film de catéchisme diront certains.  Oui, et alors ?






Ojoloco : cinéma urugayen

Un seul  film en provenance de l'Uruguay dans la programmation du festival : Mr Kaplan d'Alvaro Brechner. Une sorte de comédie bouffonne, montée comme un thriller.
Un vieux monsieur, qui n'a pas toute sa tête, aidé d'un gros lard pas très malin, se mettent en tête de kidnapper un vieux monsieur allemand, repéré sur une plage et qu'ils soupçonnent d'être un ancien nazi.


Où l'on s'aperçoit que le plus important, au fond, est de donner un sens à sa vie !

25 mars 2015

Ojoloco : cinéma argentin


Parmi les films argentins présentés au festival j'en ai retenu trois :

Cañada Morrison de Matias Lucchesi déjà chroniqué sur ce blog.
http://routedeslivres.blogspot.fr/2014/12/canada-morrison.html

Jauja de Lisandro Alonso, une étrange histoire d'errance, dans un lieu perdu au Sud de l'Argentine au moment de "la conquête du désert".  L'intrigue est mince : un ingénieur danois venu participer à des travaux de construction est  accompagné par sa fille de 15 ans, dont la présence trouble infiniment les hommes; lorsque elle s'enfuit avec son amoureux, le père part à sa recherche. Les flous de l'intrigue et le mélange des langues contribuent à créer une atmosphère irréelle, à laquelle le spectateur se laisse volontiers prendre d'autant que  l'histoire se déroule dans des paysages aussi étranges que somptueux.




El Ardor de Pablo Fendrik. Les paysages sont tout aussi somptueux que ceux de Jauja, mais bien différents. On est dans la forêt tropicale, sombre, étouffante, dangereuse, mais aussi d'une certaine façon, protectrice.

Kai, un jeune homme surgi de nulle part, assiste impuissant à l'attaque d'une ferme de tabac par les hommes de main d'un riche propriétaire qui entend mettre la main sur la propriété. Le père est tué, son gendre blessé et Vania, la jeune femme est enlevée. Kai se transforme alors en justicier.

A la différence de Delivrance, que ce film peut vaguement évoquer, Kai ne poursuit pas la vengeance mais la justice. Il se bat pour sauver Vania et ce faisant il se bat pour que les paysans gardent leurs terres et n'en soit plus chassés par la force et la violence  Son combat est donc aussi social et politique. 
Le charme du film tient pour beaucoup au personnage de Kai,  tenu par Gaël Garcia Bernal,  qui sait, par son jeu parfaitement mesuré, suggérer tout ce que le personnage peut avoir d'étrange. Le tatouage ailé qu'il porte sur sa nuque n'est-il pas là pour évoquer la présence d'un ange ?  Un ange gardien qui serait aussi un peu sorcier et à l'occasion... superman ? Une fois encore, dans un film argentin, le spectateur se retrouve aux bords de l'irréel.


24 mars 2015

Ojoloco : cinéma cubain 2


Trois autres films cubains étaient présentés dans le cadre du festival.

Un documentaire, Le Rideau de sucre de Camila Guzman Urzua, qui fait le point sur la génération née au début de la Révolution, adolescents dans les années 70/80 et qui sont maintenant pour la plupart revenus de leurs illusions, mais gardent au coeur la qualité de l'éducation reçue.

Melaza de Carlos Lechuga est "officiellement" une comédie, mais une comédie douce-amère et à vrai dire plus amère que douce. Les images d'ouverture sont assez claires : d'une part des paquets de propagande lancés par avion qui atterrissent dans un champ où les cannes ont été coupées il y a longtemps; d'autre part une sucrière fermée, en voie de délabrement. Sur cette lancée, le film passe de la débacle économique de Cuba à celle d'un jeune couple logé dans une maison d'une seule pièce avec leur fille et la grand-mère impotente mais autoritaire !
Lui est instituteur, elle continue de se rendre à son travail bien que l'usine soit fermée. Pour survivre, ils sont l'un et l'autre contraints de se livrer à toutes sortes de trafics, illégaux bien entendu comme la vente de viande ou la location de leur taudis à des couples illégitimes.
Si le film échappe au sordide c'est, d'une part, parce que le réalisateur choisit de faire sourire le spectateur plutôt que de le faire pleurer - ainsi dans cette scène où l'instit, face à la piscine vide, organise une séance de natation sur tabourets! - d'autre part, parce qu'entre Monica et Aldo persiste la tendresse. Ils ne sont pas toujours d'accord, mais au final se retrouvent néanmoins ensemble pour faire face aux aux tracas de la vie cubaine.



Retour à Ithaque de Laurent Cantet et Leonardo Padura, ce huis-clos à ciel ouvert n'est au fond pas si différent. Bien qu'il commence sous le ciel bleu, dans les rires et la musique, il ne cesse de s'assombrir au fur et à mesure que sont révélés les compromis, les renoncements, les trahisons de chacun des personnages. C'est le film des regrets, de la perte des illusions. De la nostalgie aussi de ce qui a été ou aurait pu être. Et le plus étonnant c'est que le film ait été autorisé par l' ICAIC (Institut Cubain d'Art et d'Industrie Cinématographique) qui contrôle toute la production cubaine. Mais cela fait partie des paradoxes de Cuba.

Ojoloco : cinéma cubain 1

Le cinéma cubain était à l'honneur au festival Ojoloco. Ce qui m' a donné l'opportunité de voir, entre autres, deux vieux films cubains dont je connaissais l'existence sans jamais avoir pu les visionner.

Soy Cuba, le grand film de propagande réalisé en 64 par Mikhail Kalatozov a fait l'objet d'une séance particulière puisque la projection était accompagnée par la musique "en live "et très contemporaine du groupe SZ.
Mais, avec ou sans musique les images de ce film en noir et blanc étaient éblouissantes : travail de la lumière, cadrages obliques, contre-plongées, extraordinaire travelling pour suivre les funérailles de l'étudiant, dont je me demande encore comment il a été fait  avec les moyens de l'époque !  Le plaisir visuel est intense et témoigne de la virtuosité du réalisateur. Un seul regret : seuls deux épisodes sur les quatre qui constituent le film ont été projetés. Quand aurais-je la chance de voir les deux autres ?


La mort d'un bureaucrate de Thomas Gutierrez Aléa date de 66. C'est une comédie  qui part en guerre contre la bureaucratie qui gangrène la société cubaine. Un ouvrier méritant est enterré en grandes pompes et pour souligner son ardeur au travail il est enterré avec son livret de travail. Or, pour toucher sa pension, sa veuve a besoin du livret. Comment récupérer le livret, c'est tout le sujet du film. Une farce macabre sans doute mais infiniment drôle.

Guantanamera, la comédie du même Gutierrez Alea assisté de Juan Carlos Tabio sortie en 1996, n'est pas  vraiment un remake du premier film, mais le thème en est proche : le transport d'un cercueil d'un bout à l'autre de l'île.  Apparemment, il n'est pas facile de vivre à Cuba mais il n'est pas facile non plus d'y mourir !

23 mars 2015

Ojoloco : Conducta

Voilà un tout jeune festival - il n'en est qu'à sa troisième édition - qui permet aux Grenoblois de découvrir le cinéma espagnol et latino-américain ! Le projet émane d'une association étudiante Fa Sol Latino qui effectue un remarquable travail de sélection : 15 avant-premières, 10 inédits... autant dire beaucoup de films que l'on risque de ne pas voir avant longtemps sur les écrans et c'est bien dommage.

 
Le Festival est maintenant terminé. Le prix du public a été décerné.  Et pour ma plus grande satisfaction il a été attribué à Conducta, un film d'Ernesto Daranas.

Chala est un enfant mal parti dans la vie : pas de père, une mère alcoolique et droguée. Il parvient tout juste à survivre en élevant des pigeons et en s'occupant des chiens de combat d'un voisin. Mais c'est un enfant plein de vie, un enfant comme les autres. Un peu plus turbulent peut-être et lorsque la vieille institutrice qui l'avait pris sous son aile, tombe malade, sa vie dérape un peu plus. 

L'histoire de Chala n'est certes pas une histoire à l'eau de rose, et le réalisateur aurait pu en faire un film misérabiliste à souhait. Mais pas du tout. Ce qui reste de ce film c'est l'énergie extraordinaire de ce gamin,et de l'institutrice : ni l'un ni l'autre ne sont conformes à ce que le système attend d'eux. Ce sont des êtres fondamentalement libres qui ruent dans les brancards et parviennent, en fin de compte à modifier un peu, un tout petit peu les perspectives. Il n'est pas étonnant que les spectateurs se soient attachés à ce drôle de gamin et à un film qui joue sur l'intelligence autant que sur l'émotion.  Un film emporté de surcroit par des acteurs remarquables. 


Conducta a semble-t-il eu beaucoup de succès à Cuba, il a été sélectionné pour les Oscars, les Goyas, mais hélas, n'a pas encore trouvé de distributeurs en France. Je ne sais si l'attribution du Prix du Public Ojoloco permettra au film de sortir sur nos écrans, je le souhaite en tout cas.
 







18 mars 2015

Iranien

Il n'y a sans doute pas beaucoup de copies de ce film qui circulent en France. Ce qui est bien dommage car malgré l'austérité du sujet -  quatre mollah acceptent de passer deux jours en compagnie du cinéaste et de discuter avec lui de la république islamique dont ils sont les défenseurs - le film est intéressant de bout en bout.
La rencontre a lieu dans la maison de campagne du réalisateur, Mehran Tamadon. On voit les mollahs arriver l'un après l'autre, s'installer, plaisanter. Certains sont accompagnés de leur famille (mais on ne verra pas beaucoup leurs femmes). On prépare des brochettes ... La mise en place est celle d'un banal week-end entre amis.


Les discussions qui commencent alors, sont assez formelles mais pas dénuées d'humour. Et pour le spectateur c'est peut-être là que commence la frustration car attaquer la Répubique islamique sur le port du voile imposé aux femmes n'est peut-être pas le meilleur angle d'attaque, et les mollahs ont beau jeu de renvoyer les occidentaux à l'indécence de certaines tenues. J'aurais aimé que le cinéaste interroge plutôt ces messieurs sur le fait qu'en matière d'héritage, par exemple, une femme iranienne vaut la moitié d'un homme. Ce qui me paraît autrement grave que le port d'un voile dont les iraniennes ont pris l'habitude de se jouer.
Mais sans reprendre de part en part les sujets abordés dans le film, et quel que soit l'intérêt de la discussion, on se retrouve dans ce film, comme dans un dialogue de Platon. On aimerait pouvoir apporter la contradiction au philosophe si sûr de lui, mais non  ! le dialogue est écrit et par conséquent faussé. Que le cinéaste face à ses contradicteurs ait été prudent on le comprend, et on admire son audace, mais, j'aurais vraiment aimé parfois pouvoir lui glisser quelque argument à l'oreille.
Il est vrai qu'en face de lui, ils étaient quatre, rodés depuis longtemps à l'argumentation et à la propagande.  Quatre. Ce qui d'une certaine façon faisait aussi leur faiblesse car les propos de chacun étaient tenus sous la surveillance des autres. Impossible dans ce cas de s'écarter de la doxa.
A la fin du week-end chacun reste bien entendu sur ses positions, le partisan de la démocratie et les partisans de la République islamique.  Il ne pouvait en être autrement. mais qu'un dialogue courtois ait pu exister est déjà un sujet de satisfaction.



10 mars 2015

Un été à Osage county

Je ne vais pas souvent au théâtre; et quand j'y vais je m'y ennuie souvent. Mais là, non !

La pièce est un peu longue, le sujet (règlement de comptes en famille) déjà traité, mais il y sans doute dans les dialogues un air de vérité qui finit par convaincre.

La pièce est supposée se passer dans l'Oklahoma, mais en dehors de quelques détails vestimentaires  (les Santiags ! ), et des intermèdes musicaux qui viennent régulièrement ponctuer l'avancée de l'intrigue, rien ne m'a paru spécifiquement américain.  Ce qui se joue entre les personnages pourrait se jouer n'importe où, en France,  en Allemagne ou ailleurs 

Je crois surtout que chacun des personnages est suffisamment typé pour être tout à fait crédible, comme des individus qu'on aurait pu rencontrer dans notre propre famille ou dans celle des autres.
Le pivot de la pièce c'est bien entendu la mère, formidable personnage de mère abusive qui n'a pas peur d'asséner à chacun ses quatre vérités. Un rôle formidable tenu par une actrice formidable, Anne Mercier dont la voix "éraillée par les clopes et les ans" colle parfaitement au personnage.  Et sa petite danse finale est assez jubilatoire.

Non, pour une fois je ne me suis pas ennuyée au théâtre.




09 mars 2015

Plus que 12 jours

La pluie, le vent, le froid et même la neige n'y feront rien : dans 12 jours le printemps sera là. 
En attendant, les crocus ont déjà mis un peu de couleur au jardin. 
Soit qu'ils aient été plantés là de longue date et persistent à revenir, année après année. ...



Soit qu'ils aient décidé de s'installer là, entre deux marches, sans qu'on leur ait rien demandé.  Ni leur papiers ni leur permis de séjour. Qui s'en plaindrait !





04 mars 2015

Réalité

Mon troisième Dupieux après Rubber et Wrong Cops. Difficile de savoir à quoi s'attendre quand on va voir un film de ce réalisateur :  un fourre-tout passablement foutraque; un collage approximatif de personnages improbables et de situations inattendues; quelques blagues étirées entre esprit potache et nostalgie surréaliste.
Réalité n'échappe pas à la règle. Mais plus attentive peut-être que d'habitude au montage du film, il m'a semblé que cette fois, Quentin Dupieux penchait plus du côté de l'Oulipo et de Pérec que de, mettons Vincent Macaigne.  Car son film entraîne le spectateur dans un imbroglio entre fiction et réalité tel qu'il devient impossible de distinguer, la réalité de son double imaginé, chaque personnage se trouvant à un moment dans le rêve (ou le cauchemar !) d'un autre personnage.
A force de ne plus percevoir la réalité qu'à travers les écrans de télé et de cinéma mais aussi les écrans de nos fantasmes, comme le personnage de cameraman interprété par Alain Chabat qui s'efforce constamment - déformation professionnelle - de "cadrer" ce qu'il voit pour transformer un espace réel en espace de fiction,  nous risquons en effet de perdre le sens de la réalité.  C'est en tout cas ce que semble suggérer le cinéaste. Mais cette réalité sur laquelle nous n'avons aucune prise, est tellement banale et tellement ennuyeuse que nous ne devrions avoir aucun scrupule à la troquer contre les extravagances du monde imaginaire.

03 mars 2015

American sniper

Après quelques hésitations, je me suis finalement décidée à aller voir le dernier film de Clint Eastwood. Je l'ai non seulement vu, mais j'ai ensuite parcouru quelques uns des articles qui lui sont consacrés, auxquels je donne dans l'ensemble raison, qu'ils approuvent le film ou le désapprouvent.
Car l'ambiguïté du film est telle que chacun peut effectivement y voir ce qu'il veut : une charge contre la guerre, contre ses conséquences pour tous ceux qui en reviennent mutilés physiquement ou psychologiquement aussi bien qu'un éloge du dépassement de soi et de l'esprit de sacrifice de celui qui se croit investi d'une mission.

La métaphore du berger ou plutôt du chien de berger est un peu lourde j'en conviens, mais elle est tout à fait appropriée. Car la responsabilité finale n'est pas celle du chien qui pour défendre "son" troupeau, égorge les loups, mais celle du berger qui envoie ses moutons sur des pâturages qui ne sont pas les siens.

Mais pour percevoir derrière l'appareil d'un film d'action somme toute assez classique, l'esquisse d'une interrogation, il faut sans doute accepter d'entrer dans la salle sans préjugé. Ce n'est pas le plus facile.




02 mars 2015

Gilbert, George et Obey


L'espace Vallès à Saint Martin d'Hères n'est pas très grand et un peu biscornu, mais, lorsqu'il est astucieusement utilisé,  comme c'est le cas, il met parfaitement en valeur les oeuvres prêtées (jusqu'au 14 Mars) par Claudine et Jean-Marc Salomon qu'il s'agisse de tableaux des artistes anglais Gilbert & Georges ou de ceux du Shepard Fairey plus connu sous le pseudo d'Obey.

D'autant que la juxtaposition des oeuvres, qui pourrait a priori paraître incongrue fonctionne parfaitement. Il y a entre elles je ne sais quelle connivence -  couleurs ? gaîté ? irrévérence ? - qui saute aux yeux dès l'entrée dans la salle.

Aux oeuvres accrochées sur les murs s'ajoutent quelques vidéos, dont une performance dansée de Gibert & George bien dans l'esprit de ces deux inclassables.

Je m'étais désolée de la fermeture du Château d'Arenthon qui abritait la Fondation Salomon mais je me réjouis de retrouver, le temps d'une exposition l'esprit de ce lieu et de leurs propriétaires.